Opérations navales canadiennes dans le théâtre de l’Asie du Sud-Ouest | l'Encyclopédie Canadienne

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Opérations navales canadiennes dans le théâtre de l’Asie du Sud-Ouest

Depuis l’invasion du Koweït par l’Irak à l’été 1990 (voir Guerre du golfe Persique) jusqu’au retrait des forces d’Afghanistan en 2014, les eaux de l’Asie du Sud-Ouest se sont inscrites dans la perspective opérationnelle de la Marine canadienne. Durant ce quart de siècle, presque tous les grands navires de surface et la grande majorité des marins ont été déployés dans la région au cours de leur service. À bien des égards, cette expérience s’est avérée déterminante pour toute une génération de marins canadiens.

Afghanistan

Théâtre de l’Asie du Sud-Ouest

Le théâtre d’opérations de l’Asie du Sud-Ouest comprend l’Afghanistan, le golfe Persique, le golfe d’Oman, la mer Rouge, le canal de Suez et certaines parties de l’océan Indien et de la mer d’Arabie au nord du 5° de latitude sud et à l’ouest du 68° de longitude est.

Guerre du golfe Persique – opération Friction

Avant l’été 1990, l’Asie du Sud-Ouest n’est pas un théâtre d’opérations typique pour la Marine canadienne. Les premiers navires de la Marine royale canadienne (MRC) sont les croiseurs NCSM Uganda et Ontario qui traversent la région au cours de la dernière année de la Deuxième Guerre mondiale, en route depuis l’Europe vers des opérations en Extrême-Orient contre le Japon. Par ailleurs, des destroyers traversent occasionnellement la région en direction du Japon et de la Corée pendant la guerre de Corée. En 1956, le porte-avions NCSM Magnificent transporte des troupes et du matériel à Port-Saïd, à l’embouchure méditerranéenne du canal de Suez, dans le cadre de la contribution du Canada à la Force d’urgence des Nations Unies I (FUNU I), sans toutefois traverser la mer Rouge (voir Crise de Suez). Au cours des décennies suivantes, aucun navire de guerre canadien n’entre dans la région.

Lorsque Saddam Hussein envahit le Koweït au début du mois d’août 1990, on suppose que la participation canadienne se limitera à un contingent de maintien de la paix au terme des hostilités. Cependant, lorsque le Conseil de sécurité de l’ONU impose des sanctions contre l’Irak, le premier ministre Brian Mulroney ordonne à la Marine canadienne d’envoyer un groupe opérationnel naval pour se joindre aux forces de l’embargo, la Force multinationale d’interception (FMI), sous le nom de code opération Desert Shield (appelée opération Friction au Canada). Les destroyers vieillissants Athabaskan et Terra Nova ainsi que le navire ravitailleur Protecteur sont rapidement modernisés par l’installation de nouveaux systèmes d’armes et de commandement et de contrôle obtenus dans le cadre du programme Frégates canadiennes de patrouille de la classe Halifax et de la classe Iroquois du projet de modernisation des navires de la classe Tribal (MNCT). Peu après s’être ancrés dans le centre du golfe Persique au début d’octobre, ils sont rejoints par un groupe opérationnel aérien de chasseurs à réaction CF-18 Hornet. Les forces navales de la coalition sont coordonnées par la US Navy (USN).

L’importance accordée à l’application des sanctions permet au gouvernement Mulroney d’affirmer que la Marine canadienne opère sous les auspices de l’ONU plutôt que sous ceux des forces d’invasion américaines. Pendant la phase de guerre de l’opération Tempête du désert, la USN délègue au commandant du groupe opérationnel, le capitaine (qui deviendra vice-amiral) Duncan « Dusty » Miller, le contrôle tactique des forces navales des autres partenaires de la coalition qui souhaitent rester à l’écart de l’action offensive à terre. Il s’agit du seul rôle de commandant de guerre indépendant confié à un officier non américain au cours de l’opération. (Voir Guerre du golfe Persique (1990-1991).)

