Histoire des Forces armées au Canada | l'Encyclopédie Canadienne

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Histoire des Forces armées au Canada

Les Forces armées désignent les trois commandements d’armée, soit la force navale, la force terrestre et la force aérienne commandées par le gouvernement fédéral dans le but de défendre la sécurité du Canada, de protéger ses citoyens et de promouvoir ses intérêts stratégiques à domicile et à l’étranger. Les Forces armées ont beaucoup changé depuis l’époque coloniale, passant de petites milices locales aux forces militaires professionnelles que l’on connaît aujourd’hui.

Uniforme : Vounteer Militia Rifles

Armée

17eet 18e siècle : première milice coloniale

Les premières milices canadiennes sont des groupes de soldats à temps partiel puisés à même la population masculine adulte des colonies. Elles sont mises sur pied en Nouvelle-France au 17 e siècle pour répondre aux menaces des peuples autochtones ennemis et des milices coloniales états-uniennes de la Nouvelle-Angleterre. En 1669, le roi Louis XIV décrète que le système de milice traditionnel français devrait être adopté partout dans la colonie. Le gouverneur Frontenac nomme donc un capitaine de milice ou capitaine de la côte dans chaque paroisse, et exige que tous les hommes de 16 à 60 ans prennent part à l’entraînement militaire pendant un ou deux mois chaque année.

Les capitaines de milice honoraires sont généralement des citoyens respectés par le peuple qui défendent des fonctions de direction militaire et civile. La milice est également tenue de participer à la corvée, c’est-à-dire les travaux obligatoires non rémunérés liés à la construction de routes, de ponts et de fortifications. Les membres plus jeunes de la milice apprennent des tribus autochtones alliées à se déplacer rapidement en forêt et se spécialisent dans les attaques-surprises contre les colonies de la Nouvelle-Angleterre. Avec l’aide des troupes de la Marine– les troupes régulières coloniales rassemblées par le ministre français de la Marine et des Colonies –, la milice locale protège la Nouvelle-France. Cela change toutefois pendant la guerre de Sept Ans, lors de laquelle un grand nombre de régiments militaires professionnels arrivent de France et d’Angleterre.

Lorsque le général britannique James Wolfe arrive à Québec en 1759, on appelle la milice de Nouvelle-France en renfort. Plusieurs milliers d’hommes de milice rejoignent donc les rangs de l’armée régulière que le général français Louis Montcalm a fait venir de France. Après la capitulation de Montréal par les Français en 1760, la milice de Nouvelle-France est désarmée. Les Britanniques continuent toutefois d’utiliser les capitaines de milice pour administrer le pays.

Les Britanniques mobilisent également quelques centaines de miliciens durant la révolte de Pontiac en 1763, puis à nouveau en 1775, lorsque les Américains envahissent Québec lors de la Révolution américaine.

Dans les Maritimes, les autorités coloniales françaises en Acadie (qui devient éventuellement la Nouvelle-Écosse) nomment des capitaines de la milice dès 1710. En 1713, la colonie passe officiellement aux mains des Britanniques, qui créent une milice à Halifax en 1749. Tout comme en Nouvelle-France, les colonies britanniques en Amérique du Nord ont toutes une sorte de système universel de milice obligatoire, qui exige le service de tous les hommes adultes, généralement de 16 à 60 ans. Ces miliciens, toutefois, participent rarement à des combats, si bien que, plus tard, on les surnomme les milices « sédentaires ». Lors de la Révolution américaine (1775-1783), les principales forces de soutien des Britanniques dans les Maritimes ne sont pas la milice sédentaire, mais les régiments semi-professionnels de militaires à temps plein appelés les « Territoriaux ». Les régiments territoriaux sont formés et payés pour leurs services dans leur colonie d’origine. Ils existent dans le seul but de défendre la colonie et ne peuvent pas être envoyés outre-mer.

