Politique canadienne sur les réfugiés | l'Encyclopédie Canadienne

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Politique canadienne sur les réfugiés

La politique canadienne sur les réfugiés se réfère à la manière dont le gouvernement canadien cherche à gérer les groupes de demandeurs d’asile cherchant refuge au Canada. La politique sur les réfugiés est façonnée par les lois et réglementations ainsi que par les traités internationaux. La migration des réfugiés est souvent très politique et est influencée par l’opinion publique.

L'arrivée d'une famille de réfugiés syriens à Toronto, 9 décembre 2015

Concepts clés sur la migration et les réfugiés

Migrant – Les migrants sont définis au sens large comme étant nés à l’étranger ou étant des ressortissants étrangers qui se trouvent actuellement dans un pays autre que leur pays d’origine. Les migrants peuvent également être simplement définis comme étant des personnes qui se déplacent d’un endroit à l’autre, y compris entre les frontières internationales.

Demandeur d’asile – Les demandeurs d’asile sont des migrants en quête de protection à l’extérieur de leur pays d’origine. Cependant, contrairement aux réfugiés, les demandes de protection des demandeurs d’asile ne sont pas encore approuvées.

Réfugié – Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés définit les réfugiés comme étant ceux qui ont fui les conflits et les persécutions afin de chercher la protection dans un autre pays. Ainsi, les réfugiés sont généralement des demandeurs d’asile qui ont obtenu le droit d’asile dans un autre pays (statut de réfugié).

La Convention de 1951 relative au statut des réfugiés définit un réfugié comme une personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays. »

Système moderne de réfugiés et d’asile du Canada

Au Canada, une personne peut obtenir le statut de réfugié et par la suite la résidence permanente de deux manières. D’abord, elle peut venir au Canada de son propre chef afin de demander asile, et doit passer par le système canadien de détermination du statut de réfugié. On appelle ces personnes des « demandeurs d’asile » ou « revendicateurs du statut de réfugié » jusqu’à ce qu’elles prouvent, devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, qu’elles devraient obtenir le statut de réfugié et la résidence permanente au Canada.

Deuxièmement, les personnes peuvent être réinstallées au Canada avec l’aide du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, un organisme des Nations Unies responsable des réponses aux migrations forcées et de la réinstallation des réfugiés. Les réfugiés peuvent soit être réinstallés par le gouvernement canadien, soit être parrainés de manière privée par des organismes ou des individus. Ils sont résidents permanents à leur arrivée au Canada.

Politique canadienne sur les réfugiés, 1867 à 1945

Historiquement, le traitement que le Canada réserve aux réfugiés est caractérisé par une importante discrimination basée sur la race et l’ethnicité afin de décourager certains groupes de migrants. Ces mesures racistes incluent, par exemple, la taxe d’entrée imposée aux immigrants chinois au Canada et la Loi de l’immigration chinoise. L’approche d’exclusion du Canada en matière de politique sur les réfugiés est probablement mieux démontrée par le refus du gouvernement d’accueillir des réfugiés juifs fuyant la persécution nazie durant les années 1930. C’est notamment le cas des passagers à bord du paquebot MS Saint Louis. Le Canada a fini par accueillir l’un des plus petits nombres qui soient de réfugiés juifs.

Passagers du Saint Louis

Non seulement l’admission des réfugiés est largement politique et arbitraire, mais la politique sur les réfugiés du Canada n’est pas non plus cohérente et conséquente dans le sens moderne du terme. La plupart des décisions sont politiques et prises sur une base de cas par cas.

Politique canadienne sur les réfugiés, 1945 aux années 1990

Les perturbations causées par la Deuxième Guerre mondiale déplacent de nombreuses personnes et mènent à la plus importante migration de réfugiés de l’histoire européenne. La politique canadienne sur les réfugiés change pour accueillir ces réfugiés d’après-guerre. Il faut noter que l’économie canadienne est en plein essor et qu’il existe un besoin croissant de travailleurs. Le gouvernement canadien subventionne le voyage de centaines de milliers de migrants au Canada.

En 1951, la Convention relative au statut de réfugié des Nations Unies établit des normes internationales quant à la protection des réfugiés. Le principe de non-refoulement se trouve au cœur de ce document. Ce principe empêche les pays de renvoyer les réfugiés (souvent contre leur gré) dans des régions qui leur seraient dangereuses ou qui pourraient limiter leur liberté. En 1969, le Canada signe la Convention et son Protocole de 1967.

