Loi sur les Indiens | l'Encyclopédie Canadienne

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Loi sur les Indiens

La Loi sur les Indiens est la principale loi qui permet au gouvernement fédéral d’administrer le statut d’Indien, les gouvernements locaux des Premières Nations et la gestion des terres de réserve. Cette loi définit également les obligations du gouvernement envers les membres des Premières Nations. La Loi sur les Indiens ne concerne que les personnes détenant le statut d’Indien, et non pas les Métis ou les Inuits. Elle est introduite en 1876 sous la forme d’une synthèse de plusieurs ordonnances coloniales antérieures visant à éradiquer la culture des Premières Nations et à promouvoir l’assimilation de leurs membres dans la société eurocanadienne. Une nouvelle version de la Loi a été adoptée en 1951 et, depuis, celle-ci a été modifiée plusieurs fois, notamment de manière importante en 1985. Les modifications visaient principalement à éliminer les articles particulièrement discriminatoires. Il s’agit d’un document évolutif, rempli de contradictions, qui a engendré plusieurs générations de traumatismes, de violations des droits de la personne et de perturbations sociales et culturelles chez les peuples autochtones.

Ce texte est l’article complet sur la Loi sur les Indiens. Si vous souhaitez en lire un résumé en langage simple, veuillez consulter : Loi sur les Indiens (résumé en langage simple).

Loi sur les Indiens

Contexte historique : avant la Loi sur les Indiens, 1763-1876

La Proclamation royale de 1763 définit les bases de l’interaction entre l’administration coloniale et les membres des Premières Nations pour les siècles à venir. Ce texte garantit certains droits et une certaine protection aux membres des Premières Nations, et met en place le processus par lequel le gouvernement va pouvoir acquérir leurs terres. Des politiques supplémentaires sont appliquées dans la première moitié du 19e siècle. Elles visent à assimiler les membres des Premières Nations dans la population grandissante des colons.

L’Acte pour mieux protéger les terres et les propriétés des sauvages dans le Bas-Canada de 1850 est l’un des premiers textes de loi qui incluent une série de critères à respecter pour qu’un individu puisse être considéré comme Indien au sens juridique du terme; il s’agit d’une définition qui précède le concept de « statut ». Ces critères sont basés sur les liens de sang et déterminent essentiellement qu’une personne est considérée comme « indienne » si elle est « de sang indien » et qu’elle est membre d’une « tribu ou peuplade d’Indiens ». Tous les descendants de ces personnes sont également considérés comme Indiens au même titre que les non-Indiens « ayant marié des Indiens », les personnes dont au moins un des parents aurait pu être considéré comme Indien et les « personnes adoptées en bas âge par un Indien ».

L’Acte pour encourager la civilisation graduelle de 1857 et l’Acte pourvoyant à l’émancipation graduelle de 1869 sont presque exclusivement axés sur l’élimination des droits et des distinctions accordés aux membres des Premières Nations et sur leur assimilation à la vaste population des colons. Initialement, les administrateurs espèrent accomplir l’objectif de l’Acte pour encourager la civilisation graduelle grâce à l’émancipation volontaire (quand un membre des Premières Nations renonce à son statut d’Indien en échange de terres et du droit de vote), mais une seule personne s’émancipera volontairement. Par conséquent, le gouvernement commence à émanciper unilatéralement les membres des Premières Nations.

Un certain nombre de groupes autochtones signent des traités, en particulier les cinq premiers traités numérotés, avec les gouvernements canadiens avant l’adoption, en 1876, de la Loi sur les Indiens. Ces groupes considèrent parfois que leur statut juridique en tant que Premières Nations découle de ces traités plutôt que de la Loi sur les Indiens.

Adoption de la Loi sur les Indiens de 1876

La Loi constitutionnelle de 1867 attribue au Parlement la compétence législative sur les « Indiens et les terres réservées pour les Indiens ». Près de dix ans plus tard, en 1876, l’Acte pour encourager la civilisation graduelle et l’Acte pourvoyant à l’émancipation graduelle sont incorporés à la Loi sur les Indiens. Par l’entremise du ministère des Affaires indiennes et de ses agents des Indiens, la Loi sur les Indiens octroie au gouvernement de vastes pouvoirs concernant l’identité, les structures politiques, la gouvernance, les pratiques culturelles et l’éducation des Premières Nations. Ces pouvoirs restreignent les libertés des Autochtones et permettent aux agents du gouvernement d’accorder des droits et des avantages en fonction de critères moraux arbitraires.

