Financière Sun Life | l'Encyclopédie Canadienne

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Financière Sun Life

La Financière Sun Life, basée à Toronto, est l’une des plus grandes compagnies d’assurance du Canada. Elle possède des succursales réparties dans le monde entier et offre des contrats d’assurance et des produits de placement aux particuliers et aux entreprises. Le total des actifs de la société passe de 74 millions de dollars en 1915 à 55,8 milliards de dollars en 2000 puis à 271,8 milliards de dollars en 2018. Ses actions sont échangées sur les places financières de Toronto, de New York et des Philippines.

Débuts

La société est mise sur pied par un groupe d’hommes d’affaires proéminents de Montréal, sous le nom The Sun Insurance Company of Montreal. Elle reçoit l’autorisation de l’Assemblée législative de la Province du Canada d’exercer ses activités le 18 mars 1865. Les incertitudes gouvernementales de l’époque et l’attention des hommes d’affaires monopolisée par la Confédération font que la société ne devient vraiment active que six ans plus tard. En 1871, Mathew H. Gault est le premier à être nommé au poste de directeur général et la société embauche ses premiers agents chargés de vendre des contrats d’assurance « Sun Life » à Toronto. La Sun Life établit son premier contrat d’assurance le 18 mai 1871.

Au début, la société croît de manière continue, mais lente. Des échanges commerciaux au ralenti et des conditions économiques défavorables pour le Canada contribuent à cette croissance lente (voir Histoire économique). Les demandes d’indemnisation consécutives à un décès sont cependant rares, ce qui permet à celle-ci de survivre.

Le premier à occuper le poste de secrétaire de la société, Robertson Macaulay (nommé en 1874), présente un plan de croissance qui prévoit d’accroître le nombre d’agents chargés de vendre les contrats d’assurance et d’introduire des produits d’assurance innovateurs. En 1880, la société présente ainsi la première police d’assurance inconditionnelle du Canada, dénuée de toutes les restrictions, interdictions et limites utilisées auparavant. Cette initiative permet à la Sun Insurance de se distinguer de ses compétiteurs et les ventes réalisées par ses agents commencent alors à augmenter plus rapidement.

La Sun Insurance Company s’étend pour la première fois à l’international lorsqu’elle installe des succursales un peu partout aux Antilles entre 1879 et 1880. Cette ouverture à l’international et la croissance réussie au Canada motivent en mai 1882 le changement de nom de la société qui s’appelle désormais The Sun Life Assurance Company of Canada.

La Sun Life doit néanmoins faire face à ses premiers ennuis entre 1882 et 1883, lorsque ses placements dans des sociétés contrôlées par Mathew Gault (en particulier la Banque d’échange du Canada et la Montreal Loan and Mortgage Company) entraînent des pertes considérables. Le conflit d’intérêts sous-jacent met la société dans une position particulièrement délicate. Mathew Gault est par conséquent poussé à la démission tandis que Robertson Macaulay est nommé au poste de directeur général et est élu au conseil d’administration.

Les pertes enregistrées par la Sun Life font que la société n’échappe que de justesse à la faillite (état d’une société dont les dettes excèdent les actifs). Robertson Macaulay essaiera en vain d’obliger les directeurs de la Sun Life (ceux qui ont participé aux placements perdants) à rembourser la société. En 1886, il essaie à nouveau de compenser ces pertes en proposant de réduire les profits réalisés par les actionnaires durant cette année-là et les quatre précédentes. Pour s’y opposer, le fils de Mathew Gault, Andrew Gault, tente d’acquérir plus d’actions dans la société. Robertson Macaulay parvient cependant à recueillir le soutien des agents et d’un petit nombre de gros actionnaires et il parvient à mener à bien son plan. Andrew Gault démissionne et en mars 1887, il offre à Robertson Macaulay ses actions dans la Sun Life à 30 dollars l’unité.

Croissance internationale

Lorsque Robertson Macaulay arrive au poste de président de la Sun Life en 1889, il concentre ses efforts sur la croissance internationale. La société s’étend en Asie et en Europe, multiplie ses succursales dans les Antilles britanniques et en ouvre en Amérique du Sud et dans certaines régions d’Afrique. La Sun Life ouvre un bureau en Grande-Bretagne en 1893, mais fait face à une dispute concernant son nom avec la Sun Life Assurance Society (of England). À l’issue du procès qui en découle, le tribunal ordonne à la société d’ajouter « of Canada » à son nom sur tous ses documents et ses outils de marketing. La société fait pour la première fois son entrée aux États-Unis en 1895, avec l’ouverture d’une succursale à Detroit.

