Fred Sasakamoose | l'Encyclopédie Canadienne

Article

Fred Sasakamoose

Frederick (Fred) George Sasakamoose, C.M., joueur de hockey, aîné, chef de communauté (né le 25 décembre 1933 à Whitefish Lake, aujourd’hui la Première nation de Big River, en Saskatchewan; décédé le 24 novembre 2020 à Prince Albert en Saskatchewan). L’aîné Fred Sasakamoose a été l’un des premiers joueurs de hockey autochtones du Canada dans la Ligue nationale de hockey (LNH). Ancien élève du pensionnat indien de St. Michael à Duck Lake en Saskatchewan, il a joué onze matchs avec les Black Hawks de Chicago durant la saison 1953-1954 de la LNH. Après sa retraite du hockey de compétition en 1961, il s’est consacré à encourager les jeunes par le biais d’activités sportives. Membre de l’Ordre du Canada, il a été intronisé au Saskatchewan First Nations Sports Hall of Fame, au Temple de la renommée des sports de la Saskatchewan, au Temple de la renommée du hockey de la Saskatchewan, au Prince Albert Hall of Fame, au Canadian Native Hockey Hall of Fame, et au North American Indigenous Athletics Hall of Fame..

Jeunesse

L’aîné Fred Sasakamoose est cri. Il naît à la maison familiale, à Whitefish Lake (aujourd’hui la Première nation de Big River) en Saskatchewan. Il est élevé par ses parents, Roderick et Judith « Sugil » (Morin), dans une maison en rondins de 6 m par 7 m sur la réserve de Sandy Lake (aujourd’hui la Nation crie d’Ahtahkakoop), à 72 km au nord-ouest de Prince Albert en Saskatchewan. Son nom cri, qui lui est donné par un aîné, signifie « rester ferme ». Il est le deuxième plus âgé de onze enfants, dont cinq survivent jusqu’à l’âge adulte. Les membres de la famille sont des Indiens visés par un traité, et ils sont donc tous inscrits en vertu de la Loi sur les Indiens. Leur vie, leur travail et leurs déplacements sont entièrement contrôlés par l’agent des Indiens local, un employé du gouvernement chargé d’administrer la politique au niveau local.

Fred Sasakamoose est proche de sa famille aimante, et surtout de son grand-père, Alexander Sasakamoose. Alexander ne peut ni entendre ni parler, mais il apprend à son petit-fils de cinq ans à patiner en attachant des patins à doubles lames à ses mocassins. Une branche de saule taillée à la hache lui sert de bâton de hockey et du crottin de cheval gelé est transformé en rondelle. Fred Sasakamoose s’entraîne à patiner sur un marécage gelé tandis que son grand-père pêche sur un petit lac voisin.

Pensionnat indien

Lorsque l’aîné Fred Sasakamoose a sept ans, un prêtre, un agent de la GRC et un agent des Indiens rendent visite à la famille. Bien que la mère prenne bien soin de ses enfants et que le père exerce le métier de bûcheron, l’agent des Indiens déclare les parents inaptes à élever leurs enfants en raison de leur pauvreté. Fred Sasakamoose et son frère Frank, qui a neuf ans, sont alors emmenés dans un fourgon pour aller au pensionnat indien de St. Michael à 96 km de là, à Duck Lake en Saskatchewan. Les jeunes garçons ne savent pas pourquoi ils partent ni où ils vont. Deux ans passent avant que Fred Sasakamoose puisse revoir ses parents.

Ses neuf années passées au pensionnat indien sont traumatisantes pour le jeune garçon très attaché à son foyer. À son arrivée, les religieuses coupent ses tresses et lui ordonnent de parler anglais sous peine d’être puni. Il est victime d’abus psychologiques, physiques et sexuels. La seule joie qui reste à Fred Sasakamoose est le patin. Bien qu’il ne possède pas ses propres patins, il emprunte des patins trop grands pour lui à des garçons plus âgés. À dix ans, il reçoit des patins en cadeau pour avoir respecté les règles de l’école et travaillé dur aux incessantes tâches quotidiennes, comme traire les vaches et couper du bois.

En 1944, un prêtre de Montréal, le père Georges Roussel, O.M.I. (Oblats de Marie Immaculée), arrive au pensionnat indien. Le père Georges Roussell devient le directeur des sports de l’école, et il pousse Fred Sasakamoose à développer ses aptitudes au hockey, y compris un tir de la main gauche qui lui permet d’être ambidextre. Au printemps 1949, l’équipe de l’école, les Ducks de Duck Lake, remporte le championnat provincial midget. « Je dirais que Frederick vivait pour le hockey », confie Georges Roussel à Brenda Zeman lors d’une entrevue publiée dans Sundog Highway : Writing from Saskatchewan (2000).

