Wabanakwut Kinew, artiste de hip-hop, animateur de radio et de télévision, administrateur universitaire, auteur, homme politique (né le 31 décembre 1981 à Kenora en Ontario). Militant et intellectuel public ojibwé, Wab Kinew a commencé sa carrière en tant que musicien et rappeur au sein du groupe de hip-hop Dead Indians. C’est comme journaliste pour la radio et la télévision de la CBC, notamment en animant à la télévision 8 th Fire, une série documentaire également diffusée à la radio et sur le Web traitant des enjeux autochtones, qu’il s’est tout d’abord fait connaître à l’échelon national. Ses mémoires parus en 2015, The Reason You Walk (trad. La force de marcher, 2017), ont remporté un grand succès de librairie et lui ont valu une place de finaliste du prix Taylor RBC. En 2016, il a été élu député de l’assemblée provinciale du Manitoba, et ce, bien qu’il ait composé un certain nombre de gazouillis et de paroles de rap controversés ayant plombé sa campagne. De façon similaire, des accusations de violence conjugale datant de 2003 ont menacé de ruiner sa course à la direction du Nouveau Parti démocratique au Manitoba. Malgré cette révélation, Wab Kinew est nommé chef du NPD au Manitoba en septembre 2017.

Jeunesse et formation
Né en 1981, Wab Kinew est le fils de Kathi Avery Kinew, analyste des politiques, et de Tobasonakwut Kinew, ancien chef régional du nord de l’Ontario, survivant et spécialiste des pensionnats indiens. Il passe son enfance au sein de la Première Nation Onigaming dans le nord de l’Ontario et fréquente un établissement préscolaire d’immersion en anishinaabemowin avant de déménager avec sa famille pour Winnipeg où il va à l’école primaire. Pour l’essentiel, il grandit en banlieue sud de Winnipeg et poursuit ses études au Collège Béliveau, une école secondaire d’immersion en français. Son père l’encourage à rechercher des occasions de parler en public, et, alors qu’il est encore enfant, il témoigne devant la Commission royale sur les peuples autochtones au sujet de son expérience scolaire en anishinaabemowin.
Afin de rester près de sa famille et de ses racines anishinaabe, Wab Kinew refuse une bourse qui lui aurait permis de poursuivre des études dans une université américaine et décide de fréquenter l’Université du Manitoba où il obtient un diplôme supérieur en économie en 2003. C’est à l’université, comme il le reconnaît lui‑même, qu’il se retrouve « embarqué dans une vie festive à la recherche permanente du plaisir ». Il se drogue, participe à des bagarres et est reconnu coupable de conduite en état d’ébriété en 2003. L’année suivante, accusé d’avoir agressé un chauffeur de taxi après avoir tenté de s’enfuir pour ne pas payer le montant de la course, il plaide coupable. Il intègre alors un groupe des Alcooliques anonymes et se tourne vers les traditions anishinaabe. Cependant, il continue à mener une vie plus ou moins erratique pendant de nombreuses années, occupant des emplois temporaires dans des entrepôts ou sur des chantiers, ou réalisant, çà et là, des contrats de recherche que lui confient des organisations des Premières Nations.
Carrière musicale
À la fin des années 1990, Wab Kinew forme, avec plusieurs de ses amis, un groupe de rap, les Dead Indians. Bien qu’il n’ait jamais sorti un album longue durée, le groupe effectue des tournées en Amérique du Nord et acquiert une certaine notoriété parmi la jeunesse autochtone grâce aux médias sociaux. Il cesse toutefois pratiquement de se produire collectivement en 2008.
En 2009, Wab Kinew sort un album hip‑hop solo, Live by the Drum, du nom d’une émission populaire de la radio de la CBC qu’il animait. L’album remporte le prix du meilleur album rap/hip‑hop aux Aboriginal Peoples Choice Music Awards (devenus les Indigenous Music Awards). L’année suivante, il sort Mide‑Sun, son deuxième album solo hip‑hop. Plusieurs années plus tard, lorsqu’il entrera en politique, les paroles de ces deux albums referont surface de façon polémique.
