Kim Yaroshevskaya | l'Encyclopédie Canadienne

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Kim Yaroshevskaya

Kim Yaroshevskaya (Ким Ярошевская), C.M., comédienne à la télévision, conteuse, femme de théâtre et de cinéma, scénariste et autrice (née le 1er octobre 1923 à Moscou, en URSS). Kim Yaroshevskaya a bercé l’enfance et stimulé l’imaginaire de plusieurs générations de jeunes avec ses rôles de poupée vivante Fanfreluche (Fafouin, La Boîte à Surprise, Fanfreluche) et de grand-mère dans l’émission culte pour enfants Passe-Partout.

Kim Yaroshevskaya

Premiers pas

L’enfance de Kim Yaroshevskaya se déroule auprès de parents activistes et très idéalistes : sa mère est anarchiste et son père trotskiste. Ses parents la nomment Kim puisque ce prénom correspond à l’acronyme en russe de l’International des jeunes communistes. (Voir aussi Parti communiste du Canada.)

Dès son plus jeune âge, sa mère lui répète qu’il faut être forte dans la vie et lui offre des jouets de guerre comme des fusils. Pourtant, la jeune Kim Yaroshevskaya réclame à chacune de ses fêtes une poupée en cadeau. Elle comprend mal pourquoi sa mère veut qu'elle soit différente de ses camarades de classe. À l’aide d’une cuillère et d’un linge, elle confectionne une poupée avec des objets du quotidien. Elle se laisse prendre à son propre jeu et parle avec l’objet de sa création. Elle comprend rapidement que l’imagination peut nous extirper d’une réalité difficile.

À son cinquième anniversaire, sa mère lui offre enfin une vraie poupée. Malheureusement, sa mère est retrouvée sans vie peu après. La jeune Kim Yaroshevskaya est alors hébergée dans un foyer pour enfants. Sous la dictature de Joseph Staline, son père est emprisonné et déporté à Voronej. Il meurt de façon nébuleuse, une noyade selon certains. Kim Yaroshevskaya a sept ans. C’est ce drame qui convainc sa grand-mère paternelle de sortir sa petite fille de l’orphelinat et la prendre sous son aile à Moscou.

Ensemble, elles s’entendent très bien. Kim Yaroshevskaya lit énormément et elle raconte ses lectures en y rajoutant du fantastique et de l’invraisemblable. Sa grand-mère ne dit jamais un mot sur ces extravagances et respecte l’imaginaire de l’enfant. C’est ainsi que Kim Yaroshevskaya prend la relève de son père qui était écrivain et excellent conteur. Plus tard, elle dira en entrevue : « J’ai appris en travaillant avec les contes que ce sont des outils, peut-être les plus importants, pour apprendre la survie aux enfants. […] Les sorcières, les ogres, sont des images intérieures et il faut être victorieux contre tout ça. »

Passage à l’Ouest

En 1931, un cancer commence à affaiblir la grand-mère de Kim Yaroshevskaya. Inquiète de ne pas être en santé assez longtemps pour agir sur le destin de sa petite fille, sa grand-mère entreprend de lui trouver une nouvelle demeure. Comme dernier recours, l’idée qu’elle soit recueillie chez ses grands-parents maternels qui habitent New York fait son chemin. Des complications d’ordre politique pour sortir du pays se succèdent. De plus, elle est incapable d’obtenir un visa américain pour rejoindre ses grands-parents aux États-Unis. Kim Yaroshevskaya doit plutôt mettre le cap sur Montréal, où vivait déjà une des sœurs de sa mère qu’elle n’avait jamais rencontrée. (Voir aussi Immigration au Canada.)

Âgée de dix ans lorsqu’elle arrive au Québec, Kim Yaroshevskaya est allophone et fréquente une école anglophone. Après un début plus laborieux, elle apprend rapidement l’anglais et s’intègre très bien avec les autres enfants.

