Début des mouvements de femmes au Canada : 1867-1960 | l'Encyclopédie Canadienne

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Début des mouvements de femmes au Canada : 1867-1960

Les mouvements de femmes (ou mouvements féministes) du XIXe et du début du XXe siècle – souvent désignés comme la première vague du féminisme – comprennent des campagnes en faveur de la tempérance, du droit de vote des femmes, du pacifisme, des droits de la main-d’œuvre et de l’accès aux soins de santé.

Les mouvements de femmes (ou mouvements féministes) du XIXe et du début du XXe siècle – souvent désignés comme la première vague du féminisme – comprennent des campagnes en faveur de la tempérance, du droit de vote des femmes, du pacifisme, des droits de la main-d’œuvre et de l’accès aux soins de santé. La mobilisation et l’organisation par les militantes féministes au cours de cette période sont souvent motivées par la réalisation de l’égalité juridique et politique.

Cet article est le premier d’une série de trois portant sur l’histoire des mouvements de femmes au Canada. Voir également Mouvements de femmes au Canada : 1960-1985 et Mouvements de femmes au Canada : de 1985 à aujourd’hui.

Groupes et causes

Du début au milieu du XIXe siècle, la plupart des Canadiennes collaborent avec leurs semblables. Compte tenu de leur statut socioéconomique, les femmes de la classe moyenne d’origine européenne ont une occasion unique de se regrouper. Ce sont les groupes constitués par ces femmes, telles que les sociétés missionnaires, la Woman’s Christian Temperance Union (WCTU), le Conseil national des femmes du Canada (CNFC) et la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste (FNSJB), qui attirent le plus l’attention des chercheurs.

Mary Ann Shadd Cary, c. 1845-55.
The Provincial Freeman.
Image: Archives of Ontario/microfilm N 40, Reel 1.\r\n
Pauline Johnson
Pauline Johnson est surtout connue pour sa poésie qui fait l'éloge de son héritage culturel autochtone.

De nombreuses militantes des premières années prônent d’abord et avant tout le droit de vote des femmes et la réforme des sociétés dominées par la classe blanche, urbaine et masculine du Canada. Bien que les groupes organisés de femmes francophones et anglophones soient souvent exploités dans ce que l’on appelle « les deux solitudes » (c’est-à-dire, séparés les uns des autres et en grande partie sans interaction), la plupart des femmes semblent supposer qu’une capacité commune à élever des enfants signifie qu’elles peuvent parler au nom de toutes les femmes. D’autres groupes – notamment les socialistes, les agricultrices et les femmes d’origine non européenne – souhaitent néanmoins s’exprimer d’elles-mêmes. Mary Ann Shadd, abolitionniste noire s’exprimant en faveur du droit de vote des femmes dans son journal Provincial Freeman, ajoute sa voix à la cause féministe, majoritairement blanche. D’autre part, E. Pauline Johnson, poète mohawk-britannique de grande renommée, n’est pas disposée à appuyer publiquement le droit de vote des femmes – à l’instar de nombreuses femmes de cette époque. Certaines femmes marginalisées prennent l’initiative par le biais de groupes tels que les Chevaliers du Travail (à partir de 1886) et l’International Ladies’ Garment Workers’ Union (à partir de 1900). Quelques-unes des causes principales défendues par les premiers mouvements de femmes, telles que les réformes en droit de la famille en éducation, en santé publique et en emploi, apportent d’importants avantages.

Chevaliers du Travail
Les chevaliers du Travail de Hamilton défilent en descendant la rue King, vers les années 1880.
Usine de textile, ouvriers dans une (1908)
La vie industrielle a changé la structure économique de la société (avec la permission des City of Toronto Archives/coll. James 137/SC244-37).

Parmi les premières coalitions de groupes de femmes, plusieurs, comme le CNFC (mis sur pied en 1893) et la FNSJB (1907), reconnaissent et représentent des préoccupations et des causes relativement diversifiées, faisant la promesse de parler d’une seule voix. Le potentiel de coalitions plus vastes est à cette époque – et demeure aujourd’hui – un thème central dans les mouvements de femmes canadiens.

Droit de vote des femmes et droits de l’homme : mise à l’essai

Lorsque se termine la Première Guerre mondiale en 1918, la plupart des Canadiennes ont obtenu le droit de vote; les groupes organisés sont souvent incertains quant aux étapes suivantes (voir Organisations féminines). Certains se demandent s’ils doivent maintenant se réorganiser en tant que groupes indépendants et non partisans, établir des partis politiques distincts pour les femmes, ou encore rehausser le travail des groupes à prédominance masculine grâce aux idées acquises à travers l’expérience féminine. Peu de groupes politiques distincts émergent à cette époque; en revanche, les femmes mettent sur pied de nouvelles associations et travaillent souvent aux côtés des hommes lors d’événements sociaux et de campagnes politiques, notamment dans la Société des Nations, au Parti communiste du Canada, dans la Ligue canadienne du contrôle des naissances et dans la Société canadienne de la Croix-Rouge. De nouvelles possibilités se présentent aux femmes au Conseil national des femmes juives du Canada, à la Canadian Negro Women’s Association, à la Fédération des instituts féminins du Canada, dans les ligues ouvrières féminines et dans la Ligue des femmes catholiques du Canada. Certains groupes, comme la Women’s Missionary Society de l’Église Unie, sont exploités de façon presque entièrement indépendante. L’Imperial Order Daughter of the Empire et les Women’s Canadian Clubs, fondés au début du XXe siècle, sont animés d’un patriotisme laïque. La Ukrainian Women’s Association of Canada offre quant à elle à ses membres une autre forme de nationalisme. La Fédération canadienne des femmes diplômées des universités revendique l’égalité en éducation et au travail. Des syndicats tels que l’International Ladies’ Garment Workers appuient les travailleuses. L’Association nationale canadienne des infirmières et la Federation of Women Teachers’ Associations of Ontario en font tout autant. La Fédération canadienne des clubs de femmes de carrière voit le jour en même temps que son homologue internationale en 1930, revendiquant l’égalité en emploi.