La Loi sur les Indiens vise à homogénéiser une grande population à l’origine variée et à assimiler ses membres dans la société non autochtone. Elle interdit aux membres et aux communautés des Premières Nations d’exprimer leur identité par des activités liées à leur culture ou à la gouvernance. De plus, la Loi remplace les structures traditionnelles de gouvernance par l’élection de conseils de bande. Les chefs héréditaires (qui accèdent au pouvoir du fait de leur descendance plutôt que par voie d’élection) ne sont pas reconnus par la Loi sur les Indiens. Jusqu’en 1951, les femmes seront également tenues à l’écart de la dimension politique des conseils de bande. (Voir aussi Les femmes et la Loi sur les Indiens.)

La Loi interdit également aux membres des Premières Nations de pratiquer leurs cérémonies religieuses et de tenir des rassemblements culturels. En 1884, on rend le potlatch illégal, puis, l’année suivante, la même règle s’applique à « toute fête, danse ou autre cérémonie indienne », ce qui englobe des activités comme les pow-wow et la danse du soleil. Une modification adoptée en 1914 interdit les danses en dehors des réserves et, en 1925, les danses sont finalement interdites partout.

En 1927, une modification de la Loi sur les Indiens rend illégal, pour les membres et communautés des Premières Nations, le fait de solliciter des fonds en vue de la poursuite d’une revendication territoriale.

Des modifications ultérieures forceront les enfants des Premières Nations à fréquenter des écoles industrielles ou des pensionnats indiens (1894 et 1920). Les pensionnats auront de lourdes conséquences sur les communautés autochtones d’un bout à l’autre du pays, et ce, pendant plusieurs générations.

Au tournant du 20e siècle, on impose le système de laissez-passer (qui limite les mouvements des membres des membres des Premières Nations hors des réserves) sans aucune autorisation légale. Ces politiques auront des effets persistants sur des générations d’Autochtones : en effet, de tels obstacles à la mobilité endommagent les économies, cultures et sociétés autochtones.

La Loi sur les Indiens définit également qui peut être considéré comme Indien au sens de la loi. On y stipule qu’un Indien est « tout homme de sang indien réputé appartenir à une bande particulière ». Le statut d’Indien s’applique également à « tout enfant de cette personne » et à « toute femme qui est ou était légalement mariée à cette personne ». Tout membre d’une Première Nation perd son statut d’Indien lorsqu’il reçoit un diplôme universitaire et, de 1876 à 1880, qu’il devient ministre d’un culte chrétien ou qu’il obtient un titre professionnel de médecin ou d’avocat. Toute femme autochtone le perd aussi si elle épouse un non-Indien. La perte de statut est appelée l’émancipation. En 1961, le gouvernement éliminera enfin l’article 112 de la Loi portant sur l’« émancipation obligatoire ». Jusque-là, l’administration du statut d’Indien servait d’outil d’assimilation et de destruction culturelle.

Version révisée de la Loi sur les Indiens en 1951

La période qui suit immédiatement la Deuxième Guerre mondiale s’accompagne d’une profonde introspection sociétale au Canada, qui se conclut par la remise en question des mesures les plus restrictives et oppressives imposées par la Loi sur les Indiens. Plusieurs projets de réforme sont rejetés ou contestés par les peuples des Premières Nations parce qu’ils n’ont pas été invités à participer à leur processus d’élaboration. Le gouvernement du Canada rompt alors avec la tradition : avec la mise en place d’un comité mixte, il va pour la toute première fois consulter les communautés des Premières Nations quant aux modifications à apporter à la Loi sur les Indiens.

