Appropriation culturelle des peuples autochtones au Canada | l'Encyclopédie Canadienne

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Appropriation culturelle des peuples autochtones au Canada

L’appropriation culturelle consiste à utiliser les vêtements, la musique, la cuisine ou les savoirs traditionnels d’un peuple, ainsi que d’autres aspects de sa culture, sans son approbation. Pour les peuples autochtones au Canada, l’appropriation culturelle s’enracine dans le colonialisme et l’oppression actuelle. Beaucoup de symboles et de motifs emblématiques de la culture des peuples autochtones ont été utilisés pour des produits manufacturés non autochtones, à des fins lucratives ou artistiques, et des images stéréotypées d’« Indiens » ont été utilisées dans des logos d’équipes sportives, ou pour vendre des produits.

Origines

Des images représentant les peuples autochtones ont été reproduites pendant des siècles dans les journaux, la publicité et d’autres médias et imprimés. Des chercheurs qui ont critiqué ces représentations et des formes d’appropriations similaires en tant qu’actes de colonialisme, de la fin des années 1970 aux années 1990, ont utilisé les concepts de classe, de pouvoir, de race et de genre pour analyser la manière dont les pouvoirs dominants coloniaux ont utilisé les pratiques et les éléments culturels des peuples colonisés. Le concept d’appropriation culturelle est issu des travaux de ces chercheurs. Au courant des dernières années, les débats sur l’appropriation culturelle se sont retrouvés au cœur de la littérature et des arts. La question a été très présente dans les discussions politiques sur le partage, les responsabilités et les relations entre les cultures.

Histoire

Quand les Européens arrivent en Amérique du Nord, certains explorateurs et marchands ramènent avec eux des objets appartenant aux peuples autochtones. Que ce soit par curiosité ou, comme dans le cas des anthropologues de la fin du 19e et du début du 20e siècle, parce qu’ils croient préserver des cultures en voie de disparition, certains de ces artefacts se retrouvent (et souvent, demeurent) dans des musées. Aujourd’hui, cela est considéré par certains comme une forme d’appropriation culturelle. Plusieurs tentatives ont été faites pour rapatrier de tels objets. (Voir aussi Rapatriement d’artefacts.)

Par exemple, la première nation Mi’kmaq de Miawpukek, avec l’aide du gouvernement fédéral et d’autres alliés, a demandé à un musée écossais le rapatriement des restes de deux Beothuks nommés Nonosabasut et Demasduwit (Demasduit). Le documentaire Stolen Spirits of Haida Gwaii (2004), récipiendaire d’un prix Gemini, retrace une démarche similaire du peuple Haida pour rapatrier les restes de l’un de ses ancêtres qui se trouvent dans un musée de Chicago (voir aussi Haida Gwaii).

Pour certains Autochtones, les représentations d’« Indiens » dans les romans, la publicité et d’autres formes de littérature entre le 17e et le 20e siècles constituent une autre forme d’appropriation. Beaucoup de ces représentations mythiques et stéréotypées des peuples autochtones, issues de la culture populaire canadienne, existent encore aujourd’hui. Selon l’historien Daniel Francis, pendant des siècles, les peuples non-autochtones du Canada ont créé un « indien imaginaire », une représentation fausse des peuples autochtones qui nous en apprend davantage sur les colons blancs, leur culture et leur histoire, que sur les populations autochtones dans l’histoire du Canada. Cette image, ajoute Daniel Francis, est projetée sur les peuples autochtones et utilisée au bénéfice de la population colonisatrice.

De même, l’exhibition d’artefacts autochtones dans les expositions universelles du 19e et du début du 20e siècles constitue une appropriation des cultures autochtones. Bien que les organisateurs prétendent offrir des portraits authentiques des peuples autochtones et de leur mode de vie traditionnel, les expositions se conforment surtout aux stéréotypes coloniaux où les peuples autochtones sont considérés comme « exotiques » et « antimodernes ». Néanmoins, si ces expositions renforcent les stéréotypes sur les peuples autochtones, les « acteurs » autochtones qui y participent n’en affirment pas moins leur persistance culturelle et leur mobilité, ainsi que leur défiance politique contre les puissances coloniales.

