Incident de Mica Bay | l'Encyclopédie Canadienne

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Incident de Mica Bay

En novembre 1849, une force composée d’Anishinaabeg (voir Ojibwé) et de guerriers métis, dirigée par les chefs Oshawano, Shingwaukonse et Nebenaigoching, a forcé l’Association minière du Québec et du lac Supérieur à cesser ses activités à Pointe aux Mines, dans la baie Mica, sur le lac Supérieur. La baie Mica est située sur le lac Supérieur à environ 100 km au nord-ouest de Sault Ste. Marie (par voie terrestre). La fermeture de la mine et la réaction des autorités du Canada-Ouest sont connues sous le nom d’incident de Mica Bay.

« BAIE MICA, SUR LE LAC SUPÉRIEUR »

Site de la mine de Mica Bay.

Contexte historique

En 1841, Douglass Houghton, géologue du Michigan, publie un rapport sur le potentiel minéral de la rive sud du lac Supérieur qui déclenche un boom minéral dans le nord du Michigan. Des milliers de personnes passent par Sault Ste. Marie afin de se rendre dans les terres riches en cuivre du Michigan. De plus, certains entrent illégalement au Canada à la recherche de minerais.

Conscient du boom minier au Michigan, le Canada-Ouest (le nom porté par la région qui est maintenant l’Ontario entre 1841 et 1867) place la rive nord des Grands Lacs supérieurs sous son contrôle législatif en 1841. Après que le géologue provincial William Logan spécule sur le potentiel minier de la rive nord, un agent des terres de la Couronne, Joseph Wilson, est nommé en 1843. En 1845, le Canada-Ouest délivre son premier permis d’exploration minière. L’année suivante, il commence à arpenter la rive du lac Supérieur, la parcelle du village de Sault Ste. Marie et les concessions minières à l’est du village. Ces concessions comprennent la colonie anishinaabeg dirigée par Shingwaukonse dans la réserve de la Première Nation de Garden River.

Shingwaukonse confronte et interroge Alexander Vidal, arpenteur du gouvernement, sur la légalité de l’arpentage des terres non cédées. Le chef autochtone adresse ensuite une pétition au gouverneur général, insistant sur la participation des Anishinaabeg aux bénéfices miniers. Il déclare également que les droits des Autochtones sont violés. Shingwaukonse sait pertinemment que la Proclamation royale de 1763 et le traité de Niagara (1764) exigent que le Canada-Ouest négocie un traité avant de vendre, louer ou arpenter les terres appartenant aux Premières Nations. Malgré ce fait, en 1846, l’Association minière du Québec et du lac Supérieur reçoit du gouvernement un bail pour le site de la baie Mica. La société procède alors à la construction de logements, d’un bâtiment minier et d’installations de traitement alimentées par l’eau, dans l’intention de commencer la production de cuivre en 1848 à Pointe aux Mines.

Conscients des tensions croissantes avec les Premières Nations, les intérêts miniers et les missionnaires réclament un traité. Shingwaukonse se rend d’ailleurs à Montréal en 1848 pour trouver une solution. La réticence du Canada-Ouest à négocier est due à son utilisation des baux miniers et des brevets comme forme de favoritisme et de génération de revenus. En 1846, il génère quelque 60 000 $ à partir de ces sources. Une fois tous les brevets payés, le Canada-Ouest pourrait gagner 400 000 $, une somme colossale à l’époque.

« Les chefs indiens Chippewa à Montréal »

Nebenaigoching (Nabunagoging), Shingwaukonse (Chingwackonce) et Menissinowennin.(London Illustrated News, 15 septembre 1849)

Inaction et menaces du gouvernement

En 1849, il semble que le Canada-Ouest ne soit pas disposé à agir. Cette inaction incite les chefs Shingwaukonse, Nebenaigoching et Menissinowennin, avec Allan Macdonell, à rendre visite au gouverneur généralLord Elgin à Montréal en juillet. Le texte de la pétition des chefs est repris par des journaux comme la Montreal Gazette et The Colonial Intelligencer, ou encore Aborigines Friend. La pétition remet en question les droits de Canada-Ouest et les intentions des Britanniques, tout en promettant de chasser les mineurs si un traité n’est pas négocié.

Alors que les trois chefs sont à Montréal, le chef Peau de Chat de Fort William se rend à la baie Mica avec ses guerriers et s’entretient avec le directeur de la mine, John Bonner. Il informe Bonner que sans traité, les mineurs devront partir. Au retour des chefs à Sault Ste. Marie, Allan Macdonell informe Peau de Chat qu’un traité viendra, incitant Peau de Chat à retourner à Fort William.

Au lieu de créer une commission des traités, le Canada-Ouest nomme plutôt Alexander Vidal et T. G. Anderson pour enquêter sur les revendications des Anishinaabeg. Leur enquête, menée de septembre à octobre 1849, n’est pas très fructueuse, puisque les commissaires n’arrivent pas à rencontrer les Premières Nations qui se sont installées sur leurs territoires de chasse d’hiver, à l’intérieur des terres (certaines bandes, toutefois, évitent intentionnellement les commissaires). À Fort William, Alexander Vidal et T. G. Anderson rencontrent le chef Peau de Chat, qui répète les revendications des Anishinaabeg. En réponse, les commissaires informent le chef qu’advenant son refus d’un traité, sa bande serait forcée de quitter ses terres sans compensation.

