Corps expéditionnaire canadien en Sibérie | l'Encyclopédie Canadienne

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Corps expéditionnaire canadien en Sibérie

En 1918, le Canada a envoyé des troupes en Russie, dans le cadre d’une intervention alliée destinée à soutenir les forces gouvernementales russes contre les révolutionnaires bolcheviques. Un groupe de soldats canadiens a opéré dans le nord de la Russie, autour des ports de Mourmansk et d’Archangel, tandis qu’un autre, beaucoup plus nombreux, le Corps expéditionnaire canadien en Sibérie (CECS), a été basé à Vladivostok. Même si le CECS n’a jamais livré de batailles, 21 Canadiens sont morts au cours de cette expédition, la plupart de maladie ou d’accident.

Corps expéditionnaire canadien en Sibérie

Contexte historique

À la fin de 1917, les bolcheviques proclament un gouvernement socialiste en Russie, sous la houlette de Vladimir Lénine. Même si la Russie a été une alliée des puissances occidentales contre l’Allemagne (voir Première Guerre mondiale), la révolution d’Octobre est notamment motivée par un puissant désir de nombreux Russes de mettre fin à la guerre. Le 3 mars 1918, les bolcheviques signent le traité de Brest‑Litovsk avec l’Allemagne et ses alliés, mettant fin à la participation russe à la guerre. La Russie s’étant retirée, le front oriental des Alliés s’effondre.

Cependant, en dépit de ce retrait de la guerre, la position des bolcheviques n’est pas particulièrement solide. Bien que les « rouges » détiennent désormais le pouvoir, ils doivent faire face à des partisans de la dynastie royale, ainsi qu’à d’autres forces conservatrices et nationalistes, connus sous le nom de « blancs ». Les anciens alliés de la Russie, opposés au bolchevisme, soutiennent les blancs; en effet, ils craignent que l’Allemagne exploite les ressources de la Russie et qu’elle s’empare de 700 000 t de matériel de guerre expédié par les Alliés vers la Russie. Les Alliés espèrent également qu’une défaite des bolcheviques leur permettra de rétablir le front oriental contre l’Allemagne.

Réponse alliée

À l’été 1918, les Alliés envoient une force en Sibérie. Le président américain Woodrow Wilson propose que les États‑Unis et le Japon acheminent des soldats à destination du port russe oriental de Vladivostok pour soutenir les Russes blancs. Outre les contingents envoyés par le Japon et par les États‑Unis, de respectivement 70 000 et 12 000 soldats, d’autres nations mobilisent également rapidement des troupes en Russie : la Pologne (12 000), la Chine (5 000), le Canada (4 200), la Serbie (4 000), la Roumanie (4 000), l’Italie (2 000), la France (1 850) et la Grande‑Bretagne (1 500). (Voir Intervention du Canada dans la Guerre civile russe).

Troops-at-Petawawa
Lithographie de Charles William Jefferys représentant les troupes canadiennes marchant au camp Petawawa, en Ontario, en 1918.

Contingent canadien

Le 12 août 1918, le gouvernement canadien approuve la formation du Corps expéditionnaire canadien en Sibérie (CECS), qui comprend environ 4 200 hommes, placé sous le commandement du Major‑général sir James Elmsley, un commandant vétéran du front occidental. La 16e Brigade d’infanterie canadienne, sous le commandement du Brigadier‑général Harold Bickford, forme le noyau du CECS. Elle comprend le 259e et le 260e bataillons (Canadian Rifles), qui sont des unités nationales constituées à l’échelle du pays. Le CECS intègre également une compagnie du génie, une compagnie de mitrailleuses et un escadron de cavalerie de la Police à cheval du Nord‑Ouest. Ces unités, ne faisant pas partie de la 16e Brigade, incluent également une batterie d’artillerie et différentes unités de soutien. Le CECS, majoritairement composé de conscrits canadiens, comprend également 1 500 hommes que les Britanniques ont placés sous commandement canadien. L’infirmière en chef Grace Potter est la seule femme au sein du CECS.

L’avant‑garde du contingent canadien, soit environ 700 personnes, dont James Elmsley et une partie de son quartier général, ainsi que du personnel administratif, médical, logistique et de cuisine, appareille de Victoria, en Colombie‑Britannique, le 11 octobre 1918, à bord du Empress of Japan.

