Illustration | l'Encyclopédie Canadienne

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 La plus ancienne illustration se rapportant au Canada est une vue à vol d'oiseau d'Hochelaga et de ses environs, publiée par Giovanni Ramusio à Venise en 1556.
\u00ab Under the Cliffs, Port Stanley \u00bb
Lucius O'Brien, 1873, aquarelle (avec la permission de Mme Eigil Simmelhag).
\u00ab Lac des Deux-Montagnes \u00bb
Otto Jacobi, 1860, huile sur toile (avec la permission du Musée du Québec).
Affiche pour recruter des ouvriers agricoles
Une affiche de 1911, pour recruter de la main d'oeuvre pour les moissons dans l'Ouest du Canada. Les trains de tourisme amenaient des travailleurs d'aussi loin qu'Halifax (avec la permission des Bibliothèque et Archives Canada/C-56088).
\u00ab Rocher Percé \u00bb (peinture)
Lucius O'Brien, 1882, aquarelle (avec la permission de M. John Grant, de Vancouver).
Catastrophe ferroviaire
Le 12 mars 1857, un train de voyageurs fait s'écrouler le pont du grand Chemin de fer Occidental au-dessus du canal Desjardins, faisant 59 victimes (avec la permission de la Metropolitan Toronto Reference Library/T14996).
Notre-Dame de la Victoire, vue de
Les dessins de Richard Short montrent les dégâts causés par les bombardements anglais lors du siège de Québec, en 1759 (avec la permission des Bibliothèque et Archives Canada/C-357).
Fleurs sauvages des Rocheuses
Couverture de magazine conçue par F.H. Varley, en 1906 (avec la permission de la Metropolitan Toronto Library).
Give Us the Tools
Reproduction sérigraphique réalisée par A.J. Casson (avec la permission des Bibliothèque et Archives Canada).

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La plus ancienne illustration se rapportant au Canada est une vue à vol d'oiseau d'Hochelaga et de ses environs, publiée par Giovanni Ramusio à Venise en 1556. Cette vue fantaisiste tient davantage aux idées préconçues de cet artiste inconnu sur la nature du pays entourant la future ville de Montréal qu'à sa source la plus récente, la description de Jacques Cartier de sa visite au village iroquois en 1535.

Comptes rendus des explorateurs et des commerçants

Les représentations graphiques ultérieures des faits bruts tels que rapportés par les explorateurs et les commerçants allaient dépendre de la capacité d'interprétation des graveurs qui devraient reproduire des scènes qu'ils n'avaient jamais vues. On peut en dire autant des croquis sommaires de Samuel de Champlain, publiés dans ses récits de voyages entre 1604 et 1632; de Marc Lescarbot, dans son Histoire de la Nouvelle-France (1609); du botaniste J.P. Cornut, dans son Canadensium Plantarum (1635-1662); du père François Du Creux, dans son Historia Canadensis (1660); et du père Louis Hennepin, dans le Nouveau Voyage d'un païs plus grand que l'Europe (1698), où l'on trouve la première représentation des chutes Niagara et peut-être la première véritable illustration d'un paysage canadien. Dans chaque cas, une expérience de première main a été rendue par une deuxième ou une troisième personne.

Avant 1760, la Nouvelle-France n'a pas produit d'images gravées qui lui soient propres. On n'y trouvait ni le marché ni les presses nécessaires à l'impression des plaques de cuivre. Toutefois, l'expansion du peuplement britannique dans les Maritimes et au Haut-Canada comprenait non seulement des imprimeurs et des éditeurs (et des lecteurs), mais aussi des artistes et des graveurs. Les vues et les cartes des topographes Thomas Jefferys, Richard Short et du capitaine Hervey Smyth, publiées au début des années 1760, de J.W. Desbarres, auteur de The Atlantic Neptune, dans les années 1770 et 1780, et de Joseph Bouchette, dans les années 1830, témoignent de l'intérêt déclenché en Angleterre par la présence britannique en Amérique du Nord. Ces descriptions d'Halifax, de Québec et d'autres endroits et scènes peuvent être qualifiées d'« illustrations » seulement dans la mesure où elles ont été publiées en plusieurs formats reprographiques, habituellement dans des cartons reliés ou des feuilles volantes, avec un minimum de texte.

Artistes militaires

Après la Conquête et la colonisation sont venues l'exploration et l'exploitation du territoire. Pratiquement dès les débuts, les explorateurs des régions de l'extrême ouest du Canada, de l'extrême nord de la côte du Pacifique et du Grand Nord se sentaient dans l'obligation d'appuyer leurs rapports sur des dessins et des aquarelles qu'eux-mêmes ou des collègues réalisaient. Cette pratique, transmise dans les collèges navals et militaires comme discipline permettant d'aiguiser la perception et d'aider à déterminer la position du matériel militaire, s'est étendue en gros des années 1770 aux années 1870.

Cette tradition inclut les journaux et les récits de voyages qu'ont publiés de gens comme James Cook (dont l'artiste de bord était John Webber), John Meares, Samuel Hearne, George Vancouver, sir John Ross (dont le Voyage of Discovery... in His Majesty's Ships Isabella and Alexander, de 1819, contient une aquatinte d'après un dessin d'un passager clandestin inuit du Groenland, John Sackhouse ou Saccheuse), Edward Parry, G.F. Lyon, Robert Huish et F.W. Beechey.

Il ne fait pas de doute que George Back a été le plus chevronné parmi les auteurs-artistes associés aux latitudes boréales. Ses aquarelles peintes sur place ont d'abord été reproduites aux côtés de celles du tout aussi talentueux Robert Hood dans les récits des expéditions arctiques de 1823 et de 1828 de sir John Franklin. Les propres esquisses de Back, gravées par Edward Finden, illustrent son ouvrage Narrative of the Artic Land Expedition to the North of the Great Fish River... (1836), mais les difficultés de son dernier voyage, qui a failli tourné au désastre et qu'il raconte dans Narrative of an Expedition in HMS Terror... in the Years 1836-37, l'ont forcé à confier le rôle de dessinateur à son premier lieutenant William Smyth.