Journalisme et militantisme
À la fin de 2005, Wab Kinew fait publier une lettre ouverte sur l’équipe canadienne olympique de hockey dans le Winnipeg Free Press. Cela lui permet d’attirer l’attention d’un producteur de la radio de la CBC qui lui offre la possibilité de travailler comme producteur associé pour CBC Manitoba. Il passe ensuite au reportage télévisé et anime également une émission artistique hebdomadaire à la radio intitulée The 204.
En 2012, il acquiert une notoriété nationale en animant 8 th Fire, une série documentaire diffusée à la télévision de la CBC qui traite des relations entre les Canadiens autochtones et non autochtones. Cette même année, il quitte la CBC pour intégrer l’Université de Winnipeg en tant que premier directeur de l’institution responsable de l’inclusion des Autochtones. Ultérieurement, il est promu vice‑président associé chargé des relations avec les autochtones sans que ses fonctions universitaires l’empêchent de poursuivre sa carrière d’animateur à la radio et à la télévision ni n’entravent une célébrité nationale de plus en plus affirmée. Alors qu’il occupe toujours son poste à l’université, il travaille également comme correspondant auprès d’Al Jazeera America dans le cadre de la série documentaire Fault Lines.
En 2014, il participe à l’émission‑concours littéraire télévisée de CBC Canada Reads au cours de laquelle il défend le futur vainqueur, The Orenda de Joseph Boyden. À l’occasion de ce débat, il s’oppose à des rivaux comme Stephen Lewis avec lequel il a des échanges particulièrement animés au sujet de la représentation visuelle offerte par Joseph Boyden, dans son roman, de la tradition anishinaabe de la danse du soleil. L’année suivante, la CBC le choisit pour animer l’édition 2015 de Canada Reads. Il fait également partie des prétendants pour animer l’émission Q de la radio de la CBC après le départ de Jian Ghomeshi. En outre, il détourne l’émission George Stroumboulopoulos Tonight en organisant, de façon totalement impromptue, un rassemblement éclair de danse en rond alors que la vague de protestations et de manifestations du mouvement Idle No More bat son plein dans tout le Canada, une intervention qui restera gravée dans les mémoires.
En 2015, Wab Kinew rédige un ouvrage autobiographique largement consacré à sa relation, souvent très tendue, avec son père qui se meurt alors d’un cancer, et à son exploration de la culture anishinaabe, sa culture d’origine. Après la publication de son livre, il est de plus en plus fréquemment invité à donner des conférences et à s’exprimer dans les médias. Il occupe également les fonctions de premier président du groupe consultatif pour les Autochtones mis sur pied par le maire de Winnipeg Brian Bowman à la suite d’un article du magazine Maclean’s attribuant à Winnipeg le titre peu enviable de ville la plus raciste au Canada (voir aussi Préjugés et discrimination au Canada).
Carrière en politique
En 2015, le bruit court que Wab Kinew, qui avait refusé jusque‑là de se positionner clairement quant à ses éventuelles ambitions politiques, souhaite se porter candidat pour le Parti libéral dans la circonscription de Winnipeg‑Centre aux élections fédérales. Toutefois, c’est en politique provinciale qu’il va faire ses débuts. En février 2016, il annonce qu’il souhaite être investi par le NPD dans la circonscription urbaine winnipegoise de Fort Rouge, a priori acquise à ce parti. La compétition y sera malgré tout très largement suivie, notamment parce que sa principale rivale est Rana Bokhari, la chef libérale manitobaine. Le 19 avril, à l’occasion des élections générales provinciales, il l’emporte facilement avec 37 pour cent des voix, Rana Bokhari terminant, elle, troisième avec 20 % des voix, derrière le candidat progressiste‑conservateur.
Toutefois, en dépit de cette victoire, le NPD perd les élections à l’échelon de la province et son chef, Greg Selinger, démissionne le soir même. Au sein d’un parti qui semble en plein désarroi, Wab Kinew s’impose, au cours de l’année 2016, comme l’un des députés les plus efficaces de l’opposition. En avril 2017, il annonce son intention de concourir pour la chefferie du NPD provincial. Le passé de Wab Kinew revient le hanter pendant cette campagne. En effet, un mois avant le vote décisif, un courriel envoyé aux médias divulgue que le politicien cache certains détails de son passé criminel, dont deux accusations de violence conjugale en 2003. Wab Kinew rétorque que les accusations portées contre lui, même si elles ont fait l’objet d’une enquête, ont été abandonnées. Dans un deuxième courriel, on affirme que Wab Kinew a été trouvé coupable de sept crimes, dont un vol de faible valeur pour avoir encaissé un chèque ne lui appartenant pas. En vérité, il ne s’agit que d’accusations qui, elles aussi, sont abandonnées. Encore une fois, le politicien a annoncé qu’il avait été gracié des accusations portées contre lui en 2015.
