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Éditorial

Hoser

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Hoser est un terme populaire anglais qui désigne un Canadien ayant peu d’éducation et une intelligence limitée. Étant presque toujours un homme blanc, un hoser est, d’une certaine manière, l’équivalent canadien d’un hillbilly ou d’un redneck américain (sans la connotation ouvertement raciste du deuxième terme). Le terme hoser entre dans la langue populaire au début des années 1980, où il est répandu par Rick Moranis et Dave Thomas dans l’émission de télévision SCTV.
Bob et Doug McKenzie

Rick Moranis et Dave Thomas en frères canadiens fictifs Bob et Doug McKenzie, animateurs de Great White North.

Bob et Doug McKenzie dans une photo promotionnelle du film Strange Brew. Le duo est incarné par les acteurs Rick Moranis et Dave Thomas.

Avec la permission de MGM.

« Dégage, hoser! »

« La folie du terme hoser se répand comme une traînée de poudre », remarque au début des années1980 la présentatrice de télévision Leslie MacKinnon lors de The Journal, un téléjournal sur les ondes de la CBC. Ce sont les frères Bob et Doug McKenzie, des personnages récurrents de l’émission de télévision humoristique SCTV, qui provoquent un tel engouement.L’émission, d’abord diffusée au Canada, se rend à NBC, aux États-Unis, en 1981. Bien que les comédiens Rick Moranis (Bob) et Dave Thomas (Doug) ne soient peut-être pas les premiers à avoir utilisé le mot hoser, ils sont à l’origine de la popularisation de l’expression.


En 1980, après que SCTV quitte la chaîne Global Television Network pour faire partie de la programmation de la CBC, les directeurs du réseau demandent aux producteurs de l’émission d’ajouter deux minutes de « contenu auquel peuvent s’identifier les Canadiens ». Rick Moranis et Dave Thomas créent alors « The Great White North » (le Grand Nord blanc), un sketch hebdomadaire improvisé dans lequel Bob et Doug représentent le stéréotype du Canadien peu scolarisé: buveur de bière, mangeur de bacon, amateur de beignes et, souvent, parleur inintelligible. Le manque de prétention des deux frères, leur joie de vivre et l’affection brute qu’ils se portent les rendent attachants pour le public, malgré leurs limites qui ne font aucun doute.

D’abord créé pour ajouter du temps, le sketch devient rapidement l’élément le plus populaire de l’émission. Les deux personnages portent des parkas, des chemises à carreaux et des tuques avec des cache-oreilles. Ce sont des hosers. L’aspect comique des sketchs provient principalement du fait que les personnages sont incapables de comprendre quoi que ce soit qui existe à l’extérieur de leur univers et qu’ils peinent même à comprendre plusieurs éléments qui les concernent. « S’il existait une définition du plus petit commun dénominateur, je crois que ce serait ça », explique Dave Thomas à Leslie MacKinnon. De temps à autre, Bob et Doug utilisent aussi le terme hosehead pour s’insulter l’un l’autre. Par exemple, lors d’un épisode, Bob pose une question stupide sur un type de bière et Doug répond « ‘Cause it says so on the label, hosehead » (parce que c’est écrit sur l’étiquette, hosehead).


D’où provient le terme hoser?

La présence du terme hoser avant la création du sketch « The Great White North » est incertaine. Plusieurs allégations ont cependant été faites depuis l’apparition du mot. Un article publié dans le Globe and Mail en 1982 avance que le terme « fait son apparition peu de temps après que les automobiles et les tracteurs à essence commencent à être utilisés dans les Prairies.  » Sur une ferme, une personne siphonnant de l’essence du fût d’un voisin à l’aide d’un tuyau (hose) en caoutchouc était, il semblerait, appelée hoser. Toutefois, un rédacteur du Vancouver Sun déclare en 2010, avec tout autant d’assurance, que « le terme provient de l’époque pré-Zamboni, lorsque l’équipe perdante devait arroser (hose) la glace après la partie de hockey ». Aucune preuve ne peut appuyer ces deux propositions, qui semblent relever d’« étymologie populaire ».