La disparition de l'expédition de 1845 de sir John Franklin a suscité parmi le public un regain de fascination pour les régions polaires et subpolaires, comme en témoignent maints récits illustrés. Au tournant du siècle, cependant, après qu'on eut atteint le pôle Nord et réalisé la traversée du passage du Nord-Ouest, l'attention des lecteurs et des éditeurs s'est tournée vers l'Antarctique. L'archipel Arctique ne sera pas reconquis par le Canada avant les expéditions à vocation artistique de membres du Groupe des Sept dans les années 1920 et 1930.

Vers les années 1770, un nouveau genre avait fait son apparition : les récits illustrés de voyages terrestres et leurs versions fictives et poétiques (voir Littérature de langue française sur les explorations et les voyages). L'arrivée dans le Nouveau Monde d'entrepreneurs, de colons, de touristes, de naturalistes, d'arpenteurs et de traiteurs de pelleteries qui avaient un penchant pour la rédaction de journaux personnels et de descriptions a donné lieu à une abondante littérature. Le plus souvent, ce matériel imprimé était accompagné de gravures et de lithographies représentant des paysages, des édifices et des gens rencontrés au cours de voyages le long des cours d'eau et des pistes, des routes et des chemins de fer qui menaient plus avant vers l'ouest.

Le plus plaisant de ces volumes, du point de vue artistique aussi bien que littéraire, est probablement Travels Through the Canadas (1807), de George Heriot, un amateur qui représente avec talent le style pittoresque alors en vogue.

Deux publications particulièrement réussies et influentes ont paru à Londres en 1842 : Sketches in the Canadas, de Coke Smyth, et Canadian Scenery from Drawings by W.H. Bartlett, de N.P. Willis, la première illustrée de lithographies et la seconde de gravures. Au milieu du siècle, l'intérêt des Britanniques a toutefois commencé à s'estomper, et les éditeurs nord-américains ont pris la relève et publié des guides de voyage et des ouvrages à l'intention des immigrants, des récits et des collections de vues destinés aux Européens et, de plus en plus, aux lecteurs locaux.

Introduction de l'imprimerie

L'arrivée de l'imprimerie en Nouvelle-Écosse et au Québec dans les années 1760 et 1770 et dans le Haut-Canada dans les années 1790 n'a pas bien servi à l'origine les artistes en arts visuels. Ce que l'on considère comme la première image imprimée du Canada, une vue d'Halifax, a été publiée dans le Nova Scotia Calendar de 1776.

On pense que les premières gravures de paysages réalisées au Canada ont été publiées en 1792 dans La Gazette de Québec de John Neilson. Il s'agit d'une vue de Québec et une autre des chutes Montmorency produites par J. Painter et J.G. Hochstetter respectivement. Le premier portrait gravé connu, également de Hochstetter, a été publié la même année dans le Quebec Magazine. La capitale du Bas-Canada est demeurée le foyer des arts graphiques et de l'imprimerie jusqu'à l'essor de Montréal dans les années 1850, puis de Toronto dans les années 1870 et 1880.

The Picture of Quebec, un ouvrage rédigé et illustré par George Bourne, a été publié à Québec en 1829 par David Smillie & Sons. En 1830, Adolphus Bourne a fait paraître des vues de Québec par R.A. Sproule, puis Thomas Cary and Sons ont publié en 1831 Quebec and its Environs du topographe militaire James P. Cockburn. À Montréal a paru Hochelaga Depicta (1839) de Bosworth Newton, qui comprend des lithographies d'après des peintures de James D. Duncan, et à Toronto, The British American Cultivator (1842), présentant des gravures sur bois de Frederick C. Lowe.

Jusqu'à cette époque, le manque de graveurs et de lithographes formés à reproduire les dessins ou les peintures entravait l'amélioration des standards de publication des illustrations. Il fallait habituellement envoyer le travail en Europe ou aux États-Unis, jusqu'à ce qu'on parvienne à attirer au Canada des praticiens étrangers rompus à cette discipline. Bien qu'inventée en 1776, la lithographie est apparue dans le Haut-Canada seulement en 1830, quand Samuel Tazewell a établi à Kingston une presse lithographique qui a connu une courte existence.

C'est à Hugh Scobie, de Toronto, que revient le mérite d'avoir fait un succès de la nouvelle technologie. Toutefois, les possibilités de ce mode de reprographie encombrant mais économique n'ont commencé à être véritablement explorées qu'avec l'arrivée au milieu du siècle de la lithographie sur pierre grisée et, par la suite, de la chromolithographie et de leur complément, la presse rotative à vapeur. Encore en 1859, Paul Kane, auteur de l'ouvrage illustré sans doute le plus important du XIXe siècle, Wanderings of an Artist, a dû faire appel à un éditeur de Londres pour s'assurer que ses peintures et ses aquarelles soient correctement transposées en chromolithographie et en gravure sur bois.

Agnes Dunbar Chamberlin a dû se contenter de colorier à la main les lithographies noir et blanc tirées de ses aquarelles pour illustrer Canadian Wild Flowers (1868) de Catherine Parr Traill, qui n'a été tiré en chromolithographie qu'en 1885.

Au début, la lithographie servait le plus fréquemment à illustrer les atlas de comté. Plus tard, on l'a adaptée à la création d'affiches et de panneaux publicitaires, de cartes de qualification et d'étiquettes. La Toronto Lithographing Co. se spécialisait dans tous ces domaines et pouvait se vanter, dans les années 1890, d'être l'une des entreprises les plus vastes et les plus avancées en Amérique du Nord dans ce secteur. Son service artistique employait un certain nombre des artistes illustrateurs les plus connus de l'époque, dont W.D. Blatchly, William Bengough, J.D. Kelly, C.W. Jefferys et J.E.H. MacDonald. En 1909, la compagnie a été achetée par la Stone Ltd., qui, à son tour, s'est associée à Rolph and Clark pour former en 1917 la Rolph, Clark, Stone. Hamilton, Montréal et Ottawa comptaient aussi d'importants ateliers de lithographie.

