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Langage

Le langage est un moyen, ou plus spécifiquement un système de communication. Plus spécifiquement, le langage est un système de communication qui repose généralement sur des sons humains, bien qu’il existe d’autres formes de communication. Certaines se fondent sur le toucher, l’odorat, le mouvement, les couleurs, les gestes et même sur les impulsions électriques qui transitent par les ordinateurs.

Le saviez-vous? Les animaux ont leurs propres formes de langage. L’abeille, par exemple, peut indique à ses congénères de la ruche l’emplacement du nectar au moyen d’une danse. Le paon, quant à lui, peut déployer des plumes éclatantes et se pavaner. Cependant, ces modes de communication n’ont pas la complexité du langage humain.

Pour devenir un mode de communication, tout langage doit d’abord être un système de représentation. Un système de représentation est indispensable pour que tous les utilisateurs de ce langage en comprennent les mots et les phrases, c’est-à-dire qu’ils utilisent le même code.

Les langues comme codes

Il peut être utile de penser aux langues en termes de codes. Différentes langues, telles que le français, l’anglais, le cri ou l’anishinaabemowin/ojibwé par exemple, codent les choses de différentes façons. Tout ce qui peut être vu, entendu, ressenti, vécu ou conçu peut être codé d’une manière relativement imprévisible dans une langue. Il n’existe pas nécessairement de relation entre ce que l’on voit et ce qui est transmis par la langue. Par exemple, il n’y a aucune raison a priori pour qu’un animal spécifique s’appelle chien en français, dog en anglais, hund en allemand, perro en espagnol et kutya en hongrois. Il est nécessaire, en revanche, que ces mots désignent toujours le même animal pour les locuteurs d’une même langue.

Toutes les personnes qui circulent en ville doivent accepter la convention selon laquelle le feu rouge commande l’arrêt. C’est en ce sens que la langue constitue un système de signes conventionnels, même si ceux-ci peuvent être arbitraires à l’origine. Par ailleurs, il n’y a pas que les signes qui soient arbitraires, ce qu’ils représentent l’est aussi. L’anglais, par exemple, possède un mot pour désigner l’animal, sheep, et un autre, mutton, pour la viande servie, là où le français n’en compte qu’un seul, « mouton ». À l’inverse, le français distingue le fleuve de la rivière, que l’anglais désigne par un même mot, river.

Chaque langue explique le monde, ou une expérience du monde, à sa manière. Par exemple, des locuteurs de langues différentes peuvent voir le même arc-en-ciel de la même façon, mais le nombre et la diversité des nuances qu’ils sont en mesure de nommer dépendent du nombre et de la diversité des couleurs qui sont encodées dans leurs langues respectives. Certaines langues possèdent des mots courants pour une douzaine de couleurs. D’autres s’en tiennent à deux. La distinction peut intervenir, par exemple, entre clair et foncé ou rougeâtre et bleuâtre. En d’autres mots, chaque langue détaille la même réalité observable (le même arc-en-ciel) d’une manière qui lui est propre. La ligne de démarcation entre le bleu et le vert n’est pas la même dans les langues germaniques et celtiques. Certains objets qui sont bleus en anglais sont définis comme étant verts en gallois. Les langues diffèrent donc par le nombre, la nature et le contenu des catégories qu’elles instaurent.

Toutes les langues humaines ont en commun certaines caractéristiques qui les distinguent des autres formes de communication. L’une des plus importantes est sans conteste ce que les linguistes appellent la « productivité », grâce à laquelle aucune limite d’expression ne vient entraver le locuteur dans sa propre langue. L’humain peut parler de tout. Il peut créer, énoncer et comprendre des phrases qui n’ont jamais été entendues.

Les composantes de la langue

Pour classifier les objets, les événements et les idées, le locuteur a recours au lexique (les mots), à la syntaxe (qui comprend l’ordre des mots), à la morphologie (la racine des mots, les affixes), à la phonologie (les sons fonctionnels) et à la prosodie (l’intonation, l’accentuation, le ton). Les distinctions établies dans une langue donnée par l’utilisation de mots différents peuvent s’exprimer dans une autre langue au moyen de la grammaire ou même de l’intonation. Par exemple, la différence entre « personne » et « n’importe qui » peut se rendre en anglais par une nuance d’intonation. Ainsi, « I don't lend my books to anyone » signifiera, selon l’intonation : « Je ne prête mes livres à personne » ou « Je ne prête pas mes livres à n’importe qui. »

