Tuque | l'Encyclopédie Canadienne

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Tuque

Au Canada, une tuque est une coiffure tricotée chaude, traditionnellement fabriquée en laine, et habituellement portée durant l’hiver.
Photo prise vers 1954-1963

Plusieurs types de couvre-chefs sont originaires du Canada, comme le chapeau en peau de castor, le chapeau des agents de la gendarmerie royale et le chapeau de marque Tilley. Le « Christy stiffs » est une variété canadienne du chapeau melon. Le « Pangnirtung » (aussi appelé « Pang »), bonnet de laine aux couleurs vives et souvent doté de couvre-oreilles et d’un pompon, provient de l’est de l’ Arctique (voir Nunavut). Mais la coiffure la plus emblématique du Canada est sans contredit la tuque.

La tuque ne se retrouve pas seulement au Canada. Certains bonnets tricotés, traditionnellement fabriqués en laine, gardent la tête des gens au chaud dans différentes parties du monde. Dans les autres pays, les anglophones n’utilisent pratiquement jamais le mot « tuque ». En Angleterre, on dit « balaclava » (en référence à une bataille de la guerre de Crimée). Aux États-Unis, on utilise souvent l’expression « stocking cap ». Les Australiens préfèrent le terme « beanie ».

D’où vient le mot « tuque »?

Le mot « tuque » est français. Bien qu’il existe des mots similaires dans les langues bretonne, espagnole et italienne, ils ne désignent pas toujours des bonnets tricotés. (Le mot espagnol toca, par exemple, désigne une coiffure pour femme.) En anglais, « toque » peut aussi désigner un chapeau rond sans bord portée par une femme, un petit bonnet pour homme ou femme, ou le grand chapeau blanc traditionnellement porté par les chefs. Une des caractéristiques qui distinguait autrefois la tuque des autres types de coiffures hivernales était un pompon; aujourd’hui, la plupart des tuques n’en ont plus.

vers 1880

Groupe Atwater, membres du Tuque Bleu Toboggan Club, Montréal, Québec, vers 1880.

Summerhayes & Walford, photo gracieuseté du musée McCord. Don de Mme W. R. Dean.

Il arrive souvent que des villes donnent leur nom à des objets. Au Canada, la barre Nanaimo, les canapés Winnipeg et le « Montreal smoked meat » en sont quelques exemples. La tuque pourrait bien être le seul type de chapeau qui ait donné son nom à un endroit au Canada. La Tuque, une municipalité située au centre du Québec, au nord-ouest de Québec, est connue sous ce nom depuis 1822, quand un coureur des bois et pionnier du nom de François Verreault rapporte l’existence d’un portage très difficile qu’il connaît par le nom innu d’Ushabatshuan (signifiant « des rapides trop fortes pour sauter »). « Les voyageurs le nomment la Tuque, écrit Verreault, à cause d’une montagne haute, dont le pic ressemble à une tuque. Ce portage est d’une lieue, avec des fortes côtes à monter. »

Symbolisme au Québec

L’iconographie des Patriotes, qui se sont soulevés contre la domination britannique au Bas-Canada en 1937-1838, montre souvent un homme portant une tuque, une pipe à la bouche et un mousquet à la main. Cette illustration a été réalisée plusieurs décennies après les Rébellions par l’artiste et caricaturiste Henri Julien. Les sympathisants du Front de libération du Québec (FLQ) ont adopté l’illustration pendant la crise d’octobre, en 1970. Encore aujourd’hui, il demeure un symbole populaire parmi les groupes nationalistes francophones au Québec. Dans l’imagination populaire, du moins, les patriotes portaient une tuque bleue (aussi appelée bonnet en anglais), et de là vient le nom qu’a porté, pendant plus d’un siècle, la principale piste de course de chevaux de Montréal, l’hippodrome Blue Bonnets.