Définition

L’appropriation culturelle consiste à emprunter quelque chose à la culture de l’autre sans son consentement. Ceci peut inclure l’utilisation des savoirs traditionnels et des expressions culturelles, aussi bien que la musique, la danse, les emblèmes, la cuisine, les symboles, les cérémonies, les arts, etc.

L’appropriation culturelle reflète souvent une inégalité de pouvoir racialisée entre deux cultures, la prise de la culture (plutôt que son partage consenti) qui, à son tour, implique l’exploitation d’un groupe par un autre. L’appropriation culturelle écarte la signification sacrée et les récits associés aux pratiques ou éléments culturels empruntés.

Au Canada, l’appropriation des cultures autochtones par les peuples blancs, non autochtones, trouve son origine dans le colonialisme. Les critiques de l’appropriation culturelle ont noté que, dans beaucoup de cas, elle a été utilisée de manière à perpétuer des attitudes négatives sur les peuples autochtones, ou pour les célébrer ou les romancer. Plus encore, l’appropriation dissocie les peuples, leur histoire et leur expérience vécue de leurs symboles culturels, leur littérature et leurs biens, dont beaucoup possèdent une signification sacrée.

D’autres exemples d’appropriation culturelle sont la vente d’objets et d’artisanat cérémoniel, comme les capteurs de rêves, par les peuples non autochtones, l’utilisation de la médecine traditionnelle et des pratiques de santé par des personnes n’appartenant pas à la communauté et l’utilisation de modèles autochtones, ou d’images stéréotypées, dans l’industrie de la mode, en publicité, dans la littérature ou au cinéma.

Pour les peuples autochtones, l’appropriation culturelle se comprend mieux dans le contexte de l’assimilation et du génocide culturel. Le mode de vie autochtone a été menacé dès les premiers contacts et particulièrement durant l’ère des pensionnats indiens. Pendant des années, des lois ont interdit aux peuples autochtones de pratiquer leur culture et de participer à des cérémonies (voir aussi Loi sur les Indiens).

Exemples d’appropriation culturelle

Appropriation culturelle dans la littérature

Grey Owl
Le conservationiste Grey Owl se présente comme le fils d'une Apache et d'un Écossais. Il est en réalité un Anglais de naissance qui consacre une grande partie de sa vie à la défense de l'environnement. Il apparaîet ici nourrissant un jeune castor dans le parc Riding Mountain.

Pendant des siècles, les peuples autochtones ont été représentés de manière stéréotypée dans la littérature populaire, du « noble sauvage » au combattant rebelle, en passant par la princesse indienne. Une autre forme d’appropriation culturelle dans la littérature se produit lorsque des auteurs prétendent être autochtones alors qu’ils ne le sont pas, comme Archibald Stansfeld Belaney (aussi connu sous le pseudonyme de Grey Owl), ou lorsqu’ils écrivent sur des sujets autochtones, ou dans une perspective autochtone, sans appartenir à cette culture. Par exemple, l’écrivain canadien W.P. Kinsella a été beaucoup critiqué dans la communauté littéraire, où on l’a accusé d’avoir tiré profit de représentations stéréotypées et insultantes des peuples autochtones dans ses récits se déroulant dans la réserve d’« Hobbema ».

La question de l’appropriation culturelle se retrouve au cœur du débat public dans les médias quand l’auteur Joseph Boyden est accusé de s’être faussement présenté comme autochtone dans un reportage d’enquête de Jorge Barrera, pour l’Aboriginal Peoples Television Network, en décembre 2016. Jorge Barrera reproche notamment à Joseph Boyden (qui s’est présenté à de nombreuses reprises comme étant de descendance Ojibwe, Métis, Mi’kmaq et Nipmuc) de n’avoir aucune relation clairement établie avec une quelconque communauté autochtone, bien qu’il soit devenu « un porte-parole sur les questions autochtones ».

