Baptistes au Canada | l'Encyclopédie Canadienne

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Baptistes au Canada

Le terme «baptiste» provient du nom donné aux chrétiens qui se font baptiser après avoir fait une profession de foi plutôt que lorsqu’ils sont bébés. En cela, ils se distinguent des autres chrétiens qui pratiquent le baptême infantile (ou pédobaptême). Selon l’enquête nationale auprès des ménages (ENM) de 2011, quelque 635 840 personnes se sont dites baptistes au Canada.

Église baptiste unie africaine de Seaview, Africville, vers 1965.

Des garçons traversent la voie ferrée en direction de l’église baptiste unie africaine de Seaview, à Africville, vers 1965.

Contexte

On croit généralement que les premiers baptistes adoptent cette pratique au 16e siècle, même si des théologiens baptistes prétendent que ce mode de baptême vient du Nouveau Testament et de son époque. Appelés anabaptistes au départ (ce qui signifie « rebaptisé »), ces chrétiens évoluent selon plusieurs traditions en Europe et en Angleterre. Les Églises chrétiennes qui conçoivent ainsi le baptême, telles que les mennonites, sont désignées anabaptistes tandis que celles qui sont apparues en Angleterre reçoivent le nom de baptistes ; les deux termes s’appliquent aux chrétiens du Canada qui reçoivent le baptême après une profession de foi. 

L’estimation du nombre de baptistes et d’églises baptistes est devenue chose ardue. En effet, au Canada, nombre d’entre elles ont évolué pour élargir leur communauté, modifiant leur nom, mais sans faire de changement important à leur théologie. Le fait de remplacer « église baptiste » par « église communautaire » ou d’utiliser les termes « grâce » ou « fraternité » correspond à un désir d’appartenir à une communauté admise par la société et à une réaction aux stéréotypes négatifs selon lesquels les baptistes sont démodés et leurs églises hors de propos. Ainsi, il devient compliqué de reconnaître les communautés baptistes ou les églises qui adhèrent aux principes baptistes au point de faire craindre parfois que l’héritage baptiste se soit perdu. Certains, au contraire, considèrent qu’un changement d’identité représente une adaptation au monde contemporain et permet aux baptistes de conserver des liens riches et sains avec la société.

Le saviez-vous?
Les statistiques sur le nombre de membres des églises baptistes ne tiennent pas compte des enfants et des simples adhérents. Ces deux derniers groupes participent activement à la vie religieuse mais, normalement, ils ne sont pas membres de l’église avant d’y avoir adhéré publiquement par une profession de foi et d’avoir reçu le baptême.

Comme dans les autres confessions protestantes, le nombre de fidèles constitue un pourcentage de moins en moins grand de la population du Canada ; par exemple, en 1921, 4,8 % de la population est baptiste en comparaison de 2,4 % en 1991. Au recensement de 2001, un peu moins de 730 000 Canadiens se disent baptistes, soit 2,5 % de la population, et parmi eux, 68 % ont plus de 25 ans, dont 40,5 % sont ou approchent l’âge de la retraite (55 ans et plus). Selon l’enquête nationale auprès des ménages (ENM) de 2011, quelque 635 840 personnes se sont dites baptistes au Canada.

Croyances fondamentales

Comme les chrétiens de beaucoup d’autres tendances évangéliques, les baptistes privilégient la Bible en tant que source de foi. Ils laissent aux fidèles la liberté de l’interpréter et croient que le Saint-Esprit aide chaque croyant à se forger sa propre compréhension du message biblique. Les membres de l’église se voient comme un groupe d’« élus ». Ils y adhèrent seulement par une profession de foi reconnue par le baptême, symbole d’une transformation et d’une vie nouvelle. Traditionnellement, depuis les années 1640, le croyant devait être baptisé pour entrer dans l’Église mais, aujourd’hui, on assiste à une tendance d’ouverture qui n’exige plus que les membres soient baptisés.

Outre le baptême, l’autre sacrement ou rite est la communion (banquet du Seigneur) à laquelle toutes les personnes présentes sont invitées à participer. Dans les églises baptistes, ce rite n’est pas restreint, mais les membres présents sont encouragés à adopter de bonnes intentions et à confesser leurs faiblesses avant d’y participer.

La théologie baptiste est orthodoxe et progressiste. À part le rite caractéristique du baptême et les aspects théologiques de l’Église, les baptistes croient aux doctrines chrétiennes traditionnelles réaffirmées à l’époque de la Réforme : la trinité, la virginité de Marie, la résurrection de Jésus-Christ et son retour à la fin des temps.

