Unification des Forces armées canadiennes | l'Encyclopédie Canadienne

Article

Unification des Forces armées canadiennes

Le 1er février 1968, la Loi sur la réorganisation des Forces canadiennes (projet de loi C‑243) entre en vigueur, mettant fin à l’existence, en tant qu’entités distinctes, de la Marine royale canadienne, de l’Armée canadienne et de l’Aviation royale canadienne. Les trois forces armées sont combinées pour former les Forces armées canadiennes. Ce changement est piloté par le ministre de la Défense libéral, Paul Hellyer. Les avantages et les inconvénients de cette évolution sont largement débattus, avant et après l’entrée en vigueur de la Loi. En 2014, on revient en arrière sur de nombreux changements qui avaient été introduits dans le cadre de cette unification.

Forces armées canadiennes

Contexte

L’unification des trois armées n’est pas une idée nouvelle au Canada. Elle voit un début de réalisation avec la création d’un quartier général de la Défense nationale (QGDN) unique en 1922, le concept étant étudié plus en profondeur dans les années 1930. Cependant, des changements importants à ce chapitre ne se produisent réellement que dans les années 1950, sous la houlette de Brooke Claxton, ministre de la Défense libéral (1946‑1954). Ce dernier crée le poste de président du comité des chefs d’état‑major pour coordonner les trois forces et lui fournir des conseils militaires provenant d’une source unique. Il met également en œuvre l’unification des collèges, des systèmes juridiques et d’autres fonctions de l’administration militaire.

D’autres changements vont suivre, sous l’autorité d’un gouvernement progressiste‑conservateur, lorsque les ministres de la Défense nationale, George Pearkes (1957‑1960) et Douglas Harkness (1960‑1963), mettent en œuvre l’intégration des services médicaux, dentaires, juridiques, d’aumônerie, postaux et d’approvisionnement alimentaire. En 1963, les libéraux reviennent au pouvoir avec Lester Pearson comme premier ministre, Paul Hellyer devenant le nouveau ministre de la Défense nationale, son objectif déclaré étant d’aller encore plus loin vers une unification complète des forces armées.

Raisons du changement

Paul Hellyer est notamment motivé, dans la mise en œuvre de ce changement, par son expérience dans les forces armées pendant la Deuxième Guerre mondiale. Il sert dans l’ARC, lors de la crise de la main‑d’œuvre de 1944, qui entraîne sa réaffectation dans l’Armée de terre, où il doit suivre un autre cours de formation de base. Lorsqu’il entre en politique et devient député, en 1949, le souvenir de cette inefficacité et d’autres « doublons » entre les trois forces est encore vif dans son esprit.

Devenu ministre de la Défense nationale, Paul Hellyer fournit plusieurs raisons à l’intégration et à l’unification des forces armées, la principale étant la réduction des coûts, le budget de la défense représentant environ un quart du budget fédéral. Avant l’unification, chacune des trois forces maintenait ses propres systèmes d’administration, de soutien et d’approvisionnement, le ministre expliquant qu’en remplaçant trois systèmes par un seul, on gagnerait en efficacité et on réaliserait d’importantes économies.

La fusion des services de soutien s’avère effectivement logique, puisqu’elle permet d’éliminer les « doublons » et le gaspillage. S’il en était resté à l’intégration, Paul Hellyer aurait probablement une image beaucoup plus favorable, au sein des forces armées, que ce qu’elle est aujourd’hui.

Mais, politicien ambitieux, Paul Hellyer vise le poste de premier ministre et pense que l’unification des forces armées pourrait constituer un événement marquant susceptible de séduire la population, le propulsant à la tête des libéraux, en remplacement de Lester Pearson.

Paul Hellyer et Roy Slemon

Unification

En 1960, le gouvernement établit une Commission royale sur l’organisation du gouvernement, communément appelée Commission Glassco. Le volume 4 de son rapport publié en 1963 porte notamment sur le ministère de la Défense nationale (MDN). Ce document met en évidence des problèmes liés à des goulots d’étranglement, à une certaine confusion sur le plan administratif et à des « doublons » au sein du ministère. L’unification intégrale constitue la solution proposée par Paul Hellyer : le remplacement des trois forces armées par une seule. Ses relations avec les trois chefs des forces armées le poussent également à recommander un chef d’état‑major de la défense (CEMD) unique.