À leur arrivée à Sault Ste. Marie, les commissaires rencontrent Shingwaukonse et Nebenaigoching, ainsi que leur conseiller et avocat, Allan Macdonell. Au cours de la réunion litigieuse qui suit, Vidal menace Shingwaukonse et Nebenaigoching de les exclure de tout futur traité. À la suite de cette rencontre, le fils de Shingwaukonse, Ogista, s’entretient avec Vidal et Anderson au sujet d’un traité. Les deux commissaires voient cette réunion comme une occasion de diviser les bandes plutôt que comme un moyen d’engager le dialogue avec les chefs. Après la rencontre avec Ogista, les commissaires rentrent au bercail.

Incident de Mica Bay, 1849

Face aux menaces et à l’inaction, les chefs décident d’agir. Le 1er novembre 1849, Shingwaukonse, Nebenaigoching et Oshawano, accompagnés de leur avocat Allan Macdonell, de l’artiste Wharton Metcalfe, ainsi que de plusieurs centaines de Métis et d’Anishinaabeg (voirOjibwé), se rendent à Mica Bay à bord d’une goélette. Ils transportent avec eux un petit canon pris sur la pelouse de l’agent des terres de la Couronne, Joseph Wilson, ainsi que deux canons d’artillerie de six livres et des armes légères fournies par Pierre Barbeau, marchand local et ami de Macdonell et des Métis. À leur arrivée, les chefs confrontent le directeur de la mine, John Bonner, et exigent le paiement ou la fermeture de la mine. Plutôt que de négocier avec des « insurgés » armés, John Bonner ferme la mine. Les femmes et les enfants quittent la région le 10 novembre 1849, tandis que les hommes et le matériel minier suivent une semaine plus tard.

Alors que les gens arrivent à Sault Ste. Marie, les journaux de Detroit et de Toronto commencent à faire circuler des rumeurs de « massacre indien » ayant causé des centaines de morts. Les rumeurs et les pressions des propriétaires d’une autre mine, située à Bruce Mines, obligent le Canada-Ouest à envoyer à la baie Mica quelque 87 membres d’une brigade de fusiliers sous le commandement du capitaine Ashley P. Cooper le 19 novembre. Le magistrat et surintendant des affaires indiennes George Ironside Jr. reçoit l’ordre de rencontrer les troupes et de les accompagner à Sault Ste. Marie. Les troupes et Ironside arrivent dans la région le 2 décembre, puis montent à bord d’un navire à vapeur à Sault Ste. Marie, au Michigan, pour se rendre à la mine. En raison du mauvais temps et de dommages subis par le navire, les soldats ne s’aventurent pas plus loin que la baie de Whitefish. Un petit groupe se rend tout de même jusqu’à la mine, qui est vide et verrouillée. Les troupes demeurent postées à Sault Ste. Marie jusqu’en octobre 1850.

Conséquences

Les leaders du soulèvement sont arrêtés le 4 décembre 1849. Wharton Metcalfe réussit à s’échapper de prison à deux reprises, pour finalement se rendre en Angleterre via les États-Unis. Shingwaukonse et Nebenaigoching sont inculpés, mais ne seront jamais jugés en Cour. Leurs affaires sont en effet abandonnées après la signature d’un traité entre leurs peuples et le Canada-Ouest en 1850.

Effets et importance

Les actions des chefs ont forcé le gouvernement du Canada-Ouest à négocier en 1850. Les traités Robinson-Huron et Robinson-Supérieur ont légitimé les baux miniers, créé des réserves, reconnu les droits des Premières Nations et établi des précédents pour les traités futurs.

Chaque traité contient également des annuités (paiements annuels) pour les bandes ainsi qu’une « clause d’indexation ». La clause d’indexation est conçue pour augmenter les annuités au même rythme que les bénéfices tirés de l’extraction des ressources. Le fait que la Couronne (voirgouvernement fédéral) n’ait pas respecté la clause d’indexation a conduit à une plainte qui est actuellement devant les tribunaux. Il est important de noter que les traités ne stipulent aucune renonciation aux droits miniers.

En réponse aux actions des Anishinaabeg (voirOjibwé) et des Métis, l’agent des terres de la Couronne Joseph Wilson forme une compagnie de milice pour se défendre contre de futurs soulèvements autochtones. Cette compagnie de milice est le précurseur du 49e régiment de campagne de Sault Ste. Marie

En réponse à l’affaire de la baie Mica, le Canada-Ouest adopte la Loi visant à améliorer l’administration de la justice dans les territoires non organisés du Haut-Canada. Cette loi est partiellement conçue pour empêcher des individus tels qu’Allan Macdonell d’« inciter » les Autochtones à résister aux actions du gouvernement. Elle reçoit la sanction royale en 1853, rendant illégal le fait d’encourager les Premières Nations à défendre leurs droits.

Le site de Point aux Mines, dans la baie Mica, est abandonné en 1853. La même année, l’Association minière Québec-Supérieur se dissout.