Revues littéraires de langue anglaise | l'Encyclopédie Canadienne

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Revues littéraires de langue anglaise

Après quelques balbutiements, dont la publication du Nova Scotia Magazine (1789-1792) à Halifax et du Magasin (sic) de Québec/Quebec Magazine (1792-1794), la publication de périodiques littéraires dans les colonies britanniques d'Amérique du Nord se développe au cours des années 1820 et 1830.
Scott, Frank
Photographié \u00e0 titre de président national au congr\u00e8s de la Co-operative Commonwealth Federation, en 1948. Frank Scott participe également \u00e0 la vie littéraire, intellectuelle et juridique du Canada (avec la permission des Biblioth\u00e8que et Archives Canada/PA-1162815).

Revues littéraires de langue anglaise

Après quelques balbutiements, dont la publication du Nova Scotia Magazine (1789-1792) à Halifax et du Magasin (sic) de Québec/Quebec Magazine (1792-1794), la publication de périodiques littéraires dans les colonies britanniques d'Amérique du Nord se développe au cours des années 1820 et 1830. La présence d'une classe moyenne de plus en plus nombreuse et davantage instruite favorise cet essor. Les premiers périodiques contiennent surtout des extraits de livres, de journaux et de revues britanniques et américaines. Cependant certains éditeurs patriotiques encouragent une littérature nationale, ce qui suscite une augmentation du nombre de collaborateurs locaux et de textes originaux.

Les articles sont soit anonymes, soit signés des initiales de l'auteur ou d'un pseudonyme, par exemple « Canadensis ». Cette tradition de l'anonymat persiste jusqu'à la fin du XIXe siècle. Certains périodiques, comme Christian Recorder (Kingston et York, 1819-1820, le premier périodique du Haut-Canada), Literary Miscellany (Montréal, 1822-1823), Canadian Magazine & Literary Repository (Montréal, 1823-1825), le Acadian Recorder, or Literary Mirror (Halifax, 1823-1825) sont éclectiques : le lecteur peut y lire des récits historiques, des articles d'actualité, des récits de voyages, des contes et de la poésie. Le terme magazine est utilisé dans son sens premier « magasin ».

D'autres périodiques comme le Canadian Garland (Hamilton, 1832-1833), le Colonial Pearl (Halifax, 1837-1840), l'Amaranth (Saint-Jean, 1841-1843) et le Mayflower (Halifax, 1851-1852) offrent une littérature de bon ton. Le Literary Garland, publié à Montréal de 1838 à 1851 par John Lovell et dirigé par John Gibson, est celui qui a le plus de succès. Susanna MOODIE en est la principale collaboratrice avec John RICHARDSON, Charles SANGSTER, Catharine Parr TRAILL et Anna JAMESON. Le Victoria Magazine (1847-1848), lancé par M. et Mme Moodie à Belleville, a une carrière plus courte : il cesse de paraître au bout d'un an.

Au milieu du siècle, les améliorations apportées à l'imprimerie et une hausse du taux d'alphabétisation ouvrent de nouveaux marchés aux publications spécialisés, en particulier à celles consacrées à la religion. En 1852, le Royal Canadian Institute fonde le Canadian Journal : A Repertory of Industry, Science and Art. D'abord dirigée par le géologue et explorateur Henry Y. HIND, cette revue devient très utile aux professeurs des toutes les nouvelles universités de l'Est canadien et de l'Ouest canadien. Il est supplanté par le Proceedings, publié par l'institut en 1878.

Confrontés à la concurrence des hebdomadaires, à la facilité avec laquelle les lecteurs ont accès aux périodiques britanniques et américains et aux problèmes de distribution auprès d'une population dispersée, les éditeurs tentent de gagner un auditoire national en publiant l'Anglo-American Magazine (Toronto, 1852-1855), dirigé par R.J. McGeorge, le British American Magazine (Toronto, 1863-1864), publié par G. Mercer Adam et dirigé par Hind, le New Dominion Monthly (Montréal, 1867-1869), dirigé par John Dougall et le Stewart's Literary Quarterly (Saint-Jean, 1868-1872), dirigé par George Stewart fils.

Le Canadian Monthly and National Review est lancé en 1872, encouragé par le nouveau nationalisme manifesté de toutes parts après la Confédération. Publié par Adam avec, au début, le concours financier et rédactionnel de Goldwin SMITH, il fusionne, en 1878, avec le Belford's Monthly (1876-1878) pour devenir le Rose-Belford's Canadian Monthly and National Review. Pendant ses dix années de parution, la plupart des personnalités dominantes de l'époque y collaborent par leurs articles, essais, textes de fiction et poésie. Le ton intellectuel et la morale rigoureuse qui le caractérisent en font une tribune non partisane que les écrivains utilisent pour traiter de sujets controversés et donne l'élan à la création d'une littérature canadienne. Smith poursuit son oeuvre avec sa chronique sur l'actualité dans The Bystander (1880-1883; 1889-1890) et The Week (1883-1896), dont le premier rédacteur en chef est Charles G.D. ROBERTS.

