Robert Abram Bartlett | l'Encyclopédie Canadienne

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Robert Abram Bartlett

Robert (Bob) Abram Bartlett, navigateur arctique, explorateur, capitaine de navire des glaces, scientifique (né le 15 août 1875 à Brigus, à Terre‑Neuve; décédé le 28 avril 1946 à New York, aux États‑Unis).

Robert (Bob) Abram Bartlett, navigateur arctique, explorateur, capitaine de navire des glaces, scientifique (né le 15 août 1875 à Brigus, à Terre‑Neuve; décédé le 28 avril 1946 à New York, aux États‑Unis).

Au cours d’une carrière qui s’est étendue sur un demi‑siècle, Robert Abram Bartlett a entrepris plus de 40 voyages dans les eaux du Nord et est devenu l’un des capitaines de navires des glaces les plus expérimentés ayant jamais navigué dans l’Arctique. Il a participé à plusieurs expéditions célèbres, notamment l’Expédition canadienne dans l’Arctique de 1913‑1918 dans le cadre de laquelle il a commandé le « navire amiral » de l’expédition, le Karluk, qui a sombré dans l’Arctique après avoir été pris par les glaces. Au cours de sa carrière, Robert Bartlett a survécu à deux naufrages, sauvant ainsi la vie de ses compagnons, et apporté des contributions majeures à la compréhension scientifique et à la cartographie de l’Arctique.

Jeunesse et expéditions au pôle Nord

Robert Bartlett nait à Brigus, à Terre‑Neuve en 1875 dans une famille dotée d’une forte tradition de navigation en mer. Pendant son enfance et son adolescence, il aide son père à pêcher et à chasser le phoque au large des côtes du Labrador, découvrant, dès son plus jeune âge, comme il le dira lui‑même, qu’il a, inscrite dans le sang, une destinée de marin repoussant toujours plus loin la pénétration de l’homme dans les espaces les plus sauvages de la planète. Adolescent, il trouve un emploi à bord de navires marchands et acquiert suffisamment d’expérience pour passer les examens nécessaires en vue de devenir capitaine, des examens qu’il réussit à Halifax en 1898. Plutôt que de prendre immédiatement le commandement de son propre navire, il choisit de servir comme second à bord du Winward, le navire de soutien de l’explorateur américain Robert Peary, lors de sa véritable première tentative pour atteindre le pôle Nord entre 1898 et 1902. Il passe les quatre années suivantes pris dans la glace au large de l’île d’Ellesmere, une période au cours de laquelle il apprend l’art de naviguer et de survivre dans l’environnement hostile de l’Arctique auprès des guides et des chasseurs inuits de l’expédition, tout en nouant une amitié étroite avec Robert Peary.

Bien que l’expédition se soit soldée par un échec, Bob Bartlett, comme il le rappellera lui‑même plus tard, a désormais le « virus » de l’Arctique profondément ancré en lui. Il choisit d’accompagner Robert Peary lors de sa deuxième tentative pour atteindre le pôle en 1905‑1906 en tant que commandant du Roosevelt, un navire à coque d’acier. Toutefois, l’explorateur échoue une nouvelle fois et de violentes tempêtes, des conditions glacielles difficiles, un incendie, des hélices endommagées et un gouvernail cassé mettent à rude épreuve les qualités de chef et les compétences de marin du capitaine du Roosevelt lors du voyage de retour à New York. Malgré cette expérience délicate, le capitaine est à nouveau volontaire pour commander le Roosevelt en 1908‑1909, lors de l’ultime tentative de Robert Peary d’atteindre le pôle. Il joue un rôle crucial dans la marche de l’expédition vers le nord, traçant la route au milieu des terribles glaces de l’océan arctique jusqu’à 240 km du pôle. Alors qu’il n’atteint pas lui‑même le pôle en compagnie de l’explorateur américain, il conduit l’expédition jusqu’à une latitude de 87° 48’ N, ce qui lui vaut la médaille Hubbard le 31 mars 1909, la plus haute distinction octroyée par la National Geographic Society.