Une version ainsi révisée de la Loi sur les Indiens reçoit la sanction royale le 20 juin 1951. Cette nouvelle version est débarrassée des restrictions les plus flagrantes dans les domaines politique, culturel et religieux. On révoque entre autres choses les interdictions concernant les cérémonies comme le potlatch et la danse du soleil. En outre, les communautés sont désormais en mesure de présenter des revendications territoriales à l’encontre du gouvernement. Quant aux femmes des Premières Nations, elles peuvent désormais, grâce à la Loi de 1951, voter aux élections de conseils de bande. Elsie Marie Knott devient ainsi la première chef des Premières Nations élue au Canada. (Voir aussi Les femmes autochtones et le droit de vote.)

Toutefois, les révisions ne rendent pas la Loi sur les Indiens complètement exempte de discrimination. Par exemple, la Loi prévoit l’interdiction, pour les personnes détenant le statut d’Indien, de posséder des substances intoxicantes ou d’être en état d’intoxication. Les révisions de 1951 octroient également aux provinces la compétence de protection des enfants autochtones (article 88) alors qu’il n’en existait aucune au niveau fédéral. Cela entraînera la « rafle des années soixante », pendant laquelle les agences provinciales chargées de la protection de l’enfance choisissent de retirer les enfants de leur foyer plutôt que de fournir aux familles des ressources et un soutien communautaire. Ces séparations auront des effets considérables et persistants sur les communautés autochtones.

En dépit des révisions apportées, le statut d’Indien demeure toujours discriminatoire. La Loi remplace le concept de « sang indien » par celui de statut d’Indien acquis par voie d’inscription. En d’autres termes, être de descendance autochtone ne suffit plus pour acquérir le statut d’Indien. Les lignées masculines sont toujours favorisées; les femmes ayant le statut d’Indiennes perdent leurs droits lorsqu’elles épousent un homme non inscrit. (Voir aussi Les femmes et la Loi sur les Indiens.)

Les dispositions concernant le statut des femmes sont en effet particulièrement extrêmes. Leurs droits en la matière découlent entièrement du statut de leur mari. Une non-Indienne qui épouse un Indien inscrit devient elle-même Indienne. Une Indienne inscrite qui épouse un Indien inscrit devient membre de la bande de son mari et perd du même coup toute appartenance à sa bande d’origine. De plus, elle perd complètement son statut d’Indienne si son mari meurt avant elle ou l’abandonne.

La Loi sur les Indiens de 1951 introduit la règle de la « mère grand-mère », qui révoque, le jour de ses 21 ans, le statut d’Indien de tout enfant dont la mère et la grand-mère n’ont pas été reconnues comme Indiennes. Le rapport présenté en 1996 par la Commission royale d’enquête sur les peuples autochtones signale qu’un grand nombre des révisions contenues dans la réforme de 1951 ont en réalité pour effet de rétablir les dispositions de 1876, tandis que les restrictions supplémentaires concernant le transfert du statut d’Indien nuisent aux femmes des Premières Nations et à leurs enfants.

Changements réclamés à la Loi sur les Indiens, années 1960 et 1970

La Loi sur les Indiens de 1951 n’a aucun effet sur le processus d’émancipation des peuples autochtones, pas plus qu’elle ne leur accorde le droit de vote. Toutefois, au début de 1958, le gouvernement de John Diefenbaker s’attelle à la rédaction de la Déclaration canadienne des droits. Cette déclaration proclamant l’égalité des droits pour tous les Canadiens, il devient difficile de refuser aux peuples autochtones le droit de vote. Le 31 mars 1960, certaines parties du paragraphe 14(2) de la Loi électorale du Canada sont abrogées en vue d’accorder le droit de vote aux élections fédérales aux Indiens inscrits. Les membres des Premières Nations peuvent désormais voter sans perdre leur statut d’Indien. L’année suivante, la disposition prévoyant l’émancipation obligatoire dans la Loi sur les Indiens est supprimée. (Voir aussi Droit de vote des peuples autochtones.)

En 1969, le premier ministre Pierre Elliott Trudeau publie son Livre blanc, dans lequel il déclare son intention d’éliminer complètement le concept de statut d’Indien et le ministère des Affaires indiennes. Les peuples des Premières Nations, indignés par le document, rétorquent avec leur « Livre rouge », rédigé et présenté par Harold Cardinal, alors président de l’Indian Association of Alberta. Le gouvernement canadien abandonne rapidement le Livre blanc devant l’opposition vigoureuse et continue qu’il suscite chez les groupes autochtones et leurs partisans.

