Enfance en Colombie-Britannique
Le père de Larry Kwong arrive au Canada en 1884, à bord d’un clipper. Il s’installe initialement à Cherry Creek, en Colombie-Britannique, où il tente sa chance dans l’extraction de l’or. Il ne trouve pas de filon et déménage alors à Vernon où il ouvre une épicerie en 1895. Il baptise le magasin Kwong Hing Lung, qui se traduit littéralement par « prospérité abondante ». Il aura 15 enfants. L’avant-dernier, Larry, de son vrai nom Eng Kai Geong, naît le 17 juin 1923.
L’année de naissance de Larry Kwong, en 1923, le gouvernement canadien adopte la Loi de l’'immigration chinoise (« Loi d’exclusion des Chinois»), qui interdit dans les faits l’entrée du pays aux immigrants chinois. Les appels les plus pressants en faveur d’une interdiction de l’immigration chinoise proviennent alors de la Colombie-Britannique.
Lors d’une interview réalisée en 2011 par CHBC News, à Kelowna, Larry Kwong raconte : « Lorsque j’étais petit garçon, je ne pouvais pas aller chez n’importe quel coiffeur [de Vernon]. Ils ne voulaient pas de moi, parce que j’étais chinois. Je me sentais mal. »
Premières expériences de hockey
Le jeune Larry n’a que cinq ans lorsque son père décède. Sa mère prend en charge la gestion du magasin où le jeune Larry passe le plus clair de son temps. Comme chez beaucoup d’autres enfants canadiens, le hockey tient une place importante dans l’enfance de Larry Kwong. Lors d’une interview réalisée en 2009, il se remémore grimper au dernier étage du magasin, le samedi soir, pour écouter l’émission « Soirée du hockey »à la radio. À côté du magasin, ses frères aménagent une patinoire en déversant de l’eau sur un carré de terrain.
Larry Kwong doit supplier sa mère de lui acheter des patins. Initialement, elle n’est pas très enthousiaste à l’idée qu’il fasse du hockey mais elle lui en donne finalement la permission, en récompense de son aide pour diverses tâches. Elle lui achète une paire de patins trop grands pour lui, afin qu’il puisse les porter plusieurs saisons.
Larry Kwong commence à jouer au hockey à Vernon l’âge de sept ans. Presque dès ses débuts dans le hockey, il est affecté par des attitudes racistes à son égard. Lorsqu’il n’a que neuf ans, par exemple, et alors que son équipe doit jouer à Nelson, en Colombie-Britannique mais tente de passer par les États-Unis à cause du mauvais temps, il s’y voit refuser l’entrée alors qu’il présente son certificat de naissance prouvant qu’il est né au Canada.
Centre astucieux et talentueux, Larry Kwong emmène les Hydrophones de Vernon aux championnats midget de la Colombie-Britannique en 1939, puis aux championnats juvénile de la Colombie-Britannique en 1941. Son succès s’accompagne néanmoins de fréquentes références à son origine chinoise. Adolescent, Larry Kwong est affublé des sobriquets de « China Clipper » ou « King Kwong ». Lors de l’interview avec CHBC News, en 2011, il se souvient que les journalistes, à l’époque, n’hésitent pas à faire des commentaires du style « le petit chinois a marqué tellement de buts ».
Pour la saison 1941-1942, Larry Kwong rejoint les fameux Trail Smoke Eaters de la Ligue de hockey Alberta–Colombie-Britannique et totalise un score très respectable de 9 buts et 13 passes pour 22 points en 29 matches. Mais Larry Kwong est cependant aussi victime du racisme à Trail. Tandis que ses coéquipiers sont embauchés à des postes très bien rémunérés à la fonderie locale, Larry Kwong doit se contenter d’un boulot de chasseur à l’hôtel local.
Deuxième Guerre mondiale
En 1944, Larry Kwong est enrôlé dans l’armé et stationné à Wetaskiwin, en Alberta. En 2012, il explique au Pacific Rim Magazine pourquoi il n’a pas été enrôlé avant les dernières phases de la Deuxième Guerre mondiale :
« À l’époque, ils ne voulaient pas de Chinois dans l’armée. Puis vers la fin de la guerre, ils ont décidé de nous enrôler. J’ai été enrôlé puis j’ai suivi mon entraînement de base ».
Au début, Larry Kwong pense qu’il va être envoyé outre-mer, comme tant d’autres soldats canadiens. Au lieu de ça, on lui ordonne de jouer au hockey et de divertir les troupes. Larry Kwong joue alors pour les Red Deer Army Wheelers de la Ligue de hockey des garnisons du Centre de l’Alberta, une ligue temporaire ouverte aux militaires. Jim Henry, plus tard gardien de but chez les Rangers de New York, est l’un de ses coéquipiers. Par une ironie du sort, Jason Beck, conservateur au British Columbia Sports Hall of Fame and Museum explique que « le hockey a probablement sauvé la vie [de Kwong] ».
Rangers de New York
Durant la saison 1945-1946, Larry Kwong joue une nouvelle fois au centre dans l’équipe des Smoke Eaters. Il marque 12 buts et fait 8 passes pour un total de 20 points sur 19 matches pendant la saison régulière. Il joue également avec Trail lors de 10 matches d’éliminatoire cette même année, marque 8 buts et fait une passe pour un total de 9 points. Les Smoke Eaters gagneront la coupe Savage de 1946 (championnats de hockey Senior A de la Colombie-Britannique).
