Éditorial : L’arrivée des loyalistes noirs en Nouvelle-Écosse | l'Encyclopédie Canadienne

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Éditorial : L’arrivée des loyalistes noirs en Nouvelle-Écosse

L'article suivant est un éditorial rédigé par le personnel de l'Encyclopédie canadienne. Ces articles ne sont pas généralement mis à jour.

« La liberté et une ferme. » La promesse est attrayante pour des milliers d’Afro-Américains qui se sont battus dans des régiments britanniques lors de la Révolution américaine (1775-1783) et qui cherchent à fuir l’esclavage. Suivant la guerre, ils se joignent à des dizaines de milliers de loyalistes, des réfugiés américains s’étant battus aux côtés des Britanniques.

Entre 80 000 et 100 000 loyalistes en viennent à fuir les États-Unis. Près de la moitié d’entre eux se rendent en Amérique du Nord britannique. Les vagues principales arrivent en 1783 et 1784. Le territoire qui comprend aujourd’hui les provinces maritimes devient le domicile de plus de 30 000 loyalistes. Les colons décident alors de s’installer principalement sur les côtes de la Nouvelle-Écosse, au Cap-Breton et à l’Île-du-Prince-Édouard (alors nommée l’Île-Saint-Jean).

Black Nova Scotians

Les deux plus importants peuplements de l’époque au Canada sont installés dans la vallée du fleuve Saint-Jean, aujourd’hui le Nouveau-Brunswick, et temporairement à Shelburne, en Nouvelle-Écosse. Les loyalistes engloutissent la population existante des Maritimes. En 1784, les colonies du Nouveau-Brunswick et du Cap-Breton sont formées pour gérer l’arrivée massive.

 À l’instar de la nation qu’ils fuient, les loyalistes ont des origines sociales et culturelles très variées. On trouve parmi eux des soldats et des civils, des riches et des pauvres, des Noirs, des Blancs et des Autochtones. À l’exception de leurs épreuves similaires en tant que réfugiés, ils ont très peu en commun.

Chacun d’entre eux porte allégeance à la Couronne pour des raisons différentes : l’amour du roi et du vieux pays, la peur du chaos résultant de la révolution et, de manière plus importante, la promesse de recevoir une terre gratuitement. Le gouverneur de la Nouvelle-Écosse, John Parr, comprend que la majorité des gens se rendant à Shelburne sont attirés par les terres gratuites, et « se soucient peu de la loyauté, un terme vide de sens qu’ils emploient ».

Le saviez-vous?
Au cours de la Révolution américaine, plus de 19 000 loyalistes servent dans des milices provinciales spéciales britanniques, accompagnés de plusieurs milliers d’alliés autochtones, provenant principalement du peuple haudenosaunee des Six Nations de l’État de New York. (Voir aussi : Relations entre les Autochtones et les Britanniques avant la Confédération.) D’autres passent la guerre dans des places fortes telles que New York et Boston ou dans des camps de réfugiés, comme ceux de Sorel et de Machiche, au Québec.



La belle vie que cherchent les loyalistes ne vient cependant pas sans prix. L’afflux important de population entraîne une forte demande pour des logements et des vivres, ce que la colonie peine à offrir. De nombreux loyalistes surnomment d’ailleurs leur nouveau domicile « Nova Scarcity » en raison des pénuries. Les personnes les plus laissées dans le besoin sont alors les loyalistes noirs.

Environ 3 500 Afro-Américains se rendent en Nouvelle-Écosse. Ils s’établissent dans des peuplements près de Shelburne, de Digby, de Chedabucto (Guysborough) et d’Halifax. Près de la moitié d’entre eux se rendent à Shelburne, attirés par le désir de vivre de manière indépendante, sur une terre leur appartenant et sans discrimination. La promesse faite par les Britanniques comprend 100 acres de terre pour chaque chef de ménage, 50 acres supplémentaires pour chaque membre de la famille et des vivres.

Certains loyalistes noirs, dont Richard Pierpoint, ancien esclave du Bondu (Sénégal) et militaire vétéran de la Révolution, gagnent leur liberté en se battant pour la Couronne britannique pendant la guerre. La majorité, cependant, demeure en état d’esclavage et est amenée sur les territoires britanniques en tant que butin de guerre ou propriété des loyalistes. Dans les années 1790, le nombre d’esclaves noirs au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et à l’Île-du-Prince-Édouard est estimé entre 1 200 et 2 000.