Thér\u00e8se Casgrain
Thér\u00e8se Casgrain est l'une des grandes réformatrices du XXe si\u00e8cle.

La cause du droit de vote continue de mobiliser les femmes dans les provinces où ce droit n’existe toujours pas. Au Québec, l’Alliance canadienne pour le vote des femmes du Québec et la Ligue des droits de la femme prennent les choses en main, jusqu’à l’obtention du droit de vote des femmes en 1940.


Là où elles ont déjà le droit de vote, les femmes se mobilisent au sein de groupes comme la Women Electors Association (Toronto) et le Women’s Forum (Vancouver). Tout comme les syndicats, les partis conservateur, libéral, communistes, du Crédit social et de la Co-operative Commonwealth Federation offrent des possibilités, en général très limitées, aux femmes de façon exclusive et aux campagnes mixtes. Les femmes qui aspirent à l’internationalisation de la cause se joignent à la Ligue internationale de femmes pour la paix et la liberté (LIFPL) et à des groupes comme le Comité national canadien sur les réfugiés et le Congrès canadien de la paix. Les liens qu’elle entretient avec les organisateurs américains de campagnes anti-impérialistes défendant les droits de l’homme mettent la LIFPL à l’avant-scène du mouvement canadien contre le racisme.

Les grandes coalitions nationales comme le CNFC apportent une contribution significative à l’avancement des causes féministes, avec par exemple l’affaire des femmes non reconnues civilement (1929) et le maintien de la citoyenneté des femmes mariées (1947). Les femmes cherchent également à établir des partenariats locaux avec des groupes connus comme les conseils locaux de femmes, ainsi qu’auprès des nouveaux arrivants, comme c’est le cas du Mothers’ Council de Vancouver durant la Crise des années 1930.

Même si, avant 1960, les femmes ne se mobilisent pas pour améliorer la société et le gouvernement de façon aussi efficace que pour l’obtention du droit de vote, les efforts déployés à cette époque ne sont pas sans résultats. L’introduction de la sécurité sociale est attribuable, en grande partie, à des efforts coopératifs, à commencer par les pensions maternelles au cours de la Première Guerre mondiale, les pensions de vieillesse en 1927 et la création, en 1954, du Bureau de la main-d’œuvre féminine. Les groupes de femmes contestent l’opposition à l’égalité des salaires, la violence endémique faite aux femmes et aux enfants et le soutien insuffisant offert aux femmes œuvrant en politique. Bien que peu d’entre elles osent se proclamer ouvertement féministes, les militantes jouent un rôle crucial dans le développement d’une communauté plus solide.

Les principaux groupes de femmes ne semblent se préoccuper que des personnes blanches et hétérosexuelles, d’une classe sociale comparable à la leur. Les femmes autochtones et d’autres races se regroupent avec des femmes de leur propre communauté. Même les « deux peuples fondateurs » du Canada, tels qu’on les appelle, ont très peu de contacts entre eux. La même ignorance et la même arrogance qui, jadis, ont empoisonné si souvent les relations entre francophones et anglophones créent ainsi de nouveaux problèmes entre les femmes blanches et les femmes de couleur. Pendant de nombreuses années, les femmes homosexuelles et transsexuelles se heurteront à des préjugés bien ancrés qui, s’ils sont moins visibles que les préjugés raciaux, ne seront abordés dans la société qu’au XXIe siècle.

Importance et héritage

Les premiers mouvements de femmes se caractérisent par le grand courage de leurs militantes, ainsi que par leur diversité et des priorités souvent contradictoires. Ils évoquent également les possibilités et les problèmes liés à la mise sur pied de vastes coalitions pour lutter contre le sexisme et la misogynie. Trop souvent, les intérêts particuliers – d’une classe, d’une race, d’une religion ou d’un groupe d’affinités particuliers – minent les efforts collectifs. Il est évident que la lutte pour les droits des femmes (ou féminisme) n’a pas attiré toutes les femmes; par loyauté, par méfiance ou par peur de représailles, beaucoup ont préféré garder le silence ou demeurer dans le camp adverse. La lutte longue – et souvent inachevée – des militantes pour de meilleures conditions en matière d’éducation, de droit, d’emploi et de soins de santé fait foi d’inégalités encore bien réelles.

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