Le Canada et la guerre d’Afrique du Sud (Guerre des Boers) | l'Encyclopédie Canadienne

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Le Canada et la guerre d’Afrique du Sud (Guerre des Boers)

La guerre d’Afrique du Sud (1899-1902) a été la première guerre à l’étranger dans laquelle le Canada s’est impliqué. Aussi appelée guerre des Boers, elle a opposé la Grande-Bretagne (aidée par ses colonies et dominions, dont le Canada) et les républiques afrikaners du Transvaal et de l’État libre d’Orange. Le Canada a envoyé trois contingents en Afrique du Sud, tandis que certains Canadiens ont également servi dans les unités britanniques. En tout, plus de 7 000 Canadiens, dont 12 infirmières, ont servi pendant cette guerre. De ce nombre, environ 270 sont morts. Cette guerre a été importante parce que les troupes canadiennes se sont distinguées pour la première fois dans des combats à l’étranger. Au pays, la participation au conflit a nourri un certain sentiment d’indépendance par rapport à l’Empire britannique, et a mis en évidence le fossé entre les anglophones et les francophones sur le rôle du Canada dans les affaires internationales–deux facteurs qui reviendront au premier plan quelques années plus tard, lors de la Première Guerre mondiale.

Au Transvaal

Débuts du conflit

La Grande-Bretagne déclenche la guerre en 1899, en tant qu’agresseur impérialiste contre deux petites républiques indépendantes afrikaners (ou boers). Les Afrikaners sont les descendants des réfugiés protestants venant de Hollande, de France et d’Allemagne qui ont migré au cours du 17e siècle au Cap de Bonne-Espérance, à l’extrémité sud de l’Afrique. Après la prise de contrôle du Cap par la Grande-Bretagne au 19e siècle, de nombreux Afrikaners, refusant de se soumettre à l’autorité britannique, fuient vers le nord à l’intérieur des terres, où ils établissent les nations indépendantes du Transvaal et de l’État libre d’Orange. En 1899, l’Empire britannique (alors au sommet de sa puissance) possède deux colonies africaines, le Cap et Natal, mais veut également le contrôle des états boers avoisinants. Transvaal est la nation qui a le plus de valeur, car c’est le foyer des champs aurifères les plus riches du monde.

Le prétexte britannique pour cette guerre est la dénégation par les Boers de droits politiques à la population croissante d’étrangers (ou « Uitlanders » en afrikaans), principalement des immigrants de la Grande-Bretagne et ses colonies, qui travaillent dans les mines d’or du Transvaal. Le gouvernement britannique rallie la sympathie du public à la cause des Uitlanders, à travers son Empire, incluant le Canada, où le Parlement adopte une résolution pour le soutien des Uitlanders. La Grande-Bretagne augmente la pression sur les Boers et déplace ses troupes dans la région, jusqu’à ce que finalement, en octobre 1899, les gouvernements boers mènent une frappe militaire préventive contre les forces britanniques postées près de Natal.

Les Canadiens sont divisés

L’opinion canadienne est fortement divisée sur la question de l’envoi de troupes pour aider les Britanniques. Les Canadiens français dirigés par Henri Bourassa, voyant dans l’impérialisme britannique en expansion une menace à leur survie, sympathisent avec les Boers, alors que la plupart des Canadiens anglais se rallient à la cause britannique. Le Canada anglais est à l’époque une société résolument britannique; le jubilé de diamant de la reine Victoria avait été célébré de façon somptueuse à travers le pays en 1897. Deux ans plus tard, si la mère patrie part en guerre, la plupart des Canadiens anglais sont désireux de l’aider. Des douzaines de journaux canadiens anglophones adoptent l’esprit patriotique et chauvin et l’époque, et exigent que le Canada participe à la guerre.

Henri Bourassa
Sir Wilfrid Laurier

Le premier ministre Wilfrid Laurier est réticent à l’idée d’impliquer le Canada, et son Cabinet divisé est plongé dans une crise sur la question. Le Canada ne possède pas une armée professionnelle à cette époque. Éventuellement, sous la pression intense, le gouvernement autorise le recrutement d’une force symbolique de 1000 fantassins volontaires. Bien que ces derniers combattent au sein de l’armée britannique, c’est la première fois que le Canada envoie des soldats portant dans des uniformes canadiens à l’étranger.

