L'épidémie de variole de Montréal en 1885 | l'Encyclopédie Canadienne

Éditorial

L'épidémie de variole de Montréal en 1885

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En 1885, la variole envahit Montréal.

Plague: Smallpox Strikes Montreal

Ce fléau arrive par le train de Chicago. À la fin février 1885, un conducteur du Grand Trunk Railway, George Longley, entre dans la gare Bonaventure fébrile et couvert d’éruptions inquiétantes sur les mains, le visage, le torse et les bras. Il est alors admis à l’hôpital Hôtel-Dieu de Montréal. George Longley survit, mais sa literie infecte Pélagie Robichaud, une Acadienne qui travaille à la buanderie. Elle meurt le 1eravril, suivie de près par sa sœur Marie.

À la mi-avril, la variole s’est emparée de l’hôpital et ne peut être contenue. Le Bureau de la santé montréalais fait alors une erreur catastrophique. Il renvoie tous les patients qui ne semblent pas malades. Beaucoup en sont alors au stade de l’incubation de la maladie et ils répandent largement le virus dans Montréal.

La variole est une des maladies les plus contagieuses et les plus détestables à avoir menacé l’humanité. Or, le plus tragique dans l’épidémie de Montréal, c’est qu’elle aurait pu être évitée. Le vaccin antivariolique, mis au point par Edward Jenner en Angleterre en 1796, est bien répandu à l’époque. D’ailleurs, en Angleterre, la vaccination contre la variole est obligatoire dès la moitié du 19esiècle.

D’aucuns, toutefois, se méfient de la vaccination. C’est le cas de nombreux Canadiens français, qui l’associent aux chirurgiens britanniques. Vivant souvent dans des logements délabrés, sales et surpeuplés des quartiers les plus pauvres de la ville, ils sont facilement convaincus par les discours contre la vaccination et les défenseurs de l’homéopathie, qui considèrent la vaccination comme du «charlatanisme», voué à «l’empoisonnement de nos enfants».

Pendant ce temps, Montréal se taille la réputation de ville de la peste, à éviter à tout prix. On est en plein été et des gens se promènent dans la rue avec leurs enfants couverts de gales encore contagieuses. Dès juillet, la maladie envahit Saint-Henri et Vaudreuil. Chaque nuit, on monte des corps au cimetière de Côte-des-Neiges dans des corbillards ainsi identifiés: «SMALLPOX-PICOTTE» [sic].

Même les victimes bien connues sont enterrées rapidement. Quand sir Francis Hincks, un ancien premier ministre de la province du Canada, succombe à la maladie, on inhume hâtivement son corps au petit matin, en présence de quelques membres de la famille.

Les tentatives des fonctionnaires de la santé publique d’appliquer les règles de vaccination et d’isolement ou même d’éloigner les morts provoquent la résistance quand ce n’est des émeutes. Les agents sanitaires sont attaqués alors qu’ils enlèvent les corps des quartiers les plus infectés.

Le 28 septembre, les cloches de Notre-Dame retentissent pour faire appel à la police de toute la ville pour disperser la foule agitée qui envahit les rues et lance des pierres.

À la fin de l’année, la variole vient à manquer d’hôtes non vaccinés, et le nombre de cas baisse enfin. La maladie a alors fait près de 6000 morts au Québec, dont plus de 3000 à Montréal, et 13 000 autres personnes sont défigurées. Neuf victimes sur dix sont des Canadiens français, la plupart des enfants.

En raison de la progression de la médecine et de la santé publique, l’épidémie de variole de Montréal est la dernière apparition non maîtrisée du fléau dans une ville moderne. En 1979, l’Organisation mondiale de la santé annonce l’éradication générale de la maladie, même si des échantillons du virus sont gardés dans les laboratoires gouvernementaux des États-Unis et de la Russie.