Après sa saison avec les Smoke Eaters, Larry Kwong intègre en septembre 1946 une école de hockey des Rangers de New York installée à Winnipeg. Il se fait remarquer par le recruteur des Rangers, Al Ritchie, et décroche un contrat pour jouer avec la meilleure équipe affiliée en ligue mineure, les Rovers de New York, de la Ligue de hockey amateur de l’Est (Eastern Amateur Hockey League). Larry Kwong passe alors du centre à l’aile droite.
Tout comme les Rangers de New York, les Rovers jouent sur la patinoire du fameux Madison Square Garden. Kwong devient très populaire au sein de la communauté chinoise de New York. On lui offre les clefs du quartier chinois (Chinatown) de New York et on l’aperçoit souvent dans les boîtes de nuit du secteur, entouré de jolies serveuses.
Match unique au sein de la LNH
Larry Kwong emmène les Rovers avec 86 points durant la saison 1947-1948. C’est durant cette même saison qu’il se voit offert la chance de jouer avec les Rangers de New York.
Le 13 mars 1948, Larry Kwong joue avec les Rangers contre les Canadiens de Montréal sur la patinoire du Forum, à Montréal (les Rangers perdront le match sur le score de 3 à 2). Il ne dispose que d’une minute sur la glace, lors d’une seule entrée en jeu. Pas suffisant pour prouver de quoi il est capable aux patrons de l’équipe. Larry Kwong ne jouera plus un seul match de la LNH.
Des années plus tard, il regrette toujours de n’avoir pas pu rester sur la glace plus longtemps. « On ne m’a pas donné la chance de montrer ce dont j’étais capable », rappelle-t-il dans le The New York Times en 2013.
Larry Kwong témoigne aussi de sa frustration lors d’une interview qu’il accorde en 2009 à la Multicultural History Society of Ontario : « Seulement une minute. Qu’est-ce qu’on peut faire en une minute? À moins d’être un magicien, qu’est-ce qu’on peut faire en une minute? »
Sept ans au Québec
Déçu par sa brève expérience au sein de la LNH, Larry Kwong quitte les Rangers à la fin de la saison 1947-1948 pour jouer au Québec. De 1948 à 1955, Larry est un membre régulier de l’équipe des Braves de Valleyfield. Il est alors entraîné par le légendaire Toe Blake (qui a entraîné les Braves de 1951 à 1954 et plus tard les Canadiens de Montréal, remportant huit coupes Stanley).
C’est avec les Braves que Larry Kwong jouera la meilleure saison de sa carrière, en 1950-1951. Il est revenu au centre et avec son coéquipier André Corriveau, ils mènent la Ligue de hockey majeur du Québec avec 51 passes. Cette même saison, Larry Kwong termine aussi troisième au classement des meilleurs buteurs (avec 34 buts) et deuxième pour le nombre de points (85) au sein de la Ligue de hockey majeur du Québec. Avec Larry Kwong et Corriveau fermement installés en attaque, les Braves gagnent en 1951 la première coupe Alexander qui récompense le vainqueur d’un championnat national des « Major Senior » ouvert à la fois aux équipes professionnelles et aux équipes amateurs. En reconnaissance de son exceptionnelle année, Larry Kwong reçoit le trophée Byng of Vimy, qui récompense le joueur le plus utile de la Ligue de hockey majeur du Québec et devient le premier joueur à être recruté au centre par cette ligue pour l’équipe des étoiles.
Larry Kwong a aussi joué contre le légendaire Jean Béliveau, qui était à l’époque membre des As de Québec. Béliveau avait une grande admiration pour le talent de Larry Kwong : « Larry faisait briller ses ailiers parce qu’il était un excellent passeur. Il faisait exactement ce qu’un centre est censé faire » (The New York Times, 20 février 2013).
Après avoir quitté Valleyfield, Larry Kwong joue avec les Lions de Trois-Rivières durant la saison 1955-1956. Il joue aussi avec les Bruins de Troys, de la Ligue internationale de hockey, de manière intermittente durant les deux saisons 1955-1956 et 1956-1957, et avec les Chevies de Cornwall, de la Ligue de hockey senior de l’Est de l’Ontario durant une saison (1956-1957).
Carrière européenne dans le hockey
En 1957, la carrière de joueur de Larry Kwong est loin d’être terminée. Il va jouer pendant sept autres années en Europe, un an en Grande-Bretagne et six ans en Suisse. Au cours de la saison passée au sein de la Ligue britannique de hockey (1957–1958), il marque 55 buts en 55 matches avec les Panthers de Nottingham.
De 1958 à 1964, Larry Kwong assume à la fois les rôles de joueur et d’entraîneur en Suisse. Après avoir mis fin à sa carrière de joueur en 1964, Larry Kwong passe neuf saisons comme entraîneur de hockey en Suisse (où il entraîne également des joueurs de tennis).
Reconnaissance et hommages
Larry Kwong revient au Canada en 1972 et exploite une épicerie à Calgary, en Alberta, avec son frère Jack. Il est très actif dans la communauté de Calgary et a un billet de saison pour assister à tous les matches des Stampeders de Calgary depuis plus de 35 ans.
En 2011, Larry Kwong est intronisé au Temple de la renommée des sports de l’Okanagan, à Vernon, et en 2013, il est intronisé au British Columbia Sports Hall of Fame and Museum, à Vancouver.
L’histoire de Larry Kwong est reprise durant 11 minutes dans le film « Lost Years: A People’s Struggle for Justice », sorti en 2011. Ce film a gagné le prix du meilleur documentaire dans la catégorie « histoire et culture » lors de l’édition 2011 du Festival international du film documentaire de Guangzhou. En 2014, les cinéastes Chester Sit et Wes Miron produisent un documentaire d’une heure intitulé « The Shift: The Story of the China Clipper ». Ce film a été diffusé au Canada sur Omni Television, en cantonais, en anglais et en mandarin.