La controverse sur les origines de Joseph Boyden se transforme rapidement en débat plus général à savoir qui peut se réclamer d’une origine autochtone. Plusieurs critiques appellent Joseph Boyden à fournir des preuves de ses origines autochtones, tandis que d’autres, comme l’auteurJonathan Kay, préviennent qu’« une attaque au sujet des origines raciales d’un homme n’est jamais un exercice entièrement bénin ». En janvier 2017, Joseph Boyden répond aux critiques par une déclaration au sujet de ses origines mixtes, affirmant plus tard détenir des preuves par ADN de son ascendance autochtone, mais reconnaissant aussi qu’il compte se retirer de son rôle de porte-parole sur les questions autochtones.

La question de l’appropriation culturelle se retrouve au centre de l’actualité médiatique au printemps 2017, quand l’éditeur du magazine Write, Hal Niedzviecki, propose un « prix d’appropriation ». Write est la revue trimestrielle de The Writers’ Union of Canada (TWUC). Dans l’éditorial d’un numéro de Write dédié aux écrivains autochtones, au printemps 2017, Hal Niedzviecki publie un billet intitulé « Winning the Appropriation Prize », où il affirme qu’il ne croit pas à l’appropriation culturelle. Hal Niedzviecki écrit que « n’importe qui, n’importe où, devrait être encouragé à imaginer d’autres peuples, d’autres cultures, d’autres identités. J’irais même jusqu’à dire qu’on devrait attribuer un prix pour cela — le Prix d’appropriation. »

À la suite des critiques qui suivent son éditorial, Hal Niedzviecki démissionne de son poste de rédacteur en chef de Write. Sa démission est suivie par des manifestations d’appui sur Twitter venant d’autres personnalités des médias canadiens qui proposent de financer un « prix d’appropriation ».

Ces événements déclenchent un débat sur les médias sociaux, certains affirmant que l’appropriation culturelle est une part incontournable du processus créatif pour beaucoup d’artistes et d’auteurs de différents milieux. D’autres soutiennent que l’appropriation culturelle, lorsqu’elle a lieu sans autorisation, ou lorsque son résultat est une représentation défavorable, n’est pas acceptable au nom des nécessités de la création.

En réponse à la controverse lancée par la proposition de Prix d’appropriation, le groupe de travail sur l’équité de la TWUC publie une déclaration et une liste de demandes, incluant une sensibilisation antiraciste pour tout le personnel et les membres du conseil national et du conseil éditorial de TWUC. Un groupe d’écrivains, d’universitaires et de militants crée l’Indigenous Voices Awards, un concours littéraire né de cette controverse, qui soutient les écrivains autochtones.

Appropriation culturelle dans les sports

Plusieurs ligues sportives, majeures ou mineures, ont utilisé des noms et des images autochtones pour promouvoir leurs équipes. Les Redskins de Washington, les Blackhawks de Chicago et les Indians de Cleveland en sont quelques exemples. La « Tomahawk Chop » (danse du Tomahawk), accomplie par les supporters de certaines équipes comme les Braves d’Atlanta pendant les matchs, est aussi considérée comme une appropriation culturelle. Les peuples autochtones et leurs alliés ont encouragé ces équipes à changer de nom et à choisir des logos et des activités de célébration qui ne soient pas culturellement offensantes. Comme le déclarait le chroniqueur anichinabé Jesse Wente à CBC en 2016, « nous ne sommes pas vos mascottes, nous sommes des êtres humains ».

