Revendications territoriales globales : traités modernes | l'Encyclopédie Canadienne

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Revendications territoriales globales : traités modernes

Les revendications territoriales globales sont des traités modernes conclus entre les peuples autochtones et le gouvernement fédéral. Ils sont fondés sur l’utilisation traditionnelle et l’occupation des terres par les peuples autochtones qui n’ont pas signé de traités et qui n’ont pas été déplacés de leurs terres par la guerre ou d’autres moyens. Ces revendications, qui sont réglées par voie de négociation, suivent un processus établi par le gouvernement fédéral pour permettre aux Premières Nations, aux Inuits et aux Métis d’être pleinement reconnus comme étant les premiers habitants de ce qui constitue aujourd’hui le Canada. Le règlement de ces revendications comprend diverses conditions, dont de l’argent, des terres, des formes de gouvernement local, des droits sur la faune, des droits protégeant la langue et la culture et la gestion conjointe des terres et des ressources. Les traités sont des accords protégés par la Constitution, qui lient toutes les parties. Les traités signés par les peuples autochtones entre 1701 et 1923 sont connus sous le nom de « traités historiques » tandis que « traités modernes » désignent tous les traités négociés depuis.
Gouvernement Nisga'a Lisims

Survol

L’objectif des négociations portant sur les revendications territoriales dans l’optique d’un traité est de légiférer et de lever toute ambiguïté concernant les titres fonciers ainsi que l’utilisation des terres et des ressources. Un traité codifie les droits et les obligations de chaque partie. Le processus est basé sur des négociations entre les groupes autochtones et le gouvernement fédéral, en faisant dans certains cas intervenir les gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi que d’autres tierces parties. Le processus, qui vise à effectuer des ajustements économiques et sociaux entre deux sociétés différentes, s’appuie sur des notions juridiques telles que le titre foncier ainsi que les droits et les traités autochtones. Les traités modernes, ou règlements de revendications territoriales globales, comprennent des dispositions permettant aux groupes autochtones d’être propriétaires fonciers, de participer à la gestion des terres et des ressources, de partager les revenus issus de l’exploitation des ressources et de s’autogouverner. (Voir aussi Territoire autochtone; Autonomie gouvernementale des Autochtones).

Survol historique du processus de règlement des revendications de 1763 à 1969

La Proclamation royale de 1763 réserve une superficie non spécifiée à l’intérieur des terres constituant aujourd’hui le Canada à l’usage des peuples autochtones et interdit tout achat ou acquisition de ces terrains par des colons. Le gouvernement britannique, et les gouvernements canadiens après la Confédération en 1867, concluent des traités avec divers groupes d’Autochtones afin de légitimer l’installation des colons européens sur leurs terres.

Les traités historiques 1 à 11 conclus entre 1871 et 1922 – souvent appelés les « traités numérotés » – concernent principalement les provinces des Prairies (voir Alberta; Saskatchewan; Manitoba) et l’Ontario. L’installation des colons non autochtones dans la plus grande partie de la Colombie-Britannique ainsi qu’au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest, au Nunavut, au Québec et dans l’est du Canada (voir Nouvelle-Écosse; Nouveau-Brunswick; Terre-Neuve-et-Labrador; Île-du-Prince-Édouard) s’est donc effectuée sans que la question du titre foncier des Autochtones soit soulevée. Même dans le cas des traités numérotés, plusieurs descendants des signataires autochtones affirment que leur titre foncier n’a jamais été cédé. L’objectif est plutôt de partager les terres et leurs ressources avec le gouvernement fédéral.

Affirmation des droits des Autochtones

Même si les peuples autochtones se sont dès le début battus pour préserver leur identité et affirmer leurs droits sur leurs territoires traditionnels, le mouvement en faveur des droits et des revendications autochtones qui s’est amorcé pour un petit nombre de bandes au 19e siècle n’a pris de l’importance qu’à partir des années 1960. De nombreux facteurs contribuent alors à l’expression de ces aspirations. Toutes sortes de droits concernant les minorités et les préoccupations environnementales deviennent des causes reconnues à l’échelle mondiale. La recherche des minéraux et de nouvelles sources de pétrole, de gaz naturel et de sites hydroélectriques font entrer les peuples autochtones du Nord sur la scène politique canadienne. Les politiques destructives telles que celles associées aux pensionnats indiens ont mis en péril les langues et les cultures autochtones. Ces politiques ont provoqué des traumatismes sur toute une génération mais elles ont également motivé un grand nombre de jeunes Autochtones à intégrer et à remettre en question le système politique et juridique euro-canadien (voir Autochtones : organisations et activisme politiques).