Direction et organisation

Le ministère est considéré comme un service auquel tous les disciples sont appelés afin d’exercer leurs dons ; c’est le sacerdoce de tous les croyants. Le rôle du pasteur est considéré comme une vocation à plein temps qui consiste à prêcher, à enseigner, à conseiller, à former et à coordonner le ministère qu’exerce chacun des membres. Dans plusieurs églises baptistes, l’ordination, qui peut être reçue tant par les femmes que les hommes, n’est pas un sacrement. Elle est la reconnaissance publique de la vocation, des dons et de la formation reçue en vue d’exercer le ministère. Les diacres sont des laïcs, hommes et femmes, élus parmi la communauté locale pour aider aux tâches pastorales, à la célébration de la communion et à l’administration générale.

Les baptistes ne s’entendent pas sur l’ordination des femmes ; certaines églises gardent une position plus traditionnelle et limitent l’accès à la fonction de pasteur « principal » aux hommes. La direction est devenue un aspect de plus en plus important dans les églises baptistes, comme en témoigne une nomination historique récente en matière de direction à l’Acadia Divinity College.

La nature de l’église locale en tant qu’assemblée de fidèles est au cœur des croyances. Les églises locales sont libres de prendre des décisions concernant les croyances, les usages, la nomination des pasteurs et toutes les autres questions dont s’occupe l’église. Pour les baptistes, l’Église repose sur des fidèles, ou élus, plutôt que sur une construction ou une confession historiques. La nature décentralisée de l’Église et de son administration fait en sorte que les baptistes du Canada restent dispersés dans des fraternités, fédérations, assemblées et congrégations régionales. Cette structure moderne découle des premiers principes non conformistes de liberté religieuse et de séparation de l’Église et de l’État. Malgré cette séparation, les baptistes gardent de l’influence sur le plan politique, économique et culturel, là où leurs membres sont en nombre suffisant.

Tout en gardant leur indépendance, les baptistes appartiennent néanmoins à une communauté baptiste élargie. Leurs principaux regroupements sont l’Association of Regular Baptist Churches, la Baptist General Conference of Canada, les Ministères baptistes canadiens, la Canadian National Baptist Convention et les Fellowship of Evangelical Baptist Churches in Canada.

Provinces de l’Atlantique

La première église baptiste anglophone est fondée en 1609 à Amsterdam, en Hollande, par des réfugiés puritains venus d’Angleterre. La plus ancienne communauté britannique est mise sur pied en 1612 près de Londres. La première communauté américaine est établie en 1639, à Providence, dans le Rhode Island. Des pasteurs venus du Massachusetts fondent les premières églises baptistes du Canada à Sackville, en Nouvelle-Écosse (maintenant au Nouveau-Brunswick), en 1763, et à Horton (maintenant appelée Wolfville), en Nouvelle-Écosse, en 1765 ou 1766. Les deux communautés disparaissent au milieu des années 1770, bien que l’église de Wolfville, réorganisée en 1778, soit l’église baptiste la plus ancienne parmi celles existant encore au Canada. Le Grand Réveil en Nouvelle-Écosse et les mouvements de réveil du 19e siècle favorisent la croissance rapide de l’Église baptiste dans les Maritimes. Au Nouveau-Brunswick, les baptistes deviennent la plus importante confession protestante.

Au début, la majorité des baptistes adhère à la tendance théologique commune (Calvinisme) tandis qu’une minorité approuve la doctrine opposée du libre arbitre (arminianisme) selon laquelle le salut est possible pour tous. Les deux groupes fusionnent en 1906 pour former l’United Baptist Convention of the Maritime Provinces (UBCMP).

En 1963, « Maritime » est remplacé par « Atlantique » afin d’inclure Terre-Neuve, où des églises baptistes se sont formées dans les années 1950 ; en 2001, l’organisme change de nom et devient l’UBCAP. Ce n’est que dans les provinces de l’Atlantique que les baptistes canadiens ont évité le schisme entre les organisations.

Le saviez-vous?
Les églises faisant partie de l’African United Baptist Association, section de l’UBCAP, sont très importantes dans la communauté historique noire de Nouvelle-Écosse. (Voir Africville.)

Église baptiste unie africaine de Seaview

L’église baptiste unie africaine de Seaview est créée à Africville, en Nouvelle-Écosse, en 1849. Démolie en 1969, elle est reconstruite à l’été 2011.

Ontario et Québec

Dans le Haut et le Bas-Canada, la vie baptiste est marquée dès le début par les divergences de croyances et de traditions entre immigrants américains et britanniques. Les premières églises sont établies par des pasteurs américains : le Caldwell’s Manor (Cantons de l’Est, Bas-Canada) en 1794 et une église près de Beamsville (Haut-Canada) en 1796. Des immigrants britanniques défendent l’accès libre à la communion dans les églises fondées vers la fin des années 1700 par des ministres du culte américains qui refusent la communion aux baptistes.