La première utilisation officielle du terme hoser semble avoir lieu en 1981, pendant une entrevue pour le Toronto Star lors de laquelle Rick Moranis définit le mot comme « ce dont tu traites ton frère quand tes parents ne te laissent pas jurer ». La proximité entre les mots hoser et loser pourrait également expliquer la vraie origine du terme, tout comme le fait que l’une des définitions du Canadian Oxford Dictionary (deuxième édition, 2004) pour le verbe hose est « deceive, swindle » (duper, escroquer). À l’occasion, dans « The Great White North », les deux acteurs donnent précisément ce sens au verbe hose. Toutefois, le Collins Canadian Dictionary (2010) note une différence entre le sens américain de hoser (« une personne qui en escroque ou en dupe une autre ») et le sens canadien (« une personne, généralement rustique, qui manque de raffinement  »). Finalement, un autre facteur pouvant expliquer l’origine du mot se trouve dans l’Oxford English Dictionary, qui relève que, depuis les années1920, hose est un mot d’argot américain désignant un pénis, comme on peut l’entendre dans la célèbre rime: « Mes chers amis rappelez-vous avant que l’eau ne coule / D’ajuster votre distance en fonction de votre tuyau [traduction libre]. »

Qu’est-ce qu’un hoser?

Un hoser est presque toujours un homme blanc. Il est, d’une certaine manière, l’équivalent canadien d’un hillbilly ou d’un redneck américain (sans la connotation ouvertement raciste du deuxième terme). Une parodie du message d’intérêt public canadien « Faune et flore du pays » affirme que « le hoser se tient généralement en meutes. Son habitat traditionnel est un stationnement de Tim Hortons, un Harvey’s ou un aréna. S’alimentant principalement de cigarettes, de café, de poutine et de bière, le hoser est un animal coloré... Et un souillon. »


Une autre vidéo, « Comment savoir si vous êtes un hoser canadien », donne des conseils à ses spectateurs, comme celui d’« adopter ouvertement leurs stéréotypes » et d’« être un enfant, parce qu’un hoser, ça aime s’amuser ». Les conseils, cependant, présupposent la dure réalité: « Vous êtes un idiot ». En effet, dans un épisode de « The Great White North », Doug annonce que son frère a échoué à sa sixième année.

Rire de Bob et de Doug McKenzie, ainsi qu’imiter leurs habits et leur tendance à dire eh en parlant, permet aux Canadiens de célébrer leur existence de manière ironique mais bien intentionnée. Cette même image du hoser canadien, si elle avait été proposée par des humoristes des États-Unis ou de tout autre pays, aurait probablement causé une réaction bien différente. Bien que le hoser soit un stéréotype, ce sont des Canadiens qui l’ont inventé et la population canadienne qui l’a adopté. Par exemple, plusieurs des personnages masculins de la populaire émission de télévision Trailer Park Boys (diffusée pendant 12saisons à partir de 2001) pourraient être considérés comme des hosers. On pourrait dire la même chose d’une plus récente émission humoristique canadienne, Letterkenny.En 2010, lorsque Fitzhenry and Whiteside publie une version mise à jour du Canadian Thesaurus (dictionnaire des synonymes canadiens), le terme hoser est considéré comme l’équivalent de « blockhead, dolt, dope, lout, moron » (imbécile, crétin, abruti...) mais aussi comme un synonyme non officiel de Canadien.

Hosers au 21esiècle au Canada

Le terme hoser est-il aujourd’hui déplacé? Le stéréotype du hoser a toujours été un symbole exagéré pour désigner l’homme canadien blanc moyen. Compte tenu de l’évolution de la société et de la politique dans les dernières décennies, ce symbole est devenu vraisemblablement problématique. Au 21esiècle, le Canada est un pays beaucoup plus urbain, diversifié et multiculturel qu’au début des années1980 (voir Population du Canada). Les hosers sont une réflexion distordue d’un Canada du passé.

Le concept selon lequel un hoser représente tous les Canadiens génère aujourd’hui un certain inconfort. John Doyle, critique de télévision du Globe and Mail, accuse le Canada d’être « un pays hoser » dans un article de 2013 intitulé «  Rob Ford et le triomphe des nouveaux hosers ». « Nous admirons les hosers, nous avons de la sympathie pour eux et, parfois, nous les laissons même nous diriger.  » John Doyle avance que Rob Ford, alors maire de Toronto, est « un parfait hoser » qui « parle comme un hoser et vit une vie de hoser ». Des opinions similaires sont exprimées dans des publications telles que le Los Angeles Times, le Guardian, le Salon et le Maisonneuve. L’image du hoser, qui autrefois unissait les Canadiens dans l’humour, semble aujourd’hui les séparer dans l’agacement.