Le Canada a aussi été influencé par le règlement des revendications et la gestion des droits des Autochtones dans d’autres pays. En 1946, le gouvernement des États-Unis crée l’Indian Claims Commission et a adopté en 1971 l’Alaska Native Claims Settlement Act. L’Australie adopte son Aboriginal Land Rights Act en 1976 tandis que le Danemark accorde l’autonomie gouvernementale au Groenland en 1978. Au Canada, les propositions visant à mettre sur pied un organisme analogue à l’Indian Claims Commission des États-Unis aboutissent à la rédaction de deux projets de loi, en 1963 et en 1965, qui s’avéreront insatisfaisants et ne seront jamais promulgués.

En 1969, le gouvernement fédéral nomme Lloyd Barber au poste de commissaire des revendications autochtone. Il a pour mission de déterminer et de recommander les moyens les plus appropriés pour régler les revendications. Au début des années 1970, le gouvernement met en place un système de financement de la recherche à la disposition des associations politiques et culturelles autochtones afin de leur permettre de documenter et d’organiser leurs revendications territoriales. C’est aussi à cette époque que les peuples autochtones partout au pays commencent à affirmer leur titre sur les territoires traditionnels. En 1972, les Autochtones d’Old Crow, dans le territoire du Yukon, présentent au Parlement une pétition concernant la prospection pétrolière et gazière sur leurs territoires de chasse (voir Gwich’in). Lors de l’affaire Calder, en 1973, la Cour suprême du Canada est partagée à trois contre trois sur la question de la reconnaissance du titre foncier des Nisga'a de la Colombie-Britannique. La même année, le Yukon Indian Brotherhood présente une revendication officielle au gouvernement fédéral. En 1973, le juge William Morrow, des Territoires du Nord-Ouest, reconnaît le titre autochtone des Dénés de la vallée du fleuve Mackenzie. La même année, le juge Albert Malouf reconnaît le titre des Cris de la baie James et celui des Inuits du Nord du Québec. Ces décisions feront plus tard l’objet d’appels et seront finalement renversées mais elles ont largement contribué à faire avancer la cause.

Processus de la revendication

Le 8 août 1973, le gouvernement fédéral, en réponse aux revendications des Nisga’a ainsi qu’à celles des Cris et des Inuits de la baie James, et dans l’espoir d’ouvrir la voie au développement industriel du Nord, annonce l’adoption d’une nouvelle politique pour le règlement des revendications territoriales. La politique entérine la responsabilité qu’a le gouvernement de satisfaire à ses obligations en respectant les termes des traités et de négocier des règlements avec les groupes autochtones dans les régions du Canada où les droits autochtones dérivant de l’utilisation et de l’occupation traditionnelles des terres n’ont pas fait l’objet d’un traité et n’ont pas été remplacés par une loi. Cette politique souligne la nécessité d’une coopération des gouvernements provinciaux et territoriaux.

Pour mettre en œuvre cette nouvelle politique, un Bureau des revendications des autochtones est créé en 1974 au sein de ce qui est maintenant le ministère des Affaires autochtones et du Nord Canada (AANC). Sous la direction d’un sous-ministre adjoint, les négociateurs, les avocats et les chercheurs étudient deux types principaux de revendications : les revendications particulières et les revendications globales.

Revendications particulières et revendications globales

Les revendications particulières sont basées sur des questions relevant de l’administration des traités, de la Loi sur les Indiens, des fonds destinés aux Premières Nations et de la cession de terrains. La négociation est le moyen privilégié des deux parties pour régler ces revendications mais elles peuvent aussi être réglées par recours administratif ou une action en justice. Les revendications particulières sont habituellement présentées par les groupes autochtones qui vivent dans les provinces, et non pas dans les territoires, et la plupart des règlements prévoient l’octroi de compensations et de terres (quelques fois seulement l’octroi de terres).

Les revendications globales sont basées sur l’utilisation et l’occupation traditionnelles de terres par des Autochtones qui n’ont pas signé de traité et qui n’ont pas été déplacés de leurs terres par la guerre ou d’autres circonstances. Ces revendications, qui se règlent par la négociation, concernent les deux territoires et les régions septentrionales de certaines provinces. La superficie des terres et le nombre de personnes concernées sont généralement plus grands que dans le cas des revendications particulières. Le règlement de ces revendications met en jeu diverses dispositions concernant notamment l’octroi d’argent et de terres, le droit d’établir certaines formes de gouvernement local, les droits de prélèvements sur la faune locale, la protection de la langue et de la culture, et la gestion conjointe des terres et des ressources.