CSEF Officers

Discussions politiques

Les Canadiens arrivent à Vladivostok le 26 octobre, moins de trois semaines avant la signature de l’armistice du 11 novembre qui a mis fin aux combats en Europe. Cette situation conduit à des discussions entre le premier ministre canadien et le ministère de la Guerre britannique sur l’opportunité de ramener le contingent canadien à la maison. Le premier ministre Robert Borden estime que le danger est faible pour les Canadiens en Sibérie et que le Canada devrait tenir sa promesse et envoyer en Russie les effectifs prévus. Il est notamment motivé par sa volonté de ne pas nuire au prestige nouvellement acquis de son pays sur les champs de bataille d’Europe, en revenant sur un engagement. En fin de compte, il décide de laisser la décision à son Conseil privé.

Bien que le Conseil privé soit divisé sur cette question, il finit par accepter de maintenir l’engagement du Canada jusqu’au printemps 1919, tout en insistant sur le fait que la force canadienne ne sera pas autorisée à se déplacer à l’intérieur des terres ou à participer à des opérations militaires, sans le consentement exprès du gouvernement canadien. En réponse, les Britanniques suggèrent qu’aucun autre Canadien ne soit envoyé en Sibérie et que tous ceux qui sont actuellement en mer rentrent chez eux.

CSEF in Russia

Dissidence et mutinerie

Malgré la recommandation de la Grande‑Bretagne, la mobilisation du restant du CECS se poursuit à Vancouver et à Victoria, des soldats canadiens continuant, tout au long de l’automne et de l’hiver 1918, à s’embarquer à Vancouver à destination de Vladivostok, non sans incident.

En effet, certains Canadiens sont favorables au nouveau gouvernement bolchevique et à ses idéaux et s’opposent à l’envoi de soldats en Russie. Des militants de syndicats ouvriers et des soldats du Contingent (des conscrits pour la plupart) manifestant activement contre cette opération. À l’époque, le Canada connaît, d’un océan à l’autre, une poussée des troubles sociaux et de la contestation sociale. Les conflits de classe ont été exacerbés par la Première Guerre mondiale, notamment en raison de la conscription, de la censure et de l’accroissement du coût de la vie. Globalement, les travailleurs éprouvent de la sympathie pour le gouvernement bolchevique, tandis que les employeurs soutiennent l’intervention canadienne.

À Victoria, des agitateurs syndicaux persuadent quelques soldats québécois du 259e Bataillon de se mutiner en refusant d’embarquer sur un bâtiment à destination de la Sibérie. Treize soldats sont arrêtés et les meneurs sont traduits en cour martiale. Les autres membres des deux compagnies québécoises sont escortés à bord de leur navire par des soldats, la baïonnette au canon.

Vladivostok

Bien que limité par les ordres reçus, le Major‑général Elmsley envoie, tout de même, de petits groupes de soldats, pour garder les trains de ravitaillement et autorise également un groupe de 55 hommes à se rendre à Omsk, pour servir d’état‑major à deux bataillons britanniques stationnés là‑bas. Les Canadiens se consacrent essentiellement, à Vladivostok, à des tâches de garde et d’administration.

La seule action s’apparentant à une action militaire survient en avril lorsqu’une compagnie du Contingent est envoyée dans un petit village, au nord de Vladivostok, encerclé par les bolcheviques. À leur arrivée, les Canadiens constatent que les bolcheviques se sont retirés et retournent à Vladivostok, sans incident.

Le rapatriement du CECS débute le 22 avril 1919, le dernier soldat canadien quittant la Russie le 5 juin, dans un contexte où des contingents d’autres pays se retirent également. Vingt et un Canadiens sont décédés dans le cadre de cette opération, notamment cinq en mer, la plupart des autres étant morts de maladie ou d’accident.

Retour au pays

Honneurs de bataille

Pendant de nombreuses années, la seule unité canadienne à détenir l’honneur de bataille pour l’expédition de Sibérie a été la Gendarmerie royale du Canada, qui a succédé à la Police à cheval du Nord‑Ouest. Les 259e et 260e bataillons, dissous après la guerre, ne se sont pas perpétués dans d’autres unités. Cependant, en 1997‑1998, le ministère de la Défense nationale décide que le 12e Régiment blindé du Canada perpétuera le 259e Bataillon, tandis que le Princess Patricia’s Canadian Light Infantry perpétuera le 260e Bataillon. Ces unités portent maintenant l’honneur de bataille Sibérie 1918‑1919.