Le Patriote (Le vieux de 37)

Au Québec, la signification symbolique de la tuque a parfois été contestée. En août 1948, seize jeunes artistes du Québec, dont les peintres Paul-Émile Borduas et Jean-Paul Riopelle, publient un manifeste intitulé Refus Global. Il représente un coup de tocsin pour les jeunes Québécois qui prennent conscience du pouvoir exercé sur leur société par l’Église catholique. Le manifeste rejette l’autorité traditionnelle pour une « anarchie resplendissante » : « La honte du servage sans espoir fait place à la fierté d’une liberté possible à conquérir de haute lutte. Au diable le goupillon et la tuque ! » Ces artistes désirent un avenir ouvert sur le monde, et pour eux, la tuque représente le passé rural.

Un des films familiaux les plus populaires jamais réalisés au Canada est un film de 1984 appelé La Guerre des tuques. Il décrit une longue bataille entre deux groupes d’enfants dans une petite ville du Québec. Il n’y a aucun doute que l’image des Patriotes portant des tuques a joué un rôle dans le choix du nom. Mais quand le film est lancé en anglais l’année suivante, on choisit le nom The Dog Who Stopped the War. En français, l’image des tuques conserve une résonnance symbolique qui n’existe pas en anglais.

La guerre des tuques
La guerre des tuques. Gracieuseté de Rosalie Maxime, Flickr.

Tuques et sports d’hiver

Les anglophones du Canada ne se ruent pas pour adopter le mot. Longtemps, son utilisation demeure limitée. Le Oxford English Dictionary de 1915 note qu’une tuque était « autrefois la coiffure traditionnelle de l’“habitant” canadien » et poursuit en disant qu’elle est « aujourd’hui portée principalement comme élément du costume de toboggan ou de raquette ». Ce n’est que graduellement que le mot s’étend hors des sports d’hiver dans la vie quotidienne. Même aujourd’hui, beaucoup de Terreneuviens préfèrent employer d’autres termes, comme le « stocking cap » américain ou, plus simplement, « hat ». (Voir Terre-Neuve-et-Labrador.)

La relation entre la tuque et les sports a connu un nouvel essor au début du 21e siècle, puisque plusieurs clubs de hockey junior du Canada ont organisé des événements « Le lancer de la tuque et de l’ours en pelcuhe » annuels, qui se tiennent habituellement dans les semaines précédant Noël. Quand l’équipe locale compte son premier but de la soirée, les amateurs sont encouragés à lancer une peluche, une tuque, ou les deux sur la glace. Les dons sont collectés et donnés à des organismes caritatifs locaux.

Quelle est la bonne orthographe anglaise de « tuque »?

Ce qui demeure obscur, toutefois, est la manière dont le mot « tuque » doit être épelé en anglais. Dans l’ensemble du Canada anglais, le mot est prononcé comme duke plutôt que comme smoke. En français, le mot rime avec « Luc ». Mais l’orthographe plus ancienne, et toujours plus commune dans la plus grande partie du Canada anglais, est « toque », malgré la confusion qui peut se présenter avec un bonnet tricoté, un chapeau sans bord ou une toque de cuisinier, qui sont tous désignés par le même terme. Par exemple, dans son livre de 2015 The Wild in Yo, la prestigieuse poétesse Lorna Crozier relate une rencontre avec un photographe dans la forêt pluviale du Grand Ours, en Colombie-Britannique en disant qu’il portait « une toque de laine désagrégée tirée sur son front ». En fait, Lorna Crozier avait été envoyée dans la région pour écrire un article pour un magazine de voyage en ligne du nom de Toque and Canoe.

Pour compliquer encore plus les choses, beaucoup de Canadiens préfèrent le compromis que représente l’orthographe « touque ». Les journaux sont divisés sur la question. Dans les premiers mois de 2019, par exemple, un organisateur de festival a incliné sa « touque » dans le Victoria Times-Colonist, un homme porté disparu a été vu pour la dernière fois portant une « tuque » dans le Ottawa Citizen, et un manifestant portait une « toque » avec un message profane dans le Regina Leader-Post. Nous savons tous reconnaître une tuque quand nous en voyons une, mais nous ne nous entendons pas sur la manière d’épeler le mot.

Enfants jouant au Festival des Voyageurs à Winnipeg, au Manitoba, 2009
Enfants jouant au Festival des Voyageurs à Winnipeg, au Manitoba, 2009.
Photo gracieuseté de Simply Col, Flickr.