Après la Révolution américaine, des régiments entiers de loyalistes américains migrent vers le territoire qui deviendrait le Haut-Canada et le Nouveau-Brunswick. Beaucoup de ces hommes deviennent, avec le temps, les chefs des milices locales. Les régiments territoriaux, toutefois, continuent d’être les forces de soutien désignées jusqu’à la fin du 18e et le début du 19e siècle, étant donné la menace continue d’une invasion des États-Unis nouvellement formés. En 1791, le lieutenant-gouverneur John Graves Simcoe fonde un corps d’anciens combattants, les Queen’s Rangers, pour assurer la défense du Haut-Canada et y effectuer des travaux publics. Le corps est démantelé en 1802 et remplacé en 1811 par un bataillon territorial. En 1793, le gouvernement du Bas-Canada crée également ses propres régiments territoriaux à Montréal et à Québec.

Bataille de Batoche

Début du 19e siècle : de la guerre de 1812 à la Confédération

Lors de la guerre de 1812, tout comme à la guerre de Sept Ans, la milice est affectée au transport et aux travaux publics. Certains hommes servent également aux côtés des militaires professionnels britanniques et des régiments territoriaux. Les troupes régulières, bien formées, jouent un rôle décisif dans la défense du Haut-Canada contre l’invasion américaine, même si le patriotisme local exagère grandement l’apport des milices canadiennes dans la lutte contre les envahisseurs. (Voir Voltigeurs dans la guerre de 1812.) Les militaires bénévoles aident également à contenir les rébellions de 1837-1838 dans le Haut-Canada et le Bas-Canada.

Les autorités, craignant la rébellion et la désertion des milices, créent une garnison distincte des colonies. Avec l’unification des deux Canadas en 1841, le gouvernement britannique forme le détachement des Royal Canadian Rifles, constitué d’anciens combattants pensionnés des forces régulières, pour défendre les postes frontaliers. En effet, les anciens combattants sont vus comme moins susceptibles de s’exiler vers les États-Unis que les nouveaux enrôlés ou les hommes de milices, dont beaucoup viennent des États-Unis.

En 1855, la Province du Canada adopte les lois de Milice. Ces lois retiennent le principe d’enrôlement obligatoire dans la milice, mais instaurent également une force de bénévoles en uniforme et armés même en temps de paix, qui doivent prendre part à un entraînement militaire annuel rémunéré. Le service volontaire est particulièrement populaire au Canada-Ouest (contrairement au Canada-Est) et de nombreuses unités de milice d’importance historique sont créées à cette époque. L’enrôlement obligatoire, s’il survit en théorie pendant encore deux décennies, disparaît complètement après 1855.

Le gouvernement tente de réinstaurer l’entraînement militaire obligatoire lors de la guerre de Sécession, parce qu’on craint une nouvelle invasion américaine. La tentative est infructueuse, à la grande surprise de l’Angleterre, qui peine alors à assurer la défense de ses colonies menacées. À partir de 1863, le Parlement britannique finance l’entraînement de 45 000 hommes de milice et la rémunération de 10 000 d’entre eux. En 1866, plus de 13 000 bénévoles canadiens combattent les fenians. Parmi eux, on compte deux bataillons de milice qui sont vaincus lors de la bataille de Ridgeway, le 2 juin 1863.

La bataille de Paardeberg

Fin du 19e siècle : la rébellion du Nord-Ouest et l’Afrique du Sud

Après la Confédération, une loi de Milice votée en 1868 permet la création du ministère de la Milice et de la Défense. Elle autorise également, sur papier, le recrutement de 40 000 bénévoles pour former des unités de cavalerie, d’infanterie, d’artillerie et de fusiliers. La loi prévoit pour ces bénévoles un entraînement annuel de 8 à 16 jours au coût d’un million de dollars par an.

En 1870, deux bataillons de la milice, provenant de l’Ontario et du Québec, sont envoyés aux côtés des soldats britanniques réguliers pour endiguer la rébellion de la rivière Rouge. L’année suivante, le gouvernement crée deux batteries d’artillerie permanentes à Kingston en Ontario et à Québec pour remplacer les forces britanniques — dont les dernières garnisons quittent le Canada — et pour former des fantassins et des artilleurs. En 1874, il crée le poste d’officier général commandant britannique (OGC) pour diriger la Milice du Canada (qui comprend des membres permanents et à temps partiel). En 1876, il fonde le Collège militaire royal à Kingston.