À la fin du siècle, les hebdomadaires et magazines de masse, notamment SATURDAY NIGHT (depuis 1887), Dominion Illustrated (1888-1895), Canadian Magazine (1893-1939) et MACLEAN'S (depuis 1896) commencent à prospérer avec l'intérêt de plus en plus marqué des annonceurs qui croient en leur avenir. Plusieurs publications trimestrielles universitaires sont lancées (voir PÉRIODIQUES LITTÉRAIRES DE LANGUE ANGLAISE). THE UNIVERSITY MAGAZINE (1907-1920) succède à McGill University Magazine (1901-1906). D'autres revues régionales font leur apparition à cette époque : le New Brunswick Magazine (Saint-Jean, 1898-1905), Great West Magazine (Winnipeg, 1891-1908), Prince Edward Island Magazine (Charlottetown, 1899-1905), Acadiensis (Saint-Jean, 1901-1908) et Westminster Hall (Vancouver, 1911-1927). Ces revues sont des outils inestimables qui permettent de connaître la vie sociale et politique de même que les idées et les goûts littéraires de l'époque.

MARILYN G. FLITTON

Périodes moderne et contemporaine

Avant la Première Guerre mondiale, les écrivains canadiens s'inspirent d'auteurs britanniques et américains, mais, après 1918, les périodiques publiés au Canada posent les jalons de l'activité littéraire canadienne. Saturday Night a toujours fait état de l'évolution de la littérature canadienne et, aujourd'hui, le CANADIAN FORUM (depuis 1920) pourrait souligner avec fierté les réalisations du THÉÂTRE canadien et du GROUPE DES SEPT. Le Dalhousie Review (depuis 1921) publie d'importants essais sur l'émergence du nationalisme canadien.

La CANADIAN AUTHORS ASSOCIATION (CAA) , fondée en 1921, publie son premier organe officiel, Canadian Bookman, auquel succède Author's Bulletin (1923-1933) et Canadian Author. En 1940, ces deux périodiques fusionnent pour former Canadian Author & Bookman. Le Canadian Poetry Magazine (depuis 1936), lui aussi sous l'égide de la CAA, est intégré au Canadian Author & Bookman en 1968.

Le principal précurseur des périodiques littéraires des dernières années reste sans contredit le supplément du McGill Daily, fondé par Frank SCOTT et A.J.M. SMITH, qui devient le McGill Fortnightly Review (1925-1927). Scott quitte ce dernier pour le Canadian Mercury (1928-1929) qui attaque les positions traditionnels du CAA. Copié sur les modèles britanniques, ce périodique montréalais révolutionne la poésie canadienne en s'inspirant de T.S. Eliot et Ezra Pound. Excepté le UNIVERSITY OF TORONTO QUARTERLY (depuis 1931), qui jette les bases de la critique canadienne, les années qui suivent la Crise des années 30 est une époque stérile pour l'édition littéraire. Maclean's et Saturday Night publient des nouvelles et les journaux publient des poèmes classiques. Les premières revues littéraires de la Colombie-Britannique sont le B.C. Argonaut et le Vancouver Poetry Society's Full Tide (1936-1966). Cependant, pendant la Deuxième Guerre mondiale, la littérature canadienne prend un sérieux essor. C'est ainsi qu'à Montréal, Patrick Anderson lance le magazine de gauche Preview (1942-1945), qui publie les écrits de P.K. PAGE, de Scott et de A.M. KLEIN. En dépit des divergences d'opinion entre ce magazine et celui de John SUTHERLAND, First Statement (1945-1956), les deux fusionnent pour former NORTHERN REVIEW (1945-1956). Critiqué pour sa poésie de droite traditionnelle et classique, ce périodique publie néanmoins les oeuvres d'Irving LAYTON, Miriam WADDINGTON, Louis DUDEK et Raymond SOUSTER. À partir de North Vancouver, et plus tard de Victoria, Alan Crawley dirige CONTEMPORARY VERSE (1941-1952) dont s'inspirera le CV II (depuis 1975) de Winnipeg. Raymond Souster publie, à Halifax, son magazine polycopié Direction (1943-1946) et, par la suite, Toronto magazines Enterprise (1948), CONTACT (1952-1954), qui devient Contact Press, et Combustion (1957-1960). Trop coûteuse, Here and Now (1947-1949), une revue de Toronto, arrête de paraître après quatre numéros. D'autres magazines prometteurs n'ont publié qu'un ou deux numéros avant de disparaître.