Langue naturelle et langue artificielle

On peut également distinguer la langue naturelle de la langue artificielle. Certaines langues artificielles ont été créées de toutes pièces pour répondre à la nécessité d’un moyen universel de communication. L’espéranto, le novial, l’interlingua et des centaines d’autres langues artificielles ont été inventés au cours des siècles derniers, mais aucune n’a su s’imposer universellement. L’informatique a donné naissance à d’autres types de langues artificielles, et on parlera alors de langages informatiques. Le Fortran, le Basic et le Cobol sont des codes qui permettent aux humains de communiquer avec la machine. Cependant, aucun d’entre eux n’est aussi complexe qu’une langue naturelle, tant s’en faut. (Voir aussi Intelligence artificielle au Canada.) Les langues naturelles ont évolué au sein des collectivités, durant des millénaires dans certains cas. Elles reposent toutes sur les sons de la parole humaine, à l’exception des langues gestuelles (utilisées principalement par les malentendants) et des systèmes d’écriture purement idéographiques (soit qui utilisent des caractères ou des symboles pour représenter une idée ou un objet). Un petit enfant entouré de locuteurs d’une langue donnée apprend cette langue exactement comme il acquiert les comportements qu’on attend de lui dans sa famille et dans sa collectivité.

Langue, culture et société

La langue, tout comme la religion, le comportement social, la tenue vestimentaire, l’alimentation et les coutumes, est une composante intégrale de la culture. Il peut être utile de considérer la langue comme un monument dans lequel se trouve encodé tout ce que ses locuteurs ont considéré comme important et rien de ce qui est tenu pour négligeable. Par exemple, les communautés Inuites nomades qui historiquement vivent sur les côtes sans arbres des mers arctiques canadiennes n’ont aucun besoin de distinguer les différentes espèces d’arbres. En revanche, ils ont besoin de mots précis pour désigner les multiples textures de la neige. Certains dialectes inuits possèdent ainsi plus de 50 termes pour décrire la glace et la neige. (Voir aussi Peuples autochtones de l’Arctique au Canada ; Exploration de l’Arctique.) Chaque culture se dote de mots qui reflètent ses besoins.

La langue est une composante de la culture, mais toutes les cultures ne lui accordent pas la même importance. Pour certaines, elle est une marque d’identité profonde, qu’il faut protéger et dont il faut préserver la « pureté ». Pour d’autres, elle n’est qu’une ressource, une aptitude nécessaire pour communiquer, obtenir un emploi et gagner sa vie. (Voir aussi Langue et identité canadienne ; Francophone; Anglophone; Allophone.)

Langue, dialecte et registre

Il n’existe pas deux personnes au monde qui parlent une même langue exactement de la même façon. Chaque personne possède son idiolecte (c’est-à-dire ses habitudes discursives propres). Toutefois, les différences entre les idiolectes des locuteurs d’une même langue ne peuvent pas être telles qu’elles les empêchent de communiquer entre eux. Les groupes qui se parlent souvent développent une langue commune et fixent un certain seuil de tolérance à l’égard des particularités linguistiques individuelles. Par conséquent, les gens qui vivent dans une même région parlent souvent de la même façon : ils ont un dialecte commun.

Le dialecte se définit généralement selon deux paramètres, l’un géographique, l’autre social. L’homme manifeste une propension à parler comme ceux et celles qui vivent autour de lui, mais il tend aussi à s’exprimer comme les autres membres de sa classe socioéconomique, avec lesquels il établit l’essentiel de ses relations. Le R. P. britannique (received pronunciation) est un exemple de dialecte reposant sur la position sociale, par rapport à l’accent des public schools, parce qu’il caractérise ceux et celles qui ont fréquenté les établissements privés de Grande-Bretagne. Les niveaux de langue varient aussi selon le contexte, les circonstances et le degré de familiarité entre les interlocuteurs. Par conséquent, la plupart des gens utilisent différents registres selon la situation. Tel niveau de langue peut être acceptable pour parler à un membre de sa famille, mais complètement déplacé pour s’exprimer devant des inconnus lors d’une réunion publique ou pour s’adresser à un juge au tribunal.