À partir de 1815, des Écossais venus des Highlands introduisent la tradition du mouvement de réveil de James et Robert Haldane dans la vallée de l’Outaouais. Pendant plusieurs décennies, des controverses touchant la pratique de la communion et d’autres désaccords empêchent la coopération dans le travail missionnaire et l’éducation. En 1888, deux organisations régionales fusionnent pour former la Convention baptiste de l’Ontario et du Québec (CBOQ).

À partir des années 1830, des esclaves qui fuient le sud des États-Unis en empruntant le chemin de fer clandestin forment un réseau de congrégations de Noirs. Au cours des années 1830, des immigrants francophones suisses arrivent au Québec. (Voir Canadiens d’origine suisse.) Ils introduisent, sous la direction d’Henriette Feller (1800-1868), le travail missionnaire baptiste à Montréal et dans les Cantons de l’Est (mission de la Grande Ligne). En 1969, les églises francophones forment leur propre Union des églises baptistes françaises du Canada (UEBFC).

Provinces de l’Ouest

En 1873, les baptistes de l’Ontario envoient un pasteur à Winnipeg. La première église baptiste y est établie en 1875, et la Convention baptiste du Manitoba et des Territoires du Nord-Ouest, en 1884. Entre-temps, des églises sont fondées sur la côte du Pacifique, à Victoria (1876) et à New Westminster (1878). En 1897, on fonde la Convention des églises baptistes en Colombie-Britannique. Dix ans plus tard, les églises des provinces de l’Ouest se regroupent pour former la Baptist Convention of Western Canada, renommée la Baptist Union of Western Canada (BUWC) en 1909, et la Canadian Baptists of Western Canada en 2007. Dans le centre et l’ouest du Canada, vu la croissance qu’elles ont connue depuis les années 1900, les communautés baptistes, qui comptent beaucoup d’immigrants dans leurs rangs, offrent des services religieux en plus de 30 langues.

Autres groupes baptistes

La Fédération des églises baptistes du Canada est créée en 1944. En 1983, elle est renommée Fédération baptiste canadienne (FBC). La principale organisation nationale baptiste du Canada est les Ministères baptistes canadiens ou Canadian Baptist Ministries (CBM). C’est une association de quatre groupes régionaux : la Convention baptiste de l’Ontario et du Québec, les Canadian Baptists of Western Canada (précédemment la Baptist Union of Western Canada), la Convention of Atlantic Baptist Churches et l’Union d’églises baptistes françaises au Canada. Elle est née de la fusion, en 1995, des Ministères baptistes canadiens et de la Fédération baptiste canadienne.

Malgré leur enracinement dans la tradition protestante canadienne, trois autres conventions et plusieurs groupes plus petits entretiennent des liens étroits avec leurs homologues des États-Unis, même s’ils possèdent maintenant leur propre administration au Canada. À l’origine, la North American Baptist Conference (NABC) est une association d’églises germanophones. En 1851, la plus ancienne communauté du genre est fondée à Bridgeport, en Ontario (près de Kitchener-Waterloo), mais la plupart se trouvent aujourd’hui dans les provinces de l’Ouest et ont perdu depuis longtemps leur caractère ethnique.

Dans les années 1890, des immigrants suédois fondent des églises baptistes entre autres à Waterville, au Québec, et à Winnipeg. (Voir Canadiens d’origine suédoise.) Leurs descendants perpétuent une association distincte appelée Baptist General Conference of Canada. Aujourd’hui, presque toutes leurs communautés se trouvent dans l’ouest du pays.

À partir des années 1950, malgré les protestations des anciennes organisations baptistes fondées au Canada, la plus grande confession protestante des États-Unis, celle des Southern Baptists, vient s’établir dans l’ouest et le centre du Canada. En 1985, les communautés, affiliées au début à l’organisation américaine, forment la Canadian Convention of Southern Baptists, renommée Canadian National Baptist Convention en 2008. Celle-ci compte des églises affiliées dans toutes les provinces sauf celles de l’Atlantique. Quelques églises membres des Bible Baptist Churches et des Églises baptistes du septième jour sont rattachées aux organismes américains correspondants.

La mosaïque baptiste canadienne s’est également enrichie de plusieurs petits groupes ayant des caractères particuliers. Par exemple, l’Alliance des églises baptistes réformées, fondée au Nouveau-Brunswick en 1888 dans le cadre du mouvement de sanctification, fusionne avec l’Église méthodiste wesleyenne en 1966. Le nouvel organisme se joint à la Pilgrim Holiness Church en 1968 et devient l’Église wesleyenne.