Les années 50 sont marquées par l'épanouissement littéraire, attribuable en partie à la facilité de reproduction qu'offre la polycopie. Quarry (fondé en 1952 à l'U. Queen), CIV/N (1954-1956) et TAMARACK REVIEW (1956-1982), dirigé par Robert Weaver, publient des textes recherchés. Marshall MCLUHAN et Edward Carpenter publient Explorations (1953-1959), la première revue littéraire post-moderne canadienne. À Montréal, Louis Dudek lance Delta (1957-1966), que Yes (1956-1970) achète en 1966. En 1945, A.G. BAILEY lance THE FIDDLEHEAD, revue de poésie de l'U. du Nouveau-Brunswick. Sous la direction de Fred COGSWELL, de 1952 à 1956, il élargit ses horizons et publient aussi de la prose et des textes savants, prenant ainsi une importance nationale. À Vancouver, George WOODCOCK lance CANADIAN LITERATURE (depuis 1953) qui publie souvent de la poésie en plus de critiques littéraires. Raven (1955-1962), un journal étudiant de l'U. de la Colombie-Britannique, devient une publication importante et lance la carrière de nombreux grands poètes, en particulier ceux associés à Tish. Raven annonce la qualité des publications à venir.

Au cours des années 60, des périodiques littéraires apparaissent partout au Canada. Parmi les rares publications polycopiées, figurent Moment (1961), dirigée par AL PURDY et Milton ACORN, et The Sheet, publiée à moins de 100 exemplaires par la délégation Tsigane de Toronto. La photolithographie (offset) permet d'améliorer la qualité de la production à moindre frais. De plus, le CONSEIL DES ARTS DU CANADA, des bourses provinciales pour les artistes et des subventions municipales encouragent les manifestations littéraires d'un nouvel élan nationaliste. Le périodique Alphabet (1960-1971) de James REANEY s'inspire des théories mythopoeique de Northrop FRYE. Frank DAVEY fonde Tish (1961-1965) à l'U. de la Colombie-Britannique et met l'accent sur le processus de création de la poésie plutôt que sur le produit final. Dans les 45 numéros polycopiés, figurent souvent des oeuvres de George BOWERING, Fred WAH, Daphne MARLATT et David MCFADDEN. Tish a stimulé, tant chez ses admirateurs que chez ses détracteurs, la création de nombreux périodiques et de nombreuses petites maisons d'édition. Le Bowering's Beaver Cosmos Folio (1968-1971) publie souvent des livres de colportage consacrés à un poète, et Imago (1964-1973) se limite au longs poèmes. Open Letter (depuis 1965), dirigé par Davey, publie des critiques d'oeuvres expérimentales. Les titres des périodiques indiquent la variété des publications des années 60 : Cataract (1961-1962) de Seymour Mayne, Up th Tube With One i (Open) (1961-1963) de Patrick LANE, Mountain (1962) de David McFadden, radical blew-ointment (1963-1972) de Bill BISSET, Edge (1963-1969), Evidence (1960-1967) et Parallel (1966-1967) d'Henry Beissel, enfin Blackfish (1971-1973) d'Alan Safarik. Un autre périodique important de cette époque est grOnk (depuis 1965) de B.P. NICHOL. Publié de façon irrégulière et en tirage limité, il remet en question toute les conventions de la publication littéraire. Culture (1931-1971), l'une des rares publications érudites bilingues, commence à paraître régulièrement en 1965. Le chien d'or/The Golden Dog (1971-1975) est un autre périodique biculturel. Ellipse (depuis 1971) publie des traductions de poètes québécois et canadien-anglais à raison de deux par numéro.

Des magazines comme Northern Journey de Fraser Sutherland, Porcépic de David GODFREY et White Pelican (étroitement lié à Sheila WATSON, qui fait partie de son conseil d'administration) ont tous contribué à faire connaître les hommes et les femmes de lettres du Canada anglais. Au Québec, un certain nombre de PÉRIODIQUES LITTÉRAIRES DE LANGUE FRANÇAISE importants ont joué le même rôle pour les écrivains et les lecteurs francophones.