Le gouvernement fédéral fournit un financement sous la forme de contributions aux associations autochtones pour la préparation et la présentation de leurs revendications. Une fois les revendications présentées, les avocats du ministère de la Justice et les agents d’AANC évaluent la recevabilité de chacune d’entre elles. Si elles sont acceptées, des fonds supplémentaires sont versés aux associations pour la poursuivre la recherche et la négociation. Toutes les dépenses encourues doivent être remboursées une fois touchés les fonds associés au règlement final.

Politiques fédérales

En 1980, le gouvernement fédéral nomme le premier négociateur en chef. Il n’appartient pas à la fonction publique afin d’assurer la neutralité du processus et faciliter le contact avec les ministres. En 1982, la Constitution canadienne est modifiée pour confirmer l’existence des droits autochtones, y compris ceux mentionnés dans les règlements relatifs aux revendications. Le Bureau des revendications des autochtones est fermé en 1986 et est remplacé par plusieurs unités spécialisées au sein du ministère, notamment une unité chargée de superviser la mise en œuvre des ententes. Des documents décrivant la nouvelle politique du gouvernement fédéral sont publiés en 1987, 1991 et 1996, et les gouvernements provinciaux et territoriaux créent leurs propres structures administratives pour la gestion des revendications et des affaires autochtones. De nouvelles formules sont trouvées pour remédier aux impasses découlant de l’extinction des droits ancestraux et affectant le caractère final des ententes dont ont besoin les gouvernements.

Évolution du processus : conflit et concorde

Pendant plus de quatre décennies de négociation des revendications territoriales autochtones au Canada, le système s’est adapté à l’évolution des communications, de l’économie, des systèmes de valeur et des politiques aux échelles nationale et internationale. La mise en œuvre des accords concrétisant le règlement des revendications a servi de base pour l’amélioration et l’ajustement des textes et a donné lieu à plusieurs confrontations.

La confrontation la plus importante dans le cadre du règlement d’une revendication a été celle de la crise d’Oka, durant l’été 1990. Un différend de longue date concernant un droit foncier ainsi que des tensions au sein de la communauté mohawk de Kanestake et avec la population locale d’Oka ont conduit à une éruption de violences, avec notamment l’érection de barrages routiers, la mort par balle d’un agent de la police provinciale, un face-à-face entre des guerriers mohawk et des soldats canadiens et des actes de violence et de destruction perpétués par des civils de tous bords. Cette affaire a attiré l’attention de la communauté internationale. Le 31 mai 1991, le Comité permanent des affaires autochtones présente un rapport sur les événements ainsi que des recommandations qui seront ultérieurement prises en compte dans la politique du gouvernement fédéral relative aux revendications territoriales. D’importants problèmes affectant les Mohawk de Kanesatake et de Kahnawake restent cependant aujourd’hui d’actualité.

Un autre différend au sujet des revendications territoriales survient en novembre 1994, quand après des années de tensions, les Premières Nations Upper et Lower Similkameen, en Colombie-Britannique, érigent une barricade sur une route menant à la station de ski Apex afin de stopper l’expansion des activités commerciales sur des terres revendiquées comme territoires traditionnels. Cette action déclenche une série de négociations, de procès et de demandes d'injonction entre les Premières Nations, le gouvernement provincial et la société propriétaire de la station de ski, autant de mesures qui resteront infructueuses. La Cour suprême de la Colombie-Britannique prononce finalement une injonction garantissant l’accès du public à la station mais les questions générales de l’accès et du titre foncier doivent toujours être résolues.

Dans la région du lac Gustafsen en Colombie-Britannique, un an plus tard, durant l’été 1995, un différend survient entre un éleveur de la région du lac Gustafsen, en Colombie-Britannique, et un petit groupe d’Autochtones (des Secwepemcs et d’autres) associés à leurs sympathisants concernant l’utilisation et l’occupation de pâturages pour une cérémonie de danse du soleil. Lorsque les manifestants menacent de faire usage d’armes à feu, la Province appelle la Gendarmerie royale du Canada à la rescousse. Après une confrontation de plusieurs semaines et des coups de feu tirés par chacun des deux camps, qui n’ont pas fait de blessés, les manifestants négocient la fin du conflit.