Contingents canadiens

Les 1000 soldats volontaires sont désignés comme le 2e Bataillon (service spécial) du Régiment royal canadien. Ce premier contingent est placé sous le commandement du lieutenant-colonel William Otter, un héros de la Rébellion du Nord-Ouest. Le contingent lève les voiles de Québec le 30 octobre, surnommé « the gallant thousand » par ministre de la Milice Frederick Borden, dont le fils Harold sera tué au combat en Afrique du Sud.

Alors que la guerre se poursuit, le Canada n’a aucune difficulté à recruter 6 000 volontaires de plus, tous des hommes à cheval. Ce deuxième contingent comprend trois batteries d’artillerie de campagne et deux régiments, les Royal Canadian Dragoons et le 1er Régiment, les Canadian Mounted Rifles. Une troupe supplémentaire de 1 000 hommes, nommée 3e Bataillon du RCR, est mobilisée pour relever les troupes régulières britanniques en garnison à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Seuls les 1er, 2e et 3e contingents et celui de Halifax, en plus de 12 officiers chargés de l’instruction, six aumôniers, huit infirmières et 22 corps de métier (pour la plupart forgerons) sont recrutés en vertu de la Loi de milice canadienne. Ils sont organisés, vêtus, équipés, transportés et rémunérés en partie par le gouvernement canadien, à des coûts avoisinant 3 millions de dollars.

Un troisième contingent, celui du Strathcona’s Horse, est entièrement financé par Lord Strathcona (Donald Smith), un riche canadien occupant les fonctions de haut-commissaire auprès de la Grande-Bretagne. Le reste des troupes venant du Canada, incluant le South African Constabulary, les 2e, 3e, 4e, 5eet 6erégiments des Canadian Mounted Rifles, et le 10ehôpital canadien de campagne, est recruté et payé par les Britanniques. Tous les volontaires s’engagent à servir jusqu’à concurrence d’un an, à l’exception du Constabulary, qui exige de ses membres un service de trois ans.

Les Canadiens servent également dans des unités britanniques, et dans des unités de type guérilla, comme les Canadian Scouts et les Brabant’s Horse.

Paardeberg

La plupart des premiers soldats volontaires qui partent vers l’Afrique du Sud en octobre 1899 croient qu’ils reviendront victorieux à temps pour Noël. La Grande-Bretagne impériale est la nation la plus puissante de la planète, comment deux petites républiques boers pourraient-elles résister à sa puissance militaire? Toutefois, lorsque les Canadiens arrivent à Cape Town en novembre, le côté britannique est en état de choc. Après deux mois de guerre, les principales forces britanniques ont soit capitulé au combat ou ont été assiégées par les Boers dans les villages de garnison. Puis, en décembre, les Britanniques subissent trois frappantes défaites sur les champs de bataille, lors de ce qui est maintenant connu comme la « semaine noire ». Soudainement, la Grande-Bretagne se retrouve impliquée dans sa plus importante guerre depuis près d’un siècle.

Ces revers sont non seulement attribuables aux erreurs militaires de l’armée britannique, mais aussi à l’habileté des armées boers, elles sont composées de soldats citoyens très mobiles, familiarisés avec les terres, munis d’armes modernes et déterminés à défendre leur patrie. En février 1900, les Britanniques renforcent et réorganisent leur effort de guerre. Dirigés par de nouveaux chefs, ils abandonnent les voies ferrées lentes et vulnérables, et les troupes marchent directement à travers les prairies africaines vers Bloemfontein et Pretoria, les capitales boers.

Le 17 février, une colonne britannique de 15 000 hommes, dont les 1 000 soldats du premier contingent canadien, affronte une force boer de 5000 hommes qui a encerclé ses wagons à Paardeberg, une plaine rocheuse au sud de Bloemfontein. Pendant neuf jours, les Britanniques assiègent la force boer qui est plus petite, la pilonnant avec de l’artillerie et tentant sans succès (incluant une charge suicide échouée, par les Canadiens) d’attaquer le camp boer avec l’infanterie.