En 1883, la loi de Milice est modifiée. Elle autorise la création d’une petite force permanente, dont un escadron de cavalerie, trois batteries d’artillerie et trois régiments d’infanterie. La même année, une troisième école d’artillerie ouvre ses portes à Esquimalt, en Colombie-Britannique. Une école de cavalerie est également créée à Québec, en plus d’écoles d’infanteries à Fredericton ; à St-Jean au Québec ; à Toronto et à London, en Ontario. Ces écoles, en plus d’une école d’infanterie à cheval à Winnipeg, constituent les débuts d’une force permanente de 850 à 1 000 membres. (Cette force permanente est appelée la Milice permanente active, tandis que la milice à temps partiel porte le nom de Milice active non permanente.)

En 1885, la milice canadienne permanente, sous la gouverne du major général britannique Frederick Middleton, est envoyée avec plus de 6 000 bénévoles sur le chemin de fer du Canadien Pacifique pour réprimer la rébellion du Nord-Ouest. Malgré la mort de 26 hommes au combat, Frederick Middleton vainc ses ennemis, donnant ce faisant du prestige à la milice et taisant ses détracteurs qui s’opposaient à ses méthodes d’entraînement, son équipement et son organisation. En 1890, le major général Ivor Herbert succède à Middleton à titre de commandant des forces permanentes. Il réforme l’armée en augmentant les effectifs du quartier général, en envoyant des officiers en formation en Angleterre et en cherchant à s’attirer les bonnes grâces de la population du Québec.

En 1898, le gouvernement du premier ministre Wilfrid Laurier forme la Troupe de campagne du Yukon, composée de plus de 200 membres bénévoles de la force permanente de la Milice. Cette force a pour but d’aider les policiers et les douaniers à maintenir l’ordre durant la ruée vers l’or du Klondike.

L’année suivante, le gouvernement Laurier envoie un premier contingent de 1 000 hommes en Afrique du Sud pour prêter main-forte à l’Angleterre pendant la guerre des Boers (1899-1902). Ces soldats bénévoles forment un bataillon spécial appelé le Royal Canadian Regiment(RCR) sous le commandement du lieutenant-colonel William Otter. Un deuxième contingent comprenant deux bataillons canadiens de fusiliers à cheval est également créé grâce à des recrues de l’Ouest canadien. Donald Smith, lord Strathcona, quant à lui, met sur pied et équipe à ses frais le Lord Strathcona’s Horse. Ce régiment est composé d’environ 600 fusiliers à cheval principalement de l’ouest du Canada. En tout, ce sont plus de 8 000 Canadiens qui servent en Afrique du Sud ; de ce nombre, 220 meurent au combat ou de maladie. La guerre des Boers constitue le premier conflit armé étranger durant lequel les Canadiens ont combattu dans des uniformes des Forces canadiennes.

Début du 20e siècle : réforme et expansion

Contrairement à son modèle britannique, l’Armée canadienne est accablée par le patronage politique. Tous les commandants britanniques, sauf un, accumulent les querelles avec le ministre de la Milice au cours de leur carrière. Sir Frederick Borden, ministre de la Milice et de la Défense de 1896 à 1911 sous Laurier, ne fait pas exception à la règle, bien qu’il souhaite vivement des réformes. En 1904, il fait remplacer le commandant britannique par un Conseil de la Milice, ouvrant la voie à la création du poste de chef d’état-major général canadien. Le premier à défendre ce mandat est William Otter, en 1908. On ajoute également durant cette période des corps auxiliaires, notamment un corps médical, de génie, des transmissions et d’intendance ainsi que des magasins militaires. Puisque le Canada ne dispose d’aucune carte systématique de ses régions frontalières, on crée aussi un corps canadien des guides. Enfin, les soldats d’infanterie reçoivent le fusil Ross, fabriqué au Canada.