Le saviez-vous?
Pour encourager les colons américains blancs à immigrer vers le nord, le gouvernement instaure la Loi impériale de 1790. Cette loi permet aux loyalistes de l’Empire-Uni d’importer sans taxes leurs « nègres, meubles, outils d’élevage et vêtements ». Selon la loi, il leur est interdit de vendre ces biens personnels dans l’année suivant leur arrivée dans la colonie (voir Esclavage des Noirs au Canada).


Les Afro-Américains libres pensent qu’ils auront eux aussi droit à une terre gratuite, mais découvrent rapidement que le système d’attribution des terres est corrompu. Certains d’entre eux, après une attente de six ans, reçoivent un maigre quart d’acre et la plupart reçoivent des terres indésirables de l’autre côté du port de Shelburne. C’est à cet endroit qu’ils fondent Birchtown, village nommé d’après Samuel Birch, le commandant britannique de New York ayant signé leurs certifications d’embarcation (voir aussi Aminata). Ils deviennent alors victimes d’hostilité et de violence. Plusieurs en viennent à se vendre à des marchands pour une durée de service, ce qui les ramène essentiellement à l’esclavage qu’ils ont fui.

Les loyalistes noirs conservent leur force grâce à leur foi religieuse, et plusieurs chefs religieux deviennent importants dans leurs nouvelles communautés. Parmi ceux-ci, on retrouve David George, fils de parents africains esclaves en Virginie. David George, converti à la foi baptiste, est l’un des membres fondateurs, entre 1773 et 1775, de la première église afro-américaine en Amérique du Nord, située en Caroline du Sud. Il se rend à Shelburne en 1783. Ses sermons émotifs attirent autant les colons noirs que les colons blancs. En 1784, il a déjà mis sur pied une chapelle à Shelburne.

Le nombre de fidèles de David George continue d’augmenter. Il devient le pasteur le plus célèbre de la province et prêche dans les villages noirs, offrant aux gens force et encouragements. Il provoque le courroux de bien des gens, qui haïssent tant son message que la couleur de sa peau et deviennent violents lorsque le pasteur défie la hiérarchie raciale établie en baptisant des loyalistes blancs.

Les tensions raciales grandissantes entre Shelburne et Birchtown atteignent finalement leur paroxysme et, le 26 juillet 1784, un groupe de loyalistes blancs détruit la maison de David George. Le groupe ne s’arrête pas là : il détruit ensuite les maisons d’une vingtaine d’autres Noirs vivant sur la propriété du baptiste. L’émeute dure une dizaine de jours (voir Émeutes raciales de Shelburne).

Plus tard, David George déclare que « la persécution avait augmenté et était devenue si grande qu’il semblait impossible de prêcher et [qu’il a cru] devoir quitter Shelburne ».

Le saviez-vous?
Thomas Peters, un esclave s’étant battu pour sa liberté aux côtés des Britanniques lors de la Révolution américaine, se rend à Londres en 1790. Il apporte des pétitions pour exposer les injustices subies par les Noirs en Nouvelle-Écosse, y compris la privation du droit de vote, du procès devant jury et d’une attribution équitable des terres. À Londres, il rencontre la Sierra Leone Company, dont la colonie pour esclaves libres en Afrique de l’Ouest cherche des colons noirs. Il revient en Amérique du Nord avec un projet financé par le gouvernement et offrant des terres gratuites et l’indépendance en Sierra Leone.

Plusieurs restent en Amérique du Nord et bâtissent une communauté noire permanente en Nouvelle-Écosse. David George et plus d’un tiers de la population noire de Shelburne, toutefois, accepte l’offre des philanthropes britanniques. Mécontents du fait que les Noirs ne puissent pas voter, profiter d’un procès devant jury ou obtenir de terres de manière équitable, environ 1 200 loyalistes noirs émigrent vers la Sierra Leone en 1792 et forment la colonie de Freetown. Les descendants de ces loyalistes noirs en Sierra Leone se distinguent aujourd’hui par leur patrimoine néo-écossais.

Voir aussi : Africville; Centre culturel noir de la Nouvelle-Écosse; Canadiens noirs.

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