Meurtre de Reena Virk | l'Encyclopédie Canadienne

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Meurtre de Reena Virk

Reena Virk, une jeune fille de14 ans d’origine sud‑asiatique, a été sauvagement battue et assassinée par des adolescents, lors d’une agression, en novembre1997, dans une banlieue de Victoria, en Colombie‑Britannique. Ce crime a horrifié la population canadienne et attiré l’attention des médias internationaux, en raison de la brutalité du meurtre et de la jeunesse de la victime et de ses agresseurs. L’événement a déclenché un débat national sur le harcèlement des adolescents et sur le racisme, impulsé notamment par les parents de la jeune fille, qui, à la suite du meurtre de l’adolescente, se sont investis dans le militantisme anti‑harcèlement.

Cet article traite de thématiques délicates qui peuvent ne pas convenir à tous les publics.

Contexte

Reena Virk est une jeune fille de 14 ans vivant à View Royal, une banlieue paisible de Victoria, en Colombie‑Britannique, où résident essentiellement des familles de la classe moyenne. Contrairement à de nombreuses autres familles de la communauté sud‑asiatique locale, les parents de Virk, Manjit et Suman, ne sont pas sikhs pratiquants, mais plutôt de fervents témoins de Jéhovah. Reena est en rébellion contre les règles strictes appliquées par ses parents et, environ un an avant sa mort, elle s’enfuit du domicile familial et est placée dans un foyer de groupe.

Selon ses amis, Reena Virk était consciente de ses problèmes de poids et luttait contre une estime de soi déficiente. Elle cherchait désespérément à être acceptée par ses condisciples à l’école et par les autres adolescents vivant dans le foyer de groupe où elle a été accueillie pendant un certain temps. Fin 1997, certains adolescents l’avaient accusée d’avoir répandu des rumeurs sur une autre fille et d’avoir tenté de lui « voler » son petit ami.

Meurtre

Le 14 novembre 1997, Reena Virk fait partie d’un important groupe d’adolescents qui se sont réunis pour socialiser et faire la fête, sur un terrain derrière l’école Shoreline à View Royal, comme ils le faisaient souvent les vendredis soir. Après l’arrivée de la police, le groupe se déplace jusqu’au pont Craigflower. Soudain, une bataille éclate sous le pont et une jeune fille, celle‑là même qui avait été l’objet des rumeurs prétendument répandues par Virk, pose alors une cigarette brûlante sur le front de cette dernière. Virk se retrouve entourée d’un groupe de sept filles et d’un garçon, tous âgés de 16 ans ou moins, qui la frappent et lui donnent des coups de pied à plusieurs reprises. Alors qu’elle encaisse les coups, l’adolescente tente de formuler des excuses, s’écriant « Je suis désolée », mais la pluie de coups ne cesse pas et elle gît bientôt, en sang, sur le sol boueux, sous le pont. De nombreux membres du groupe se dispersent lorsque le combat commence, tandis que d’autres se contentent d’observer les huit adolescents agresser leur victime.

Après l’attaque, Virk traverse le pont, en titubant, en direction de son domicile. En chemin, elle est à nouveau attaquée par deux de ceux qui l’avaient déjà agressée, Kelly Ellard, âgée de 15 ans, et Warren Glowatski, âgé de 16 ans. Les deux jeunes gens la frappent à nouveau à coups de poing, fracassent sa tête contre un arbre et la traînent, inconsciente, jusqu’au cours d’eau Gorge, où elle se noie.

Les parents de Virk signalent sa disparition, mais son corps, à moitié nu, ne sera découvert que huit jours plus tard, avant d’être récupéré dans l’eau par des plongeurs de la police. L’autopsie du coroner fait état de nombreuses blessures sur le corps de l’adolescente, notamment de multiples coups et des ecchymoses à la tête et à l’abdomen. Le rapport indique qu’elle serait probablement morte de ses blessures si elle n’avait pas été noyée.