En octobre 2016, l’architecte autochtone Douglas Cardinal a déposé une plainte devant les commissions ontarienne et canadienne des droits de la personne, soutenant que le nom des Indians de Cleveland ainsi que leur mascotte « Chief Wahoo » sont discriminatoires à l’égard des peuples autochtones. Il a également déposé à la Cour supérieure de l’Ontario une demande d’injonction exigeant que l’équipe porte un autre uniforme pendant un match à Toronto, et que le diffuseur canadien omette d’utiliser le nom et le logo. Le juge de la Cour supérieure Thomas McEwen a toutefois tranché que l’équipe ne violait aucune loi canadienne contre la discrimination. La partie de baseball prévue à Toronto a donc eu lieu, l’équipe de Cleveland affichant son nom et sa mascotte. Le 29 janvier 2018, les Indians de Cleveland ont annoncé leur intention de retirer le logo Chief Wahoo de leur uniforme à partir de 2019. Le nom de l’équipe demeure toutefois le même, et des produits portant l’image continueront à être vendus dans certains magasins physiques.

Certaines équipes sportives canadiennes ont tenté de mettre fin à l’appropriation culturelle. Par exemple, les Redskins de Nepean (un club de la ligue mineure de football) sont devenus les Eagles de Nepean en 2014, après que Ian Campeau, du groupe musical A Tribe Called Red, ait déposé une plainte pour discrimination auprès du Tribunal des droits de la personne, suivie par des critiques venues de peuples autochtones. De même, des militants ont forcé les Eskimos d’Edmonton (une équipe de la LCF) à changer de nom. Le premier ministre Justin Trudeau, le premier ministre d’Alberta Rachel Notley et d’autres politiciens locaux, de même que des personnalités autochtones de premier plan, comme le président d’ITK Natan Obed et la chanteuse Tanya Tagaq, se sont également déclarés favorables à un changement de nom. En 2020, l’équipe annonce qu’elle laissera tomber le mot « Eskimo » de son nom. En 2015, les Jets de Winnipeg (une équipe de la LNH) ont interdit le port de fausses coiffes durant les matchs. Le propriétaire de l’équipe, Mark Chipman, a commencé par rejeter la demande, puis a changé d’avis après avoir parlé avec des chefs de Premières Nations comme le député provincial Kevin Chief et le grand chef Derek Nepinak de l’Assemblée des chefs du Manitoba.

Appropriation culturelle au cinéma et à la télévision

Lone Ranger
Photo de Clayton Moore en tant que le Lone Ranger et de Jay Siverheels incarnant Tonto (1956). Même si Jay Silverheels est autochtone, son personnage, Tonto, et la série et les films Lone Ranger utilisent le stéréotype de l'ami naïff mais courageux du personnage principal blanc.

Le cinéma et la télévision se sont approprié la culture autochtone et ont répandu des stéréotypes sur les peuples autochtones. Par exemple, le personnage Tonto des films et de la série Lone Ranger, interprété par l’acteur mohawk Jay Silverheels dans les films de 1956 et 1958, exemplifie le stéréotype du « bon sauvage », soit l’ami brave mais naïf du personnage principal blanc. On sait aussi que des réalisateurs ont souvent choisi des acteurs non autochtones pour jouer des rôles d’autochtones. Le chercheur Rayna Green a été le premier à baptiser ce phénomène « jouer l’indien », un processus où le colonisateur prend l’identité du colonisé, avec pour résultat de répandre des stéréotypes.

Des artistes autochtones ont réalisé des films qui tentent de réfuter ces stéréotypes. Parmi ceux-ci, on retrouve I’m Not the Indian You Had in Mind (2007), de Thomas King, qui se penche sur la manière dont les membres des Premières Nations secouent les idées reçues et prennent leur place dans la société, et Reel Injun (2009), de Neil Diamond, un documentaire qui se penche sur la représentation des peuples autochtones au cinéma. De plus, des films comme Atanarjuat, la légende de l’homme rapide (2001), un récit inuit joué par des acteurs inuit de l’Inuktitut, contribuent à diffuser une compréhension plus authentique des cultures autochtones.

Atanarjuat (The Fast Runner)
Le film s'inspire de la légende ancienne d'Atanarjuat. Huit a\u00eenés ont raconté l'histoire telle que transmise par leurs anc\u00eatres. Ces récits ont été combinés en un traitement détaillé en inuktitut et en anglais, puis adaptés pour le grand écran.