En 1909, dans le cadre d’une conférence impériale sur la défense, le Canada et les autres dominions de l’Empire britannique acceptent d’uniformiser l’organisation, les règlements et l’équipement de l’armée selon le modèle britannique. Ils acceptent également la présence d’officiers impériaux d’état-major général. À partir de 1914, la force permanente du Canada compte environ 3 000 hommes et plus de 70 000 miliciens partiellement entraînés. De surcroît, toutes les provinces sauf la Saskatchewan dispensent une formation de cadet aux garçons (et parfois aux filles) dans les écoles secondaires.

L’armée durant la Première Guerre mondiale

Lorsqu’éclate la Première Guerre mondiale, toutefois, le ministre de la Milice, sir Sam Hughes, fait plutôt appel à des volontaires pour créer le Corps expéditionnaire canadien (CEC), qui compte 30 000 hommes. L’afflux de volontaires permet au Canada de constituer deux divisions d’infanterie sur le front occidental en 1915, puis deux autres encore l’année suivante. Éventuellement, ces appels font porter le nombre d’hommes dans le corps d’armée à 70 000. Au milieu de 1917, le Corps canadien est commandé par un Canadien, le lieutenant-général sir Arthur Currie. Malgré le fait que les officiers britanniques possèdent une expertise plus que précieuse, de nombreux postes clés dans les Forces canadiennes sont occupés par des Canadiens.

La prise de la crête de Vimy, en avril 1917, est une réalisation dont le Corps s’enorgueillit. Les pertes occasionnées par cette bataille et par la deuxième bataille d’Ypres, la bataille de la Somme et celle de Passchendaele sont toutefois nombreuses. Cela force le gouvernement du premier ministre Robert Borden à recourir à la conscription pour le service outremer. Après avoir remporté une élection extrêmement divisée sur la question de la conscription en décembre 1917, le gouvernement d’union de Borden recrute 100 000 soldats supplémentaires en vertu de la Loi du Service Militaire.

Une série de victoires du Corps canadien à Cambrai, Amiens et Mons contribue à mettre fin à la Première Guerre mondiale le 11novembre 1918. Plus de 619 000 hommes et femmes servent au sein du Corps expéditionnaire canadien. De ce nombre, 66 000 tombent au combat et 173 000 sont blessés.

Après la guerre, le gouvernement augmente le nombre total de troupes permises dans la Force permanente à 10 000. Le nombre effectif réel, toutefois, demeure autour de 4 000 hommes dans les unités suivantes : le Royal Canadian Regiment (RCR), le Royal 22e Régiment, le Princess Patricia’s Canadian Light Infantry (PPCLI), le Royal Canadian Dragoons (RCD) et le Lord Strathcona’s Horse. Ottawa estime qu’il n’est pas nécessaire d’acquérir des chars d’assaut ou des armes modernes, et les unités de milice à temps partiel s’autofinancent et s’équipent en grande partie grâce à leurs généreux officiers. L’épuisement suivant la Première Guerre mondiale, accompagné des difficultés socioéconomiques de la crise des années 1930, a un effet dévastateur sur la participation des bénévoles dans la milice. Au paroxysme de la crise, on compte à peine 2 000 hommes aux camps d’entraînement de la milice.

Débarquement en Normandie

L’armée durant la Deuxième Guerre mondiale

Alors que la situation se détériore entre l’Allemagne et ses voisins européens et que l’on pressent le besoin de recruter de nouveaux volontaires en prévision d’un autre conflit d’envergure, le Canada réorganise sa milice. Lors de la Deuxième Guerre mondiale, le Canada envoie une force de frappe menée par le lieutenant-général Andrew McNaughton. La force est composée de trois divisions d’infanterie, de deux divisions blindées et de brigades blindées indépendantes. Près de 750 000 hommes et femmes sont mobilisés dans ce qui est appelé collectivement la Première Armée canadienne. Près de 23 000 personnes sont tuées et plus de 53 000 sont blessées lors de la guerre, notamment durant le raid de Dieppeen 1942, la campagne d’Italie en 1943, la bataille de Normandie en 1944, et d’autres opérations menées dans le nord-ouest de l’Europe qui jouent un rôle important dans la défaite de l’Allemagne nazie. (Voir aussi Libération des Pays-Bas ; Bataille du Rhin.) Les soldats canadiens combattent également sur des scènes plus éloignées de la guerre, comme la bataille de Hong Kong.