À cette époque, les voix de nombreuses femmes autochtones s’élèvent pour faire modifier les articles les plus discriminatoires de la Loi sur les Indiens. Mary Two-Axe Earley est au nombre des premières militantes. Elle met notamment sur pied une série de conférences et d’initiatives écrites pour sensibiliser le public au sort des femmes autochtones à qui l’on refuse le statut d’Indiennes ainsi que certains droits de propriété et issus de traités en vertu de la Loi. Yvonne Bédard et Jeannette Corbiere Lavell, qui se sont toutes deux vu retirer leur statut à la suite d’une union matrimoniale, portent leur affaire devant les tribunaux contre le gouvernement canadien. En 1973, on combine les deux affaires à la Cour suprême du Canada. Cette année-là, on critique vivement la décision de la cour, selon laquelle la disposition de la Loi qui lie le statut d’une femme à son mari n’est pas discriminatoire envers les femmes, même si les hommes indiens conservent quant à eux leur statut lorsqu’ils épousent des non-Indiennes. (Voir aussi Affaire Bédard; Affaire Lavell.)

En 1981, la Commission des droits de l’homme des Nations Unies juge que le Canada a violé l’article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dans l’affaire Sandra Lovelace Nicholas concernant une femme wolastoqiyik ayant perdu son statut d’Indienne en se mariant. Le gouvernement s’oppose au retour de Sandra Lovelace Nicholas dans sa communauté d’origine, prétextant qu’aux termes de la Loi sur les Indiens, comme elle a épousé un homme n’appartenant pas à sa communauté, elle ne peut plus être considérée comme étant membre de sa bande.

Projet de loi C-31 : modifications de 1985 à la Loi sur les Indiens

En 1985, en réponse aux préoccupations grandissantes que suscite le manque d’égalité dans la Loi sur les Indiens, autant à l’échelle nationale qu’internationale, le gouvernement fait adopter le projet de loi C-31. Celui-ci supprime entièrement ce qui reste des dispositions concernant l’émancipation. En outre, les personnes qui ont perdu leur statut d’Indien à la suite d’un mariage sont de nouveau reconnues comme Indiennes et membres de leur bande d’origine. Leurs enfants obtiennent également le statut d’Indiens, mais il faut attendre deux ans avant qu’ils n’obtiennent également le statut de membres de la bande. Ce délai est instauré pour permettre aux bandes d’adopter leur propre réglementation en matière d’appartenance, avec la possibilité d’exclure les enfants, mais pas les mères. Si aucune réglementation interne n’est adoptée avant juin 1987, les enfants deviennent aussi membres de la bande. Avec un contrôle accru de leur liste de membres, les bandes peuvent désormais accepter dans leurs rangs des membres non inscrits. Toutefois, les subventions accordées par le gouvernement fédéral étant calculées en fonction du nombre de membres inscrits, il est plus ou moins avantageux pour les bandes de compter de nombreux membres non inscrits.

Depuis les modifications de la Loi sur les Indiens de 1985, le nombre d’Indiens inscrits a plus que doublé, passant d’environ 360 000 en 1985 à plus de 778 000 en 2007. Cette augmentation découle d’un plus grand nombre de naissances que de décès, ainsi que du « rétablissement » du statut d’Indien.

Toutefois, si les modifications contrent la discrimination à l’égard des femmes, elles créent également certains problèmes. Le projet de loi C-31 crée deux catégories d’inscription au statut d’Indien. La première, au paragraphe 6(1), s’applique lorsque les deux parents ont ou avaient droit à l’inscription. (Ce paragraphe est ensuite subdivisé en alinéas qui diffèrent selon le mode de transmission du statut.) La deuxième catégorie, au paragraphe 6(2), s’applique lorsqu’un des parents a droit à l’inscription en vertu du paragraphe 6(1). Le statut d’Indien ne peut pas être transféré si ce parent est inscrit en vertu du paragraphe 6(2). En bref, après deux générations de mariages mixtes avec des partenaires sans statut, les enfants n’auront plus droit au statut. Il s’agit de la règle de l’« exclusion après la seconde génération ». Le projet de loi C-31 parvient ainsi à contrôler le nombre de personnes ayant droit au statut.