Appropriation culturelle dans l’industrie de la mode

En mars 2015, les designers canadiens de Dsquared2 ont lancé une collection de vêtements féminins appelée « .dsquaw » et inspirée par les vêtements autochtones. Le mot « squaw » est une expression offensante et méprisante à l’égard des femmes autochtones. Après avoir été la cible de beaucoup de critiques, les fondateurs de l’entreprise, Dan et Dean Caten, se sont publiquement excusés en 2016.

Un autre exemple est la vente de costumes d’Halloween provocants et culturellement méprisants, comme les coiffes. En 2016, Party City et Spirit Halloween ont été fortement critiqués pour avoir présenté des costumes appelés « Reservation Royalty » et « Native American Princess ». La diffusion et la vente de ces costume, croit-on, contribue à perpétuer des messages dégradants sur les peuples autochtones, et notamment les femmes autochtones, présentées comme des objets sexuels.

Appropriation culturelle dans les beaux-arts

Pendant des siècles, les arts et l’artisanat autochtones ont été appropriés par des Blancs pour l’industrie touristique et d’autres activités lucratives. L’exposition de masques sacrés, la reproduction de masse d’ouvrages de perles et autres artisanats, le port d’emblèmes et la reproduction commerciale d’objets de culte par des personnes non autochtones sont considérés par certains autochtones comme un manque de respect et d’authenticité.

En 2017, une accusation d’appropriation culturelle dans les beaux-arts fait les manchettes. L’artiste non autochtone Amanda PL s’attire des critiques après avoir dévoilé des œuvres d’art qu’elle dit inspirées par l’artiste anishinaabe Norval Morrisseau. Beaucoup de défenseurs de Norval Morrisseau soutiennent que les œuvres d’Amanda PL ne sont pas seulement fortement inspirées par son travail, mais un plagiat. La galerie Visions de Toronto, où Amanda PL doit présenter ses œuvres, annule l’exposition à la suite d’un tollé médiatique.

La même année, le Conseil des Arts du Canada annonce son plan pour protéger les artistes et les arts autochtones contre l’appropriation culturelle. Entre autres mesures, le conseil annonce qu’il s’attend, lors d’une demande de financement, « à ce que des démarches d’échanges authentiques et respectueux aient été faites envers et avec les artistes ou autres membres des communautés autochtones dont la culture ou les protocoles sont concernés par le projet. »

Appropriation culturelle par le nationalisme canadien

Ookpik en peau de phoque (vers le milieu des années 1960)
Inukshuk
Un inukshuk sur une colline herbeuse.

La culture autochtone a été utilisée pour promouvoir des commémorations et des événements canadiens. Par exemple, Ookpik, l’adorable chouette jouet créée par les Inuit, a été utilisée comme mascotte du Canada pour une exposition commerciale en Philadelphie en 1963 ainsi que pour Expo 67. De même, le logo choisi pour les Jeux olympiques d’hiver de 2010 à Vancouver était une image ressemblant à un inuksuk, ce que les Inuit ont perçu comme offensant et culturellement inapproprié. Si ces figures de pierre ressemblant à des silhouettes humaines sont souvent appelées des inuksuk, elles sont en réalité des inunnguaq. L’utilisation de symboles autochtones à des fins nationalistes est souvent critiquée; on invoque qu’elle ne sert qu’à chosifier la culture, alors même qu’on refuse de mettre fin à des politiques et des pratiques qui la menacent, comme la Loi sur les Indiens.

