Les femmes canadiennes et la guerre | l'Encyclopédie Canadienne

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Les femmes canadiennes et la guerre

Depuis le début de son histoire coloniale, le Canada a été impliqué dans diverses guerres. Tout comme la nature de ces guerres a changé au fil du temps, leur impact a également changé les femmes canadiennes. Les femmes ont activement participé à l’effort de guerre, que ce soit en tant qu’infirmières et ouvrières dans les usines d’armement pendant la Première et la Deuxième Guerre mondiale, ou encore elles se sont engagées toujours en plus grand nombre au sein des Forces armées canadiennes.

Service féminin de la Marine royale du Canada (WRCNS)

La guerre touche les Canadiennes de différentes manières, selon leur emplacement géographique, leur race et leur statut socioéconomique. Les conflits antérieurs au 20e siècle ont des conséquences considérables sur les Canadiennes, en particulier sur les femmes autochtones, dont les communautés sont dépossédées et pillées par les armées coloniales. Des femmes sont internées, c’est-à-dire détenues et confinées, en temps de guerre en raison de leurs antécédents qui peuvent être reliés à des états ennemis.

Bien que certaines femmes soient profondément traumatisées par les guerres du Canada, d’autres en bénéficient indirectement. En temps de guerre, les femmes occupent souvent des postes qui sont traditionnellement réservés aux hommes, une tendance qui dans certains cas, contribue à l’avancement des droits des femmes.

(Voir aussi Femmes dans les forces armées canadiennes; Effort de guerre au Canada.)

La Nouvelle-France et l’Amérique du Nord britannique

Les femmes qui accompagnent les forces militaires françaises et anglaises aux 17e, 18e et 19e siècles font la cuisine, le lavage et la couture et elles prennent soin des malades et des blessés. Certaines d’entre elles protègent leur propriété des pilleurs et elles préparent des munitions, de la nourriture et des médicaments.

La guerre civile en Acadie

Au milieu du 17e siècle en Acadie, la femme de Charles de Saint-Étienne, Françoise-Marie Jacquelin (mieux connue sous le nom de Françoise-Marie de Saint-Étienne de La Tour) prend le commandement du corps d’armée colonial de son mari en son absence et elle défend le Fort La Tour contre une milice rivale (voir Guerre civile acadienne). De manière semblable, en 1692, Marie-Madeleine Jarret de Verchères, âgée de 14 ans, joue un rôle décisif en défendant le Fort Verchères contre une bande de pilleurs Haudenosaunee. Pendant la guerre de 1812, Laura Secord parcourt une distance de plus de 30 km pour alerter les forces armées britanniques d’une attaque imminente, et elle devient célèbre pour cet acte.

Madeleine de Verchères

Durant la Rébellion du Nord-Ouest de 1885, les femmes sont officiellement admises dans l’armée pour la première fois, en tant qu’infirmières (voir Les infirmières militaires). Des infirmières civiles accompagnent également la Troupe de campagne du Yukon pendant la ruée vers l’or du Klondike en 1898, ainsi que le contingent canadien lors de la guerre des Boers (de 1899 à 1902).

Minnie Affleck

(Voir aussi Les infirmières militaires et l’impact de la guerre sur les femmes.)

Expansion du rôle des femmes en temps de guerre au 20e siècle

Au 20e siècle, des facteurs tels que la distance des conflits et les idées restrictives sur les capacités des femmes se combinent pour empêcher celles-ci de participer directement à la guerre en tant que combattantes. Malgré tout, lors de la Première et la Deuxième Guerre mondiale, les femmes s’organisent pour assurer la défense du pays, en s’équipant d’uniformes et en s’entraînant à tirer au fusil et à exécuter des manœuvres militaires.

Les deux premiers services féminins sont créés en tant qu’auxiliaires de l’armée de l’air et de l’armée terrestre en 1941. Environ 50 000 Canadiennes s’enrôlent éventuellement dans l’armée de l’air, dans l’armée terrestre et dans la marine. Bien que les membres du Service féminin de l’Aviation royale canadienne soient initialement formées pour occuper des postes dans les bureaux, ainsi que des postes administratifs et des postes de soutien, elles finissent par travailler comme arrimeuses de parachute, assistantes de laboratoire, ainsi que dans les métiers de mécanique et d’électricité.