Gouvernance et Loi sur les Indiens, années 1960 aux années 2000

La Loi sur les Indiens de 1876 a pour effet de démanteler les systèmes traditionnels de gouvernance et d’imposer des contrôles externes aux individus et aux communautés autochtones, sous la forme d’agents des Indiens locaux et de la bureaucratie fédérale du ministère des Affaires indiennes. Il faudra attendre la fin des années 1960 et le début des années 1970 pour voir le Canada s’engager sur la route de l’acceptation et de l’autorisation de différentes formes d’autonomie gouvernementale autochtone, et ce, sous l’impulsion d’organisations politiques efficaces et d’un activisme croissant. Cette tendance gagne du terrain au tournant du 21e siècle, les peuples autochtones voyant leur droit à l’autonomie gouvernementale sanctionné dans la Loi constitutionnelle de 1982 ainsi que dans divers documents à portée internationale.

En 1984, la Convention de la baie James et du Nord québécois ainsi que le rapport Penner donnent naissance à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, le premier texte de loi sur l’autonomie gouvernementale autochtone au Canada, qui vient remplacer la Loi sur les Indiens et définit les communautés autochtones de la région comme des personnes morales. Les Premières Nations autonomes ne sont pas soumises à la Loi sur les Indiens bien que le gouvernement fédéral continue à administrer certaines de leurs affaires.

Au fil du temps, on formule différentes propositions pour accroître, dans les dispositions de la Loi, les pouvoirs des bandes en matière de gouvernance. En 1996, le gouvernement fédéral met de l’avant le projet de loi C-79 pour modifier certains aspects de la Loi, y compris la gouvernance des bandes et la réglementation des réserves. Les Premières Nations s’opposent en grande majorité à ce projet de loi. Entre autres, on soutient que le gouvernement n’a pas tenu de consultations appropriées avec les Premières Nations concernant les changements proposés. On craint que le projet de loi ne menace les droits issus de traités ainsi que le droit à l’autonomie gouvernementale. En outre, on critique le projet de loi C-79 pour avoir ignoré les recommandations de la Commission royale d’enquête sur les peuples autochtones. Il restera lettre morte.

En 2002, le projet de loi C-7, également connu sous le nom de Loi sur la gouvernance des Premières Nations, vise à élargir les pouvoirs des conseils de bande en ce qui concerne notamment l’élaboration de lois et la sélection des dirigeants. Malgré les diverses consultations tenues par le gouvernement fédéral avec les Premières Nations au sujet du projet de loi, celui-ci se solde par un échec. En 2006, le sénateur Gerry St. Germain présente en chambre le projet de loi S-216 « pour promouvoir la reconnaissance et la mise en œuvre du droit à l’autonomie gouvernementale des Premières Nations au Canada ». Le projet de loi, qui aurait permis aux Premières Nations souhaitant se doter d’un gouvernement autonome d’élaborer une proposition et une constitution, échoue lui aussi après une seconde lecture. (Voir aussi Procédure parlementaire.)

Certaines Premières Nations parviennent toutefois à conclure des accords sectoriels fructueux qui leur permettent d’obtenir des pouvoirs de gouvernance plus importants qui ne sont pas prévus par la Loi sur les Indiens. Quelques exemples : la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations (1999), la Loi sur la gestion financière des Premières Nations (2005), la Loi sur la gestion du pétrole et du gaz et des fonds des Premières Nations (2005), la Loi sur le développement commercial et industriel des Premières Nations (2006), et la Loi sur le droit de propriété des Premières Nations (2009).

Modifications apportées à la Loi sur les Indiens, 2011 et 2017

Malgré une série de modifications, la Loi sur les Indiens reste discriminatoire à l’égard des femmes et de leurs descendants en ce qui concerne le droit au statut d’Indien. En 2011, le Parlement adopte la Loi sur l’équité entre les sexes relativement à l’inscription au registre des Indiens (projet de loi C-3). Il s’agit de la réponse du gouvernement fédéral à l’affaire McIvor, qui porte sur la discrimination sexuelle dans l’article 6 de la Loi sur les Indiens de 1985. Le projet de loi C-3 accorde le statut d’Indien, en vertu du paragraphe 6(2), aux petits-enfants de femmes s’étant réapproprié leur statut en 1985. Toutefois, les descendants de femmes, particulièrement les arrière-petits-enfants, n’ont pas les mêmes droits que les descendants d’hommes dans des circonstances similaires. Ainsi, même avec le projet de loi C-3, certaines personnes n’ont toujours pas accès au statut d’Indien en raison de discrimination entre les sexes.

