L'article suivant fait partie d'une exposition. Les expositions précédentes ne sont pas mises à jour.
La première célébration de la fierté à Toronto s’est tenue seulement trois ans après les émeutes de Stonewall à New York (en juin 1969), une série de manifestations spontanées qui ont profondément marqué le mouvement de libération homosexuel. Très modeste, cette première célébration consistait en un simple pique-nique sur les îles de Toronto.
Au fil des ans, des milliers de personnes sont venues grossir les rangs des participants et des spectateurs de la parade annuelle de la fierté gaie. En 2011, 1,2 millions de personnes ont assisté à la semaine de la fierté organisée par Pride Toronto. Lors de la tenue de la WorldPride 2014 à Toronto, quatrième événement du genre en Amérique du Nord, une foule encore plus importante a assisté.
Dans les 45 années qui se sont écoulées depuis les émeutes de Stonewall, les communautés lesbiennes, gaies, bisexuelles et transgenres (LGBT) du Canada ont fait des gains significatifs en matière d’acceptation et d’égalité des droits. Mentionnons notamment l’accès équitable à des soins de santé, le droit à l’adoption et la légalisation du mariage entre conjoints de même sexe. Qui plus est, de nombreux artistes LGBT ont joué un rôle d’avant-garde dans la culture contemporaine, que ce soit dans les domaines de la littérature, des arts visuels que du théâtre et du cinéma.
À l’occasion des célébrations de la fierté, L’Encyclopédie canadienne vous propose d’explorer, par le biais de cette exposition, l’histoire des droits des GLBT au Canada, les souvenirs du metteur en scène Sky Gilbert à propos de la scène théâtrale queer de Toronto ainsi que l’histoire de la culture queer au Canada et un article traitant de la question du système de santé canadien et des personnes transgenres.
Libérations des gays dans les années 1970
Même si des discriminations persistent encore souvent à l’encontre des membres de cette communauté, des progrès importants ont été accomplis au cours des dernières décennies en matière d’acceptation sociale et d’égalité juridique. Le Canada est perçu comme un leader dans ce domaine sur la scène internationale. Au cours des dernières années, on a ainsi constaté des progrès constants dans de nombreux domaines allant des soins de santé au droit d’adoption. En 2005, le Canada est devenu le quatrième pays du monde à légaliser le mariage des personnes de même sexe.
Le mouvement moderne de libération gay en Amérique du Nord débute durant l’été 1969 avec les émeutes de Stonewall, sans précédents à New York, qui éclatent tôt le matin du 28 juin. Cette nuit-là, les services de police de la Ville de New York tentent une descente dans un bar gay situé au cœur de Greenwich Village, mais les clients du bar résistent avec force et la police subit une défaite humiliante, ce qui attire l’attention des médias dans tout le pays. Le jour du premier anniversaire des émeutes, des marches sont organisées à New York, Boston, Minneapolis, Chicago, San Francisco et Los Angeles.
Le mouvement prend simultanément de l’ampleur au Canada. En août 1971, les premières manifestations en faveur des droits des homosexuels sont organisées, avec de petites marches à Ottawa et à Vancouver durant lesquelles les manifestants demandent la fin de toute forme de discrimination officielle contre les gays et les lesbiennes. Un an plus tard, Toronto voit sa première célébration de la fierté gay (Gay Pride) avec pique-nique sur les îles de Toronto organisé par l’University of Toronto Homophile Association, Gay Action Now et la Community Homophile Association of Toronto.
Dans le début des années 1970, on voit également naître la première publication gay du Canada, The Body Politic, établie à Toronto en 1971 et publiée jusqu’en 1987. Aujourd’hui, son éditeur, Pink Triangle Press, publie Daily Xtra, avec des éditions spéciales pour Toronto, Ottawa et Vancouver. Pink Triangle Press a également fondé en 1973 les Canadian Lesbian and Gay Archives, considérée aujourd’hui comme un recueil historique important de documents sur la communauté LGBT.
Les années 1980
En 1981, les tensions culminent à Toronto à l’issue d’un épisode qui allait être connu comme le « Stonewall canadien ».
Le 5 février 1981, la police de Toronto arrête près de 300 hommes lors de descentes dans quatre saunas. Le jour suivant, une foule de 3 000 personnes descend dans la rue et marche vers le poste de police de la 52e division et le parc Queen, brisant les vitres des voitures et allumant des feux sur leur passage.
Les hommes arrêtés sont accusés d’être des « found-ins » (littéralement, des « trouvés sur les lieux ») trouvés dans une « maison de débauche », que la police définit comme étant n’importe quel endroit où des « actes indécents » ont lieu. La grande majorité des accusations font cependant l’objet d’ordonnance de non-lieu. La police continue néanmoins à procéder à des raids similaires dans les vingt années qui suivent, avec notamment une descente dans un sauna de Calgary en 2002. À Toronto, où la relation entre la communauté LGBT et la police est particulièrement tendue, les raids culminent en 2000 avec une descente dans le Pussy Palace, réservé aux femmes. Les accusations sont une nouvelle fois rejetées et les poursuites qui en découlent se concluent par l’élaboration de programmes de formation pour la police de Toronto destinés à aider les officiers à mieux interagir avec la communauté LGBT.
Les raids de 1981 amènent à la création de la journée de la fierté des lesbiennes et des gays à Toronto, une manifestation qui attire 1 500 participants cette même année (la Ville de Toronto n’approuvera cette journée qu’en 1991). Depuis, cette journée de célébration est fêtée tous les ans à Toronto et dans plusieurs autres villes du pays.