Gravure sur bois

C'est John Allanson, originaire de Newcastle et élève de William Bewick, maître de la taille-blanche, qui a apporté la gravure sur bois à Toronto en 1849. Son Anglo-American Magazine et son Canadian Journal, tous deux lancés en 1852, comprennent des illustrations de Hamilton, de Kingston et de Toronto. La qualité demeurait variable, cependant, jusqu'à ce que Frederick Brigden père immigre de Londres à Toronto. Rachetant la compagnie de ses partenaires, les frères Beale, il l'a d'abord rebaptisée la Toronto Engraving Co. et ensuite Brigden's Ltd., se spécialisant dans les catalogues, les journaux et les périodiques.

La compagnie s'est adaptée aux nouveaux procédés photomécaniques qui ont vu le jour dans les années 1880 et a prospéré sous la direction de son fils, l'artiste F.H. Brigden. La Brigden's a ouvert une succursale à Winnipeg qui, comme la maison de Toronto, a attiré plusieurs illustrateurs connus qui ont aussi acquis une réputation comme peintres et graveurs d'art, dont Charles Comfort, H.E. Bergman et Fritz Brandtner.

La rareté de graveurs experts à Montréal et le nombre croissant de photographes qualifiés peuvent avoir incité le graveur William A. Leggo à concevoir le tout premier procédé de similigravure, le leggotype, en 1869. Cette année-là le premier magazine au monde imprimé en similigravure paraît dans le premier numéro du Canadian Illustrated News (CIN), publié par G.-É. Desbarats. La revue a survécu jusqu'en 1883 et était illustrée de leggotypes jusqu'en 1871, année où des problèmes techniques ont forcé Desbarats à retourner à la gravure au trait comme technique de base.

Parmi d'éminents illustrateurs à son service, on compte William Cruikshank et F.M. Bell-Smith, qui couvraient la scène torontoise, et Henri Julien, qui couvrait Montréal hebdomadairement. Même si son lectorat potentiel et ses clients de publicité étaient insuffisants pour soutenir une entreprise aussi ambitieuse, le journal a eu des imitateurs, y compris L'Opinion publique, de Desbarats lui-même (qui partageait le contenu visuel avec le CIN, mais gardait son indépendance éditoriale), le Dominion Illustrated News, le Canadian Graphic et le Saturday Night, qui a célébré son centième anniversaire de publication ininterrompue en 1987.

Grip était une revue consacrée à la politique et publiée par J.W. Bengough. Auteur de A Caricature History of Canadian Politics (Toronto, 1886), il a mis sur pied la Grip Printing and Publishing Co. qui, en collaboration avec la Toronto Litho Co., a fait paraître le Canadian War News, couvrant la Rébellion du Nord-Ouest de 1885. Grip Ltd., la compagnie de graphisme qui était née de la maison d'édition, en est venue à employer Tom Thomson et la plupart des membres du Groupe des Sept, tous formés comme photograveurs, lithographes ou illustrateurs.

Le départ de leur directeur artistique, A.H. Robson, en 1912 les a incités à le suivre chez Rous and Mann Limited, une entreprise rivale, ou à tenter de faire carrière à plein temps comme peintres de la nature sauvage canadienne. Franklin Carmichael et A.J. Casson, deux membres du Groupe, ont plus tard été attirés chez le chef de file en sérigraphie à Toronto, Sampson-Matthews.

Picturesque Canada a été la plus ambitieuse aventure d'édition de gravure sur bois au pays. Comprenant des textes de George Monro Grant, la publication a paru en série en 1882-1884 chez Art Publishing Co. et sous la forme d'un livre en deux volumes en 1884. Les éditeurs, H.R. et R.B. Belden, étaient des expatriés américains qui avaient débuté au Canada dans la production d'atlas illustrés de comté.

Le directeur artistique, L.R. O'Brien, a commencé à choisir ses sujets et à confier des commandes à des artistes et à des graveurs dès 1880. Il a soulevé la controverse presque aussitôt. Il prétendait que, en raison du manque de Canadiens qualifiés, il fallait faire appel à des étrangers pour dépeindre le pays, ce qui a mis en furie son principal rival, John A. Fraser, et précipité le départ de celui-ci pour les États-Unis en 1882.

Les collaborateurs canadiens de la publication étaient O'Brien lui-même, Fraser, Henry Sandham, O.R. Jacobi, le marquis de Lorne, William Raphael, F.M. Bell-Smith et Robert Harris. Le groupe des Américains, à la tête duquel se trouvaient Frederick B. Schell et J. Hogan, était beaucoup plus nombreux que sa contrepartie canadienne.

Reculs dans les années 1870 et 1880

La déception causée par Picturesque Canada et les dépressions économiques des années 1870 et 1880 ont poussé de plus en plus de Canadiens à émigrer vers le sud, à l'instar de Fraser et de Sandham, qui obtenaient un certain succès à titre d'illustrateurs de livres et de périodiques dans les dernières décennies de ce qu'on a appelé l'« âge d'or du noir et blanc ». Leur percée sur le marché américain a incité un nombre croissant d'artistes à tenter d'obtenir des emplois bien rémunérés en tant qu'illustrateurs de revues, de journaux et de livres.