En juin 1940, la Loi sur la mobilisation des ressources nationales autorise le gouvernement à réquisitionner les services des Canadiens pour la défense intérieure. En novembre 1944, après des pertes importantes en Europe, cette loi est modifiée afin de permettre la conscription pour le service outremer. En fin de compte, toutefois, seulement 2 500 conscrits servent dans les unités opérationnelles pendant les derniers mois de la guerre en Europe.

De 1946 à 1970 : la guerre froide et la naissance du maintien de la paix

En 1946, l’effectif de la force permanente de l’Armée canadienne est fixé à 25 000 membres. En 1951, le Canada autorise la formation d’une brigade d’infanterie pour soutenir les forces des Nations unies (ONU) dans la guerre de Corée. Près de 22 000 Canadiens sont envoyés au combat. Les troupes canadiennes se distinguent au combat contre les forces chinoises, en particulier à la bataille de Kapyong. Les pertes canadiennes en Corée (de 1951 à 1953) s’élèvent à 312 décès et plus de 1 200 blessés, la majorité ayant eu lieu au combat.

Dans les années 1950, l’armée augmente ses effectifs à 52 000 membres. Cette augmentation est nécessaire pour remplir ses nouvelles obligations envers l’OTAN et envoyer une brigade en Europe de l’Ouest pour faire face à la menace de l’Union soviétique pendant la guerre froide. Parallèlement, la milice de six divisions est rebaptisée Force de réserve. À la fin des années 1950, elle est assignée à des tâches de sécurité et de défense civile. Cette mission, accompagnée du démantèlement de certains régiments établis depuis longtemps, mine grandement le moral des réservistes.

En 1956, l’Armée canadienne se trouve un nouveau rôle. La condamnation par les États-Unis de l’invasion britannique, française et israélienne en Égypte durant la crise de Suez crée des tensions importantes au sein de l’OTAN, à une époque où l’Union soviétique menace Londres et Paris d’une attaque nucléaire. Afin de conclure rapidement un armistice et de mettre fin au conflit, Lester Pearson, le ministre canadien des Affaires étrangères, propose de mettre sur pied une force de maintien de la paix internationale pour séparer les adversaires de façon diplomatique. Ottawa mobilise 1 000 troupes de transmission et de soutien logistique pour soutenir cette entreprise, et le lieutenant-général canadien E.L.M. Burns prend les commandes de la Force d’urgence des Nations unies (FUNU). Peu de temps après, le Canada envoie également des troupes pour contrôler la violence au Congo, pour séparer les Grecs des Chypriotes turcs et pour soutenir l’ONU là où le maintien de la paix semble possible et, souvent, là où il semble impossible.

L’idée du maintien de la paix est populaire chez la plupart des Canadiens, et ce service est suffisamment dangereux pour que les troupes gardent le moral sans toutefois s’épuiser. Entre-temps, l’engagement continu de l’OTAN en Europe permet l’équipement et la formation d’une brigade de soldats en prévision de combats terrestres à la fine pointe de la technologie. L’Armée canadienne dans le cadre de cet entraînement adopte des armes, de l’équipement et des technologies de communication de fabrication américaine, délaissant ce faisant le modèle britannique qui était en place depuis la Confédération.

Kanehsatake (film)

L’armée à domicile : la crise d’octobre et la crise d’Oka

En 1970, après des décennies passées à maintenir la paix aux quatre coins du monde, l’Armée canadienne se retrouve aux prises avec un problème de sécurité nationale. Les enlèvements et la violence de la crise d’octobre poussent le gouvernement du premier ministre Pierre Trudeau à proclamer la Loi sur les mesures de guerre et à déployer plus de 10 000 militaires en tenue de combat à Montréal, à Québec et à Ottawa. Les troupes se retirent toutefois en novembre sans avoir subi ou infligé de pertes de vie. À l’été 1990, l’armée est à nouveau appelée à apaiser les troubles civils au pays, lorsque la majorité de la 5e Brigade mécanisée de Valcartier, au Québec, collabore avec la Sûreté du Québec pour contrer les provocations des guerriers et manifestants mohawks durant la crise d’Oka.