NCSM Athabaskan

Sanctions des Nations Unies contre l’Iraq dans les années 1990

L’une des conditions du cessez-le-feu de mars 1991 imposées à l’Iraq est l’officialisation du mandat de la FMI visant à maintenir l’embargo en vertu de la résolution 687 du Conseil de sécurité des Nations Unies (RCSNU). Le gouvernement canadien veut continuer à s’impliquer, mais l’état de la flotte restreint sa participation, la marine étant sur le point de changer ses frégates. La marine canadienne envoie donc des navires isolés dans le nord du golfe Persique et en mer Rouge jusqu’à l’été 1992.

Au milieu des années 1990, la flotte reçoit les nouvelles frégates de la classe Halifax, ce qui permet de renouveler les déploiements dans la région. En 1995, le NCSM Fredericton est envoyé dans la région dans le cadre de l’opération Promenade visant à promouvoir la technologie et le commerce canadiens à divers endroits dans les États du golfe Persique. Plus tard cette année-là, le Canada réintègre la FMI après une absence de trois ans, à la fois pour présenter la nouvelle frégate de haute technologie et pour appuyer l’embargo. Cependant, avec la transition en cours de la flotte, il faut attendre deux ans avant qu’une autre frégate puisse y participer.

Le non-respect continu des exigences des Nations Unies en matière d’inspection par Saddam Hussein conduit à une série de RCSNU entre 1997 et 2001 et, par conséquent, à une présence canadienne plus intense et plus soutenue. À partir de l’opération Mercator (entre août et octobre 1998), les navires canadiens font partie intégrante des groupes aéronavals de l’USN, remplaçant les navires de guerre américains à raison d’un navire pour un navire dans l’ordre de bataille. L’intransigeance de Saddam Hussein à l’égard de l’ONU s’accroît à tel point que le NCSM Winnipeg (la dernière frégate ainsi déployée) effectue plusieurs arraisonnements « non conformes » au printemps et à l’été 2001.

NCSM <em>Charlottetown</em>, 2001

Après le 11 septembre – opération Apollo

C’est dans ce contexte que se surviennent les attentats terroristes du 11 septembre. Les navires de guerre canadiens des deux côtes sont les premières unités militaires constituées à participer à l’opération américaine Enduring Freedom (appelée opération Apollo au Canada). La décision du Canada d’y participer est motivée par l’article 5 de l’OTAN, lequel stipule que si un membre de l’OTAN est victime d’une attaque, cet acte est considéré comme une attaque dirigée contre l’ensemble des membres qui prendront les mesures nécessaires pour protéger leur allié. Lorsqu’il devient évident que l’action offensive américaine se concentre sur l’Afghanistan, la frégate NCSM Halifax (alors dans les eaux européennes avec la Force navale permanente de l’Atlantique de l’OTAN) est redirigée le 8 octobre vers les forces de l’USN rassemblées dans la mer d’Arabie. La frégate Vancouver, qui s’apprête à partir d’Esquimalt, en Colombie-Britannique, dans le cadre du régime régulier d’application des sanctions, prend la mer comme prévu à la fin du mois.

Entre-temps, le 17 octobre, un groupe opérationnel complet quitte Halifax sous le commandement du commodore de l’époque, Drew Robertson (futur commandant de la Marine). Lorsque la force opérationnelle arrive sur la côte ouest du Pakistan le 26 novembre, le commodore Robertson se voit confier la responsabilité de la défense de l’Amphibious Ready Group de l’USN, à partir duquel l’assaut aéroporté expéditionnaire du Corps des Marines des États-Unis (USMC) sur l’Afghanistan est exécuté. Il reçoit également des destroyers supplémentaires de l’USN à cette fin, une rare marque de confiance entièrement attribuable à l’étroite interopérabilité des forces navales canadiennes et américaines. En janvier 2002, la région compte six navires de guerre canadiens, soit le tiers de toute la flotte de surface de la MRC.