Le 26 février, les Canadiens sous les ordres de William Otter, reçoivent à nouveau l’ordre de repartir à l’assaut, cette fois-ci en tentant une attaque nocturne. Après plusieurs heures de combat désespéré, les Boers se rendent aux Canadiens à l’aube du lendemain. Il s’agit là de la première victoire britannique importante de cette guerre, et le Canada est soudainement la fierté de l’Empire britannique. Des centaines d’hommes des deux côtés, dont 31 Canadiens, sont morts à Paardeberg. Toutefois, le commandant feld-maréchal britannique Frederick Roberts fait l’éloge de William Otter et de ses hommes. Il déclare que « [le mot] Canadien est désormais synonyme de bravoure, de force et de courage ».

La bataille de Paardeberg

Leliefontein

En juin 1900, Bloemfontein et Pretoria tombent aux mains des Britanniques et Paul Kruger, le président du Transvaal, s’enfuit pour s’exiler en Europe. Mais au lieu de se rendre, les Boers restants s’organisent en unités de guérilla montées et se fondent dans la campagne. Durant les deux années suivantes, les Boers mènent une insurrection contre les Britanniques, ils font des raids dans les colonnes militaires et les entrepôts de stockage, ils font sauter les lignes de chemin de fer, et ils effectuent des raids de commandos. Les Britanniques rétorquent par une stratégie de terre brûlée, qui consiste à incendier les fermes et à rapatrier des dizaines de milliers de familles boers et africaines dans des camps de concentration, jusqu’à ce que les derniers combattants boers qui persistent soient maîtrisés.

Le 7 novembre 1900, en pleine phase de guérilla, une force britannique de 1 500 hommes est attaquée à la ferme de Leliefontein, dans l’est du Transvaal, par un large groupe de cavaliers boers, qui ont l’intention de capturer les wagons de marchandises et les armes de l’Artillerie royale canadienne, placées à la fin de la colonne. Pendant deux heures, les équipes d’artillerie canadiennes et les soldats des Royal Canadian Dragoons mènent une bataille féroce à cheval afin de protéger leurs fusils.

Brigadier Richard Turner, 1917.
Croix de Victoria

Trois Canadiens meurent à Leliefontein. Trois autres, dont le lieutenant blessé Richard Turner (qui servira plus tard en tant que général lors de la Première Guerre mondiale), reçoivent la Croix de Victoria en honneur de leur bravoure pour sauver les armes.

Boschbult

La bataille la plus héroïque à laquelle participent les Canadiens en Afrique du Sud a lieu à la fin de la guerre, le lundi de Pâques, 31 mars 1902. Il s’agit de la bataille de la ferme de Boschbult, aussi connue sous le nom de bataille de Harts River. Une autre colonne britannique de 1 800 hommes est en train de patrouiller les extrémités éloignées à l’ouest du Transvaal lorsqu’elle rencontre une force étonnamment importante de 2 500 Boers. De loin dépassés en nombre, les Britanniques se réfugient autour des bâtiments de la ferme de Boschbult, y montent leurs défenses et passent le reste de la journée à tenter de se défendre contre la série de charges et d’attaques venant des cavaliers ennemis.

Sur le côté extérieur de la ligne de défense britannique, un groupe de 21 fusiliers montés canadiens, mené par le lieutenant Bruce Carruthers, se bat vaillamment contre les cavaliers boers. Bruce Carruthers et ses hommes sont éventuellement séparés des autres soldats britanniques et encerclés, et un bon nombre d’entre eux sont gravement blessés, mais ils refusent néanmoins de céder leur position avant d’avoir tiré leurs dernières munitions. Sur 21 soldats, 18 sont soit tués ou blessés avant la fin de la bataille.

Entre-temps, six autres Canadiens qui faisaient initialement partie du groupe de Carruthers sont séparés de leur unité et de la force principale durant le combat. Plutôt que de se rendre, ils fuient à pied dans les velds ouverts (les prairies), et ils sont poursuivis par un groupe de Boers pendant deux jours, jusqu’à ce qu’ils n’aient plus le choix de se battre. Deux d’entre eux sont tués avant que les quatre autres ne se rendent.

En tout, on compte 13 soldats canadiens tués et 40 blessés lors de la bataille de Boschbult, l’un des affrontements les plus violents de la guerre.