Les activités parascolaires contribuent à son épanouissement. Pour les fêtes de fin d’année, elle propose d’organiser une pièce de théâtre qui a pour thème les rituels et réjouissances de Noël, des coutumes qui lui sont inconnues à ce moment. Elle écrit le texte (dans un anglais approximatif, dira-t-elle plus tard) et fait la mise en scène. À l’âge de 15 ans, l’artiste doit délaisser l’école et entrer pour deux longues années dans un sanatorium, car elle est atteinte de tuberculose. Malgré cette interruption, elle poursuivra son apprentissage tout au long de sa vie.


Comédienne

Kim Yaroshevskaya poursuit son rêve de devenir danseuse. Elle donne des cours de danse et va aider une jeune troupe de théâtre nommée Le Grenier. Elle assiste à leurs répétitions et se concentre sur les déplacements et l’expression corporelle des comédiens. Avec le temps, elle devient une habituée de ce groupe et s’y sent de plus en plus à l’aise. En dehors de ses ateliers de mouvements, elle partage énormément d’idées et de notes pour les créations en chantier. Guy Messier, cofondateur de la troupe, invite Kim Yaroshevskaya à s’y joindre comme comédienne. Le groupe a comme projet de réaliser leur première création pour enfants. Cependant, elle ne veut pas accepter au départ, puisque ce théâtre s’adresse aux quatre à douze ans et elle a encore de la difficulté à s’exprimer en français. Elle imagine que le spectacle pourrait se dérouler avec des jouets qui s’animent et accepte finalement. Elle propose de créer un personnage de poupée qui danse et qui ne parle pas. C’est la naissance de Fanfreluche en 1953. L’année suivante, son personnage est introduit à la télévision de Radio-Canada. Cette poupée, qui ressemble à une ballerine évoquant le ballet du Bolchoï, acquiert la parole au même rythme que sa créatrice.

C’est d’abord dans la série télévisée Fafouin que son personnage est présenté aux jeunes téléspectateurs et téléspectatrices. Sa poupée la suivra à l’émission La Boîte à Surprise. Devant la popularité de Fanfreluche, le diffuseur offre à l’actrice une émission entièrement consacrée à celle-ci. C’est 46 épisodes de 30 minutes qui sont diffusés entre 1968 et 1971. De plus, Kim Yaroshevskaya scénarise l’entièreté des épisodes télévisés de Fanfreluche. La série sera rediffusée pendant de nombreuses années. Il s’agit d’un rôle marquant pour l’actrice et plusieurs enfants des années 1970.


À l’époque, un des mandats de Radio-Québec est d’offrir du contenu éducatif pour les enfants d’âge préscolaire. Ainsi, le ministère de l’Éducation du Québec, Radio-Québec et les concepteurs de l’émission à venir Passe-Partout offrent à Kim Yaroshevskaya le rôle de grand-mère de cette série pour enfants. L’émission est diffusée à partir de 1977 et rencontre un succès sans précédent. Ce rôle est une suite logique à Fanfreluche. Grand-mère se veut rassurante, à l’écoute des émotions vécues par les trois personnages principaux et surtout, elle a toujours un livre à portée de main pour nous lire un conte.

Kim Yaroshevskaya est aussi très présente au théâtre tout au long de sa carrière. Elle joue dans une cinquantaine de pièces et passe du théâtre de Tchékhov, Ionesco ou Pirandello à celui de Réjean Ducharme avec le même bonheur.

Les années 1990 et 2000 lui donnent l’occasion de se faire connaître du grand public comme autrice. En 1998, elle publie un livre de contes, La Petite Kim. En 2017, elle fait paraître son livre Mon voyage en Amérique. Elle y raconte avec humour et franchise son enfance et ce qui l’a amenée à fuir son pays. Elle s’organise pour que l’expérience soit répétée sur scène. C’est un succès, elle affiche complet pour les mises en lecture prévues en 2020. Cette tournée de la version « vivante » de son récit reçoit d’excellentes critiques, on y fait souvent mention du talent de conteuse que l’actrice n’a pas perdu avec les années. Cette performance est partiellement annulée en raison de la pandémie de COVID-19.

Prix et distinctions

En 1991, Kim Yaroshevskaya est nommée membre de l’Ordre du Canada et, en 2017, Compagne de l’Ordre des arts et des lettres du Québec.

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