La croissance internationale est tellement spectaculaire que la Sun Life Assurance Company of Canada est rapidement considérée comme étant la plus grande société internationale du monde. Ses actifs passent de 1,79 million de dollars en 1889 à 10,5 millions de dollars en 1900, avec la moitié de ses revenus provenant de l’extérieur du Canada (cette fraction passant à 80 % dès 1930). Cette croissance internationale résulte de marges bénéficiaires supérieures recueillies à l’étranger, où le taux de mortalité est faible, tout comme le coût de la vie (et les commissions payées aux agents y sont donc aussi faibles). L’absence de concurrence dans ces régions permet également d’y faire des affaires très rentables.

Débuts des années 1900

La Sun Life croît très rapidement après le tournant du 20e siècle. Une croissance due principalement au simple fait qu’elle vend plus de contrats d’assurance que la moyenne dans ce secteur, mais qui découle aussi de l’achat d’autres sociétés et de leurs actifs. Entre 1900 et 1915, la Sun Life triple ses souscriptions (placements effectués par d’autres sociétés ou par des particuliers) et fait plus que quadrupler le nombre de contrats d’assurance qu’elle émet. En comparaison, le nombre de souscriptions dans le secteur canadien des assurances ne fait que doubler et le nombre de contrats d’assurance fait un peu mieux que doubler au Canada durant la même période. En 1919, la Sun Life devient la première société d’assurance canadienne à offrir des régimes collectifs d’assurance, une autre source de croissance et d’avantage compétitif pour la société.

La Sun Life fait l’acquisition de 11 autres sociétés d’assurance entre 1890 et 1924, et devient en 1926 la première société canadienne à absorber une société d’assurance américaine – la Cleveland Life Insurance Company. Grâce à cette acquisition, la Sun Life devient la plus grande société d’assurance du Canada avec des succursales aux États-Unis. Elle poursuit dans la même direction en achetant deux ans plus tard la Western Union Life Insurance Company de Spokane, dans l’État de Washington (1928).

Pour s’adapter à cette croissance, la Sun Life achète en 1909 des terrains à Montréal pour y bâtir un nouveau siège social. La construction débute en 1914 et l’édifice de la Sun Life, au square Dominion (aujourd’hui le square Dorchester) ouvre ses portes en 1918.

Le fils de Robertson Macaulay, Thomas B. Macaulay, est nommé directeur général de la Sun Life en 1908, puis nommé président après la mort de son père en 1915. La Financière Manuvie et la Sun Life tentent de fusionner en 1915, mais le gouvernement fédéral s’y oppose et la Sun Life abandonne ce projet l’année suivante.

La Sun Life parvient à franchir plusieurs étapes clés durant cette période. En 1908, elle devient la plus grande société d’assurance du Canada (et va le rester jusqu’à ce que La Compagnie d’Assurance-Vie Manufacturers lui dame le pion en 1985) et ses actifs dépassent pour la première fois le milliard de dollars en 1925.

La crise des années 1930

La croissance rapide de la Sun Life a coûté à l’entreprise qui doit faire face à sa deuxième crise, liée au crash de la bourse de 1929 (voir Le Grand Krach). Jusqu’en 1900, les compagnies d’assurance vie placent la plus grande partie de leurs capitaux dans des hypothèques. Cette stratégie présente néanmoins un défi puisque des rendements plus importants pourraient être obtenus en investissant dans les secteurs industriels émergeant (tels que les services publics d’électricité et les chemins de fer). La Sun Life ouvre un service des placements en 1906 pour évaluer ces nouveaux secteurs. Durant la Première Guerre mondiale (1914-1918), les compagnies d’assurance investissent massivement dans les obligations d’État qui détrônent les hypothèques qui représentaient jusqu’alors le plus gros secteur d’investissement. Après la guerre, la chute abrupte des taux d’intérêt encourage la Sun Live à augmenter ses placements dans les actions ordinaires. En 1929, plus de la moitié des placements de la société sont des produits de ce type (voir Actions et obligations).

Lorsque les marchés s’effondrent en 1929, la chute du prix des actions fait que la Sun Life est essentiellement en situation de faillite : ses actifs totaux sont inférieurs à ses dettes. D’autres entreprises et particuliers du pays sont dans des situations financières similaires. Pour sortir de cette crise, les banques à charte et les maisons de courtage permettent à leurs clients d’assigner un prix minimal aux actions de manière à éviter que les prêteurs exigent le remboursement de leurs prêts. Le surintendant fédéral des assurances se soumet à cette politique afin d’essayer d’éviter la crise. En utilisant ces prix d’action fictifs, la société parvient à conserver ses actifs totaux au-dessus de ces dettes (voir Crise des années 1930).

Après cet épisode, la Sun Life réduit de manière importante ses placements dans les actions ordinaires. En 1946, celles-ci ne représentent plus que 6,3 % du portefeuille de la Sun Life, contre un maximum de 52 % en 1929.