Le Service féminin de l’Armée canadienne suit une voie semblable, alors que ses membres commencent comme cuisinières, infirmières et couturières, et deviennent plus tard conductrices et mécaniciennes. Le troisième service militaire féminin, le Service féminin de la Marine royale (SFMRC, mais WRCNS en anglais qui devient « Wrens »), est mis sur pied en 1942. La bureaucratie croissante en temps de guerre ouvre la voie aux femmes qui sont officiellement reconnues en tant que membres des Forces armées en dehors des soins infirmiers, et de nombreuses femmes du service occupent des postes administratifs de sténographes, de standardistes et de secrétaires. De nombreuses Wrens s’impliquent dans le travail des renseignements durant la guerre. Même si les femmes ne servent pas au combat, les membres de Service féminin de l’ARC, du Service féminin de l’Armée canadienne et du SFMRC sont affectées outre-mer durant la Deuxième Guerre mondiale.

Comme lors des conflits précédents, des milliers d’infirmières canadiennes servent durant les guerres mondiales. Des femmes médecins sont également admises dans les forces armées pour la première fois durant la Deuxième Guerre mondiale. (Voir Jean Flatt Davey.) Plusieurs de ces infirmières et médecins servent outre-mer, certaines d’entre elles soutenant directement les campagnes alliées en Afrique du Nord, en Italie et en Europe du Nord-Ouest.

Droit de vote

En 1917, alors que se produit une profonde reconfiguration des pratiques de travail sur le front intérieur, le mouvement pour le droit de vote des femmes remporte une victoire majeure avec l’adoption de la Loi des élections en temps de guerre, qui accorde à certaines femmes le droit de vote aux élections fédérales. À l’époque, le droit de vote est limité aux femmes qui travaillent dans les forces armées, ainsi qu’aux épouses, mères et sœurs de soldats déployés outre-mer. Toutefois, dans un même temps, la Loi des élections en temps de guerre révoque le droit de vote des citoyens canadiens nés dans un pays ennemi qui ont été naturalisés après 1902. De nos jours, la plupart des historiens considèrent que cette loi est en partie le résultat de la présence croissante des femmes dans la sphère publique et en partie une mesure prise par le premier ministre Robert Borden afin de renforcer le soutien électoral pour son gouvernement (voir Élections de 1917).

Le saviez-vous?
Le terme « étranger ennemi » désigne les immigrants venant de pays qui étaient légalement en guerre contre le Canada. Pendant la Première Guerre mondiale, le Canada a interné 8579 étrangers ennemis dans 24 stations et camps d’internement de 1914 à 1920. Parmi les personnes internées se trouvaient des Ukrainiens, des Allemands, des Turcs, des Bulgares et des personnes d’origine austro-hongroise.


Rôles en temps de guerre sur le front intérieur

Un autre rôle important que les femmes jouent en temps de guerre, et plus particulièrement durant la Deuxième Guerre mondiale, est celui d’espionnage et de déchiffrage de codes. Le gouvernement canadien recrute des membres du Service féminin de la Marine royale du Canada et du Service féminin de l’Armée canadienne, entre autres, pour décrypter des messages codés. Les femmes travaillent en Colombie-Britannique, en Nouvelle-Écosse et en Ontario, incluant au Camp X.

Alors qu’un certain nombre de femmes travaillent à la production de munitions dans les usines durant la guerre des Boers, elles arrivent en masse dans l’industrie des munitions pendant la Première et la Deuxième Guerre mondiale. D’après la Commission impériale des munitions, près de 35 000 femmes travaillent dans les usines de munitions de l’Ontario et du Québec durant la Première Guerre mondiale. En 1943, plus de 261 000 femmes participent à la production de matériels de guerre, ce qui représente plus de 30 % de l’industrie aérospatiale, près de 50 % des employés dans les nombreuses usines d’armements, et une nette majorité dans l’inspection d’armes.


Les femmes travaillent également pour assurer une économie nationale prospère. Pendant la Première et la Deuxième Guerres mondiales, elles produisent et conservent de la nourriture, elles amassent des fonds pour financer les hôpitaux, les ambulances, les auberges et les avions, et elles offrent leurs services à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. De nombreuses femmes se joignent également à des organismes publics comme la Fédération des Instituts Féminins du Canada, l’Ordre impérial des filles de l’Empire, la Young Women’s Christian Association et la Croix-Rouge canadienne.

Quels que soient les rôles conventionnels des femmes dans l’ordre social, la guerre nécessite toutes les ressources humaines du Canada. En même temps, la nature temporaire des contributions des femmes au cours de la Première et de la Deuxième Guerre mondiale fait en sorte que leurs efforts en temps de guerre ne remettent pas en question le système établi. Ce qui fait qu’après la fin des hostilités, elles doivent retourner à leurs rôles féminins conventionnels. En temps de guerre, le travail des femmes est indispensable, mais en temps de paix, il est remplaçable.

(Voir aussi Effort de guerre au Canada.)

