Affaire Daniels | l'Encyclopédie Canadienne

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Affaire Daniels

Le 14 avril 2016, la Cour suprême du Canada conclut dans l’affaire Daniels c. Canada que le gouvernement fédéral, et non les gouvernements provinciaux, détient la responsabilité de légiférer sur les questions relatives aux Métis et aux Indiens non inscrits. Dans un jugement unanime, la Cour confirme que les Métis et les Indiens non inscrits sont considérés comme des Indiens visés par l’article 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867, un article qui régit les pouvoirs législatifs exclusifs du gouvernement fédéral. La reconnaissance comme Indiens en vertu de cet article de la Constitution n’équivaut pas au statut d’Indien, qui est régi par la Loi sur les Indiens. Ainsi, le jugement n’octroie pas le statut d’Indien aux Métis et aux Indiens non inscrits. Cependant, cette décision pourrait susciter de nouveaux débats, de nouvelles négociations ou de possibles litiges avec le gouvernement fédéral relativement aux revendications territoriales et à l’accès à l’éducation, aux soins de santé et à d’autres services gouvernementaux.

Cour Suprême et Parlement
La statue Justitia devant la Cour suprême du Canada, donnant sur la Tour de la Paix du Parlement à Ottawa. (© Michel Loiselle/Dreamstime)

Contexte

Au départ, il y a trois demandeurs dans l’affaire Daniels c. Canada (1999) : le Congrès des Peuples Autochtones (CPA), Harry Daniels (à l’époque président du CPA), et Leah Gardner, une Anishinaabe non inscrite de l’Ontario. Ils demandent trois jugements déclaratoires à la cour : que les Métis et les Indiens non inscrits deviennent des Indiens visés au paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867, que le gouvernement fédéral respecte une obligation fiduciaire ou une responsabilité envers les Métis et les Indiens non inscrits et que ceux-ci aient droit à la tenue de consultations et de négociations avec le gouvernement fédéral par l’entremise des représentants de leur choix. (Voir aussi L’obligation de consulter.)

Procès

L’affaire est portée devant la Cour fédérale du Canada en mai 2011, 12 ans après qu’elle ait été intentée. Entre-temps, Harry Daniels décède en 2004. L’année suivant son décès, son fils, Gabriel, et Terry Joudrey, un Mi’kmaq non inscrit de la Nouvelle-Écosse, sont ajoutés comme demandeurs. Le procès de six semaines, lors duquel sont présentées 800 pièces à l’appui tirées de plus de 15 000 documents, prend fin le 30 juin 2011. Toutefois, la Cour ne publie sa décision que le 8 janvier 2013. 

Le juge Michael Phelan de la Cour fédérale du Canada reconnaît que les Métis et les Indiens non inscrits sont des « Indiens » visés par la Loi constitutionnelle de 1867. Il refuse toutefois de rendre les deux autres jugements déclaratoires demandés, concluant qu’ils sont déjà prévus par des lois canadiennes antérieures.

Appel

En octobre, le gouvernement fédéral porte le jugement en appel et l’affaire est portée devant la Cour d’appel fédérale. En avril 2014, la Cour d’appel rétablit en partie la décision initiale. Elle conclut que les Métis sont considérés comme des Indiens en vertu de la Constitution de 1867, mais que cette reconnaissance s’appliquera aux Indiens non inscrits au cas par cas. La Couronne interjette à nouveau appel, et l’affaire est jugée par la Cour suprême du Canada en octobre 2015.

LE SAVIEZ-VOUS?
Harry Daniels joue un rôle clé dans la reconnaissance des peuples métis comme étant des peuples autochtones visés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1867. À titre de président du Conseil national des autochtones du Canada (dorénavant le Congrès des Peuples Autochtones) vers la fin des années 1970 et au début des années 1980, Harry Daniels assiste à des négociations constitutionnelles à Ottawa – des pourparlers qui mènent ultimement au rapatriement de la Constitution.

Jugement de la Cour suprême du Canada

La Cour suprême rétablit la décision initiale de la Cour fédérale le 14 avril 2016. Elle décrète, à l’unanimité, qu’en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867, le gouvernement fédéral est responsable de tous les peuples autochtones, y compris près de 600 000 Métis et Indiens non inscrits. La Cour refuse toutefois de prononcer les deux autres jugements déclaratoires demandés, parce qu’ils ne feraient que réaffirmer des principes de droit déjà établis.

La Cour suprême observe que les Métis et les Indiens non inscrits se sont retrouvés dans un « désert juridique » et dans un « bras de fer » entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, qui nient la responsabilité ou compétence législative envers ces deux groupes. La Cour réaffirme que la Couronne a une obligation fiduciaire envers les peuples autochtones et qu’elle doit les consulter lorsqu’ils font valoir de façon crédible leurs droits et leurs revendications. En d’autres mots, le gouvernement fédéral est dans l’obligation de négocier avec les peuples autochtones sur des questions qui touchent notamment les revendications territoriales, selon les principes de droit établis dans les affaires telles que Nation haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts), Nation Tsilhqot’in c. Colombie‑Britannique et R. c. Powley.

Le jugement n’octroie pas le statut d’Indien aux Métis et aux Indiens non inscrits; il précise plutôt le fait que les Métis et les Indiens non inscrits doivent se tourner vers le gouvernement fédéral pour l’amélioration de leurs programmes et services, comme l’éducation, le logement et les soins de santé, plutôt que vers les gouvernements provinciaux. (Voir aussi Les peuples autochtones et les programmes gouvernementaux au Canada.) Toutefois, il n’annule pas la législation provinciale relative aux Métis et aux Indiens non inscrits.

Répercussions

Pour de nombreux peuples métis, l’affaire Daniels constitue un pas vers la réconciliation. Clément Chartier, président du Ralliement national des Métis, affirme qu’il s’agit d’une grande victoire pour les peuples autochtones et les parties touchées par cette affaire. La juge Rosalie Abella, l’une des juges présidents de la Cour suprême saisis de l’affaire, partage ce sentiment, déclarant que le jugement devrait ajouter un nouveau degré de certitude et de responsabilité de la part du gouvernement. Elle ajoute que « la réconciliation avec l’ensemble des peuples autochtones du Canada est l’objectif du Parlement ».

Pour certains peuples métis, la décision dans l’affaire Daniels est également considérée comme un point de départ pour ceux qui font valoir des revendications territoriales, même si elle n’oblige pas la Couronne à négocier des traités avec les Métis. Clément Chartier déclare à ce sujet : « Enfin, l’article 91(24) […] implique que le gouvernement fédéral a le mandat juridique […] d’œuvrer à la réconciliation de nos droits, y compris nos droits liés aux territoires et à l’autonomie gouvernementale. » Avant l’affaire Daniels, le gouvernement fédéral soutenait qu’il n’avait aucune compétence législative sur les questions touchant les Métis. Ainsi, cette décision pourrait susciter de nouveaux débats, de nouvelles négociations ou de possibles litiges avec le gouvernement fédéral quant aux revendications territoriales et à l’accès à l’éducation, au système de santé et à d’autres services gouvernementaux. Le premier ministre Justin Trudeau affirme que le gouvernement fédéral travaillera avec les dirigeants autochtones pour déterminer la voie à suivre de cette décision historique qui aura de vastes répercussions.

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