Train Turbo | l'Encyclopédie Canadienne

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Train Turbo

Le Train Turbo de la United Aircraft Corporation (UAC) (connu au Canada sous le nom de Turbo CN ou Train Turbo VIA Rail) était l’un des premiers trains de voyageurs à grande vitesse ayant fonctionné au Canada de 1968 à 1982. Propulsé par un moteur à turbine à gaz, il pouvait atteindre une vitesse maximale de plus de 270 km/h, même si normalement il ne dépassait jamais les 150 km/h. Le Train Turbo fonctionnait sur la ligne MontréalToronto : dans des conditions optimales, il était censé mettre les deux villes à moins de quatre heures l’une de l’autre, même si le plus souvent le trajet prenait plutôt aux environs de quatre heures et demie. Destiné à révolutionner le voyage en train au Canada, le Train Turbo a souffert de problèmes techniques au cours de ses premières années de service et d’une baisse d’intérêt de la part des voyageurs.

Train Turbo CN

Conception et exploitation

United Aircraft Corporation (UAC) met au point le Train Turbo pour participer expressément au projet de démonstration de trains à grande vitesse du ministère des Transports des États‑Unis. Ce projet prend place dans la région du Northeast Corridor, plus précisément sur la liaison Boston‑New York. À l’époque, le siège social d’UAC est situé à Hartford, dans le Connecticut, son usine de fabrication et de maintenance étant implantée à Providence, dans le Rhode Island. En 1966, UAC obtient un contrat pour la construction de deux trains de trois voitures. La société Sikorsky, une filiale d’UAC, fabrique les trains utilisés aux États‑Unis. Pratt & Whitney Canada, une société canadienne également filiale d’UAC, est responsable de la conception des moteurs.

À cette même époque, les Chemins de fer nationaux du Canada (CN) cherchent à moderniser la liaison ferroviaire qu’ils exploitent entre Montréal et Toronto; l’objectif principal est alors de réduire la durée du voyage entre les deux plus grandes villes canadiennes, le Train Turbo ayant comme but de raccourcir de 90 minutes le temps de trajet le plus court du CN sur cette liaison. En effectuant le voyage en trois heures et demie, soit le temps approximativement nécessaire pour relier Montréal et Toronto en avion, le train rapide aurait pu rivaliser avec le transport aérien. Les nouveaux trains, qui ressemblent à des avions à réaction, visent également à offrir un niveau de service supérieur aux passagers.

Le Train Turbo est propulsé par un turbomoteur, un moteur à turbine à gaz qui entraîne un arbre de travail. Le moteur, connu sous le nom de ST6, est une adaptation du moteur PT6, un type de moteur d’avion utilisé précédemment. Le Turbo est aussi intégralement articulé, c’est‑à‑dire que les wagons sont directement reliés les uns aux autres, lui permettant ainsi de s’incliner, d’un côté comme de l’autre, dans les virages sur des rails incurvés. Alors que la plupart des trains, à l’instar des véhicules automobiles, doivent ralentir lorsqu’ils tournent, le Train Turbo est en mesure de s’incliner dans les virages, atteignant ainsi dans les courbes, des vitesses 30 % plus rapides que celles des trains ordinaires.

Le saviez‑vous?
Le Train Turbo a été l’un des premiers « trains pendulaires » à entrer en service en Amérique du Nord.


Les trains utilisés au Canada sont construits par Montreal Locomotive Works, selon les plans fournis par UAC. Pour l’exploitation au Canada, les rames sont composées de sept voitures, pour une capacité totale d’environ 340 passagers. Les plans initiaux consistent à faire circuler deux trains reliés entre eux, soit un total de 14 voitures pouvant accueillir plus de 600 passagers. Le Train Turbo est mis en service après seulement un an d’essais et bat, à plus de 226 km/h, le record canadien de vitesse sur rails. Malgré quelques problèmes techniques initiaux, le Train Turbo aurait eu un taux de ponctualité de 80 % à 90 %. Au total, cinq rames sont achetées et exploitées au Canada.

Le CN avait initialement prévu que les trains soient mis en circulation à temps pour l’Expo 67; toutefois, cela ne s’avère pas possible en raison de retards de production. Le Train Turbo fait ses débuts au Canada en décembre 1968, des trains quittant Toronto et Montréal simultanément. Le train en provenance de Toronto percute un camion, à un passage à niveau à Kingston, ayant comme conséquence la destruction du véhicule, sans aucune blessure grave ni aucun dommage matériel au train. Le système de signalisation ferroviaire et le nombre de passages à niveau – environ 240 le long du trajet – empêchent, en permanence, le nouveau train à grande vitesse de circuler à une vitesse proche de son maximum théorique.

Malgré l’accident survenu au passage à niveau de Kingston, le Turbo CN entre en service régulier en 1968; toutefois, son exploitation est suspendue dès la première semaine de 1969, pour ne reprendre qu’en mai 1970. Cependant, le train est alors victime de différents incidents, notamment des freins gelés et un incendie qui se déclare à bord, avec, comme conséquence, une interruption du service pendant plusieurs années, au cours desquelles on cherche des solutions à ces problèmes techniques. Le Train Turbo est réintroduit en 1973 et fonctionne jusqu’en 1982, avec des rames plus longues, comportant désormais neuf voitures. VIA Rail exploite le train à grande vitesse lorsque l’entreprise reprend le service voyageurs du Canadien National et du Canadien Pacifique, à partir de 1978.

Déclin et retrait progressif

Indépendamment des premiers problèmes techniques qu’il rencontre, le Train Turbo est introduit à une époque où le transport ferroviaire de passagers est en baisse et perd du terrain, principalement au profit du transport aérien, en plein essor dans les années 1960 et 1970. S’il est vrai qu’il offre un cadre plus luxueux que la plupart des trains nord‑américains de son époque, le Train Turbo n’atteindra jamais complètement les performances annoncées en matière de grande vitesse, la flotte des nouveaux trains étant contrainte de partager les lignes de chemin de fer avec des trains de marchandises circulant beaucoup plus lentement… mais rapportant des profits beaucoup plus importants. Le Train Turbo doit également ralentir à chaque passage à niveau. En l’absence d’un réseau ferroviaire distinct qui lui serait réservé, ne croisant ni route ni autre ligne de chemin de fer à un même niveau, le train à grande vitesse ne peut que difficilement dépasser la vitesse des trains classiques.

Le Train Turbo effectue son dernier trajet le 31 octobre 1982. Il est remplacé par le LRC de Bombardier Transport, un train diesel‑électrique léger à propulsion conventionnelle (voir Bombardier Inc.).