En mars 1964, les libéraux déposent un livre blanc sur la Défense présentant une restructuration majeure des forces armées distinctes, sous la forme de la création d’une nouvelle organisation qui intégrerait les opérations, la logistique, le personnel et l’administration sous un système de commandement unifié. L’adoption, par le Parlement, de la Loi modifiant la Loi sur la défense nationale (projet de loi C‑90) le 7 juillet 1964, qui entre en vigueur le 1er août, constitue la première étape de ce processus officiel.

En vertu de ce nouveau texte, un CEMD unique remplace les chefs des trois forces, les trois quartiers généraux étant regroupés en un seul Quartier général des Forces canadiennes (QGFC), rebaptisé plus tard Quartier général de la Défense nationale (QGDN). En juin 1965, les 11 commandements existants maritimes, terrestres et aériens sont remplacés par 6 nouveaux commandements : « Maritime », « Mobile », « Défense aérienne », « Transport aérien », « Matériel » et « Formation ». Les établissements navals à terre, les camps de l’Armée de terre et les stations de l’Armée de l’air deviennent soit des bases des Forces canadiennes, soit des stations des Forces canadiennes, selon leur taille. Les quartiers généraux des trois forces quittent Ottawa et sont établis à Halifax, pour la Marine, à Montréal (St‑Hubert), pour l’Armée de terre, et à Winnipeg, pour l’Aviation. La nouvelle organisation est baptisée du nom générique de Forces armées canadiennes (FAC), avant d’être ultérieurement renommée Forces canadiennes (FC), puis de revenir à l’appellation d’origine, en 2013.

Le 1er février 1968, la Loi sur la réorganisation des Forces canadiennes entre en vigueur et la Marine royale canadienne, l’Armée canadienne et l’Aviation royale canadienne cessent d’exister sous la forme d’entités distinctes. Cette réforme voit également l’introduction d’un uniforme à simple boutonnage vert foncé, ainsi que d’une structure commune en matière de grades et de désignation des grades. Ces changements constituent certains des aspects les plus impopulaires de cette réforme, parmi les militaires eux mêmes et au sein de certaines parties de la population. Malgré l’opposition des officiers supérieurs des trois forces, Paul Hellyer poursuit le mouvement d’unification, plusieurs officiers supérieurs étant alors amenés à démissionner.

Portée

La tentative de Paul Hellyer d’unifier les forces armées canadiennes n’est que partiellement couronnée de succès. Fondamentalement, les FAC sont effectivement une organisation unifiée. Les services de soutien et certains quartiers généraux supérieurs sont entièrement fusionnés, notamment le QGDN, l’État‑major interarmées stratégique, le Commandement des opérations interarmées du Canada, le Commandement des Forces d’opérations spéciales du Canada, le Commandement du personnel militaire et le Commandement du renseignement des Forces canadiennes. (Voir Forces armées canadiennes.) Ces changements, permettant de rationaliser la fourniture de services communs et de réduire les coûts, reçoivent un large appui.

Mais l’opposition à l’unification des trois forces que sont la Marine, l’Armée de terre et l’Aviation ne faiblit pas. Nombreux sont ceux qui estiment que Paul Hellyer est allé trop loin. Le gouvernement répond en affirmant que d’autres pays suivront le Canada, en se réorganisant de manière similaire; toutefois, aucun ne le fera. En 2014, on revient sur de nombreux changements mis en œuvre dans le cadre de l’unification. Aucun des six commandements unifiés d’origine n’existe plus aujourd’hui bien que, pour certains, il ne s’agisse que d’un simple changement de nom. Le commandement maritime est devenu la Marine, le commandement mobile est devenu l’Armée de terre, les commandements de la défense aérienne et du transport aérien sont devenus l’Aviation, tandis que les commandements du matériel et de la formation ont été absorbés par d’autres organisations. Les trois forces sont à nouveau connues sous leurs appellations classiques de Marine royale canadienne, Armée canadienne et Aviation royale canadienne, et leurs membres portent des uniformes distincts, les anciens grades et les anciennes désignations de grades ayant également été rétablis dans la Marine et dans l’Armée de terre. Les trois quartiers généraux distincts sont également retournés à Ottawa.