Éventuellement, malgré les multiples controverses, Wab Kinew est élu à titre de chef du NPD au Manitoba le 16 septembre 2017, vainquant son rival Steve Ashton avec presque trois fois plus de voix. Dans la foulée de cette victoire, Wab Kinew annonce aux médias qu’« une des choses que j’ai commencé à comprendre au cours des derniers jours, c’est que je n’aurai aucun contrôle sur le moment où les gens auront fini de me poser leurs questions, alors je continuerai à me présenter devant eux et à en parler ».
Au cours de la campagne électorale provinciale de 2019, le premier ministre Brian Pallister et les progressistes-conservateurs se concentrent sur le passé de Wab Kinew. Malgré les attaques, Wab Kinew conserva son siège à Fort Rouge. En outre, le NPD obtient quatre nouveaux sièges aux élections, remportant 18 de 57 sièges au Parlement. Wab Kinew et son parti voient ces résultats d’un bon œil : « Je crois que les Manitobains ont envoyé un message très très fort, et les sièges que nous avons gagnés indiquent clairement que les Manitobains veulent que nous, les nouveaux démocrates, soyons non seulement la conscience du Manitoba et non seulement l’opposition au Manitoba, mais également la voix progressiste du Manitoba. »
Controverses
Outre le fait que Wab Kinew a été condamné au pénal pour conduite en état d’ébriété et pour agression, les paroles de ses morceaux de rap et ses gazouillis sur son compte Twitter suscitent également polémiques et controverses. En effet, en dépit de son statut de candidat vedette pour le NPD lors des élections provinciales de 2016, sa campagne est sérieusement perturbée lorsque certaines paroles de ses chansons et des gazouillis rédigés des années auparavant refont surface. Il s’agit notamment de messages sur Twitter où il parle de « grosses pitounes » et suggère que le jiu‑jitsu est un sport d’homosexuels. Il avait également publié le gazouillis suivant : « Riding in my limo back to my king sized sweet [sic] feeling really bad for those kids in Attawapiskat. #haha #terrible #inative » [Confortablement installé à l’arrière de ma limousine, en route vers ma luxueuse suite, j’avais véritablement beaucoup de peine pour les gamins d’Attawapiskat].
En 2014, Wab Kinew présente ses excuses, dans son ouvrage autobiographique ainsi qu’à l’occasion des Indigenous Music Awards, pour les morceaux de rap misogynes et homophobes qu’il a composés. Ultérieurement, dans le cadre de sa première campagne électorale, il présente à nouveau ses excuses pour ses commentaires inacceptables sur Twitter, à l’occasion d’une conférence de presse au cours de laquelle il est accompagné de Greg Selinger et de plusieurs autres députés du NPD. Il souligne en particulier que son gazouillis relatif à Attawapiskat avait un caractère satirique et qu’il souhaitait mettre en évidence son propre statut de privilégié. Cependant, ces controverses occupent une grande partie de sa campagne. Il est également impliqué dans l’affaire Joseph Boyden, défendant farouchement son ami accusé d’avoir surestimé, voire falsifié, ses ascendances autochtones.
Vie personnelle
Wab Kinew épouse Lisa Monkman, une médecin, en 2014. Il a, par ailleurs, deux fils d’une relation précédente. Il est membre de la Midewiwin, la société anishinaabe des guérisseurs et chefs spirituels. En 2017, il est réhabilité par rapport à ses condamnations pénales antérieures.
Prix
- Meilleur album de rap ou de hip‑hop (Live by the Drum), Aboriginal Peoples Choice Music Awards (devenus les Indigenous Music Awards) (2009)
- Doctorat honoris causa en littérature, Université de Cape Breton (2014)