La crise du sida
Au Canada, les années 1980 sont également marquées par le début de l’épidémie du sida qui va avoir un impact dévastateur sur la communauté gay. Durant toute cette décennie, les hommes homosexuels ont l’impression que le corps médical et le gouvernement se désintéressent de leur santé. Par conséquent, ils prennent de plus en plus les choses en main eux-mêmes.
Alors que la crise s’intensifie, le mouvement s’organise et devient plus proactif sur le plan politique. En 1983, AIDS Vancouver devient la première organisation consacrée au sida. Elle offre des soins aux personnes porteuses du VIH ou affectées la maladie. La même année, à Toronto, Gays in Health Care, la Hassle Free Clinic et The Body Politic fusionnent pour former le Toronto AIDS Committee, qui sera rebaptisé peu de temps après l’AIDS Committee of Toronto. Un autre tournant survient en 1988, avec l’établissement d’AIDS Action Now (AAN), un groupe qui opte pour les actions directes afin d’inciter les gouvernements à prendre des mesures efficaces pour faire face à la crise.
La première action d’AAN est une manifestation contre le lancement d’essais cliniques portant sur la Pentamidine, un médicament déjà approuvé pour soigner les malades du sida aux États-Unis. AAN dépose des cercueils devant l’Hôpital général de Toronto où les essais ont lieu et réclame que les patients puissent accéder immédiatement au médicament. La manifestation est couronnée de succès et dans les deux années qui suivent, le gouvernement de Brian Mulroney met en œuvre un programme visant à donner accès aux médicaments expérimentaux et lance la première stratégie nationale de lutte contre le sida.
Les années 1990 et 2000
Les gays et les lesbiennes étant de plus en plus représentés dans la sphère publique, les changements acquis reflètent l’acceptation croissante de cette communauté au sein de la culture canadienne dominante.
Plusieurs de ces victoires ont été remportées devant les tribunaux. On peut citer une décision de la Cour fédérale en 1992 qui met fin à l’interdiction faite aux gay et aux lesbiennes de s’engager dans l’armée, une décision de la Cour suprême de 1994 selon laquelle les gays et les lesbiennes peuvent justifier une demande de statut de réfugié par le fait qu’ils sont persécutés dans leur pays d’origine et une décision prise en 1995 en Ontario selon laquelle les couples de personnes de même sexe peuvent adopter un enfant.
En 1999, lors du procès M v. H la Cour suprême statue que les couples de personnes de même sexe doivent bénéficier des mêmes droits que les couples de personnes de sexes opposés même lorsque ces personnes sont des conjoints de fait. En 2000, le gouvernement fédéral adopte le projet de loi C-23 et aligne la législation fédérale sur cette décision.
Au début des années 2000, la plupart des nouvelles concernant les membres de la communauté LGBT tournent autour de la question du mariage entre personnes du même sexe. En 2002, la Cour supérieure de justice de l'Ontario statue qu’interdire le mariage entre personne du même sexe constitue une infraction à la Chartre des droits et libertés. Cette décision est suivie en 2003 par une décision similaire en Colombie-Britannique. En 2003, la Cour d’appel de l’Ontario confirme la décision. Michael Leshner et Michael Stark deviennent alors le premier couple de même sexe à se marier au Canada.
En 2005, le Nunavut, les Territoires du Nord-Ouest, l’Alberta et l’Île-du-Prince-Édouard sont les seuls territoires de compétences où les mariages entre personnes de même sexe sont autorisés. Le 20 juillet de cette année, le projet de loi C-38 devient loi fédérale et le Canada devient ainsi le quatrième pays au monde à autoriser le mariage entre personne du même sexe.
En 2008, le Canada fait passer l’âge du consentement sexuel de 14 à 16 ans. L’âge du consentement pour les relations sexuelles anales reste néanmoins à 18 ans, ce qui entraîne des accusations de discrimination contre les jeunes gays.
Les années 2010 et au-delà
Les droits des personnes transgenres au Canada demeurent une des causes combattues dans le cadre de lutte pour l’égalité. À l’heure actuelle, seuls l’Ontario, le Manitoba, la Nouvelle-Écosse et les Territoires du Nord-Ouest ont intégré explicitement la question de l’identité sexuelle dans leur code des droits de la personne mais d’autres provinces ont décidé que cette question était déjà couverte par la législation existante. Au niveau fédéral, l’identité sexuelle n’est pas mentionnée spécifiquement dans la législation. Le projet de loi C-279, qui modifierait la Loi canadienne sur les droits de la personne de manière à inclure l’identité ou l'expression sexuelle, fait présentement l’objet d’une seconde lecture au Sénat.
Les activistes trans ont également lutté pour qu’il soit plus facile de modifier le sexe déclaré sur leurs documents officiels, sans qu’il soit notamment nécessaire pour eux d’avoir déjà subi une intervention chirurgicale de réaffectation sexuelle. En 2012, le Tribunal des droits de la personne de l'Ontario invalide la disposition concernant l’obligation d’avoir subi l’intervention chirurgical. L’Assemblée législative de la Colombie-Britannique et un tribunal de l’Alberta emboîtent le pas en 2014. Le gouvernement du Manitoba a fait part de son intention de faire évoluer sa législation dans le même sens.
Les Canadiens de la communauté LGBT bénéficiant de plus en plus de droits, plusieurs d’entre eux se tournent dorénavant vers la situation des gays et des lesbiennes à l’étranger où la persécution est parfois bien plus violente. Ces cas deviennent emblématiques lors de nombreuses célébrations de la fierté des gays. Cet élan atteint un sommet en 2014, lorsque Toronto accueille la quatrième WorldPride, qui affiche à son programme une conférence d’une semaine sur les droits de la personne.