Navires canadiens dans la mer d’Arabie, 2001

Tandis que les opérations de l’USMC en Afghanistan tirent à leur fin, les forces navales participent à la recherche des terroristes d’al-Quaida et talibans qui tentent de fuir par la mer depuis le Pakistan et l’Iran jusqu’à la Corne de l’Afrique, en traversant le golfe d’Oman dans de petits navires locaux appelés « boutres ». À ce moment, d’autres forces de la coalition arrivent, et, comme les Canadiens connaissent bien la région et le type d’opération, le commandement de Drew Robertson est adapté en vue superviser la formation multinationale. Cette opération devient le point focal de l’effort naval canadien pendant un an et demi (de décembre 2001 à mars 2003), grâce à une succession de groupes opérationnels des flottes de la côte ouest et de la côte est qui arrivent sur place pour assurer une présence canadienne constante. Au total, les navires de guerre canadiens arraisonnent 600 navires suspects (50 % de l’ensemble de la coalition), entraînant la mise en détention de nombreuses personnalités terroristes de grande importance et la fermeture efficace de cette voie d’évasion.

NCSM Montréal

La troisième phase des opérations navales commence par le renforcement des forces de la coalition en vue de l’opération Iraqi Freedom. Le Canada et plusieurs autres pays de la coalition n’appuient pas l’extension du conflit, mais reconnaissent que le flux de marchandises internationales passant par le détroit d’Ormuz constitue une cible attrayante pour les terroristes. Le commodore canadien, qui porte désormais le titre de « commandant de la Force opérationnelle 151 » (CTF 151), organise des centaines d’escortes rapprochées par les forces de la coalition dans le détroit. Les opérations terrestres se stabilisant en Iraq au cours de l’été 2003, cet effort diminue et les forces de la coalition (y compris le Canada) mettent fin aux opérations. Le dernier navire de guerre canadien, la frégate Calgary, quitte la mer d’Arabie sans être remplacé le 1er novembre 2003, après 24 arraisonnements et 92 traversées du détroit, tous sans incident.

NCSM Fredericton, 2003

Portée de l’opération Apollo

Bien qu’on oublie souvent la contribution navale canadienne aux opérations menées en Asie du Sud-Ouest après le 11 septembre, l’opération Apollo constitue le plus grand effort soutenu de la marine canadienne depuis la guerre de Corée. La quasi-totalité de la flotte de surface est déployée : 16 des 17 destroyers et frégates, les deux ravitailleurs et plus de 4 000 marins, soit environ 95 % du personnel navigant disponible. (La seule frégate qui n’y participe pas, Ville de Québec, est dans la région, mais soutient les efforts de secours du Programme alimentaire mondial déployés en Somalie.) De plus, le rôle du CTF 151 demeure le seul commandement opérationnel exercé par un officier supérieur canadien, toutes branches confondues, sur un théâtre d’opérations actif depuis la Deuxième Guerre mondiale.


Opérations Altair, Saiph et Artémis

Entre 2004 et 2008 (opération Altair), le soutien naval canadien sur le théâtre comprend le déploiement irrégulier d’une frégate en vue d’assurer une présence en mer pour lutter contre le terrorisme pendant les opérations militaires en Afghanistan. Le point culminant de cet effort survient à l’été 2008, lorsque le commodore (qui deviendra vice-amiral) Bob Davidson se voit confier le commandement des forces de la coalition, devenu le CTF 150, à partir de son navire amiral, le destroyer Iroquois, appuyé par la frégate Calgary et le ravitailleur Protecteur.

Le Canada continue d’envoyer des navires dans la région dans le cadre de l’opération Saiph (une opération directe de l’OTAN pour lutter contre la piraterie, de 2009 à 2012) et de l’opération Artemis (depuis 2012). Il dirige également le CTF 150 à plusieurs reprises à compter de 2012 au quartier général du commandement central à terre à Bahrain. Le capitaine Colin Matthews assure le commandement du CTF 150 depuis le 17 janvier 2024.

Le saviez-vous?
La frégate canadienne NCSM Regina sert dans le CTF 150 en avril 2014, lorsqu’elle est précipitamment réaffectée pour appuyer l’opération Reassurance dans les eaux européennes après l’invasion de la Crimée par la Russie.

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