Chien inuit canadien | l'Encyclopédie Canadienne

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Chien inuit canadien

Le chien inuit canadien (Canis familiaris borealis) est l’une des cinq races de chiens uniquement canadiennes reconnues par le Club Canin Canadien (voir aussi Chiens au Canada). Le Club emploie le nom de « chien esquimau canadien », mais pour le gouvernement du Nunavut, c’est le chien inuit et l’emblème animalier du territoire. Dans le dialecte inuktitut de Baffin Est, on l’appelle qimmiq (orthographié kimmik dans d’autres dialectes). Durant des centaines d’années, les Inuits et leurs ancêtres avant eux ont utilisé ces chiens pour tirer leurs traîneaux. Des années 1950 jusqu’aux années 1970, la Gendarmerie royale du Canada et d’autres autorités gouvernementales ont abattu des milliers de chiens de traîneau et pratiquement exterminé la race, sauvée depuis grâce à un programme de revitalisation. En 2018, on comptait environ 300 chiens inuits canadiens dans les registres du Club Canin.

Chien inuit canadien

Description

Le chien inuit canadien fait partie de la famille des chiens spitz. Le mâle peut atteindre 70 cm de hauteur et pèse entre 30 et 40 kg. La femelle est généralement beaucoup plus petite. Le pelage varie entre le roux, le blanc, le gris, le noir et le brun et peut présenter un mélange de ces couleurs. Un sous-poil dense protège efficacement contre les températures les plus basses. Le poil est généralement plus long chez le mâle, qui arbore aussi une crinière épaisse autour du cou et des épaules. Chez les deux sexes, la queue touffue se ramène en boucle sur le dos, les oreilles sont dressées et le corps est robuste.

Le saviez-vous?

Le chien d’ours de Tahltan – l’une des cinq races canadiennes – est disparu. Les quatre races restantes sont le chien inuit canadien, le retriever de la Nouvelle-Écosse, le retriever de Terre-Neuve et le retriever du Labrador. Un autre chien originaire du Canada, le chien laineux des peuples salish, est disparu aux alentours des années 1900. La population des chiens laineux des peuples salish a connu un important déclin avant que le Club Canin Canadien n’ait l’occasion de la reconnaître officiellement comme race.


Il existe des sous-populations du chien inuit canadien, comme celle du husky du Labrador, qui est de plus grande taille étant donné que son faible nombre et son isolement ont mené à des croisements sélectifs avec des loups.

Relation avec les Inuits

Traîneau à chiens

Les chiens inuits canadiens descendent de ceux qu’utilisaient les gens de Thulé, les ancêtres des Inuits, il y a environ un millier d’années. On sait grâce à l’archéologie que les gens de Thulé, en attelant leurs chiens à des traîneaux, ont pu voyager et transporter des marchandises rapidement et efficacement dans tout l’Arctique et les régions subarctiques (voir Traîneau à chiens).

Le saviez-vous ?

Dans le mythe de la création des Inuits du Labrador, les eaux se retirent après un grand déluge et révèlent le monde caché dessous. Sur une montagne se tient la première famille inuite, qui avec son chien entreprend d’explorer Nuna, c’est-à-dire « la terre » en inuktitut.


Les chiens inuits canadiens tirent des traîneaux de tailles et de formes différentes, qu’on appelle génériquement qommatik dans certains dialectes de l’inuktitut. L’attelage comprend des mâles et des femelles. Chaque membre est censé tirer entre 45 et 80 kg de la charge totale, qui comprend le traîneau, le conducteur et la cargaison. Les chiens peuvent franchir des distances de 25 à 120 km par jour, selon leur nombre dans l’attelage, la charge à tirer et les conditions de voyage. Ils sont aussi indispensables à la chasse : leur odorat aiguisé aide les hommes à repérer les trous d’air des phoques dans la banquise, à traquer les proies et à retrouver leur chemin sous les fortes chutes de neige.

Jusqu’à l’arrivée massive des motoneiges dans la seconde moitié du 20e siècle, rien n’égale le traîneau à chiens pour se déplacer dans l’Arctique. Aujourd’hui, la plupart des chiens de traîneau qu’on trouve dans les localités de l’Arctique ne sont pas des chiens inuits canadiens de race pure, mais ne font pas moins partie intégrante de la culture.

