Sous‑marins de la classe Victoria | l'Encyclopédie Canadienne

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Sous‑marins de la classe Victoria

Les sous‑marins de la classe Victoria sont des sous‑marins d’attaque conventionnels à moteur diesel‑électrique, appelés sous‑marins SSK. La Marine royale canadienne (MRC) a acquis quatre sous‑marins excédentaires de la classe Victoria de la Royal Navy (RN) du Royaume‑Uni à la fin des années 1990. Cet achat constituait une mesure provisoire, supposée économique, en vue de maintenir une capacité sous‑marine pour la MRC, en attendant un remplacement permanent de ses trois sous‑marins de la classe Oberon. Après un processus d’introduction difficile qui s’est étalé sur une décennie, la classe Victoria a finalement atteint le statut opérationnel complet. Les sous‑marins de la classe Victoria sont destinés à rester en service jusqu’à un remplacement prévu pour la fin des années 2030.

Sous‑marins de la classe Victoria
NCSM Chicoutimi
NCSM Windsor

Le saviez‑vous?
Les marines utilisent un système de classification pour désigner les différents types de sous‑marins. La terminologie de l’OTAN pour la classification des sous‑marins est la suivante : SS = sous‑marin; B = balistique; K = chasseur ou d’attaque; N = à propulsion nucléaire. Mises bout à bout, ces abréviations décrivent les sous‑marins et leurs capacités. SSK, par exemple, fait référence à un sous‑marin conventionnel (diesel), chasseur ou d’attaque; SSN à un sous‑marin à propulsion nucléaire et SSBN à un sous‑marin à propulsion nucléaire transportant des missiles balistiques.


Sous‑marins de la classe Upholder de type 2400

La RN entreprend la conception des sous‑marins de la classe Upholder de type 2400 au début des années 1980. (La qualification « type 2400 » désigne un déplacement immergé de 2 400 tonnes.) Ces bâtiments visent à remplacer, sur le plan conventionnel, les sous‑marins de la classe Oberon. La classe Upholder complète la flotte britannique de sous‑marins d’attaque à propulsion nucléaire (SSN). En dehors de leur centrale électrique, les 2400 sont dotés de systèmes structurels, de capteurs et d’armes similaires aux SSN. Toutefois, n’étant pas à propulsion nucléaire et, par conséquent, ayant une plus courte portée, les 2400 mènent des patrouilles de guerre anti‑sous‑marine dans le passage stratégique « Groenland‑Islande‑Royaume‑Uni » (GIUK), intervenant de concert avec le « Sound Surveillance System (SOSUS) », un réseau de dispositifs sonars passifs posés au fond de l’océan, contre les sous‑marins soviétiques. (Voir : Le Canada et le SOSUS et Le Canada et la lutte anti‑sous‑marine pendant la Guerre froide.)

Une classe de douze sous‑marins est prévue, mais, au final, seulement quatre seront construits : l’Upholder, l’Unseen, le Ursula et le Unicorn. La construction du bâtiment tête de série – l’Upholder – débute en novembre 1983, le sous‑marin étant mis en service en juin 1990. Avant que le dernier (le Unicorn) ne puisse entrer en service, un examen de la défense britannique, après la Guerre froide, détermine que la RN devrait passer à une force sous‑marine entièrement nucléaire. Les sous‑marins de la classe Upholder sont donc déclarés excédentaires et seront mis hors service en 1994. Les tentatives ultérieures de vendre les quatre navires au Pakistan, au Portugal et au Chili entrent en conflit avec les restrictions de partage des technologies de défense de la United States Navy (USN), la Grande‑Bretagne devant, par ailleurs, faire face à des options limitées de vente à d’autres pays.

Acquisition et canadianisation de la classe Victoria

Pendant ce temps, le plan du Canada visant à remplacer ses trois Oberon par une force SSN s’éteint également avec la Guerre froide (voir Le Canada et la Guerre froide). En tant que membre de la communauté de partage des renseignements en matière de défense « Five Eyes » (Australie, Canada, Nouvelle‑Zélande, Royaume‑Uni et États‑Unis, ou AUSCANZUKUS), la MRC est toutefois admissible à des transferts de technologie. Le livre blanc sur la défense de 1994 du gouvernement fédéral annonce son intention d’étudier la possibilité d’acquérir la classe Upholder. Il s’agit d’une solution « provisoire » pour conserver une capacité sous‑marine, en attendant la définition d’un projet officiel de remplacement SSK. Au cours du long processus de négociation étalé sur quatre ans, la RN maintient les Upholders dans un statut non actif. Finalement, en avril 1998 un accord prévoyant l’acquisition des quatre sous‑marins est annoncé, pour un montant de 750 millions de dollars canadiens (soit un coût bien inférieur au coût potentiel de construction d’un bâtiment de remplacement).