Pendant les années 1990, l’armée est appelée en renforts lors de désastres naturels au Canada. En 1997, 8 600 troupes se déploient au Manitoba pour protéger les maisons et les fermes contre la crue de la rivière Rouge. L’année suivante, près de 20 000 militaires de la Force régulière et de la Réserve sont mobilisés d’urgence après qu’une tempête de verglas entraîne la destruction de lignes électriques et laisse des millions de citoyens en Ontario, au Québec et dans les Maritimes sans lumière ni chauffage. En 2003, 2 200 troupes sont envoyées en Colombie-Britannique pour lutter contre les feux de forêt qui y font rage.

L’armée en Yougoslavie, en Somalie et au RwandaLa fin de la guerre froide au début des années 1990 est suivie de l’éruption d’une guerre civile ethnique entre les républiques dissidentes de la Yougoslavie. En 1992, Ottawa dépêche deux bataillons de 1 200 troupes de sa brigade cantonnée en Allemagne pour participer à la Force internationale des Nations unies devant séparer les belligérants. Dans la capitale bosniaque de Sarajevo, le commandant adjoint et major général canadien Lewis Mackenzie tente de limiter les massacres entre les Serbes et les musulmans bosniaques. Il n’y a pas non plus de paix à maintenir dans la république voisine de Croatie où, dans l’enclave de Medak, des membres de la Princess Patricia’s Canadian Light Infantry sont forcés d’échanger des tirs pour la première fois depuis la guerre de Corée.

À la fin de 1992, le premier ministre Brian Mulroney met fin, après plus de 30 ans, à l’engagement de maintien de paix du Canada à Chypre. Il ne faut toutefois pas beaucoup de temps avant qu’une autre mission, en Somalie cette fois-ci, remplace celle de Chypre. Le gouvernement envoie en effet son bataillon aéroporté en Somalie dans le cadre d’une mission de rétablissement de la paix menée par les États-Unis. La torture et le meurtre d’un jeune Somalien par les troupes aéroportées canadiennes en 1993 provoquent un scandale partout au Canada, mettant en lumière de sérieux problèmes de leadership, de discipline et de moral dans l’armée. L’affaire somalienne, ainsi que sa dissimulation subséquente par les autorités militaires à Ottawa, entache l’image autrefois bienveillante des Forces canadiennes, cause le congédiement de deux chefs d’état-major à la Défense et provoque, en 1995, le démantèlement du régiment aéroporté.

En 1994, le major général canadien Roméo Dallaire, qui commande une petite force de maintien de la paix de l’ONU au Rwanda, est pris en plein cœur d’un génocide qui tue plus d’un demi-million de personnes, dont dix parachutistes belges sous ses commandes. Plus tard, des troupes canadiennes participent à une mission de l’ONU pour aider le Rwanda à se remettre sur pied dans la foulée du génocide. Les missions en Yougoslavie, en Somalie et au Rwanda, toutefois, exposent les insuffisances et les risques mortels des activités de maintien et de rétablissement de la paix dans les conflits étrangers, et diminuent grandement l’enthousiasme des Canadiens par rapport à ce type de missions.

Canada en Afghanistan

2001 à 2011 : Afghanistan

Les attaques terroristes du groupe islamiste Al-Qaïda le 11 septembre 2001 mènent à l’invasion de l’Afghanistan par une coalition internationale menée par les États-Unis et dont le Canada fait partie. Les premières unités terrestres canadiennes envoyées en Afghanistan sont l’unité des Forces spéciales, soit la Deuxième Force opérationnelle interarmées (FOI2). Le Canada envoie également un bataillon de la Princess Patricia’s Canadian Light Infantry pour protéger le terrain d’aviation de la ville de Kandahar.

