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Tortue luth

La tortue luth (Dermochelys coriacea) est la tortue la plus grande et la plus répandue géographiquement. Comptant plus de 100 millions d’années d’évolution, il s’agit aujourd’hui du seul membre restant de la famille des dermochélyidés. L’espèce compte sept sous-populations dans le monde, dont deux se trouvant dans les eaux canadiennes.

Description physique


Tortue luth


La tortue luth tire son nom de la forme de sa carapace. Contrairement à la plupart des tortues de mer, elle possède une carapace légèrement souple et composée de tissu conjonctif fibreux et graisseux entrelacé de petits os appelés ostéodermes. Les tortues luth sont bleu-noir, avec des taches blanches. Elles ont le ventre rose-blanc et une tache rose caractéristique sur le dessus de la tête. La taille d’un adulte, mesurée en suivant la courbe de la carapace, se situe normalement entre 140 et 160 cm, et son poids entre 250 et 600 kilos. Les mâles se distinguent des femelles par leur queue plus longue.

Les tortues luth ont quatre grandes nageoires, sans pince. De multiples adaptations, comme un métabolisme bas et une capacité de régulation de la circulation sanguine, leur permettent de tolérer les eaux froides, ce que l’on appelle le phénomène de gigantothermie. Les tortues luth excrètent également le sel de mer excédentaire par des glandes lacrymales, ce qui produit des larmes très salées. Pour simplifier leur alimentation dans l’océan, l’intérieur de leur bouche et de leur œsophage est tapissé d’épines pointant vers l’estomac. Cela leur permet de retenir la nourriture lors de l’expulsion de l’eau excédentaire.

Distribution géographique et habitat



Les tortues luth se trouvent dans le nord-ouest et le sud de l’océan Atlantique, dans le nord-est et le sud-ouest de l’océan Indien et dans l’océan Pacifique. La majorité des connaissances sur l’espèce proviennent d’observations réalisées sur des plages de nidification. Les plus grandes zones de nidification se trouvent dans les Caraïbes et sur la côte ouest de l’Afrique. On trouve également des zones importantes sur des plages des côtes est et ouest du Pacifique. Il n’y a aucune nidification sur les côtes canadiennes.

Les tortues luth se rendent seulement sur terre pour faire leur nid. Entre les saisons de nidification, elles voyagent pour atteindre des sites d’alimentation estivaux. De juin à octobre, on trouve des milliers d’individus dans les eaux des provinces de l’Atlantique. Certains visitent également les eaux côtières de la Colombie-Britannique, mais en plus petit nombre.

Cycle de vie

Les estimations portant sur l’espérance de vie et la maturité des tortues luth varient grandement puisque les individus sont difficiles à observer en mer. Leur longévité pourrait se situer entre 40 et 45 ans, et elles pourraient atteindre la maturité sexuelle vers 20 à 30 ans.

Lorsque les femelles sont matures, elles s’accouplent généralement une seule fois tous les 2 ou 3 ans. Puisque les femelles sont capables d’emmagasiner le sperme, elles s’accouplent seulement une fois par période de reproduction puis se mettent à la recherche d’une plage de nidification convenable. La femelle pond environ 3 à 10 fois par saison, et passe de 8 à 12 jours en mer entre chaque ponte. Chaque fois, elle creuse un nid dans la terre, pond 60 à 100 œufs puis les recouvre. Le sexe des bébés est déterminé par la température de l’œuf pendant le trimestre médian. C’est ce que l’on appelle la détermination du sexe en fonction de la température. Sous les 29 °C, les bébés deviennent mâles; au-delà de 30 °C, ils deviennent femelles. On ne trouve les deux sexes dans la même ponte que lorsque la température se situe dans cette petite marge.

L’éclosion des œufs se produit environ 2 mois après la ponte. Lorsque les bébés émergent, généralement la nuit, ils se déplacent vers l’océan. Ils s’éloignent ensuite de la terre en nageant pendant 24 heures sans interruption, nourris par l’énergie de leur membrane vitelline, qu’ils consomment après être sortis de l’œuf. À leur naissance, ils mesurent seulement 6 cm. Ils devront atteindre environ 100 cm avant de réussir les longues migrations caractéristiques des tortues luth adultes.

