Affaire McIvor | l'Encyclopédie Canadienne

Article

Affaire McIvor

Le jugement McIvor c. Canada est rendu en réponse à la discrimination entre les sexes de l’article 6 de la Loi sur les Indiens de 1985 qui régit le statut d’Indien. Sharon McIvor, une femme qui a retrouvé son statut après l’adoption du projet de loi C-31 en1 985, ne pouvait pas transmettre son statut à sa descendance comme un homme le pourrait. Dans sa bataille contre le gouvernement fédéral, la Cour suprême de la Colombie-Britannique détermine en 2007 que l’article 6 contrevient aux droits à l’égalité de Sharon McIvor selon la Charte canadienne des droits et libertés. En réponse à ce jugement, le gouvernement fédéral dépose un nouveau projet de loi (C-3) en 2010 pour contrer la discrimination fondée sur le sexe de la Loi sur les Indiens.

Sharon McIvor s’exprime lors d’une audience sur les femmes autochtones disparues ou assassinées tenue par la Commission interaméricaine des droits de l’homme en Colombie-Britannique.

(avec la permission de Daniel Cima, Commission interaméricaine des droits de l’homme/Flickr CC 2.0)

Contexte

En 1985, Sharon McIvor s’inscrit pour obtenir le statut d’Indien suite à des modifications à la Loi sur les Indiens la même année. Ces modifications, connues comme le projet de loi C-31, permettent à de nombreuses femmes ayant perdu leur statut d’Indien après un mariage avec un homme non inscrit au registre de récupérer leur statut.

Sous les nouvelles conditions de la Loi, le statut de Sharon McIvor était régulé par l’alinéa 6(1)c) alors que celui de son fils l’était selon le paragraphe 6(2). La principale différence entre ces deux articles est que dans le premier cas, il est possible de transmettre son statut à sa descendance alors que ce n’est pas possible dans le deuxième.

Sharon McIvor souligne le caractère discriminatoire de la loi. Si elle était un homme inscrit au registre, ses enfants hériteraient de son statut en vertu de l’alinéa 6(1)a) et ses petits-enfants en vertu du paragraphe 6(2) s’ils étaient nés après 1985, ou en vertu de l’alinéa 6(1)c) s’ils étaient nés avant 1985. Toutefois, puisqu’elle est une femme, les droits de ses enfants ne sont pas les mêmes que si elle était un homme inscrit, et ses petits-enfants n’hériteront pas de son statut selon la Loi sur les Indiens.

Sharon McIvor traîne le gouvernement fédéral en justice en raison du caractère discriminatoire de la Loi sur les Indiens et parce qu’elle contrevient à ses droits selon la Charte.

Procès

En 2006, le cas de Sharon McIvor est entendu à la Cour suprême de Colombie-Britannique, soit 17 ans après ses premières démarches. Avec son fils Charles Jacob Grismer comme codemandeur, elle fait valoir que le fait de ne pas avoir de statut a des conséquences sociales, financières et culturelles pour elle et sa famille. Ils sont exclus de chasse, de pêche et de rassemblements traditionnels et des cérémonies de mariage, de funérailles et de guérison de sa communauté. En plus de ne pas pouvoir vivre ou aller à l’école dans la réserve, la famille McIvor n’a pas accès aux services postsecondaires, de santé et dentaires qui sont offerts à ceux ayant le statut d’Indien.

La juge Carol Ross détermine en juin 2007 que l’article 6 de la Loi sur les Indiens de 1985 est discriminatoire et contrevient à la Charte des droits. La Cour décide que l’article 6 n’aurait « plus de force ou d’effet [...] puisqu’il autorise un traitement différentiel des hommes autochtones et des femmes autochtones nés avant le 17 avril 1985... »

Appels

Le gouvernement fédéral interjette appel de cette décision à la Cour d’appel de Colombie-Britannique en octobre 2008. La Cour d’appel trouve discriminatoire la Loi sur les Indiens, mais de manière moins importante que lors du premier jugement. La Cour d’appel est surtout préoccupée par les alinéas 6(1)a) et 6(1)c) de la Loi puisqu’ils contreviennent à la Charte en accordant plus de droits à certains individus qu’à d’autres. Elle détermine que c’est le gouvernement fédéral et non les tribunaux qui doivent remédier à la discrimination générée par la Loi sur les Indiens. Elle octroie une année au gouvernement, soit jusqu’au 6 avril 2010, pour effectuer les modifications nécessaires.

En juin 2009, Chuck Strahl, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, annonce que le gouvernement fédéral ne fera pas appel au jugement et planifie les modifications à l’article 6 de la Loi sur les Indiens. La même année, la Cour suprême du Canada rejette la demande d’appel de Sharon McIvor.

Projet de loi C-3

En 2010, le Parlement adopte le projet de loi C-3: Loi sur l’équité entre les sexes relativement à l’inscription au registre des Indiens. Le projet de loi permet d’apporter des modifications à l’article 6 de la Loi sur les Indiens afin qu’il soit plus inclusif et équitable. En vertu de ces modifications, le fils de Sharon McIvor a un statut d’Indien selon l’alinéa 6(1)c) et peut donc transmettre son statut à ses enfants selon le paragraphe 6(2).

Toutefois, le projet de loi C-3 ne rend pas la Loi complètement exempte de discrimination. Les descendants de femmes, particulièrement les arrière-petits-enfants, n’ont pas les mêmes droits que les descendants d’hommes dans des circonstances similaires. Ainsi, certaines personnes n’ont toujours pas accès au statut d’Indien en raison de discrimination entre les sexes.

Comité des droits de l’homme de l’ONU

Sharon McIvor et son fils Charles Jacob Grismer lancent une pétition destinée au Comité des droits de l’homme de l’ONU en novembre 2010 afin de signaler le caractère discriminatoire de la Loi sur les Indiens. En mai 2016, le gouvernement fédéral demande au Comité de suspendre la pétition. Sharon McIvor s’oppose à la demande.

En janvier 2019, le Comité des droits de l’homme de l’ONU déclare la Loi sur les Indiens discriminatoire à l’endroit des femmes autochtones du Canada. Il suggère au gouvernement canadien de s’assurer que les femmes des Premières nations reçoivent le statut d’Indien dans la même mesure que les hommes.

Importance

L’affaire McIvor influence la façon dont les juristes comprennent les droits liés au statut. Elle influence aussi directement d’autres cas, comme celui de Descheneaux en 2015 au Québec à propos des inégalités liées au sexe de la Loi sur les Indiens relativement aux cousins et aux frères et sœurs. En réponse à ce cas, le Parlement adopte en 2017 une nouvelle modification à la Loi sur les Indiens, le projet de loi S-3. Certaines sections du projet de loi entrent en vigueur le 22 décembre 2017 et d’autres le 15 août 2019. Selon le gouvernement fédéral, « toutes les inégalités basées sur le sexe présentes dans la Loi sur les Indiens ont à présent été corrigées. »

Guide pédagogique perspectives autochtones

Collection des peuples autochtones

Lecture supplémentaire