Mutualisation et gestion des placements : des années 1950 aux années 2000

La participation étrangère dans la société devient particulièrement problématique entre 1951 et 1955, lorsque deux sociétés de placement américaines (Allen & Co. et Nationwide Corporation) commencent à accumuler un grand nombre d’actions de la Sun Life. Ces deux investisseurs réclament des changements importants au sein du directoire et le versement de dividendes plus substantiel aux actionnaires. Le gouvernement fédéral, craignant que le secteur des assurances soit sur le point de tomber aux mains d’entités étrangères, adopte vers la fin de 1957 une législation permettant aux compagnies d’assurance de passer d’un statut où elles sont la propriété des actionnaires à un statut où elles sont la propriété des assurés eux-mêmes, un processus baptisé mutualisation. Un acheteur potentiel devra dans ce cas acheter toutes les polices d’assurance en cours de la société, un achat qui doit être approuvé par les détenteurs de ces polices, ce qui est peu probable.

Pour sortir la Sun Life de sa situation précaire, sa banque, la Banque de Montréal, qui siège à son conseil d’administration, accepte de racheter les parts que possèdent ces deux sociétés de placement américaines, sachant que la Sun Life Assurance Company lui rachètera ces actions dans le cadre d’une mutualisation ultérieure. La société s’exécute en 1962, lorsqu’elle se mutualise et rachète toutes ses actions publiques au prix de 325 dollars l’unité.

En 1978, la Sun Life (ainsi que d’autres grandes entreprises canadiennes) jette un froid sur la scène politique lorsqu’elle annonce qu’elle déménage son siège social de Montréal à Toronto à cause de la pression croissante qu’elle subit de la part du gouvernement du Québec. La Sun Life s’inquiète du fait que les nouvelles lois linguistiques de la province (Loi 101) exigent d’elle qu’elle offre la plus grande partie de ses services en français. Un grand nombre de ses employés de Montréal étant de langue maternelle anglaise, tout comme la majorité de ses clients, la Sun Life décide de déménager.

En 1982, la société se diversifie et se lance dans le secteur de la gestion des placements en achetant Massachusetts Financial Services (MFS), une firme américaine de gestion d’actifs institutionnels et de fonds. En 1987, elle crée sa propre filiale de gestion d’actifs nationaux, Spectrum Financial Mutual Fund Services (MFS). Puis en 1997, la société annonce l’acquisition d’une part majoritaire dans la firme de gestion d’actifs institutionnels McLean Budden. Elle achètera le reste des parts en 2011, fusionnant ainsi cette compagnie avec MFS. La société ajoute presque 50 milliards de dollars d’actifs à ses activités de gestion de placements en achetant, en 2015, trois firmes investies dans ce secteur : Bentall Kennedy, Ryan Labs et Prime Advisors Inc.

Histoire récente

En 2000, pour marquer un nouveau tournant et refléter l’aspect international de ses activités, la société se rebaptise la Financière Sun Life et adopte un logo représentant le Soleil et la Terre.

Pour maintenir un taux de croissance acceptable et faire face à la concurrence entretenue par les autres sociétés financières (telles que les banques), les dirigeants de la Sun Life comprennent que la société doit pouvoir accéder plus facilement aux marchés des capitaux. La direction décide ainsi, en 2000, de démutualiser la société et d’en faire une nouvelle fois la propriété d’actionnaires publics et non plus des détenteurs de polices. C’est la cinquième compagnie d’assurance canadienne à procéder ainsi, après Clarica, Manulife, Canada-Vie et l’Industrielle Alliance. La Sun Life distribue des actions de la société à tous ses détenteurs de police d’assurance au prix de 12,50 dollars l’unité et entre en bourse le 23 mars 2000 à Toronto, New York et aux Philippines (voir Bourse de Toronto).

En 2002, la Sun Life vend sa filiale de gestion de fonds communs, Spectrum Investment Management, à la firme CI Fund Management, qui se spécialise également dans les fonds communs, contre 30 % de part en actions dans CI. La société peut dès lors se concentrer sur les assurances pour sa croissance. En 2002, la Sun Life Assurance Company fusionne avec la Clarica Life Insurance Company (anciennement la Mutual Life Assurance Company), une transaction évaluée à plus de 7 milliards de dollars.

La crise mondiale de 2008 sur les liquidités financières a été particulièrement difficile pour les compagnies d’assurance canadiennes. La Sun Life a fait face à ce défi de plusieurs manières. Tout d’abord, pour améliorer son assise financière et créer un contexte favorable à sa croissance, elle vend à Scotiabank, vers la fin de 2008, ses placements dans CI Financial pour 2,3 milliards de dollars. En 2012, la société se débarrasse de ses activités américaines d’assurance vie et de rente pour 1,35 milliard de dollars US afin de renforcer encore plus son capital et réduire du même coup son profil de risque général. La Sun Life continue de s’étendre à l’international, avec des incursions et de nouvelles opportunités en Chine, aux Philippines, au Vietnam et en Malaisie.