En Ontario, la Première Nation des Chippewas de Kettle et de Stony Point, en Ontario, a cherché pendant des années à récupérer des terres qui avaient été saisies par le gouvernement fédéral pour construire la base militaire du camp Ipperwash (voir Crise d’Ipperwash). En 1995, une manifestation organisée par des membres de la Première Nation sur un site de sépulture se termine par une intervention de la police et la mort par balle d’un manifestant, Dudley George. Le 16 janvier 1996, le ministre d’AANC annonce sa nomination d’un négociateur fédéral et son intention de régler toutes les questions liées au conflit et d’assumer ses responsabilités pour ce qui est de l’appropriation illicite des terres de Stony Point. En septembre 2015, la Première Nation des Chippewas de Kettle et de Stony Point accepte un règlement de 95 millions de dollars du gouvernement fédéral qui comprend la rétrocession des terres, de même qu’environ 20 millions de dollars en compensation aux membres de la bande et 70 millions pour le développement futur des terres. Bien que ce ne soit pas tous les membres de Stony Point qui appuient la transaction (le manifestant Perry [Pierre] George est accidentellement brûlé pendant une manifestation le 20 septembre 2015), l’accord définitif est signé le 14 avril 2016 par le chef Thomas Bressette et des représentants du gouvernement fédéral.

Revendications dans le Nord du Canada

Comme dans d’autres régions du pays, les nations autochtones du Nord du Canada ont aussi fait des revendications concernant leurs territoires ancestraux. Dans certains cas, ces revendications ont rendu possible l’autonomie gouvernementale.

La Convention de la baie James et du Nord québécois (CBJNQ) de 1975 a été négociée et signée principalement en réponse à la menace présentée par les développements hydroélectriques. Elle est signée par les Cris et les Inuits après seulement deux ans de négociations, bien plus rapidement que n’importe quelle revendication traitée ultérieurement. Les Naskapis du Nord-Est du Québec (voir Innu) se joignent à la négociation au cours des étapes finales et signent une entente connexe en 1978.

La CBJNQ de 1975 a permis de verser 168,8 millions de dollars aux Cris et 91 millions de dollars aux Inuits, d’octroyer des terres, et de mettre en place un système de protection environnemental et social et un programme de sécurité du revenu pour les chasseurs et les trappeurs. La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec (1984) et la Loi sur les villages nordiques et l'Administration régionale Kativik (gouvernement du Québec) (1978) ont mis en place une forme d’autonomie gouvernementale pour les Cris et les Inuits. En 2014, 24 conventions complémentaires avaient déjà été adoptées pour modifier la CBJNQ.

Dans les Territoires du Nord-Ouest, les Inuvialuit du delta du Mackenzie brisent leur alliance initiale avec les autres Inuits du territoire et signent un nouveau traité en 1984. Il s’agit d’une entente entre le gouvernement fédéral et les 2 500 Inuvialuit qui vivent dans la région de la mer de Beaufort, dans les Territoires du Nord-Ouest, riche en pétrole et en gaz naturel. Le règlement accorde aux Inuvialuit approximativement 95 000 km2 sur la surface de plus de 430 000 km2 qu’ils ont traditionnellement utilisée. Il est par ailleurs clairement affirmé que les Inuvialuit doivent recevoir des redevances sur le pétrole ou le gaz naturel extrait sur leurs terres. L’entente prévoit une participation des Inuvialuit à une forme limitée d’autonomie locale grâce à la création de la Municipalité régionale de l'Ouest de l'Arctique.

En prolongement de la Convention de la Baie James (1975) et de la Convention définitive des Inuvialuit (1984), des traités plus récents permettent aux bandes autochtones de mettre sur pied des structures municipales et privées axées sur la prestation de services à leurs membres et de participer, en tant qu’actionnaires, à l’exploitation des ressources naturelles.

Neuf ans plus tard, les Inuits du centre et de l’est des Territoires du Nord-Ouest signent l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut en 1993, et la Loi sur le Nunavut portant sur le nouveau territoire du Nunavut est négociée en parallèle avec les revendications territoriales. L’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut a des retombées importantes sur un important bassin hydrographique puisqu’il divise les Territoires du Nord-Ouest en deux territoires de compétences distincts. Dans le territoire le plus à l’est, au Nunavut, la langue et la culture inuites sont ancrées dans le gouvernement qui gère approximativement 2 millions de km2 utilisés traditionnellement par les participants au traité, dont le nombre dépasse 17 000 personnes. Ces Inuits et leurs descendants resteront propriétaires d’environ 350 000 km2. Des droits miniers sont associés à environ un dixième de ces terres. En 2007, les Inuits avaient déjà reçu 14 versements totalisant 1 173 000 000 de dollars. Ils reçoivent également un pourcentage des redevances perçues par le gouvernement fédéral sur l’exploitation des ressources sur les terres du Nunavut.