En 1962, un décret du gouvernement canadien abolit officiellement la discrimination raciale de la sélection des immigrants (voir Politique d’immigration canadienne) et le Canada adopte une politique multiculturelle officielle en 1971. En avril 1978, la nouvelle Loi sur l’immigration entre en vigueur et reconnaît les réfugiés comme étant une catégorie officielle d’immigrants. La Loi sur l’immigration adopte également la définition complète énoncée lors de la Convention de 1951 des Nations Unies et son Protocole de 1967. La Loi sur l’immigration de 1976 est remplacée en 2002 par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

Réfugiés de la mer du Viêt-Nam, 1979.

Tout au long de la guerre froide, le Canada accueille de nombreuses cohortes de réfugiés du monde entier. La réinstallation des réfugiés devient la marque de l’histoire de la migration du Canada. En 1986, en reconnaissance de sa contribution exceptionnelle à la protection des réfugiés, le Canada reçoit la Médaille Nansen du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

Politique canadienne sur les réfugiés, années 1990 à 2015

Entre les années 1990 et le début des années2010, le Canada adopte un certain nombre de politiques visant à réduire le nombre de réfugiés. Suite aux événements du 11 septembre et à l’attention accrue portée à la sécurité nationale, plus de ressources sont détournées pour renforcer les frontières. On témoigne également d’une tentative générale de réduction du nombre de réfugiés et de demandeurs d’asile. En conséquence, les réfugiés sont souvent représentés à tort comme étant liés à la criminalité et au terrorisme.

En 2004, le Canada et les États-Unis signent l’entente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis. Cette entente reconnaît que les deux pays sont des « tiers pays sûrs » pour les demandeurs d’asile. En tant que tel, il est possible pour les deux pays d’empêcher les demandeurs d’asile de venir de l’autre pays pour demander le statut de réfugié.

Sous le gouvernement conservateur de Stephen Harper, la rhétorique contre les revendicateurs du statut de réfugié s’intensifie. Plusieurs groupes de demandeurs d’asile sont accusés d’être de « faux réfugiés » et d’être des fraudeurs. Le gouvernement perçoit plusieurs réfugiés comme étant des individus qui tentent de profiter du système d’immigration du Canada. Cette attitude est caractérisée par l’approche du gouvernement envers les demandeurs d’asile tamouls sri lankais à bord du MV Ocean Lady et du MV Sun Sea, en 2009-2010. Les migrants tamouls sont emprisonnés et accusés de faire partie d’une opération de trafic humain, bien que par la suite, ils se voient accorder le statut de réfugiés par le système de réfugiés du Canada.

En 2012, le gouvernement canadien adopte le projet de loi C-31, ou la Loi visant à protéger le système d’immigration du Canada. Ce projet de loi restructure drastiquement les politiques du Canada en matière de réfugiés et d’immigration. Le projet de loi C-31 présente un certain nombre de modifications restrictives à la politique d’admission des réfugiés. La politique est largement contestée par les avocats, les docteurs et les défenseurs des réfugiés du Canada. De plus, le projet de loi C-31 fait en sorte qu’il est plus facile d’exclure les prisonniers politiques et les militants de la définition de réfugié. Ce projet de loi met également en place des dispositions de détention obligatoire pour certains demandeurs d’asile. Il lie également à tort les réfugiés fuyant la persécution à des infractions de trafic humain. Ceci est en dépit du droit international des réfugiés qui comprend que ceux-ci doivent souvent utiliser des contrebandiers afin d’échapper au danger et de pouvoir obtenir l’asile.

Le projet de loi C-31 crée une liste de pays d’origine désignés, ou de « pays sûrs », qui refusent les procédures d’appel et qui ont des délais considérablement réduits. Ces pays sont déterminés comme « ne produisant pas de réfugiés ». Cependant, cette approche ne prend pas en considération les différentes expériences des individus basées sur le sexe, l’ethnicité ou l’orientation sexuelle dans un pays donné. La disposition du pays sûr est contestée avec succès par la Cour fédérale en 2015, lorsque l’absence de procédures d’appel pour les demandeurs d’asile originaires de ces pays est jugée inconstitutionnelle.

Les soins de santé pour les réfugiés sont drastiquement réduits sous le gouvernement conservateur. Cette politique est également contestée avec succès à la Cour fédérale en 2015, la juge Anna Mactavish qualifiant ces restrictions comme étant « un traitement cruel et inhabituel. » En février 2016, le gouvernement libéral annule ses compressions et rétablit complètement les soins de santé pour tous les réfugiés.