Le transfert implique une « période de travail de réactivation » (c’est‑à‑dire qu’ils étaient remis en service opérationnel actif) des sous‑marins, financée par la RN. Cette période est suivie par des essais de sécurité et par des qualifications de plongée, menés, en Grande‑Bretagne, par des équipages canadiens. Le transfert se conclut par une cérémonie d’acceptation et de changement de nom, avant que les bâtiments ne partent pour le Canada, où une autre période de travail de « canadianisation » doit être menée. Il s’agit notamment de remplacer les systèmes de capteurs et d’armes britanniques par des systèmes canadiens qui, pour la plupart, installés sur les Oberon dans les années 1980, sont toujours en bon état. Ce processus inclut également le remplacement des torpilles RN Mk 24 Tigerfish par des torpilles lourdes USN Mk 48 et un système de contrôle de tir. En outre, la canadianisation comprend le recours au Système sonar à réseau remorqué canadien (CANTASS) et divers ajustements d’équipement de communication et de périscope.

NCSM Victoria SSK 876
NCSM Windsor SSK 877
NCSM Corner Brook
Sous‑marin de la classe Victoria, frégate de la classe Halifax et hélicoptère CH‑124 Sea King

Le travail de réactivation en Grande‑Bretagne et au Canada va s’avérer toutefois beaucoup plus difficile que prévu. En effet, la mise en service de ces bâtiments au sein de la RN n’avait pas été complètement menée à bien lorsqu’ils avaient été déclarés excédentaires. La complexité des technologies structurelles sous‑marines s’avère également nouvelle pour l’industrie canadienne. De plus, la MRC doit faire face à d’autres exigences budgétaires non prévues, comme le déploiement majeur, après le 11 Septembre, de la quasi‑totalité de la flotte de surface sur le théâtre d’opérations de la mer d’Oman. (Voir Le 11 Septembre et le Canada.)

Les acquisitions définitives sont réalisées par étapes : le Unseen est accepté et renommé le Victoria, puis mis en service à Halifax, le 2 décembre 2000; le Unicorn devient le Windsor, avant d’être mis en service le 4 octobre 2003; le Ursula est rebaptisé le Corner Brook, avant sa mise en service le 21 février 2003. Le transfert du dernier sous‑marin, le bâtiment chef de série d’origine, le Upholder, renommé le Chicoutimi, va cependant se dérouler dans des circonstances tragiques. Le 5 octobre 2004, lendemain du départ de la Grande-Bretagne pour le Canada, alors que le bâtiment navigue en surface dans des conditions de « coup de vent » (fort vent), de l’eau de mer pénètre par la tourelle, provoquant une explosion et un incendie qui fait plusieurs victimes, un officier décédant et neuf marins étant blessés, et laisse en mer le sous‑marin gravement touché. (Voir L’incendie du sous‑marin Chicoutimi.) Après avoir été secouru, le Chicoutimi, sérieusement endommagé, est remorqué par navire de transport lourd, d’abord à Halifax, en janvier 2005, pour une longue évaluation des dégâts, puis à Esquimalt, en avril 2009, pour subir une remise en état majeure. Le Chicoutimi est finalement mis en service à Esquimalt, le 3 septembre 2015.

NCSM Corner Brook SSK 878
Sous‑marins de la classe Victoria
Sous‑marins de la classe Victoria
NCSM Corner Brook SSK 878

Emploi

En juin 2005, le Windsor lance le premier cycle opérationnel de la classe Victoria, participant à un certain nombre d’exercices internationaux, y compris le suivi réussi d’un SSN de la USN et la contribution aux préparatifs (préparation au déploiement) d’un groupement aéronaval de la USN. Au printemps 2007, le Corner Brook participe à un exercice de l’OTAN, Noble Warrior, marquant la première présence en 15 ans d’un sous‑marin canadien dans les eaux européennes. En août, plus tard cette année‑là, le bâtiment est déployé dans l’Arctique, à l’appui de l’opération Nanook menée par les Forces armées canadiennes. En mars 2012, le Victoria est déclaré pleinement opérationnel après la certification de son armement. Peu de temps après, il devient le premier sous‑marin de la MRC à tirer une torpille Mk 48 réelle, coulant l’ancien USS Concord, le 17 juillet 2012, lors d’un exercice Rim of the Pacific (RIMPAC) près d’Hawaï. En 2015, le Windsor atteint l’ambition initiale de la classe Upholder en suivant un sous‑marin russe, tout en patrouillant dans le passage GIUK. Le Chicoutimi est déployé en Extrême‑Orient, en 2017‑2018, pour une épopée de 197 jours en mer, dans le cadre de l’opération Neon d’application des sanctions des Nations Unies contre la Corée du Nord.

Prolongation de la durée de vie et remplacement

En avril 2015, le gouvernement conservateur du premier ministre Stephen Harper annonce des plans pour une prolongation majeure de la durée de vie de la classe Victoria. Cette décision est confirmée par l’énoncé de politique de défense de 2016 du gouvernement libéral de Justin Trudeau, intitulé « Protection, Sécurité, Engagement ». À l’été 2021, la MRC met en place une équipe pour lancer le projet de sous‑marin de patrouille canadien, dans le but d’achever le remplacement officiel des Victoria à la fin des années 2030.

Liens externes