Le saviez-vous?
Le jour du Nunavut est célébré annuellement le 9 juillet, et ce bien que le Nunavut soit devenu un territoire du Canada le 1er avril 1999. Cette date a été choisie puisqu’elle commémore l’adoption de la Loi concernant l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut (1993), un accord important entre les peuples du Nunavut, les Territoires du Nord-Ouest et le gouvernement du Canada, qui a ouvert la voie à la création du Nunavut en 1999.


En 1993, dans le territoire du Yukon, le Conseil des Indiens du Yukon (aujourd’hui le Conseil des Premières Nations du Yukon), qui représente 11 Premières Nations, conclut 20 années de négociation par la signature de l’Accord-cadre définitif. Plus tard cette même année, les nations Vuntut Gwitchin, Nacho Nyak Dun, Champagne et Aisihik, et les Tlingits de Teslin signent chacune des ententes finales et d’autonomie gouvernementale. En 1997, des ententes finales et d’autonomie gouvernementale sont signées avec la Première Nation Little Salmon Carmacks et la Première Nation Selkirk. Les ententes d’autonomie gouvernementale négociées entre 1995 et 2005 par les Premières Nations du Nord accordent une vaste gamme de compétences, notamment des pouvoirs semblables aux pouvoirs provinciaux en matière de justice, de droit, de maintien de l’ordre, d’éducation, de services de santé et de culture.

Importance des traités historiques pour l’élaboration des traités modernes

Les traités modernes peuvent aussi s’inspirer des traités existants, tels que les traités 8 et 11, grâce à la négociation des ententes relatives aux revendications territoriales et à l’autonomie gouvernementale plutôt que la modification ou le remplacement des traités initiaux.

Plusieurs groupes de Premières Nations et de Métis des Territoires du Nord-Ouest négocient actuellement des règlements basés sur les droits ancestraux et les droits issus des traités plutôt qu’en essayant de négocier des revendications globales. Le gouvernement fédéral ne négocie pas de même façon avec les Métis des Territoires du Nord et les Autochtones du reste du Canada. Un grand nombre de communautés des Territoires du Nord-Ouest sont composées d’un mélange de membres des Premières Nations et de Métis. Leurs intérêts sont donc négociés collectivement. Les négociations avec les Dénés et les Métis ont débuté en 1981. Jusqu’en 1990, les négociations pour la signature d’un nouveau traité dans cette région s’effectuent sur la base d’une collaboration entre les différents groupes de Dénés et les Métis de la région. Les négociateurs des Dénés et des Métis signent finalement un accord de principe mais après 1990, ce front commun se désintègre à la suite d’un désaccord sur la question de savoir si les traités modernes restent acceptables lorsqu’ils contiennent des passages semblant annuler plutôt que confirmer les droits des Autochtones. L’assemblée générale des Dénés et des Métis se divise alors en plusieurs groupes qui vont chacun négocier avec le gouvernement pour la recherche d’un règlement qui leur est propre. Les revendications territoriales des Gwich’in font l’objet d’un règlement en 1992, suivi par celui concernant les revendications territoriales globales des Dénés et Métis du Sahtu en 1994. L’accord sur les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale du peuple tlicho est signé en 2003 avec les quatre communautés tlicho signataires du traité 11 dans la région de North Slave.

En 1992, se percevant eux-mêmes comme des pragmatiques plutôt que comme des puristes, les membres du conseil tribal des Gwich’in, « renoncent, en faveur de Sa Majesté du chef du Canada, à l’ensemble de leurs revendications, droits, titres et intérêts ancestraux dans des terres et des eaux où que ce soit au Canada ». L’entente comprend également une clause visant à « indemniser et de tenir à couvert » le gouvernement du Canada contre toutes poursuites, actions en justice et réclamations pouvant être engagées par les Gwich’in à l’encontre de la Couronne.

Pour compenser cette large concession, les Gwich’in se voient octroyer la somme d’approximativement 73 millions de dollars. De plus, leurs communautés reçoivent le « titre Gwich’in » sur environ 22 000 km2, dont environ un quart inclut des droits miniers.