La vague, qu'avaient prévue le caricaturiste Palmer Cox (créateur des « Brownies »), le portraitiste Wyatt Eaton et le peintre animalier et écrivain Ernest Thompson Seton , incluait le frère de J.A. Fraser, W.L. Fraser, qui publiait le Century Magazine, Jay Hambidge, qui deviendra un important théoricien de l'art, Charles Broughton et William Bengough, dont le départ de Toronto en 1892 a motivé ses contemporains C.W. Jefferys, David F. Thomson et Duncan McKellar à emboîter le pas.

Bien que plusieurs soient rentrés au Canada à cause du mal du pays et du remplacement des illustrateurs par les photographes, quelques élus sont restés pour récolter les fruits à venir : Arthur Crisp, Arthur William Brown, Harold Foster, Robert Fawcett et Norman M. Price, ce dernier, illustrateur de livres et de revues, s'étant distingué à London comme membre fondateur des Carlton Studios. Cette maison de graphisme innovatrice, versée dans la publicité et l'édition et fondée en 1902, avait été conçue par quatre anciens employés de Grip Ltd. et membres de la Toronto Art Student's League, c'est-à-dire Price, A.A. Martin, Arthur Goode et T.G. Greene, et a employé J.E.H. MacDonald de 1904 à 1907. Thomas Mower Martin, a peint des aquarelles de paysages pour Canada (1907), de Wilfred Campbell, le successeur le plus luxueux de Picturesque Canada, dont la couverture portait le logo des Carlton Studios.

La Toronto Art Student's League (fondée en 1886) a également soutenu la cause de l'illustration canadienne et du nationalisme canadien avec ses calendriers souvenirs annuels publiés entre 1893 et 1904. Parmi ceux qui ont activement collaboré à la réalisation des bordures décoratives, de lettrages et de dessins, qui après 1895 portaient sur des thèmes explicitement canadiens, on compte C.W. Jefferys, C.M. Manly, Robert Holmes, F.H. Brigden, A.H. Howard, D.F. Thomson, J.D. Kelly, T.G. Greene, A.A. Martin, Norman Price et J.E.H. MacDonald. La conception des couvertures « art nouveau » de R.W. Crouch, dont par ailleurs on sait peu de choses, est spécialement remarquable.

Destinés à faire connaître non seulement les talents de ses collaborateurs aux clients et aux critiques éventuels, mais aussi le degré de qualité de la reproduction atteint par leurs imprimeurs, les calendriers sont la preuve que le passage de la gravure manuelle à la photogravure n'a pas été désastreux, comme certains adversaires du nouveau médium l'avaient prédit. S'ils trahissent l'influence des meilleurs illustrateurs et concepteurs américains et européens de l'époque, ils recèlent néanmoins un caractère local particulier tant dans leur style que leur contenu.

Bien que la Toronto Art Student's League ait été dissoute en 1904 pour être remplacée par le Maulstick Club, le Graphic Arts Club (plus tard, la Société canadienne des arts graphiques) et l'Arts and Letters Club, son héritage a survécu non seulement dans le travail de son membre le plus prolifique et le plus connu, Jefferys, mais aussi dans les peintures, les illustrations et l'enseignement de Manly, de Holmes, de Brigden et de MacDonald, chef spirituel du Groupe des Sept.

Jefferys est devenu l'illustrateur le plus polyvalent, passé maître dans le domaine de l'éditorial et du livre aussi bien que dans le journal et la publicité. Uncle Jim's Canadian Nursery Rhymes (1908), réunissant des textes de David Boyle et des dessins de Jefferys, pourrait bien être le premier album illustré en couleur pour enfants du Canada, mais en raison de la faillite de son imprimeur britannique, il n'a jamais été distribué dans son pays d'origine.

De la même façon, ses illustrations les plus réussies sont les dessins à la plume qu'il avait préparés pour un projet d'édition des oeuvres de Thomas Chandler Haliburton en 1915 (le projet a avorté, mais il sera mené à terme en 1956, après sa mort, sous le titre de Sam Slick in Pictures). Les seuls artistes historiques qui s'avéraient des concurrents sérieux étaient ses contemporains J.D. Kelly, connu surtout pour sa série de peintures réalisées pour la Confédération, Compagnie d'Assurance-Vie, et le successeur de Kelly, Rex Woods, probablement l'illustrateur le plus accompli sur le plan technique. Ses pendants québécois étaient Henri Julien (comme maître du dessin à la plume) et E.-J. Massicotte qui, après 1918, a produit des centaines de dessins, de peintures et de gravures décrivant la vie et les coutumes de l'habitant canadien-français.

Ces sujets étaient la spécialité de F.S. Coburn, reconnu comme illustrateur pour ses interprétations à l'huile et à la plume de la poésie en dialecte de W.H. Drummond, publiée à New York par G.P. Putnam's Sons. L'authenticité ethnique est mieux rendue dans les images du peintre symboliste Ozias Leduc parues dans Claude Paysan (1869), du Dr E. Choquette, et dans Contes canadiens (1899), de Benjamin Sulte; dans les motifs décoratifs de J.C. Franchère illustrant ses Chansons canadiennes (1907); et dans les oeuvres de M.-A. Suzor-Coté parues dans l'ouvrage de fiction le plus fréquemment illustré du Québec, Maria Chapdelaine (1916), de Louis Hémon.

Les très belles peintures à la tempera de Clarence Gagnon produites pour une édition parisienne de luxe de ce roman constituent probablement la plus belle série d'illustrations de livre réalisée au pays, bien que les illustrations de Gagnon pour Le Grand silence blanc (1929), de L.F. Rouquette, les suivent de près.

Illustration et conception graphique au début du XXe siècle

Les artistes canadiens-anglais « reconnus » ne dédaignaient pas non plus l'illustration et la conception graphique dans le premier tiers du XXe siècle. Ils étaient d'ailleurs encouragés à s'y adonner par les politiques éditoriales et artistiques éclairées d'éditeurs aussi compréhensifs que McClelland and Stewart Inc., Ryerson Press (sous la direction du Dr Lorne Pierce), Ottawa's Graphic Press, Macmillan (Canada), J.M. Dent (Canada) Ltd., Musson et Rous and Mann Press Ltd.