Accusation

En février 1998, six jeunes filles qui avaient participé à l’agression initiale contre Virk sont poursuivies devant un tribunal pour adolescents, leur identité étant protégée et ne pouvant être divulguée (voir Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents). Trois des adolescentes plaident coupables du chef d’accusation de voies de fait ayant causé des lésions corporelles, tandis que les trois autres seront condamnées pour la même infraction lors d’un procès. Kelly Ellard et Warren Glowatski sont accusés du meurtre de Virk Reena, et sont, en dépit de leur âge, jugés par un tribunal pour adultes, en raison de la nature extrême du crime commis.

Waren Glowatski, 16 ans, grandit dans des conditions difficiles : sa mère, alcoolique, est absente pendant une grande partie de sa vie. Au moment du meurtre, il vit chez un ami, son père ayant quitté la Colombie‑Britannique pour aller vivre en Californie, sans lui. En juin 1999, un juge reconnaît le jeune homme coupable de meurtre au deuxième degré et le condamne à la prison à vie. Son appel de cette condamnation est rejeté en 2001.

Kelly Ellard, quant à elle, vient d’une famille traditionnelle plus stable, qui la soutient lors du procès. En 2000, un jury la reconnaît également coupable de meurtre au deuxième degré, avant que sa condamnation ne soit annulée, pour des considérations juridiques techniques, par la Cour suprême du Canada. En 2004, un deuxième procès, au cours duquel la jeune fille insiste sur son innocence, déclarant « Je ne suis pas un monstre », est organisé; toutefois, le jury se retrouve dans l’impasse et le procès est annulé. La jeune femme est toutefois à nouveau déclarée coupable par un jury à l’occasion d’un troisième procès en 2005. Cette condamnation est confirmée en appel devant la Cour suprême et Kelly Ellard est définitivement condamnée à la prison à vie.

Prison et libération conditionnelle

En prison, Warren Glowatski assume la responsabilité de son crime. Il prend alors conscience de son héritage métis et participe à des programmes de justice corrective, notamment des cercles de guérison autochtones, visant à réconcilier les criminels et leurs victimes (voir également Autochtones: justice). Lors d’une de ces séances, il rencontre les parents de Reena Virk et leur demande pardon pour ses actes, expliquant qu’il n’avait aucun motif particulier au moment de l’agression. Submergés par les larmes, le jeune homme et les Virk échangent des accolades.

Après des années de deuil et de chagrin, les parents de Reena choisissent de pardonner à plusieurs des jeunes ayant assassiné leur fille, expliquant au Globe and Mail qu’en dépit des difficultés à pardonner, cela leur permettait de se débarrasser de leur colère. Suman Virk précise : « Je pense que nous avons essentiellement pardonné à Warren pour pouvoir mettre toute cette histoire derrière nous et être en mesure de mener à bien notre propre processus de guérison et de retrouver un sentiment de plénitude dans notre vie. »

La demande de libération conditionnelle de Warren Glowatski est appuyée par les Virk, et, en 2010, il obtient une libération conditionnelle totale.

En revanche, Kelly Ellard passe ses premières années en prison à répéter qu’elle est innocente, tout en prenant des drogues illégales et en enfreignant les règles pénitentiaires. Elle change son nom en Kerry Sim et, en 2016, elle donne naissance à un enfant conçu lors d’une visite conjugale de son nouveau petit ami, un ancien détenu. En 2020, alors qu’elle approche de la quarantaine, elle a un deuxième enfant avec le même compagnon, et se voit accorder une semi‑liberté dans le cadre d’un programme de réintégration au sein de la collectivité.

Campagne anti‑harcèlement

Manjit et Suman Virk canalisent leur chagrin, à la suite du meurtre de leur fille Reena, en menant une campagne de sensibilisation du public contre le harcèlement et la violence chez les adolescents. Grâce à leur action, le gouvernement de la Colombie‑Britannique adopte une série de programmes de lutte contre le harcèlement en milieu scolaire. Ils s’expriment également sur ce sujet lors de réunions publiques auxquelles participent des milliers d’élèves, d’enseignants et de policiers. Depuis lors, le harcèlement est devenu un sujet largement discuté au Canada. En 2009, les Virk reçoivent l’Anthony J. Hulme Award of Distinction de la Colombie‑Britannique, pour leur contribution à la prévention du crime et à la sécurité collective.

Suman Virk décède le 16 juin 2018, à l’âge de 58 ans, après s’être étouffée, alors qu’elle mangeait dans un café à Victoria.