Relation avec les colons européens

Les commerçants, les trappeurs, les missionnaires et les explorateurs européens qui sont entrés en contact avec les Inuits ont eu tôt fait d’adopter le traîneau à chiens comme principal mode de transport. On a utilisé des chiens inuits canadiens pour faire la traite des fourrures et mener un certain nombre d’expéditions arctiques et antarctiques, dont l’Expédition canadienne dans l’Arctique.

Exterminations

Gendarmerie royale du Canada

Dans les années 1950, 1960 et 1970, des dizaines de milliers de chiens de traîneau sont tués dans l’Arctique de l’Est, principalement par la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Dans les années 1920, on estime qu’il y avait entre 10 000 et 20 000 chiens inuits dans le Grand Nord canadien. En 1963, un seul « chien esquimau canadien » figure au registre du Club Canin Canadien, et la race est déclarée éteinte.

La GRC invoque des raisons de santé et de sécurité publiques. Dans bien des cas, elle applique l’Ordinance Respecting Dogs (ordonnance concernant les chiens) adoptée dans les Territoires du Nord-Ouest en 1929. Selon la loi, les chiens ne peuvent se promener en liberté dans certains endroits. Les agents chargés de l’appliquer, dont ceux de la GRC, ont le droit d’attraper les chiens errants et de les tuer s’ils ne sont pas réclamés après un certain temps. Jusqu’en 1966, les autorités sont tenues d’aviser les propriétaires avant d’abattre leurs chiens. Les propriétaires peuvent alors obtenir la libération de leurs chiens en versant une amende, que la plupart des Inuits n’ont pas les moyens de payer. En 1966, cette mesure est révoquée et les agents peuvent désormais tuer sans avertissement tout chien qui agit de façon menaçante ou qui détruit de l’équipement ou des réserves de nourriture. Limitée d’abord au district de Mackenzie, dans les Territoires du Nord-Ouest, l’ordonnance voit s’étendre sa portée géographique à mesure que progresse la colonisation blanche de l’Arctique.

Pour les Inuits, l’extermination des chiens fait partie de l’effort systématique du gouvernement canadien visant à les confiner à des établissements permanents et à abandonner leur mode de vie semi-nomade. Ils ne comprennent pas pourquoi les Blancs veulent gérer les animaux en les attachant ou en les entravant de quelque autre façon. Ayant vécu avec eux pendant des siècles, ils savent bien que les chiens ont besoin d’exercice constant pour avoir la force de tirer des traîneaux. À l’époque, le gouvernement canadien applique d’autres politiques pour sédentariser les Inuits, dont la réinstallation forcée, les pensionnats indiens et les prestations d’aide sociale. Ce sont là les principales formes que prend la coercition, mais pour la plupart des Inuits, l’extermination des chiens de traîneau s’inscrit dans la stratégie globale d’assimilation.


La perte est catastrophique pour les Inuits. Sans chiens, ils ne peuvent pas voyager et doivent renoncer à leurs quartiers d’hiver, à leurs lignes de piégeage, à leurs territoires de chasse et à leurs lieux de pêche sur la glace. Les motoneiges sont encore peu fiables et trop chères pour eux. Pour la première fois de leur histoire, les Inuits sont coupés de Nuna et coincés dans leur communauté à longueur d’année.

En 2019, le gouvernement canadien présentera des excuses aux Inuits de l’Arctique de l’Est et s’engagera à financer un programme de revitalisation des chiens de traîneau.

Revitalisation

En 1972, neuf ans après que le chien inuit canadien a été déclaré éteint, la Canadian Eskimo Dog Research Foundation (fondation de recherche sur le chien esquimau canadien) voit le jour avec le concours du Club Canin Canadien et du gouvernement fédéral. En ratissant les villages inuits les plus reculés, elle réussit à dénicher une petite population de chiens inuits canadiens de race pure. En 1986, les premiers chiens inscrits dans le projet sont accouplés, créant le stock génétique sur lequel repose la race aujourd’hui.