Les membres du Groupe des Sept, J.E.H. MacDonald, F.H. Varley, A.Y. Jackson, Arthur Lismer, F.H. Johnston, Frank Carmichael et Edwin Holgate, ont tous apporté une importante contribution à la modernisation du livre illustré dans les années 20 et 30, tout comme leurs contemporains Stanley Turner, W.J. PHILLIPS, Bertram Brooker, J.W.G. Macdonald, Robert Pilot, Charles Comfort et A.C. Leighton.

Par son travail en noir et blanc hautement caractéristique pour Canadian Forum, Ryerson Press et sa propre entreprise, Woodchuck Press, Thoreau MacDonald, fils de J.E.H. MacDonald, mérite le titre de concepteur graphique et illustrateur de livres le plus expérimenté et le plus aimé au Canada. Sa production s'étend sur six décennies, des années 20 aux années 70. Bien que beaucoup imitée, elle n'a jamais été égalée.

Au cours des deux guerres mondiales, les graphistes du Canada, tout comme les peintres et les sculpteurs, ont été appelés à appuyer l'effort national en collaborant aux campagnes de propagande organisées par le gouvernement fédéral et l'industrie (voir Artistes de guerre). C'est par l'affiche que leur contribution s'est le plus visiblement exprimée, et Arthur Keillor a été le plus talentueux d'entre eux au cours de la Première Guerre mondiale, tandis que Harry Mayerovitch, un protégé de John Grierson de l'Office national du film, s'est distingué au cours de la Deuxième Guerre mondiale.

L'illustration après la Deuxième Guerre mondiale

Après la Deuxième Guerre mondiale, l'illustration de revues a connu une brève période de croissance, tant pour les besoins éditoriaux que ceux de la publicité, inspirée du modèle américain, quoique les médias imprimés populaires soient de plus en plus dominés par la photographie. Plusieurs artistes de cette période se sont taillé une réputation enviable à titre d'illustrateurs et de concepteurs graphiques, y compris des peintres qui exposaient régulièrement dans la tradition du double emploi établie au Canada dans les années 1880 et 1890, par exemple Franklin Arbuckle, William Winter, J.S. Hallam, Jack Bush, Oscar Cahén et Harold Town.

L'attrait des États-Unis s'est de nouveau fait sentir chez plusieurs des artistes de grand talent. À la différence de son ex-compatriote Doug Johnston, qui est parvenu au sommet de sa profession à New York dans les années 70, James Hill est revenu dans sa ville natale de Toronto à la fin de la même décennie. Même si le marché de l'art commercial au Canada était moins lucratif, la concurrence y était aussi moins féroce que chez son voisin américain.

L'illustration de périodiques a connu une renaissance dans les dernières décennies, grâce à environ une demi-douzaine de directeurs artistiques qui ont donné leur chance à une nouvelle génération d'artistes. Grâce aux places vacantes laissées par leurs patrons et leurs mentors partis dans le Sud, plusieurs jeunes artistes en ont profité pour faire leur entrée dans les magazines sur papier glacé à gros tirage. La précarité du milieu de l'édition canadienne, illustrée par la disparition de publications anciennes comme Liberty, Canadian Home Journal, Mayfair et Weekend Magazine, indique qu'il existe peu de marchés sûrs pour du travail de qualité et que les salaires sont relativement faibles. Actuellement, et sans doute pour un certain temps encore, le plus haut degré d'expérimentation et d'innovation se trouve dans le champ spécialisé de l'infographie.

Au cours des 30 dernières années, l'illustration de livres s'est de plus en plus confinée à la littérature pour enfants et aux manuels scolaires, d'une part, et aux livres d'artiste à tirage limité, d'autre part. Parmi les noms les plus notoires associés à la première catégorie des années 50 jusqu'aux années 70 figurent Fred J. Finley, Selwyn Dewdney, John A. Hall, Leo Rampen, John Marden, Lewis Parker, Vernon Mould, Frank Newfeld, Carlos Marchiori, Elizabeth Cleaver and Laszlo Gal. Plusieurs d'entre eux sont également les auteurs des livres qu'ils ont illustrés. C'est le cas de R.D. Symons, Annora Brown, Illingworth Kerr, Clare Bice, James Houston, William Kurelek, Shizuke Takashima, Ian Wallace et Ann Blades.

Bice, Kerr et Kurelek sont représentatifs des peintres sérieux et des graveurs qui, au cours des dernières décennies, ont réussi des incursions dans le domaine de l'illustration de livres. On peut aussi mentionner Jean-Paul Lemieux, D.C. MacKay, Jack Shadbolt, Eric Aldwinckle, Philip Surrey, Allan Harrison, Lorne Bouchard, Saul Field, Laurence Hyde, Joe Rosenthal, Aba Bayefsky, Louis de Niverville, Dennis Burton, Tony Urquhart, Gordon Rayner, Greg Curnoe, Vera Frenkel, Paul Fournier, Charles Pachter et Glenn Priestley.

Parallèlement à ce phénomène, on trouve un nombre grandissant de livres illustrés (et parfois écrits) par des autochtones du Canada. Le genre a commencé avec Raven's Cry (1966), de Christie Harris, illustré par Bill Reid, et Son of Raven, Son of Deer (1967), de George Clutesi, et s'est enrichi de nombreux nouveaux venus : les peintures de Norval Morrisseau dans Windigo and Other Tales of the Ojibways (1969), de H.T. Schwartz; Pitseolak: Pictures Out of My Life (1971) d'Ashoona Pitseolak; les images de Francis Kagige dans Tales of Nokomis (1975), de Prunella Johnston; People from Our Side (1975), de Peter Pitseolak; et Qikaaluktut: Images of Inuit Life (1986), de Ruth Tulurialik.

