Traité du canton de London (nº 6) | l'Encyclopédie Canadienne

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Traité du canton de London (nº 6)

Le Traité du canton de London de 1796 (aussi appelé Traité nº 6 dans le système de numérotation du Haut-Canada) est une des premières ententes territoriales signées entre les peuples autochtones et les autorités britanniques du Haut-Canada (Ontario actuel). Il fait partie de toute une série de cessions de terres du Haut-Canada. Le Traité du canton de London concerne un territoire de 12 mi2 (environ 31 km2) situé dans la partie sud-ouest de la colonie. À l’origine, les Britanniques ont acquis ce terrain dans le but d’y établir la capitale de la colonie, mais le choix s’est finalement porté sur York (aujourd’hui Toronto).

Contexte historique

La région couverte par le traité faisait originalement partie du territoire de la confédération des Neutres, une union politique et culturelle de plusieurs communautés iroquoiennes. Au début des années 1650, des guerriers sénécas et mohawks détruisent et dispersent la confédération des Neutres et forcent les survivants à migrer vers le sud et l’ouest. Dans leurs nouveaux territoires, les Neutres sont assimilés par d’autres nations autochtones.

Le saviez-vous?
Situé dans le nord-ouest de l’actuelle ville de London, en Ontario, le site archéologique Lawson contient les vestiges d’un village de deux hectares, datant d’avant les premiers contacts avec les Européens. Le village a été peuplé par quelque 2000 Iroquoiens Neutres entre 1500 et 1525. Situé sur un plateau, le site est naturellement protégé de trois côtés par des pentes abruptes descendant jusqu’à la jonction de la rivière Medway et du ruisseau Snake. Les habitants ont renforcé la défense de leur village avec plusieurs rangs de palissades au sommet d’ouvrages de terrassement. En 2004, le site Lawson est devenu le premier site archéologique ontarien à être inscrit dans le Répertoire des lieux patrimoniaux du Canada. Les fouilles ont permis de trouver plus de 500 000 artefacts, ainsi que les vestiges d’au moins 19 maisons longues.


En 1791, les Britanniques divisent l’ancienne colonie de Québec en créant le Haut-Canada (Ontario actuel) à l’ouest et le Bas-Canada (aujourd’hui le Québec) à l’est. En 1793, le premier lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, John Graves Simcoe, explore la nouvelle province à la recherche d’un site pour y établir sa capitale. Arrivant à la fourche de la rivière que les Ojibwés appellent Deshkan Ziibi (rivière des bois) et que les explorateurs français ont baptisée la Tranche, il choisit immédiatement l’endroit pour y construire la capitale. Il baptise le site London et la rivière « the Thames ».

En 1793, John Simcoe déplace temporairement la capitale du Haut-Canada de Newark (aujourd’hui Niagara-on-the-Lake), considérée comme trop vulnérable aux attaques américaines, vers une nouvelle ville située sur la rive nord du lac Ontario. Il baptise le site York (aujourd’hui Toronto) en l’honneur du fils du roi, le duc d’York, et il fait ériger un parlement et d’autres édifices gouvernementaux.

Négociations

John Simcoe n’a pas oublié le site qu’il a auparavant choisi le long de la rivière Thames. Il charge l’agent adjoint aux Affaires indiennes, le colonel Alexander McKee, de négocier une cession de terre, en même temps qu’il tente d’obtenir le canton de Sombra. Né vers 1735 dans l’ouest de l’actuel État de Pennsylvanie d’une mère shawnee et d’un père irlandais, Alexander McKee a été éduqué selon les traditions du peuple shawnee. Il a épousé une femme shawnee et est devenu négociant de fourrures et agent aux Affaires indiennes dans la région de la rivière Ohio. Pendant la guerre d’indépendance américaine, il s’est rangé du côté des Britanniques. Après la guerre, il est allé vivre dans la région de Detroit et a soutenu les alliés autochtones des Britanniques dans leur vaine tentative de freiner l’avancée américaine dans leur territoire. Alexander McKee jouit de la confiance et du respect des peuples autochtones de la région, ce qui lui permettra de jouer un rôle clé dans les négociations du Traité nº 116 en 1786, de l’achat McKee en 1790 et du Traité du canton de Sombra Township (Traité Nº 7) en 1796.

Alexander McKee obtient facilement une entente avec les Chippewa de la rivière Thames. Un accord provisoire est signé le 29 septembre 1795 pour une parcelle de territoire de 12 milles carrés (à peu près 31 km2), incluant une longue partie irrégulière s’étendant vers le sud-ouest en suivant la rive nord de la rivière Thames. L’achat est confirmé presque un an plus tard, le 7 septembre 1796. Alexander McKee signe au nom du roi, tandis que dix des « principaux chefs, guerriers et membres de la Nation Chippewa» signent au nom des peuples autochtones de la région.

Après la signature du traité, les Chippewa reçoivent pour 1 200 £ de marchandise. Ceci comprend 1 318 couvertures, des centaines de mètres de tissus variés, ainsi que du fil et des rubans, 72 paires de ciseaux, 33 mouchoirs, 64 chapeaux, 120 peignes en ivoire et 180 en corne, 120 miroirs, 54 coffres, 67 houes, 1 440 hameçons en métal et autant de silex, 72 canifs et 400 couteaux de boucher, 3 456 pipes, 465 livres de tabac, 124 pierres à feu, des marmites de bronze, de cuivre et d’étain, 15 revolvers pour les chefs, 11 carabines, 278 livres de poudre à canon et 2 100 livres de balles et grenaille. Le gouvernement fournit aussi un bouvillon et du rhum pour un festin de célébration, ainsi que prescrit la coutume après la signature d’un traité.

Conséquences

Les Britanniques ont acquis ce territoire pour y établir une nouvelle capitale, mais le gouverneur général lord Dorchester n’approuvant pas ce choix, la capitale demeure à York. Malgré tout, la terre est perdue pour ses habitants chippewa. Le territoire est arpenté, devient le canton de London et est ouvert à la colonisation blanche, qui débute en 1826. L’actuelle ville de London se trouve dans la zone couverte par le traité.

Commémoration et reconnaissance

Le 7 septembre 2016, le jour du 220e anniversaire de la signature du traité du canton de London, la chef Leslee White-Eye a hissé le drapeau des Chippewa de la Première Nation de Thames à l’hôtel de ville de London. La cérémonie de levée du drapeau répondait à une des 94 recommandations du Rapport final de la Commission de vérité et réconciliation de 2015, qui propose de développer la prise de conscience sur l’histoire des traités et des droits autochtones. La chef White-Eye a déclaré que la levée du drapeau représentait une « étape positive vers l’établissement d’une relation respectueuse entre la Ville et les Chippewa de la Première Nation de Thames ».

Le chef Patrick Madahbee, du Grand conseil de la Nation Anichinabée, a appuyé l’initiative de la chef Leslee White-Eye : « Par ce geste, la chef White-Eye reconnaît et réaffirme que nous avons tous une responsabilité d’informer et d’éduquer quant à l’histoire de cette terre et de son peuple – localement, régionalement et nationalement. Ceci permettra de mieux comprendre que nous sommes tous partenaires d’une relation régie par un traité. »