Distinctions canadiennes

Les derniers des Boers finissent par se rendre, et la guerre prend fin le 31 mai 1902. Les troupes canadiennes se distinguent au cours de ce conflit en Afrique du Sud, le premier de nombreux et bien plus considérables conflits à venir au 20e siècle. Leur ténacité, leur endurance et leur sens de l’initiative se montrent particulièrement efficaces pour contrer les méthodes de guérilla non orthodoxes des Boers. Cinq Canadiens reçoivent la Croix de Victoria, 19 d’entre eux reçoivent l’Ordre du Service distingué, et 17 autres reçoivent la Médaille de conduite distinguée. L’infirmière militaire canadienne Georgina Pope se voit décerner la Croix rouge royale. Durant les derniers mois de la guerre, 40 enseignants canadiens se rendent en Afrique du Sud pour aider à rebâtir le pays.

Georgina Pope

Le saviez-vous?
En tout, 12 infirmières militaires canadiennes ont servi durant la guerre d’Afrique du Sud. C’était la première fois que des femmes canadiennes étaient envoyées à l’étranger avec les forces militaires. Dirigées par Georgina Pope, les infirmières volontaires ont servi avec le British Medical Staff Corps. Lorsque le Corps de santé royal canadien est créé en 1904, il comprend un petit service de soins infirmiers permanent.


Legs

Au total, la guerre cause la mort d’au moins 60 000 personnes, incluant 7000 guerriers boers et 22 000 soldats impériaux. Près de 270 Canadiens sont morts en Afrique du Sud, dont beaucoup en raison de maladies. Cependant, la majeure partie des souffrances est vécue par les civils, en grande partie à cause des maladies résultant des conditions de vie insalubres des dizaines de milliers de familles confinées dans des camps de concentration britanniques. On estime qu’entre 7000 et 12 000 Africains noirs trouvent la mort dans les camps, ainsi qu’entre 18 000 et 28 000 Boers, des enfants pour la plupart.

Malgré ces pertes de vie humaines, les Canadiens au pays voient avec fierté les exploits militaires de leurs soldats et célèbrent leurs victoires par des manifestations et des défilés massifs.

Des donneurs bénévoles permettent d’assurer la vie des vétérans lors de leur enrôlement, de les inonder de cadeaux au moment de leur départ et pendant leur service, puis de les fêter à leur retour. Ils créent aussi un fonds patriotique et mettent sur pied une division canadienne de la Soldiers’ Wives’ League, qui s’occupe de leurs personnes à charge. Ils fondent également la Canadian South African Memorial Association, chargée de marquer des inscriptions sur les tombes des Canadiens décédés, dont plus de la moitié sont victimes de maladies plutôt que victimes au combat. Après la guerre, les Canadiens érigent des monuments à la mémoire des combattants. Pour la plupart des villes et des villages à travers le Canada, il s’agit des premiers monuments commémoratifs de guerre de leur histoire, et plusieurs existent encore aujourd’hui, dont celui de l’avenue University à Toronto, sculpté par Walter Allward (qui est aussi responsable du monument canadien érigé sur la crête de Vimy, en France).

Cette guerre est prophétique de bien des façons, elle laisse présager ce qui suivra avec la Première Guerre mondiale : le succès des soldats canadiens en Afrique du Sud, et leurs critiques à l’endroit des dirigeants britanniques et de leurs valeurs sociales procurent aux Canadiens une nouvelle confiance en eux-mêmes, ce qui relâche les liens avec l’Empire au lieu de les resserrer. Cette guerre nuit également aux relations entre les Canadiens français et anglais, préparant la voie à l’importante crise de la conscription qui consumera le pays de 1914 à 1918.

L’Afrique du Sud présente aussi de nouvelles méthodes de combat qui émergeront de manière importante dans le futur; on constate pour la première fois l’avantage défensif d’avoir des soldats solidement retranchés armés de fusils à longue portée, et le monde découvre un avant-goût des tactiques de guérilla.

Deux figures imposantes du 20e siècle font également leur apparition en Afrique du Sud: Winston Churchill, à titre de correspondant de guerre, et Mahatma Gandhi, un avocat de Natal s’étant porté volontaire comme brancardier pour ramener les blessés britanniques des champs de bataille. Au même moment, John McCrae, un poète canadien auteur du célèbre « Au champ d’honneur » (1915; In Flanders Fields), goûte pour la première fois à la guerre en Afrique du Sud en tant que jeune officier de l’Artillerie royale canadienne.

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