Dans la tradition instaurée par E.S. Thompson est apparue une école dite des « peintres animaliers » dont le travail, tout en détails, se situe plus près de l'illustration que des beaux-arts. Leur production s'est retrouvée entre les couvertures de piles de livres in-folio tout en couleur, dont la plupart ont été imprimés en dehors du Canada. Les plus connus de ces artistes naturalistes sont les peintres d'oiseaux J. Fenwick Lansdowne et T.M. Shortt, suivis de George McLean, Glen Loates, Robert Bateman et leurs nombreux imitateurs.

De nos jours, peu d'illustrateurs canadiens, s'il s'en trouve, peuvent vivre exclusivement de leur art dans le secteur des publications ou celui des livres. La survie de l'illustration comme métier et comme art repose sur l'amour et le respect que lui vouent une poignée d'éditeurs, d'auteurs, de critiques, d'historiens, de collectionneurs, de lecteurs et d'artistes qui entretiennent la flamme.

Certains artistes du monde de l'édition et de la publicité ont mené une carrière internationale dans les années 70 et 80, comme Barry Blitt, Bill Boyko, David Chestnutt, Julius Ciss, Heather Cooper, Ken Dallison, Blair Drawson, Gail Geltner, Roger Hill, Tina Holdcroft, Doug Johnson, Anita Kunz, Doug Martin, John Martin, Willi Mitschka, Dennis Noble, Ken Nutt, Bill Russell, Joe Salina, Mark Summers, James Tughan, Barry Zaid et Hans Zander. Cependant, comme toutes les autres formes d'art, l'illustration a durement souffert de la récession qui a frappé l'Amérique du Nord dans la dernière partie des années 80.

Les débouchés pour le travail de grande qualité (et bien rémunéré) ont grandement diminué, les cachets ont chuté de façon draconienne, et l'utilisation des archives photographiques, des images d'archives du domaine public et de l'infographie a augmenté, en même temps que les annonceurs, les éditeurs et les directeurs artistiques cherchaient à réduire les dépenses et à maximiser le pouvoir d'achat de leurs budgets réduits. Les revues et les journaux ne pouvaient pas espérer concurrencer la télévision, même si des études ont montré que la presse écrite était un meilleur véhicule pour la transmission de certains messages et que les images fixes, combinées aux caractères, avaient un effet plus durable sur certains auditoires que les commerciaux en prise de vue réelle et en images animées.

Pour se maintenir à flot durant cette période difficile, de nombreux illustrateurs ont formé des collectifs ou mis des studios sur pied, ont abandonné le domaine éditorial pour celui de la publicité, ont développé de nouvelles habiletés, se sont pris des agents ou ont complètement changé de profession. Les conditions se sont quelque peu améliorées dans les années 90, du moins au Canada central et en Colombie-Britannique. Toutefois, la rémunération est encore bien inférieure aux sommets vertigineux des années 70 et 80, et le marché des périodiques n'est plus l'ombre de ce qu'il était.

Les revues qui commandent régulièrement des illustrations sont relativement peu nombreuses : Saturday Night, Owl, Equinox, Canadian Homemaker et le défunt magazine Idler. Les illustrateurs peuvent faire valoir leur travail dans des revues professionnelles comme Creative Source, Studio et Applied Arts et leurs pendants internationaux (The Art Annual, Communication Arts et Graphis). Ils peuvent aussi participer à des concours annuels, comme les prix de l'Art Directors' Club of Toronto, les National Magazine Awards, les Studio Magazine Awards et les prix Applied Arts Hotshots, et être membres du regroupement des Canadian Artists and Photographers in Communications (CAPIC), de la Society of Illustrators et de l'American Institute of Graphic Arts (AIGA).

L'association des CAPIC ne fait pas que représenter plusieurs des meilleurs illustrateurs du pays, elle offre aussi un précieux service au plan historique en conservant des archives d'illustrations et en organisant chaque année les CAPIC Lifetime Achievement Awards. Au cours des 10 premières années, les illustrateurs suivants en ont été les récipiendaires : Franklin Arbuckle (1986), Clarence Gagnon (1987), Oscar Cahén (1988), James Hill et C.W. Jefferys (récipiendaire de l'Ivor Sharpe Award en hommage posthume; 1989), Will Davies (1990), Don Anderson (1991), Tom Bjarnason (1992), Lewis Parker (1993), Ken Dallison (1994) et Gerald Lazare (1995).

La Toronto's Reactor Art & Design Ltd., fondée en 1982 par Louis Fishauf et Bill Grigsby, a été une des entreprises les plus réussies de la fin des années 80 et des années 90. Comme les Carlton Studios 80 ans plus tôt, la Reactor fonctionne en intégrant parallèlement le design graphique pour les médias et l'atelier d'illustration. Elle comporte aussi une agence de publicité, un centre d'information, une maison d'édition et une galerie d'exposition et de vente d'oeuvres originales et de reproductions. Au nombre des membres importants de son écurie, on compte Jamie Bennett, Roxana Bikadoroff, Blair Drawson, Bob Fortier, Gail Geltner, John Hersey, Tom Hunt, Jeff Jackson, Jerzy Kolacz, Ross MacDonald, Simon Ng, Tomio Nitto, Bill Russell, Fiona Smyth, Jean Tuttle, Maurice Vellekoop, Tracy Wood, Ren, Zamic et Andreas Zaretzki. Sharpshooter, également de Toronto, qui représente des illustrateurs tels que Christine Bunn, Jacobson Fernandez, Anita Kunz et Wendy Wartzman, constitue un autre type, plus petit, de « maison d'art » ou d'agence.