L’Expédition canadienne dans l’Arctique et le Karluk

Après les expéditions de Robert Peary, le capitaine Robert Bartlett rêve de retourner dans l’Arctique et affirme : « Quelles que soient les difficultés, tant que vous cherchez à avancer pour atteindre votre but, tout va bien! Vous vous habituez à la viande avariée, aux doigts gelés, aux poux et à la saleté. Les ennuis commencent après le retour! » En 1913, il accepte l’invitation de Vilhjalmur Stefansson à commander le « navire amiral » de l’Expédition canadienne dans l’Arctique, le Karluk, en dépit de ses fortes réserves quant aux capacités du bateau à se frayer un chemin au milieu des glaces hivernales. Le 13 août 1913, ses craintes se réalisent lorsque le Karluk se retrouve prisonnier de la glace à environ 322 km au‑delà de Point Barrow en Alaska. Le navire dérive, pris dans la glace, pendant cinq mois jusqu’à ce qu’il coule au nord de la Sibérie, le 11 janvier 1914, laissant son équipage échoué. Sous la direction du capitaine, le groupe s’installe sur l’île Wrangel, à une centaine de kilomètres du lieu où le navire a coulé, broyé par les glaces. Là, des conditions particulièrement hostiles et la faim deviennent rapidement difficiles à supporter. Pour sauver son équipage, accompagné d’un chasseur iñupiat nommé Kataktovik, Bob Bartlett entreprend une marche dangereuse de 320 km sur la glace jusqu’à la côte russe, suivie d’un autre périple maritime de 650 km jusqu’en Alaska d’où il réussit à envoyer une mission de sauvetage vers l’île Wrangel en septembre 1914. Malgré tous ses efforts, 11 membres d’équipage périssent lors de cette expédition.

Le public et la presse saluent Bob Bartlett comme un héros; cependant, une commission de l’Amirauté britannique lui reproche d’avoir conduit le Karluk aussi profondément dans les glaces. Ce sont les survivants de cette terrible épreuve qui prennent sa défense. William Laird McKinlay, un scientifique de l’expédition membre de l’équipage du Karluk, se remémore ainsi la situation : « Pour moi, dans toute cette affaire, il n’y a eu qu’un seul authentique héros : le capitaine Bob Bartlett, un homme honnête d’un courage incroyable sur lequel on pouvait toujours compter, bref tout ce que devrait être un homme véritable! »

En compagnie du Effie M. Morrisey

Robert Bartlett devient citoyen américain peu après son retour de l’Arctique, dans l’espoir d’obtenir des financements plus importants pour entreprendre d’autres voyages dans le Nord. En 1917, il entreprend le sauvetage de l’expédition de Donald Baxter MacMillan partie pour découvrir un nouveau territoire, Crocker Land, au nord de l’île d’Ellesmere; une tentative qui ne peut qu’avorter puisque cette terre n’existe pas. Pendant la Première Guerre mondiale, il sert dans l’armée de terre et la marine américaine, participant au transport de troupes et de marchandises entre les ports américains.

Après la guerre, Bob Bartlett conseille, à l’occasion, la marine américaine sur des questions relatives à l’Arctique, mais éprouve les pires difficultés à obtenir les financements nécessaires à la mise sur pied d’une autre expédition dans la région. Toutefois, grâce à l’aide d’un ami américain, il achète une goélette, le Effie M. Morrissey. De juillet 1926 au début de la Deuxième Guerre mondiale, le capitaine effectue, sur son bateau bien‑aimé qu’il surnomme « Little Morrissey », 14 voyages dans l’Arctique, explorant les côtes nord‑est et nord‑ouest du Groenland et des régions éloignées de l’Arctique canadien. Avec le soutien de l’Institut Smithsonian, de l’American Museum of Natural History et des New York Botanical Garden, le capitaine réussit, à l’occasion de ces différentes expéditions nordiques, à conduire des recherches scientifiques, notamment océanographiques et atmosphériques, à participer à de nombreuses activités de prospection archéologique et à établir des cartes marines et terrestres de l’Arctique, ce qui est absolument remarquable pour un homme qui, après tout, ne dispose que d’une formation scientifique universitaire très limitée.

Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, Bob Bartlett et « Little Morrissey » se mettent au service de l’armée américaine en participant au réapprovisionnement de bases situées au Groenland et dans l’Arctique canadien. Après la fin des hostilités, il envisage d’autres voyages vers l’Arctique; toutefois, il décède à New York à l’âge de 70 ans, après avoir contracté la tuberculose.

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