Les femmes dans les Forces armées canadiennes

Malgré les contributions des femmes aux efforts militaires canadiens au 20e siècle, elles ne sont pas autorisées à faire pleinement partie des forces armées avant la fin des années 1980. Le Canada n’ouvre tous les postes militaires aux femmes qu’en 1989 (à l’exception des sous-marins, où les femmes sont admises à partir de 2001 seulement). En 2001, les femmes représentent plus de 11,4 % des Forces armées canadiennes.


Le recrutement et le maintien en poste des hommes et des femmes des Forces armées ralentissent au début et au milieu des années 2010, et le nombre de membres à temps plein et à temps partiel n’atteint pas les objectifs. Le recrutement des femmes stagne et les femmes quittent leur poste à un taux légèrement plus élevé que les hommes. En réponse, les Forces armées établissent une stratégie de recrutement et de fidélisation qui vise à augmenter le nombre de femmes de 1 % par année, avec pour objectif d’atteindre une représentation de 25 % d’ici 2026.

En février 2018, 15,3 % du personnel régulier, 4,3 % du personnel de combat et 17,9 % des officiers des FAC sont des femmes. Des 14 434 femmes en service, 7408 servent dans l’armée, 2856 sont dans la Marine royale et 4160 sont dans l’Aviation royale. Un an plus tard, 4,8 % du personnel de combat de la force régulière et de la première réserve sont des femmes. En février 2020, les femmes représentent 16 % du personnel des FAC, 19,1 % des officiers et 15,1 % des sous-officiers. Le pourcentage de femmes est le plus élevé dans la marine (20,6 %), suivi de près par l’armée de l’air (19,8 %). En 2020, les femmes représentent 13,5 % de l’armée canadienne.

Le pourcentage de femmes dans les FAC augmente légèrement depuis 2020. En mai 2023, les femmes représentent environ 16,5 % de la force régulière et de la première réserve des FAC : soit 19,6 % des officiers et 15,4 % des militaires du rang. Les femmes représentent 20,7 % de la marine, 20,3 % de l’armée de l’air et 13,9 % de l’armée.

(Voir aussi Femmes dans les Forces armées canadiennes.)

Les femmes et le mouvement d’opposition à la guerre

Les femmes canadiennes ont autant d’influence sur la guerre que celle-ci en a sur elles. Certaines d’entre elles influencent de manière significative le caractère des forces armées canadiennes en se hissant à des rangs élevés et en faisant la promotion de ses activités, tandis que d’autres se joignent à des mouvements pacifistes et antiguerre qui critiquent sévèrement l’armée. De nombreuses Canadiennes jouent un rôle de premier plan dans la lutte contre la guerre. C’est particulièrement le cas pendant la Première Guerre mondiale, lorsque des femmes à travers l’Europe et l’Amérique du Nord organisent des mouvements pacifistes à une échelle sans précédent.

Cependant, la guerre a également un impact de division sur les Canadiennes. Un certain nombre d’organismes féminins traditionnels, comme le Conseil national des femmes du Canada (CNFC) et le National Committee of Women for Patriotic Service (NCWPS), soutiennent ouvertement ou tacitement la guerre. D’autres femmes contestent la guerre au départ, mais elles deviennent de plus en plus convaincues de sa nécessité. Par exemple, des dirigeantes du mouvement pour le droit de vote des femmes, comme Nellie McClung, Emily Murphy et Flora MacDonald Denison, maintiennent toutes leur conviction pacifiste lorsque la guerre éclate en 1914, mais elles changent ensuite de position alors qu’elles deviennent convaincues que les attaques de l’Allemagne contre la Grande-Bretagne ne peuvent être stoppées que par une intervention militaire.

En 1915, Jane Addams, une réformiste américaine de grande notoriété, met sur pied la Women’s Peace Conference à La Haye. Jane Adams invite Le CNFC et le NCWPS, mais ils déclinent tous deux l’invitation. Une poignée de Canadiennes y assistent en tant que déléguées indépendantes, dont Julia Grace Wales et Laura Hughes. La Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté est fondée par des femmes impliquées dans le mouvement du droit de vote en Europe et en Amérique du Nord qui assistent à la conférence de La Haye. Ces femmes veulent mettre fin à la Première Guerre mondiale et elles cherchent des moyens pour garantir que d’autres guerres n’aient pas lieu.

Au cours du siècle suivant, l’alignement du mouvement pacifiste et de l’activisme des femmes à l’échelle nationale n’est jamais aussi fort qu’il l’a été durant la Première Guerre mondiale. Néanmoins, les femmes canadiennes jouent un rôle de premier plan dans la lutte pour le désarmement nucléaire dans les années 1960, qui donne naissance au mouvement Voice of Women (maintenant appelé Canadian Voice of Women for Peace). Au début du 21e siècle, des milliers de femmes à travers le pays se mobilisent également pour empêcher la participation du Canada à l’invasion américaine en Irak en 2003.