Les Dénés de Sahtu et les Métis de la région du Grand lac de l’Ours signent une entente similaire deux ans plus tard. Leur traité de 1994, comme celui des Gwich’in et des Premières Nations du Yukon, prévoit une représentation importante des Autochtones au sein des divers conseils et tribunaux mis en place pour gérer des affaires aussi diverses que la gestion de la faune, le patrimoine, la formation, les questions liées au travail, les parcs et la planification environnementale.

Plutôt que de présenter des revendications globales, les Dénés de l’Akaitcho, dans la région de South Slave, ont préféré entamer un processus relatif aux droits fonciers issus de traités. Les Métis n’ont cependant pas pu participer à ce processus parce qu’ils n’avaient pas été inclus dans le traité initial. En 1996, le conseil tribal des Métis de South Slave (aujourd’hui appelé la Nation des Métis des Territoires du Nord-Ouest) signe un accord-cadre pour négocier l’accès aux terres et aux ressources.

Le conseil tribal des Premières Nations du Deh Cho représente dix Premières Nations des Territoires du Nord-Ouest et trois associations locales de Métis. En 1999, dans le cadre du processus Dehcho, les négociations portant sur un accord-cadre débutent et porteront ensuite sur une entente sur les mesures provisoires. Les deux textes seront signés en 2001. L’Entente provisoire sur l'exploitation des ressources des Premières Nations du Deh Cho, signée en avril 2003, assure le versement aux Autochtones d’une partie des redevances perçues par le gouvernement fédéral sur l’exploitation des ressources dans la vallée du fleuve Mackenzie. Ces accords-cadres sont basés sur des traités existants afin de conserver et de promouvoir le bien-être culturel et économique des membres autochtones et des communautés présentes sur le territoire Dehcho.

En 2003, la Première Nation des Tlicho et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest signent la première entente de ce territoire à combiner une entente sur les revendications territoriales et une entente sur l’autonomie gouvernementale. L’Accord Tlicho, qui entre en vigueur en 2005, établit une distinction entre les droits fonciers et les autres droits des Autochtones.

Au Manitoba en 2014, la Nation des Dakotas de Sioux Valley et le gouvernement du Canada négocient une entente, faisant de la Nation des Dakotas de Sioux Valley la première Première Nation dotée d’un gouvernement autonome dans les Prairies. Ses compétences juridiques s’étendront à plus de 50 domaines.

Au cœur de la région des sables bitumineux de l’Alberta, la bande des Cris du lac Lubicon occupe le territoire visé par le traité 8, signé en 1899. Or il se trouve que cette bande n’avait pas signé le traité à l’époque. Dans les années 1980, un négociateur fédéral a été nommé pour discuter des revendications et des griefs présentés depuis longtemps par les Cris du lac Lubicon avec des représentants du gouvernement provincial de l’Alberta. Les Cris du lac Lubicon ne disposent cependant toujours pas d’un traité moderne.

Revendications en Colombie-Britannique

Dans les territoires, le gouvernement fédéral et les Autochtones négocient les revendications. Dans les provinces, par contre, trois entités doivent parvenir à s’entendre pour parvenir à un règlement : la Première Nation, le gouvernement fédéral et la Province. En Colombie-Britannique, les représentants du gouvernement fédéral, de la Province et des Premières Nations mettent sur pied en 1993 la Commission des traités de la Colombie-Britannique.

Les négociations menées par la Commission des traités de la Colombie-Britannique permettent la ratification en 1999 d’un traité entre la Province et le conseil tribal des Nisga’a. Lors de l’adoption au parlement, en 2000, de la Loi sur l’Accord définitif Nisga’a, l’accord devient le premier traité moderne de la Colombie-Britannique et le quatorzième traité moderne du Canada à être négocié entre 1976 et 2000. L’Accord Nisga’a accorde à cette Première Nation le droit de s’autogouverner à l’intérieur des 2 019 km2 de la vallée de la Nass, un territoire détenu par les Nisga’a en « fief simple ». Cette autonomie gouvernementale inclut le droit de gérer leurs terres, leurs biens et leurs ressources et la capacité d’édicter des lois concernant la citoyenneté, leur langue et la culture Nisga’a.