Le projet de loi S-3 est créé en réponse à une autre affaire judiciaire concernant des aspects discriminatoires de la Loi sur les Indiens, soit l’affaire Descheneaux de 2015. On conteste cette fois-ci la manière dont le statut d’Indien est transféré aux cousins et aux frères et sœurs des personnes. Une partie du projet de loi S-3 entre en vigueur le 22 décembre 2017. Entre autres dispositions, la modification permet à un plus grand nombre de personnes de transmettre leur statut à leurs descendants et de rétablir le statut de ceux l’ayant perdu avant 1985. Par exemple, le projet de loi S-3 permet d’inscrire des personnes dont le père est inconnu et qui étaient mineures et non mariées entre 1951 et 1985, et visées par les règles d’inscription en vigueur à l’époque. L’autre partie du projet de loi, concernant le rétablissement du statut d’Indien pour les femmes et leur progéniture ayant perdu leur statut avant 1951 (l’« exclusion de 1951 »), entre en vigueur le 15 août 2019. Selon le gouvernement, « toutes les inégalités basées sur le sexe présentes dans la Loi sur les Indiens ont à présent été corrigées. »

Réformes proposées

En 2010, le gouvernement fédéral annonce son intention de travailler avec les peuples autochtones pour supprimer les parties de la Loi sur les Indiens qui donnent le pouvoir d’ouvrir des pensionnats et d’emmener de force les enfants loin de leur foyer.

Le projet de loi S-2, la Loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux, comble un vide législatif dans la Loi sur les Indiens. Il vise à garantir que les personnes vivant dans les réserves ont les mêmes droits que les autres Canadiens en matière de biens matrimoniaux. Selon le gouvernement canadien, le projet de loi S-2 est un texte de loi autonome, qui ne fait pas partie de la réforme de la Loi sur les Indiens.

Débat : conserver ou éradiquer la Loi sur les Indiens?

Si certains peuples autochtones et non autochtones demandent l’abolition de la Loi, d’autres craignent que son retrait n’érode certaines protections, comme celles relatives au statut d’Indien. Comme l’explique le chercheur David Newhouse, « [la Loi sur les Indiens] fournit la structure de la gouvernance et de la vie communautaire locales. Réformer la loi d’un seul coup, ou l’abroger, pourrait avoir un effet dévastateur sur les Premières Nations ».

De l’autre côté, les détracteurs de la Loi membres de peuples autochtones travaillent sans relâche à son démantèlement. Ces personnes espèrent que les pouvoirs de la Loi s’estomperont ou disparaîtront avec le mouvement croissant vers l’autonomie gouvernementale et la réconciliation, donnant ainsi lieu à un changement dans les relations entre le gouvernement et les Autochtones. Comme l’a énoncé Perry Bellegarde, chef de l’Assemblée des Premières Nations, en 2018 : « Nous voulons tous nous soustraire au contrôle de la Loi sur les Indiens et nous reconstituer en tant que peuples et nations autochtones dotés de droits fondamentaux inhérents. »

Héritage et importance

Malgré de nombreuses modifications au fil des ans, la version contemporaine de la Loi sur les Indiens énonce toujours les modalités du statut d’Indien, diverses règles concernant les réserves, la tutelle financière des mineurs et des personnes frappées d’incapacité mentale, la gestion des ressources des bandes, les élections et d’autres aspects de la vie dans les réserves.

La Loi sur les Indiens a eu des conséquences continues et persistantes sur les cultures, les économies, les politiques et les communautés autochtones au pays. Elle a également causé des traumatismes intergénérationnels, surtout avec les pensionnats. En effet, l’oppression et les dispositions restrictives de la Loi ont eu des conséquences dévastatrices sur des générations de peuples autochtones.