Cette année-là, Fred Sasakamoose, qui a 15 ans, rentre finalement chez lui. L’été suivant, alors qu’il empile des meules de foin dans le champ d’un fermier voisin avec ses parents, Fred Sasakamoose aperçoit Georges Roussel et un homme blanc qu’il ne connaît pas. Fred Sasakamoose et son frère se cachent dans les alentours, craignant d’avoir à retourner au pensionnat indien. Mais le prêtre et l’inconnu, George Vogan, demandent à ses parents la permission de le faire participer à un camp d’entraînement de hockey à Moose Jaw. Son potentiel a été repéré par des recruteurs de hockey junior et George Vogan veut qu’il essaie de jouer dans son équipe, les Canucks de Moose Jaw.

Le jeune garçon de 16 ans ne veut pas y aller, mais ses parents y voient la chance d’améliorer sa vie. Fred Sasakamoose promet à sa mère d’être de retour à la maison dans les deux prochaines semaines. Ce jour-là, Fred Sasakamoose et George Vogan se rendent en voiture à Moose Jaw.

Années de hockey junior

Après son arrivée à Moose Jaw, l’aîné Fred Sasakamoose est hébergé chez George Vogan, qui est directeur général des Canucks de Moose Jaw, et sa femme, Flora. Les Canucks de Moose Jaw, qui font partie de la ligue de hockey Western Canada Junior Hockey League (WCJHL), sont une équipe-école des Black Hawks de Chicago.

Le talent de Fred Sasakamoose est évident. L’inconfort qu’il ressent en tant que personne autochtone dans un monde de Blancs est moins évident. « Cela a été tout un parcours. Non seulement pour atteindre Moose Jaw, mais également pour parvenir à vivre au sein d’une société blanche », se souvient-il lors d’une entrevue accordée à Larry Loyie en 2015. Au début, il enfile son équipement dans son coin, loin des quelque 80 autres recrues du camp d’entraînement, qui sont tous des Blancs.

Après deux semaines, de nombreux joueurs sont renvoyés chez eux, mais Fred Sasakamoose continue à s’entraîner. Toutefois, il a promis à sa mère qu’il reviendrait à la maison dans deux semaines et pour tenir sa promesse, il décide de marcher les 300 km qui le séparent de son foyer. Il a déjà fait 45 km vers le nord lorsque George Vogan le rattrape. Le directeur général conduit le jeune homme affamé dans un café de la ville de Chamberlain, il le nourrit et le rassure en lui confirmant qu’il fait partie de l’équipe junior.

Progressivement, Fred Sasakamoose commence à s’intégrer et à se faire des amis. Il joue au centre et impressionne les partisans de l’aréna de 2000 sièges de Moose Jaw, et de partout ailleurs. Il travaille dur sur ses aptitudes au hockey, il améliore sa vitesse, son contrôle sur la glace et ses tirs en force. « Le hockey, c’était tout pour moi », confie Fred Sasakamoose à Larry Loyie.

Il joue quatre saisons avec les Canucks de Moose Jaw. Son dernier match avec eux est à la fin de février 1954, et ils perdent face aux Pats de Regina durant les éliminatoires. Fred Sasakamoose marque 31 buts en 34 matchs lors de la saison 1953-1954 et il est nommé joueur le plus utile de la WCJHL. Une cérémonie est organisée à la patinoire Edmonton Gardens, au cours de laquelle il reçoit un calumet de paix et une coiffe en guise d’hommages. « J’étais reconnu comme joueur le plus utile et comme un Autochtone. C’était quelque chose », se souvient Fred Sasakamoose.

Black Hawks de Chicago

Après leur dernier match de la saison 1953-1954, les Canucks de Moose Jaw sont priés d’attendre dans le vestiaire pour entendre une annonce. Fred Sasakamoose, alors âgé de 20 ans, est stupéfait lorsque George Vogan lit un télégramme : « Fred Sasakamoose, présentez-vous immédiatement aux Black Hawks de Chicago. » Dans le vestiaire, ses coéquipiers se mettent à l’acclamer à tout rompre.

Peu de temps après, six femmes arrivent avec deux valises remplies de vêtements neufs. « Vous devez avoir l’air d’un professionnel », déclare l’une d’elles à Fred Sasakamoose. Parmi ces nouveaux vêtements se trouvent le complet et le manteau qu’il porte plus tard cette saison-là lorsqu’il entre au Madison Square Garden de New York.