D’autres groupes autochtones de la Colombie-Britannique négocient présentement leurs revendications. La Première Nation Tsawwassen et les Premières Nations Maa-nulth signent des ententes respectivement en 2009 et en 2011. En février 2015, on comptait approximativement 60 négociations de revendications globales en cours en Colombie-Britannique, concernant deux tiers des Autochtones vivant dans la province. Prises toutes ensemble, les revendications, dont les territoires se chevauchent, portent sur une superficie totale qui dépasse celle de la province. Les négociations de traités en Colombie-Britannique constituent sans aucun doute l’ensemble le plus complexe de négociations jamais entreprises au Canada et les négociations de traités les plus complexes jamais menées dans le monde.

Est du Canada

En 1983, les Algonquins de Golden Lake (aujourd’hui connus sous le nom d’Algonquins de Pikwàkanagàn) présentent une revendication globale au gouvernement fédéral, puis en 1985 au gouvernement provincial de l’Ontario. Les négociations portant sur cette revendication ont débuté en 1991. La revendication est associée à une série de pétitions adressées à la Couronne depuis 1772. Elle fait valoir qu’aucun droit ni aucun des quelque neuf millions d’acres de terres n’a jamais été vendu ou cédé par traité. En 1994, les trois parties s’entendent sur une déclaration commune d’objectifs partagés. L’entente est reconfirmée en 2006, et un nouveau cadre d’entente relatif aux négociations est signé en 2009 par les trois parties. En octobre 2016, les Algonquins de l’Ontario signent une entente de principe sur une revendication territoriale (c.-à-d., une première étape vers un contrat définitif) avec les gouvernements canadien et ontarien et qui couvre 36 000 km2 de terres dans l’est de l’Ontario. Dans le cadre de cette entente, 117 500 acres (475 505 km2) de terres de la Couronne sont transférées aux Algonquins de l’Ontario. De plus, les Algonquins reçoivent 300 millions de dollars au total de la part des deux paliers de gouvernement, de même que des droits relativement aux terres et aux ressources naturelles. Les Algonquins au Québec et les auHaudenosaunee, critiquent l’entente de principe, affirmant que la revendication territoriale chevauche leur territoire. Il y a aussi un désaccord à savoir qui est admissible à titre d’Algonquin en vertu de l’entente. Même s’il faudra peut-être des années avant de ratifier les derniers détails de ce qui constituera le premier traité moderne ontarien, cela reste une entente historique qui s’est négociée en 24 heures.

Les Atikamekw et les Innus du Québec et du Labrador ainsi que les Inuits du Québec (Société Makivik) négocient aussi présentement des revendications portant sur des zones extracôtières du Québec et du Labrador.

L’Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Labrador est finalisé en 2005. Il s’agit d’un traité moderne entre les Inuits du Labrador, la Province de Terre-Neuve-et-Labrador et le Canada. Cet accord établit le gouvernement de Nunatsiavut et prévoit des dispositions d’autonomie gouvernementale, des droits fonciers spéciaux portant sur 72 520 km2 de terres et 48 690 km2 de domaine maritime, la propriété de 15 800 km2 de terrains et le paiement de redevances liées à l’extraction des ressources.

Les négociations portant sur les revendications territoriales de la nation innue du Labrador sont en cours et un accord-cadre a été signé en 1996 par les trois parties (Terre-Neuve-et-Labrador, Canada et nation innue). L’entente Tshash Petapen (ou « New Dawn »), signée en novembre 2011, ouvre la voie vers un règlement final prévoyant un titre foncier des Innus sur 12 950 km2 de terres au Labrador et des droits spéciaux sur 36 260 km2 supplémentaires, ainsi que des redevances sur l’exploitation des ressources et les projets hydroélectriques.

Autres revendications connexes

L’Accord sur les revendications territoriales concernant la région marine d’Eeyou a pour objet les revendications des Cris d’Eeyou Istchee, une région dans le nord-ouest du Québec et sur les îles de la baie James et de la baie d’Hudson. Les Cris continuent à utiliser l’océan et les voies navigables de la région de manière traditionnelle, pour la chasse des mammifères et des oiseaux marins et pour la pêche. Presque tous les Autochtones d’Eeyou Istchee résident au sein de cinq communautés sur les côtes de la baie James et du sud de la baie d’Hudson, ainsi que dans quatre communautés établies dans les terres.