À l’occasion de Canada 150 (les célébrations entourant le 150e anniversaire de la Confédération), beaucoup de groupes, sensibilisés à l’appropriation culturelle, se sont renseignés pour savoir comment ils pouvaient intégrer de manière appropriée et respectueuse des éléments de culture autochtone dans les célébrations. Toutefois, il y a eu aussi des cas où des organisateurs s’en sont simplement remis à des représentations stéréotypées et romanesques des peuples autochtones, de leur mode de vie et de leurs artefacts culturels. Par exemple, un groupe de mascarade participant au Toronto Caribbean Carnival a présenté deux collections évoquant les peuples autochtones à l’aide de vêtements stéréotypés : « Oh Kanata » et « One Nationz ». Des mannequins vêtues de bikinis, portant des coiffes de plumes rappelant les bonnets de guerre traditionnels cérémoniels de la nation Lakota, ont suscité des accusations d’appropriation culturelle et d’hypersexualisation des femmes.

Le débat à savoir si les costumes devaient ou non être retirés du festival a déclenché une tempête sur les réseaux sociaux. Les partisans des collections ont invoqué que la tradition des « mascarades indiennes » possède une longue histoire à Trinidad. Cependant, Camille Hernandez-Ramdwar, chercheur en études caribéennes, a remarqué que le costume d’« Indien » fantaisiste du carnaval de Trinidad origine des représentations hollywoodiennes des peuples autochtones, et peut être considéré comme une appropriation.

Des créateurs de mode autochtones ont tenté d’apporter une réponse au problème de l’appropriation culturelle dans l’industrie. Jamie Medicine Crane, siksika, et Trip Charbs, ojibwé, sont des exemples d’artistes et de designers qui créent des œuvres exposant la culture autochtone d’une manière authentique et significative.

Effets de l’appropriation culturelle

L’appropriation culturelle est considérée comme néfaste pour plusieurs raisons. Premièrement, elle tend à enfermer les peuples autochtones dans le passé, sans reconnaître qu’ils sont encore vivants, pratiquant les cérémonies sacrées, et que leurs membres développent leur conception du monde et leurs moyens de subsistance dans tous les segments de la société. En ce sens, on a observé que l’appropriation culturelle continue à présenter les peuples autochtones comme des groupes conquis, n’existant que dans le passé, limitant leur compréhension comme membres importants et contributifs de la société contemporaine.

Deuxièmement, cela place les nombreuses nations autochtones dans la même catégorie, sans reconnaître leur diversité et leur sophistication, qui transcende cette catégorie limitée. Dans beaucoup de cas, ceci a pour effet de scinder la compréhension des peuples autochtones dans des représentations binaires qui prolongent les idéologies colonialistes dans les perceptions racialisées d’aujourd’hui.

Troisièmement, les artisans locaux, comme les fabricants de paniers, finissent par subir la concurrence d’industries qui s’approprient et commercialisent leur travail. Les commerces offrant des capteurs de rêves parmi la marchandise de Canada 150 constituent un exemple d’appropriation qui menace le travail des artisans locaux, en plus de dévaluer l’enseignement culturel qui accompagne les capteurs de rêves. Ces derniers se rattachent à un enseignement partagé, appartenant à la tradition orale du peuple anishinaabé et entretenu par de nombreuses nations qui en sont venues à connaître et à honorer le récit du capteur de rêves.

Appréciation, plutôt qu’appropriation de la culture autochtone

Le penseur et écrivain Niigaan Sinclair a dit que la différence entre l’appropriation et l’appréciation de la culture autochtone est que la première est « un vol s’appuyant sur le pouvoir et les privilèges » et que la seconde est un « engagement fondé sur la responsabilité et l’éthique ».

Certains critiques continuent à noter l’importance d’établir des liens avec les traditions et l’enseignement des autres cultures dans le cadre des activités de création. L’appréciation culturelle, par opposition à l’appropriation culturelle, est considérée comme caractérisée par un engagement significatif et informé, qui inclut la reconnaissance et la permission.

Au sein de beaucoup de communautés autochtones, l’appréciation culturelle inclut l’établissement de relations réciproques. De telles pratiques peuvent inclure la reconnaissance territoriale, le respect de la signification des costumes, et le soutien des arts autochtones par l’achat d’artisanat, de vêtements ou d’œuvre artistiques authentiques.

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