Le samedi 27 février 1954, après un voyage en train de trois jours de Moose Jaw à Toronto, Fred Sasakamoose se retrouve au Maple Leaf Gardens pour ses débuts dans la LNH. Alors qu’il fait ses échauffements avant le match, il est envoyé au banc des pénalités. Selon Fred Sasakamoose, l’animateur Foster Hewitt l’y attend et lui demande : « Comment diable prononcez-vous votre nom? » En 2015, Fred Sasakamoose déclare à l’auteur Larry Loyie que « parler avec Hewitt était le plus grand moment de ma vie à cette époque. J’en avais toujours rêvé. »

La célèbre voix de Hockey Night in Canada (La soirée du hockey) réussit à bien prononcer son nom. Au fil du temps, Fred Sasakamoose gagne de nombreux surnoms, comme Chief Running Deer, Chief Thunder Stick et Fast Freddy. À Chicago, l’organiste joue la chanson « Indian Love Call » lorsque Fred Sasakamoose arrive sur la glace.

La ligue de la LNH de l’époque est composée de six équipes et elle compte des célébrités comme Gordie Howe, Maurice « le Rocket » Richard, Bernie « Boom Boom » Geoffrion et Bill Mosienko. Fred Sasakamoose, qui porte le numéro 21 sur la liste des Black Hawks de Chicago, joue au centre. Il est connu pour sa vitesse, son jeu de jambes dansant et son tir puissant.

Dans une entrevue avec Brenda Zeman, Metro Prystai, un ancien des Black Hawks et membre du Temple de la renommée du hockey, déclare que Fred Sasakamoose avait « des poignets incroyables. Il pouvait être en train de tomber et quand même réussir un tir. Et il savait patiner. Il pouvait s’arrêter et repartir en un rien de temps et il pouvait atteindre la vitesse maximale en deux, peut-être trois foulées. Il avait les meilleurs réflexes que j’ai jamais vus, meilleurs que Gordie Howe ».

Fred Sasakamoose dispute onze matchs avec les Black Hawks au cours de la saison 1953-1954. Il ne marque aucun but ni aucune passe décisive et il écope de six minutes de pénalité. Il signe un formulaire C qui garantit 6000 $ s’il joue avec les Black Hawks de Chicago la saison suivante, 3500 $ s’il se joint à la American Hockey League, et 3000 $ s’il joue avec une équipe-école de moindre importance.

La saison se termine et il rentre chez ses parents. La maison familiale est l’endroit où il veut être depuis son enfance solitaire à sept ans au pensionnat indien. Il s’achète une nouvelle voiture, une Dodge DeSoto tape-à-l’œil, et il emmène ses parents à Prince Albert en Saskatchewan, pour qu’ils puissent s’acheter de la nourriture pour remplir leurs placards vides. Il achète un buggy à son père, un attelage de chevaux et du tissu de soie pour sa mère afin qu’elle puisse se coudre une nouvelle robe. Ensuite, selon Fred Sasakamoose, il se rend en ville et se saoule. Sa consommation d’alcool continue jusqu’en 1980, date à laquelle il devient chef de la bande de Sandy Lake (maintenant la Nation crie d’Ahtahkakoop).

Ligues mineures

Pendant qu’il est à la maison familiale, l’aîné Fred Sasakamoose ne continue pas à s’entraîner et il ne réussit pas à se qualifier pour la saison 1954-1955 avec les Black Hawks de Chicago. Toutefois, il continue de jouer avec des équipes affiliées, comme les Royals de Westminster (1954-1955) et les Saguenéens de Chicoutimi (1954-1955).

Le 22 juillet 1955, il épouse Loretta Isbister qui vient de Bodwin en Saskatchewan. La mère de Loretta est originaire de la réserve de Sandy Lake (aujourd’hui la Nation crie d’Ahtahkakoop) et la jeune mariée de 20 ans s’y sent à l’aise, et elle est hésitante à déménager à Chicago même si son mari pourrait avoir la chance de jouer à nouveau avec les Black Hawks.

Au début de la saison 1955-1956, Fred Sasakamoose joue pour les Stampeders de Calgary de la Ligue de hockey de l’Ouest. Après deux matchs avec les Stampeders, il en a assez. Sa femme ne veut pas quitter la maison et elle ne vient pas le voir jouer, même lorsqu’il joue à Saskatoon. Il part et rentre chez lui pour être avec Loretta à Sandy Lake, faisant un trajet en taxi de 1000 km depuis Calgary pour être avec elle.

Les Black Hawks refusent de lui accorder le statut d’amateur jusqu’à l’année suivante. De nouveau amateur, il joue pour les Chiefs de Kamloops dans la Okanagan Senior Hockey League (1956-1958 et 1959-1960). Loretta vit avec lui à Kamloops alors qu’il joue avec les Chiefs. Il termine sa carrière avec les Beavers de North Battleford (1960-1961).