En 2003, les Inuits de Nunavik et les Cris signent une entente concernant la région qui s’étend de la rivière La Grande à Long Island jusqu’à la baie d’Hudson, au nord, et au nord-est le long des côtes de la baie d’Hudson qui était un territoire de chasse traditionnel des Cris. L’entente entre les Cris et les Inuits intègre à la fois l’Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Nunavik et l’Accord sur les revendications territoriales concernant la région marine d’Eeyou. L’Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Nunavik, entré en vigueur en 2006, définit à qui appartiennent les terres et les ressources du Nunavut dans la région de la baie James, de la baie d’Hudson, du détroit d'Hudson et de la baie d’Ungava ainsi que dans une partie du Nord du Labrador. Les dispositions de cet accord recoupent en partie celles prévues dans les ententes entre les Inuits de Nunavik et chacun des trois autres groupes autochtones de la région : les Inuits du Nunavut, les Cris d’Eeyou Istchee et les Inuits du Labrador. En 2009, toutes les parties acceptent le texte de l’entente finale et lors du vote de 2010, presque 71 % de tous les Cris du Nord du Québec approuvent l’Accord sur les revendications territoriales concernant la région marine d'Eeyou.

Évolution des revendications globales

En janvier 2015, le gouvernement fédéral avait déjà réglé 26 revendications territoriales globales et signé 3 ententes d’autonomie gouvernementale depuis 1973 :

  • Convention de la baie James et du Nord québécois (1975)
  • Convention du Nord-Est québécois (1978)
  • Convention définitive des Inuvialuit – région ouest de l'Arctique (1984)
  • Entente des Gwich’in – portion nord-ouest des Territoires du Nord-Ouest et 1 554 km2 de terres dans le Yukon (1992)
  • Accord sur les revendications territoriales du Nunavut – Inuits de l’est de l’Arctique (1993)
  • 11 ententes finales avec des Premières Nations du Yukon jusqu’en 2008, basées sur l’Accord-cadre définitif avec le Conseil des Indiens du Yukon (1993)
  • ·Entente sur la revendication territoriale globale des Dénés et des Métis du Sahtu – vallée du fleuve Mackenzie, Territoires du Nord-Ouest (1993)
  • Accord définitif Nisga'a, vallée de la Nass, Nord de la Colombie-Britannique (2000)
  • Accord sur les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale du peuple tlicho ­– région North Slave, Territoires du Nord-Ouest (2003)
  • Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Labrador – Labrador et Terre-Neuve (2005)
  • Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Nunavik, Québec (2008)
  • Accord définitif de la Première Nation de Tsawwassen – Lower Mainland (Colombie-Britannique) (2009)
  • Accord sur les revendications territoriales concernant la région marine d'Eeyou – Québec (2010)
  • Accord définitif des Premières Nations Maanulth – île de Vancouver (2011)
  • Accord définitif de la Première Nation de Yale – Colombie-Britannique, 2013 (entré en vigueur en 2016)
  • Accord définitif des Tla’amins – Colombie-Britannique, 2014 (entré en vigueur en 2016)
  • Accord de gouvernance de la Nation des Dakota de Sioux Valley – Manitoba (2014)

En 2016, on comptait au Canada environ 100 tables de négociation portant sur des revendications territoriales globales et l’autonomie gouvernementale. Des revendications territoriales globales sont en cours de négociations dans l’est du Canada, au Québec, en Colombie-Britannique, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon, autant de régions pour lesquelles aucun traité historique n’a jamais été signé et aucun titre foncier autochtone n’a jamais été annulé.

De nombreux groupes ont négocié leur autonomie gouvernementale dans le cadre du processus de règlement de leurs revendications globales. Sur les 26 ententes signées, 18 prévoient des dispositions concernant l’autonomie gouvernementale. N’importe quelle communauté peut cependant entamer des négociations concernant son autonomie gouvernementale même si elle est signataire d’un traité historique et qu’elle ne satisfait pas aux critères concernant les revendications globales. Ainsi, des négociations portant sur l’autonomie gouvernementale se déroulent actuellement dans les provinces des Prairies et en Ontario en plus de celles relatives aux vastes régions du Canada qui ne sont pas couvertes par un traité historique.

Évolution historique : importance des règlements portant sur les revendications territoriales

La portée, l’échelle et le potentiel du règlement canadien des revendications territoriales sont uniques dans l’histoire des civilisations. Bien que le processus soit loin d’être achevé, des retombées positives importantes devraient être constatées au Canada et peut-être au-delà de ses frontières. Les revendications globales et particulières touchent la plus grande partie du Canada et dans le cas des règlements des revendications globales, la combinaison du titre foncier sur les terres (y compris quelques droits miniers), des fonds de compensation, des droits et des programmes particuliers ainsi que des dispositions concernant l’administration conjointe et l’autonomie gouvernementale font des bénéficiaires des acteurs potentiellement puissants dans l’économie, la société et le paysage politique de la nation.

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