Les langues du monde

Entre communautés linguistiques voisines, la différence des langues n’est pas très marquée, elle se borne à une question de degré. De là la difficulté, parfois, de déterminer à quelle langue appartient tel ou tel dialecte et même, dans certains cas, s’il s’agit effectivement d’un dialecte ou d’une langue à part entière. Ce sont les circonstances qui déterminent si un dialecte sera ou non reconnu comme une langue à part entière. Autrefois, le dialecte qui était en usage à la cour, dans la capitale ou au siège du gouvernement national, était choisi comme langue officielle de l’État. Aujourd’hui, les linguistes utilisent des critères plus objectifs pour distinguer ou catégoriser une langue et un dialecte. Si deux communautés linguistiques peuvent se comprendre entre elles, on considère en général qu’elles parlent deux dialectes d’une même langue. Par contre, deux groupes qui n’arrivent pas à se comprendre peuvent estimer qu’ils parlent des langues différentes ou des dialectes n’appartenant pas à la même langue. C’est là une méthode utilisée de nos jours pour établir la distinction entre langue et dialecte. Néanmoins, les frontières politiques continuent d’exercer une certaine influence sur les classifications linguistiques.

Les langues sont regroupées en familles. Les plus vastes (les phylums) rassemblent les langues qui se sont développées à partir d’une même langue source (la protolangue). On compte plusieurs familles de ce type dans le monde : sino-tibétaine, afro-asiatique, ouralo-altaïque, austronésienne (malayo-polynésienne), uto-aztèque, etc. Il existe environ 70 langues autochtones distinctes au Canada, qui se répartissent en 12 familles linguistiques distinctes. Le phylum indo-européen rassemble certaines des langues les plus parlées dans le monde, notamment les groupes germanique, roman et slave. Le français, le latin, l’italien, le portugais, l’espagnol, le roumain et plusieurs autres forment la branche romane. L’anglais, l’allemand, le néerlandais, le yiddish, le danois, l’islandais font partie, entre autres, de la branche dite « germanique ».

Le changement linguistique

La différenciation des langues est fonction de l’espace et du temps. Plus un groupe émigre loin et plus il reste isolé longtemps, plus sa langue diverge de celle de son pays d’origine. Les locuteurs de langues apparentées peuvent ne pas se comprendre mutuellement. Toutefois, certaines techniques de reconstruction comparative permettent d’établir des relations son à son et mot à mot, même si les groupes ont été séparés pendant des millénaires. Les méthodes qui peuvent servir à rapprocher des langues apparentées révèlent aussi les transformations qu’une même langue a subies pour en devenir une autre. En comparant les formes d’un même mot écrit dans des documents d’époques différentes, les linguistes ont montré, par exemple, comment le latin des légions romaines et de leurs sujets était devenu graduellement l’espagnol en Espagne, le français en France et le roumain en Roumanie. Ce phénomène se perpétue aujourd’hui, comme en témoigne la langue parlée en Haïti. Au début des plantations haïtiennes, les esclaves africains parlaient des langues différentes et ne se comprenaient pas entre eux. Pour remédier à la situation, ils ont élaboré une version simplifiée de la langue utilisée par leurs patrons francophones. C’est ainsi qu’en quelques générations s’est développé le créole, qui est aujourd’hui la langue vernaculaire commune à tous les Haïtiens.

Le saviez-vous?

Par rapport aux autres formes de français parlées au Canada, de nombreuses variétés de français acadien sont considérées comme assez traditionnelles dans leur forme et leur structure. Cela s’explique notamment par le fait que l’Acadie a été coupée de la France au début du 18e siècle. Même pendant la période coloniale française, les contacts avec les Français, y compris les administrateurs coloniaux, étaient limités. Par conséquent, le français acadien présente des caractéristiques qui étaient typiques du français parlé aux 16e et 17e siècles, mais qui ont disparu du français parlé par d’autres communautés en Amérique du Nord, en France et au-delà.

Les langues officielles

Une nation dont les membres parlent des langues diverses peut en désigner une ou plusieurs pour les communications officielles juridiques, administratives et autres. Le Canada, qui comprend de multiples langues du fait de la diversité des populations autochtones et de ses nombreux immigrants, a choisi deux langues officielles : le français et l’anglais. (Voir aussi Loi sur les langues officielles [1969] ; Loi sur les langues officielles [1988].) D’une manière générale, deux principes peuvent justifier qu’une langue devienne officielle : la territorialité et la personnalité. En vertu du premier principe, c’est la personne qui doit adopter la langue de l’État. En vertu du second, c’est l’État qui doit adopter la langue de la personne. C’est en 1974 que le principe de territorialité a été mis en œuvre pour la première fois, quand il est devenu le principe fondateur de la Loi sur les langues officielles du Québec. À l’inverse, le Canada et le Nouveau-Brunswick avaient convenu, en 1969, par leurs Lois sur les langues officielles, d’appliquer le principe de la personnalité dans toutes les communications, en français ou en anglais, entre le gouvernement et ses citoyens.

Voir aussi Bilinguisme; Langues immigrantes au Canada; Langues en usage au CanadaLinguistiqueTraduction

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