Sports et communauté

Après avoir pris sa retraite du hockey compétitif, l’aîné Fred Sasakamoose pratique l’agriculture, le trappage et la chasse depuis sa maison à Sandy Lake (aujourd’hui la Nation crie d’Ahtahkakoop), mais il n’oublie jamais son amour du hockey et sa conviction que le pouvoir du sport peut améliorer des vies. À partir de 1961, il utilise sa renommée pour promouvoir les activités sportives offertes aux jeunes, comme le hockey, la course de fond, l’athlétisme, le soccer et le basketball.

En 1962, Fred Sasakamoose est membre fondateur de la Northern Indian Hockey League. Il est également membre fondateur de nombreuses initiatives, comme les Jeux autochtones d’été et d’hiver de la Saskatchewan, la All Nations Hockey School de Saskatoon et la Fred Sasakamoose All Star Hockey Week, un camp de hockey multiracial. Il fait partie du groupe de travail sur la diversité ethnique de la LNH et il est membre du conseil d’administration de la Fondation autochtone de guérison.

Chef de communauté

De 1980 à 1984, l’aîné Fred Sasakamoose est chef de la bande de Sandy Lake (aujourd’hui la Nation crie d’Ahtahkakoop). En tant que chef, il décide d’arrêter de boire afin de devenir un véritable modèle pour sa famille et sa communauté. C’est également à ce moment-là qu’il commence à guérir des traumatismes qu’il a vécus au pensionnat indien.

Une partie de cette guérison consiste à réapprendre à parler couramment le cri. « Au pensionnat, la langue crie était totalement interdite. Vous étiez sévèrement puni. Enfant, quand je revenais à la maison, je ne savais même pas comment dire cuillère ou fourchette en cri. Je devais pointer les choses du doigt pour que ma mère comprenne. Ça n’a pas été facile de réapprendre ma langue, mais c’était important pour moi de pouvoir parler à ma famille, et d’être reconnu comme appartenant à la nation crie », raconte-t-il à Larry Loyie en 2015.

Après son mandat comme chef de la bande de Sandy Lake, Fred Sasakamoose est conseiller de bande durant 35 ans avant de devenir sénateur de la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan (maintenant la Fédération des nations autochtones souveraines).

Fred Sasakamoose et son épouse Loretta sont des aînés de la nation crie d’Ahtahkakoop. Ils ont neuf enfants et de nombreux petits-enfants et arrière-petits-enfants. Fred Sasakamoose continue à promouvoir activement les activités sportives et pour les jeunes, et à enseigner les méthodes traditionnelles de chasse, de pêche et de piégeage dans des camps culturels. En tant qu’aîné de l’école communautaire de la réserve, il est consultant pour les jeunes qui ont des problèmes de toxicomanie et d’alcool. Il meurt à Prince Albert le 24 novembre 2020 à 86 ans après avoir reçu un diagnostic de COVID-19.

Legs et distinctions

L’aîné Fred Sasakamoose contribue à briser la barrière raciale pour les joueurs de hockey autochtones de la LNH. « C’est un monde différent pour eux maintenant », déclare-t-il à l’auteur Larry Loyie. « Ils font compétition dans le monde extérieur, dès leur plus jeune âge. » Il est satisfait de sa vie et de la manière dont les choses ont tourné. « Je n’avais pas de liberté quand je jouais au hockey. J’ai maintenant la liberté de faire les choses que j’aime. Je n’ai aucun regret. Je suis content des choix que j’ai faits. »

Fred Sasakamoose est honoré pour ses réalisations et ses contributions par l’Assemblée des Premières Nations et la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan (maintenant la Fédération des nations autochtones souveraines), ainsi que par d’autres organismes communautaires et sportifs. En 1994, Fred Saskamoose est l’un des premiers athlètes à être intronisé au Saskatchewan First Nations Sports Hall of Fame. Il est intronisé au Temple de la renommée des sports de la Saskatchewan en 2007 et au Temple de la renommée du hockey de la Saskatchewan en 2012. Il est également intronisé au Prince Albert Hall of Fame et au Canadian Native Hockey Hall of Fame. En 2011, il reçoit le prestigieux prix national d’excellence décerné aux Autochtones (maintenant les prix Indspire). Il reçoit également le prix Circle of Honour de la FSIN et le prix Meadow Lake Wall of Fame. En 2017, Fred Sasakamoose est nommé membre de l’Ordre du Canada et il reçoit un diplôme honorifique de la Saskatchewan Polytechnic. En 2020, Fred Sasakamoose reçoit un doctorat honorifique en droit de l’Université de la Saskatchewan. Il est intronisé au North American Indigenous Athletics Hall of Fame en 2023.

Le saviez-vous?
Le 18 mai 2021, les mémoires posthumes de Fred Sasakamoose, Call Me Indian: From the Trauma of Residential School to Becoming the NHL's Treaty Indigenous Player, ont été publiés.

Les oeuvres sélectionnées de
Fred Sasakamoose

En savoir plus