L'un des principaux événements des années 60 reste l'apparition de publications trimestrielles universitaires. Des cours de création littéraire sont mis en place, et, vers 1965, de nombreuses universités ont leur propre revue littéraire, notamment la University of Windsor Review (fondée en 1965), la West Coast Review (Simon Fraser, 1966), la Wascana Review (U. de la Saskatchewan, 1966), la Malahat Review (U. de Victoria, 1967), MOSAIC (U. du Manitoba, 1967), l'Antigonish Review (U. St Francis Xavier, 1970), la CAPILANO REVIEW (U. de North Vancouver, 1970) et Exile (U. York, 1972). Ces publications ont donné lieu à leur tour à la création, sur tous les campus canadiens, de périodiques, vite abandonnés, dirigés par des étudiants ou des professeurs.

C'est également au cours des années 60 que naissent les journaux alternatifs. Certains deviendront des PETITES MAISONS D'ÉDITION, notamment le Georgia Straight de Vancouver, devenu North Star Books, et la publication marxiste Alive de Guelph. Bon nombre de périodiques des années 60 connaissent la même évolution dans les années 70. Citons, entre autres, Talon, blewointment, 3¢ Pulp, Alive, Porcépic, Fiddlehead, Square Deal, Blackfish, Quarry, NeWest Review, Delta et Pottersfield Portfolio.

À contre-courant de la poussée nationaliste, Prism International (depuis 1956), Contemporary Literature in Translation (1967-1978) et Exile se distinguent par leur caractère internationaliste, alors que Descant (depuis 1970), Jewish Dialog (depuis 1970) et Waves (depuis 1972) témoignent d'un esprit cosmopolite. Cependant, la Malahat Review devient plus « canadienne » avec l'arrivée, en 1982, d'une nouvelle équipe de rédaction. La nouvelle littérature canadienne est également publiée dans des numéros spéciaux de périodiques américains, australiens et néo-zélandais.

Dans les années 70, les magazines littéraires se comptent par douzaines. CANADIAN FICTION MAGAZINE (depuis 1971), dirigé par Geoffrey Hancock, est la première revue canadienne de nouvelles. En effet, elle publie de courts récits de fiction novateurs, dénotant un intérêt particulier pour le réalisme magique, la metafiction ou le néo-surréalisme, de même que des textes sur les théories du récit. Le Journal of Canadian Fiction (depuis 1972) publie des récits, des bibliographies et des critiques. Essays on Canadian Writing (depuis 1974), BOOKS IN CANADA (depuis 1972), Canadian Poetry (depuis 1977) et Brick (depuis 1977) contribuent tous à instaurer une critique de la littérature canadienne. Poetry Canada Review (depuis 1978) est le premier tabloïd de poésie au Canada.

Les périodiques féminins traduisent les multiples préoccupations soulevées par le mouvement féministe aussi bien chez les gens du peuple que chez les intellectuels; Fireweed (depuis 1977), Branching Out (1971-1981), Room of One's Own (depuis 1975), Canadian Woman Studies (depuis 1978), Atlantis (depuis 1975) sont autant d'exemples de magazines féministes. Il en est de même pour Makara, The Other Woman, Kinesis et Broadside qui répondent à des besoins particuliers.

Tiger Lily, un magazine dirigé par des femmes de couleur, est publié à partir de 1986. Un ouvrage collectif féministe centré sur la théorie de la littérature féministe, Tessera, « emprunte » du matériel aux autres magazines pour publier leurs oeuvres. Des magazines régionaux comme BC's Raincoat Chronicles (depuis 1972), Arts Manitoba (depuis 1978), qui deviendra Border Crossings, et Cape Breton's Magazine abordent également les questions littéraires régionales.

Au cours des années 80, certains périodiques ambitieux tel Ethos (depuis 1983) tentent de percer sur le marché international. D'autres, qui n'ont pas existé longtemps, parmi lesquels Canadian Literary Review (1982) et Gamut (depuis 1979), essaient d'atteindre un équilibre entre la tradition canadienne et l'écriture internationale. L'un des périodiques universitaires les plus populaires est Rubicon (depuis 1983) publié à l'U. McGill. Les magazines les plus récents ont des styles des plus variés. Cela va du journal conservateur The Idler (depuis 1984) au tabloïd What (depuis 1985), distribué gratuitement. L'usage de plus en plus répandu de l'informatique permet la création de magazines électroniques. Swift Current (depuis 1984), fondé par Frank Davey, en est un exemple. Ses numéros son accessibles par modem pour les abonnés. De plus, des colloques organisés pas la Canadian Periodical Publishers Association (aujourd'hui la Canadian Magazines Publishers' Association) et par d'autres organisations provinciales d'écrivains améliorent la production, la distribution et le promotion des périodiques littéraires canadiens. En se consacrant aux jeunes écrivains, les magazines littéraires assurent la survie de la littérature.

GEOFFREY HANCOCK

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