Vers 1875, George W. Orser préside la fondation de la Primitive Baptist Conference of New Brunswick. Cette conférence noue récemment des liens avec la National Association of Free-Will Baptists, un organisme des États-Unis. L’Association of Regular Baptist Churches du Canada, organisée en 1957, regroupe un petit nombre d’églises sous l’égide de la Jarvis Street Baptist Church, à Toronto. De plus, bon nombre de communautés baptistes sont indépendantes, sans affiliation à un organisme plus vaste.

Contributions au Canada

Au fil du temps, de nombreux baptistes apportent d’importantes contributions à leur communauté au Canada. Parmi ces chefs de file et chercheurs, nommons Jonathan Wilson, PhD, professeur de théologie au Carey Theological College, qui fait considérablement évoluer la pensée théologique et la discussion des questions religieuses et de la justice sociale au Canada, Gary Nelson, PhD, ex-secrétaire général des Ministères baptistes canadiens qui participe à l’influence mondiale des baptistes dans le travail missionnaire et les partenariats outremer. En matière de recherches bibliques, Craig A. Evans, PhD., de l’Acadia Divinity College, obtient une renommée internationale pour sa critique des interprétations populistes de la littérature biblique. Brian D. MacArthur, DM, président de l’Université Crandall du Nouveau-Brunswick, étend les compétences de la seule université chrétienne du Canada atlantique, et le McMaster Divinity College crée un programme de doctorat sous la direction de son président, M. Stanley E. Porter, PhD.

Coopération avec d’autres chrétiens

Plusieurs conventions ou conférences participent à l’Alliance baptiste mondiale. Des divergences d’attitudes existent parmi les baptistes quant aux relations œcuméniques. Beaucoup d’assemblées canadiennes collaborent avec d’autres églises en matière d’évangélisation, de service conjoint et de ministères sociaux. De plus, beaucoup appuient l’Evangelical Fellowship of Canada (EFC). (Voir Évangélisme et évangélistes.) Les Canadian Baptists of Western Canada et la Baptist General Conference sont des organisations membres de l’EFC. Dès sa fondation, en 1944, la Fédération baptiste canadienne adhère au Conseil canadien des églises (CCE), mais la quitte en 1980 à cause de l’absence de consensus entre les quatre conventions qui la constituent. Seule la CBOQ demeure membre du CCE. Aucune association baptiste canadienne ne fait partie du Conseil œcuménique des Églises (COE).

Enseignement supérieur et politique

Des années 1820 aux années 1860, des baptistes prennent conscience collectivement de l’existence d’une discrimination contre les églises libres. En Ontario, les baptistes sont les initiateurs de la lutte concernant les Réserves du clergé et de la fondation d’une université non sectaire à Toronto. Pendant ce temps, en Nouvelle-Écosse, l’Acadia College devient le premier établissement postsecondaire au Canada à ne pas imposer de profession de foi aux étudiants et aux professeurs.

Les baptistes fondent plusieurs collèges : l’Acadia College (1838), qui devient plus tard l’université Acadia, le Canada Baptist College (Montréal, 1838-1849), le Woodstock College (Woodstock, Ontario, 1857) et le Toronto Baptist College (1881), tous deux remplacés par l’université McMaster, le Brandon College (1899-1938), devenu l’université Brandon. Aucun de ces établissements n’est maintenant dirigé par des baptistes. Cependant, les diverses assemblées et conférences baptistes dirigent actuellement deux collèges, onze séminaires et plusieurs écoles bibliques et centres de formation des laïcs. Toutefois, la nature de la formation théologique baptiste change, car de plus en plus d’églises nomment des ministres qui n’ont pas étudié dans un séminaire.

Parmi les nombreux éducateurs et érudits baptistes, deux méritent une mention spéciale : George P. Gilmour, recteur de l’Université McMaster (1950-1961), et Watson Kirkconnell, recteur de l’Université Acadia (1948-1964). Plusieurs chefs politiques ont des liens étroits avec des associations baptistes, notamment les premiers ministres canadiens Alexander Mackenzie, Charles Tupper et John Diefenbaker et les premiers ministres provinciaux William Aberhart, Ernest Manning et Thomas (Tommy) Douglas.

Évolution contemporaine

Internet et les réseaux sociaux modifient la perception de l’Église baptiste chez beaucoup de jeunes, et de nombreuses églises se mettent à utiliser la technologie dans la poursuite de leur ministère. Apparaît une tendance à offrir des services de l’église en ligne et en baladodiffusion, nommés « déodiffusions » (Godcasts). De plus, des stations de radio baptistes continuent d’offrir des services à distance à leur région, tout comme les premiers évangélistes le faisaient à cheval.

La question de la compréhension théologique influence de nombreuses églises baptistes qui qualifient de « baptiste » un lieu de culte plutôt qu’une personne ou une communauté : on n’est plus baptiste, mais on appartient à une église chrétienne qui se définit, en termes théologiques, plus globalement, comme fondée sur le baptême du croyant.

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