Alimentation et comportement

Les tortues luth migrent beaucoup. Elles peuvent parfois parcourir une distance de 20 000 km, soit l’équivalent d’environ la moitié de la circonférence de la Terre, entre leurs points d’alimentation et leurs zones de nidification. En plus d’utiliser la lumière pour s’orienter, elles peuvent aussi ressentir le champ magnétique terrestre. Les tortues luth s’alimentent presque exclusivement de méduses et peuvent consommer jusqu’à l’équivalent de leur poids tous les jours. Elles plongent souvent à une profondeur de 1 km, bien qu’elles aient aussi été repérées à plus de 1,2 km. Toutefois, on ignore si elles plongent pour se nourrir, pour se protéger des prédateurs ou pour une autre raison. Lorsqu’elles ne plongent pas, les tortues luth sont parfois aperçues en train de se reposer sur le plancher océanique ou de se prélasser à la surface.

Relations avec les humains

Les humains se nourrissent depuis longtemps de la viande et des œufs de la tortue luth. Au cours de l’histoire, ils utilisent également son huile comme vernis, huile à lampe, médicament, aphrodisiaque et scellant pour les coques des petits bateaux. La Première Nation Manhousat de Sydney Inlet, sur l’île de Vancouver, aurait spécifiquement consommé la viande de la tortue luth (les Manhousats font maintenant partie de la Première Nation Ahousaht). Toutefois, les récits de la plupart des autres peuples autochtones font seulement référence aux tortues et aux tortues de mer dans leur ensemble, sans mentionner explicitement les tortues luth. La vente de produits de la tortue luth est aujourd’hui illégale. La consommation personnelle de viande et d’œufs continue cependant de représenter un moyen de subsistance important dans certaines régions du monde, notamment en Afrique de l’Ouest et en Malaisie.


Bébé tortue luth


Menaces

Les tortues luth sont surtout à la merci des prédateurs lorsqu’elles sont bébés et quittent le nid pour atteindre la mer. Certains prédateurs, comme les humains, vont toutefois chercher les œufs directement dans les nids. Plusieurs chercheurs considèrent que le fait de s’emmêler dans le matériel de pêche est la plus grande menace pour les tortues luth. En effet, des milliers d’individus meurent ainsi piégés chaque année. La pollution lumineuse causée par l’urbanisation côtière tend quant à elle à désorienter les bébés, qui s’appuient sur des repères visuels pour trouver l’océan. Le développement le long des plages restreint également la surface de nidification adéquate, en plus de créer des obstacles au déplacement des femelles et des bébés. Plusieurs types de pollution menacent aussi les tortues luth, comme les déversements de pétrole et les sacs de plastique, qu’elles mangent en les confondant souvent avec des méduses. Les changements climatiques pourraient influencer le ratio des sexes des bébés. Puisque seuls les œufs maintenus à une température sous les 29 °C deviennent mâles, l’augmentation de la température des plages pourrait faire diminuer le nombre de mâles. Les changements climatiques impliquent également une augmentation du niveau de la mer et des conditions météorologiques extrêmes, ce qui a des effets néfastes sur les espaces de nidification. Toutefois, l’espèce pourrait réussir à plutôt bien s’adapter à ces changements. En effet, étant très réparties sur le globe, les femelles peuvent facilement passer d’une plage de nidification à une autre. Elles ont également tendance à creuser des nids aux endroits les plus frais sur les plages.

Préservation

L’Union Internationale pour la Conservation de la Nature considère la tortue luth comme une espèce vulnérable. Bien que l’espèce ne soit pas menacée comme telle, plusieurs populations spécifiques sont grandement menacées. Par exemple, selon un rapport publié en 2012 par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC), la population du Pacifique a diminué de plus de 90 % en 30 à 35 ans. Le COSEPAC et la Loi sur les espèces en péril ont tous deux inscrit la tortue luth sur la liste des espèces menacées. Bien que la coopération internationale visant à protéger la tortue luth soit difficile en raison de sa répartition étendue et son habitat en pleine mer, des progrès ont bel et bien été réalisés. Par exemple, l’éclairage côtier près de certaines zones de nidification clés a été réduit et le matériel de pêche devient de plus en plus sécuritaire.

Taxonomie de la tortue luth

Règne

Animalia

Embranchement

Chordata

Classes

Reptilia

Ordre

Testudines

Famille

Dermochelyidae

Genre

Dermochelys

Espèce

Dermochelys coriacea

Liens externes