Changements récents dans l’intervention du Canada auprès des réfugiés

L’intervention du Canada dans le conflit de la Syrie souligne à quel point un changement au sein du gouvernement peut avoir un impact profond sur les politiques relatives aux réfugiés à l’échelle nationale et internationale.

En 2015, un important nombre de Syriens sont déplacés en raison de la guerre civile qui fait rage dans leur pays. Alors que l’ampleur de la crise des réfugiés s’aggrave et que les photos choquantes du cadavre d’Alan Kurdi, un enfant migrant syrien de trois ans, échoué sur la plage sont publiées, l’opinion publique canadienne change. On demande que davantage d’actions soient prises en faveur de l’aide aux réfugiés syriens. Cependant, le gouvernement conservateur s’engage à ne réinstaller qu’un petit nombre de Syriens sur plusieurs années. En revanche, le parti libéral mené par Justin Trudeau s’engage à réinstaller 25 000 Syriens avant la fin de l’année. La question est finalement tranchée par une élection fédérale à l’automne 2015, qui a pour résultat la victoire des libéraux. Bien que l’objectif initial fixé par les libéraux soit trop ambitieux, lorsque 2017 arrive, le Canada a réinstallé près de 54 000 réfugiés syriens (voir aussi Réponse canadienne à la crise des réfugiés syriens).

De nouveaux gouvernements, des photos puissantes et un changement des opinions publiques révèlent la vitesse à laquelle les réponses politiques à l’égard des réfugiés peuvent changer. La migration forcée est un phénomène complexe, et les politiques de migration mélangent souvent les politiques nationales et internationales.

Enjeux actuels

En 2018, le Canada réinstalle plus de réfugiés que tout autre pays. Selon le rapport annuel sur les tendances mondiales publié par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, le Canada a accueilli 28 100 des 92 400 réfugiés qui ont été réinstallés à travers 25 pays. Le rapport démontre également que plus de 18 000 réfugiés sont devenus citoyens canadiens cette année-là, ce qui en fait le pays comptant le deuxième taux le plus élevé de réfugiés à obtenir leur citoyenneté.

Bien que le Canada réinstalle plus de réfugiés que la plupart des autres pays, ce n’est pourtant pas le pays qui accueille le plus de réfugiés. La plupart des réfugiés sont généralement des demandeurs d’asile qui fuient vers les pays avoisinants pour demander une protection plutôt que d’être réinstallés. En raison de la position géographique isolée du Canada, le pays ne reçoit qu’un petit nombre de demandeurs d’asile comparativement à d’autres pays. Ces autres pays ont tendance à accueillir un nombre plus large de réfugiés à leurs frontières, alors que le Canada choisit le nombre de réfugiés à réinstaller qu’il accueillera.

Toutefois, il y a eu une augmentation de demandeurs d’asile se présentant à la frontière canadienne. Ce fut notamment le cas durant les années de l’administration de Donald Trump aux États-Unis. L’hostilité de cette administration envers la migration irrégulière pousse de nombreux demandeurs d’asile à chercher refuge au Canada. Cependant, en raison de l’entente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis, les demandes d’asile de ces migrants sont refusées s’ils tentent d’entrer par un point d’entrée officiel. Afin de contourner ce problème, les demandeurs d’asile effectuent des passages frontaliers irréguliers vers le Canada. Le gouvernement réagit à cette augmentation de migration irrégulière en mettant en place des points de contrôle à l’endroit de ces passages frontaliers non officiels afin d’intercepter et de traiter les demandes des migrants. Toutefois, une fois au Canada, ces demandeurs d’asile peuvent faire une demande de statut de réfugié et ainsi être protégés par la Charte canadienne des droits et libertés.

Vers la fin de mars 2023, le gouvernement du Canada et celui des États-Unis annoncent des modifications significatives à l’ETPS. Dès maintenant, l’Entente s’applique à toute la frontière terrestre, y compris aux passages frontaliers irréguliers comme celui du chemin Roxham. En vertu de cette modification, les demandeurs d’asile traversant irrégulièrement la frontière seront renvoyés aux États-Unis. Certains groupes sont exemptés, y compris les mineurs non accompagnés, les migrants dont la famille est établie au Canada et les demandeurs d’asile ayant commis une infraction pouvant donner lieu à la peine de mort.