On trouve partout au Canada un certain nombre d'adaptations à plus petite échelle de la formule de Reactor, selon laquelle un individu ou un atelier offre sous un même toit divers services, comme l'illustration, la conception, le lettrage et la composition. Cette façon de faire procure au client l'avantage de tout trouver en un seul lieu et à l'artiste et concepteur celui de contrôler tous les aspects de son travail, produisant des oeuvres plus intégrées et plus personnelles, comme c'est la cas, par exemple, de Neville Smith d'Ottawa, de Bob Hambly, Bill Frampton et San Murata de Toronto et de Barbara Klunder de Vancouver.

Malgré les conditions démographiques défavorables à une telle réussite, les illustrateurs canadiens de livres pour enfants jouissent aujourd'hui d'une renommée mondiale au moins égale à celle des auteurs de livres pour enfants, comme on peut le constater par leur présence très remarquée à des événements comme la Foire du livre de jeunesse de Bologne et par les ventes de droits internationaux, qui ont lieu chaque année. Bien que des éditeurs visionnaires soient les premiers responsables de ce succès, la Société canadienne des auteurs, illustrateurs et artistes pour enfants (CANSCAIP), fondée à Toronto en 1977, a aussi joué un rôle déterminant dans la promotion des talents canadiens, tant au pays qu'à l'étranger, et l'établissement de partenariats entre les différents créateurs et éditeurs d'oeuvres culturelles pour enfants.

D'autres facteurs ont également concouru à ces progrès :

- le nombre croissant d'éditeurs de livres illustrés pour enfants, comme Annick Books, Groundwood Books (une marque de Douglas & McIntyre), Kids Can Press, Scholastic Canada Ltd.;

- des vitrines comme le Milk International Festival for Children, l'événement littéraire Word on the Street, présenté annuellement rue Queen, à Toronto, et diverses autres foires provinciales du livre;

- des services comme le Canadian Children's Book Centre (qui publie Children's Book News) et la Boys' and Girls' House de la Toronto Public Library qui, avec les collections « Osborne and Lillian H. Smith », s'enorgueillissent de réunir l'une des plus grandes collections de livres pour enfants au monde;

- la publication de livres de référence tels que The New Republic of Childhood (1990), de Sheila Egoff et Judith Saltman, Meet Canadian Authors and Illustrators et le CANSCAIP Companion;

- l'apparition d'agents spécialisés dans la représentation d'illustrateurs et d'auteurs;

- les catégories « images » de divers prix honorant les contributions à la littérature pour enfants, comme le Mr Christie Award, le prix Smarties, l'Elizabeth Cleaver Award, le Ruth Schwartz Award, le Vicky Metcalf Award, l'IODE Book Award, l'Ontario Library Association's Silver Birch Award, le prix du livre de l'année de la Canadian Library Association, le R. Ross Arnett Award en littérature pour enfants, le McNally Robinson Award et, sans doute les plus importants, les prix du Gouverneur général en littérature de jeunesse (illustration), administrés par le Conseil des Arts du Canada.

Les premiers gagnants du prix du Gouverneur général, instauré en 1987, ont été Marie-Louise Gay et Darcia Labrosse. En 1988, les gagnants ont été Kim LaFave et Philippe Béha; en 1989, Robin Muller et Stéphane Poulin; en 1990, Paul Morin et Pierre Pratt; en 1991, Joanne Fitzgerald et Sheldon Cohen; en 1992, Ron Lightburn et Gilles Tibo; en 1993, Mireille Levert et Stéphane Jorisch; en 1994, Murray Kimber et Pierre Pratt. Le gagnant du Ruth Schwartz Award de 1994, Northern Lights, The Soccer Trails, de l'écrivain inuit Michael Kusugak et illustré par Vladyana Krykorka, a été sélectionné pour l'Aesop Accolade List. C'était la première fois que l'American Folklore Society accordait cet honneur à un livre publié hors des États-Unis.

L'illustratrice canadienne de livres pour enfants qui a connu la plus grande renommée auprès du public et parmi ses pairs est sans doute Barbara Reid, gagnante de nombreux prix et récompenses, dont l'Elizabeth Cleaver Award de 1993 et le prestigieux Ezra Jack Keats Award. Michael Martchenko, ancien directeur de la création dans une compagnie de publicité, est une autre vedette internationale de l'illustration. En 1980, il a commencé à illustrer les livres pour enfants de Robert Munsch, le plus grand vendeur mondial de livres de jeunesse. Si le médium préféré de Reid est la plasticine, qu'elle modèle en figures tridimensionnelles complexes reproduites en photo, Martchenko utilise des médiums plus traditionnels comme le crayon et l'aquarelle. La Montréalaise Suzanne Dansereau collabore aussi avec Munsch. Elle est l'auteure d'une série de timbres souvenirs soulignant l'Année internationale de la famille, en 1994.

Le contenu visuel des livres éducatifs et de référence pour les enfants canadiens n'a pas été particulièrement remarquable depuis les années 50. On constate cependant une amélioration notable depuis la fin des années 80, nulle part plus évidente que dans The Story of Canada de Janet Lunn et Christopher Moore, dont Alan Daniel a signé les illustrations couleur pleines d'action et aux détails ravissants. Publié en 1992 par Key Porter Books de Toronto, l'ouvrage constitue la première histoire complète du Canada destinée aux familles et aux plus de 10 ans. Le boom des publications sur disque compact a maintenant ouvert de nouvelles possibilités de collaboration novatrice entre les illustrateurs, les photographes, les cinéastes, les vidéastes, les dessinateurs d'animation et les concepteurs assistés par ordinateur ainsi que les écrivains et les musiciens, et les premiers bénéficiaires d'une telle synergie seront vraisemblablement les élèves des écoles.

L'industrie florissante de la bande dessinée « alternative » ou « parallèle » (voir Bande dessinée de langue anglaise au Canada) constitue un autre secteur de croissance relativement récent de l'illustration au Canada. Drawn and Quaterly, publié sous la direction de Chris Oliveros, Marina Lesenko et Steve Solomos, représente un forum pour la gamme variée des auteurs et des illustrateurs (ou auteurs-illustrateurs) attirés par ce genre qui bénéficie d'un nouvel engouement. Drawn and Quaterly a publié 10 numéros depuis 1993, suivis d'une série régulière de 6 titres d'albums ainsi qu'une collection de « Best of », qui a intéressé des artistes tels que Peter Kuper, Seth et Maurice Vellekoop.

Sauvée de la sénescence par Sid Barron, Bob Chambers, Ed Franklin, Raoul Hunter, Robert LaPalme, Duncan MacPherson, Len Norris, Lewis Parker, Merle « Ting » Tingley et Yardley Jones, la caricature politique se porte toujours bien au Canada avec, entre autres, Aislin (Terry Mosher), Berthio (Roland Berthiaume), Bob Bierman, Serge Chapleau, Mike Constable, Dale Cummings, Jean-Pierre Girerd, Anthony Jenkins, John Larter, Roy Peterson, Graham Pilsworth, Vic Roschkov, Edd Uluschak et Kerry Waghorn. Par contre, les créateurs de bandes illustrées n'ont pas réussi à se trouver une place dans les quotidiens et les hebdomadaires à l'exception de Lynn Johnson et Vance Rodewalt, créateurs respectivement du mondialement populaire For Better or Worse et de Chubb and Chauncey (voir Dessin humoristique et bande dessinée). Ces deux bandes dessinées sont remarquables en ce sens qu'on n'a pas cherché à cacher le fait que leur action se situe au Canada, dans le but de mieux séduire le marché américain. La bande dessinée Betty, de Gary Delainey et Gerry Rasmussen d'Edmonton, a aussi été publiée dans toute l'Amérique du Nord et a trouvé un public enthousiaste en Scandinavie pour son humour subtil.

Un autre créateur qui a connu du succès auprès du grand public est Ken Steacy, établi à Victoria, en Colombie-Britannique. Après des débuts comme illustrateur au pistolet vaporisateur pour des clients des milieux des affaires, de l'édition et de la bande dessinée comme Marvel Comics, il s'est tourné vers le monde de l'électronique, consacrant ses talents de dessinateur à la création de jeux interactifs sur CD-ROM. Dans sa série Tempus Fugit, en quatre parties, publiée par DC Comics, il a assuré tous les aspects de la création, y compris le texte, les illustrations, le lettrage et le coloriage au pistolet vaporisateur, un processus très exigeant que facilite considérablement l'imagerie numérique.

Les dessins animés, une forme d'expression de plus en plus politisée, sont un autre médium qui a connu des progrès extraordinaires depuis l'avènement de l'ordinateur personnel de MacIntosh en 1984. Grâce en particulier au cours d'animatique du Sheridan College d'Oakville, en Ontario, reconnu à l'échelle internationale, le Canada est maintenant un exportateur net de talents sinon de « produits » (en raison surtout, encore une fois, du contrôle des États-Unis sur la fabrication et la distribution).

Dans le sillage du succès global de l'Office national du film du Canada dans ce domaine, on trouve des artistes indépendants ou « marginaux » comme John Kricfalusi, créateur de Ren and Stimpy, diffusé sur la chaîne Nickelodeon aux États-Unis, et Marv Newland (directeur d'International Rocketship) et Danny Antonucci, de Vancouver, créateur des Grunt Brothers, qui offrent un commentaire cinglant, parfois scatologique, sur la société de la fin du XXe siècle et la culture de la télévision.

Les nouveaux médias de pointe nécessitent, par nature, une véritable collaboration, comme en témoigne la série de jeux sur CD-ROM The Cyberplasm Formula, créée pour Sanctuary Woods par une équipe dirigée par Ken Steacy, dans laquelle Victor Vector et son chien Yondo, qui voyagent dans le temps, rapportent des artefacts pour un musée du futur. Travaillant avec des spécialistes de l'animation, un auteur, un producteur et des programmeurs, Steacy et d'autres artistes ont produit des éléments d'arrière-plan et de premier plan comme on en retrouve dans l'art traditionnel, les ont numérisés par ordinateur et épurés au moyen du logiciel Adobe Photoshop. Pour leur conserver l'apparence de dessins à la main, chaque plan de l'animation a aussi été traité de façon traditionnelle. Si exigeant ce processus puisse-t-il paraître en termes de main-d'oeuvre, le matériel nécessaire à l'animation informatique de haute technologie sera bientôt disponible sur les ordinateurs de bureau ou de maison sous la forme de logiciels graphiques très perfectionnés, offrant au consommateur les moyens de réaliser des images et de l'animation.

La survie professionnelle des illustrateurs exige avant tout qu'ils apprennent à répondre de façon créative aux défis du « matériau électronique », du multimédia et de l'inforoute, comme l'ont fait Andrew Wysotski, d'Oshawa, et Lacalamita, de Toronto. Toutefois, la passion pour l'illustration créative et imaginative d'antan va sûrement demeuré puissante, en raison spécialement de la nostalgie qui émerge à l'égard d'une époque apparemment plus simple et plus innocente. D'où la popularité d'illustrateurs comme Mark Summers, Damian Glass, Kim LaFave, Wesley Bates et Gus Reuter, qui font revivre des techniques traditionnelles comme le papier procédé, la gravure sur bois et le livre fait à la main.

Tandis que l'expressionnisme continue d'être un courant stylistique populaire (Emanuel Lopez, Paul Turgeon, Jerczy Kolasz), d'autres mouvements artistiques du passé ont leurs admirateurs parmi les illustrateurs canadiens, que ce soit le style Renaissance italienne de Gerard Gauci et Ken Nutt, le réalisme académique du tournant du siècle de Linda Montgomery ou le modernisme aux lignes simples de l'ère du jazz de Helen D'Souza. À l'aube d'un nouveau siècle et des changements radicaux qui s'annoncent dans les communications, l'illustration canadienne se résume à un mot : l'éclectisme.

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