En 2005, alors que des opérations anti-insurrectionnelles ont toujours cours en Afghanistan contre les forces talibanes, le gouvernement du premier ministre Paul Martin s’engage à maintenir un bataillon renforcé d’environ 2 000 soldats dans la province de Kandahar pendant plusieurs années. À la fin de 2011, alors que la mission de Kandahar tire à sa fin, plus de 158 soldats sont tués dans le combat le plus important de l’Armée canadienne depuis la guerre de Corée. De nombreux soldats qui sont rentrés d’Afghanistan souffrent néanmoins du trouble de stress post-traumatique, une conséquence de leur expérience à la guerre.

Force navale

Début du 20e siècle : les balbutiements de la Marine

Des débuts de la période coloniale jusqu’à la fin du 19e siècle, diverses flottilles armées locales et provinciales servent la nation le long des côtes atlantiques et pacifiques ainsi que sur les Grands Lacs. Après la Confédération, il n’existe aucune marine à proprement parler au Canada. Il faut attendre au tournant du 20e siècle, lorsque la rivalité navale anglo-allemande grandissante pousse l’Angleterre à demander à ses dominions (dont le Canada) de coopérer avec sa marine, pour que la petite flotte de bateaux de protection des pêches du Canada devienne une organisation séparée. Le 29 mars 1909, le Parlement approuve la création du Service naval canadien et, le 4 mai 1910, la Loi du Service naval institue la Marine royale canadienne (MRC). Deux croiseurs britanniques vieillissants, un pour chaque côte, sont achetés à des fins d’entraînement. Un collège naval est également fondé à Halifax.

La Marine, extrêmement coûteuse, pose un problème politique majeur et souffre de plusieurs reculs sous le régime conservateur du premier ministre Robert Borden, de 1911 à 1914. Divisée entre Halifax, en Nouvelle-Écosse, et Esquimalt, en Colombie-Britannique, la Marine est dirigée de loin à Ottawa, où les dirigeants peinent parfois à comprendre les besoins de la flotte et sont souvent incapables de les expliquer au gouvernement.

Le rôle de la Marine canadienne lors de la Première Guerre mondiale est très limité. En effet, elle effectue quelques tâches de surveillance en mer avec ses deux croiseurs d’occasion et des douzaines d’autres petits navires côtiers — ce qui nécessite plus de 9 000 marins —, mais ne participe à aucun combat contre l’adversaire allemand et ses U-boats dans l’Atlantique Nord.

Après la guerre, Ottawa prive la Marine de ressources. Le commodore Walter Hose, directeur du Service naval de 1921 à 1928 et chef de l’état-major de la Marine de 1928 à 1934, doit lutter contre les efforts de la milice visant à subordonner la Marine, voire à la démanteler. Forcé de fermer le Collège royal de la Marine du Canada en 1922, Walter Hose riposte en créant la Réserve de volontaires de la Marine royale du Canada en 1923. La tension internationale croissante de la fin des années 1930 permet au successeur de Walter Hose, le contre-amiral Percy Nelles, de sensibiliser le gouvernement à la nécessité d’une force navale efficace.

Bataille de l'Atlantique

La marine durant la Deuxième Guerre mondiale

Lorsque la Deuxième Guerre mondiale éclate, la Marine est la première force militaire canadienne à réagir, en escortant des convois de navires marchands sur l’Atlantique en 1940 et en participant à l’évacuation de soldats britanniques du continent européen. En 1941, la menace grandissante que posent les sous-marins allemands et la possibilité de devoir défendre les eaux canadiennes poussent le Canada à mettre sur pied un programme intensif de construction de navires et de recrutement. Des engagements additionnels sur le Pacifique exacerbent ce besoin en 1943 et le Canada fait l’acquisition de croiseurs et de contre-torpilleurs modernes de classe Tribal, en plus de douzaines de corvettes anti-sous-marines et d’autres escortes. La Marine royale canadienne passe ainsi de 13 navires de guerre et d’environ 3 000 marins en 1939 à 365 navires et 100 000 membres du personnel militaire, dont 6 500 femmes, en 1945. Au début, cette croissance rapide nuit à l’efficacité de la Marine, surtout dans l’escorte des convois, qui est sa mission première. Ces problèmes d’efficacité finissent toutefois par se régler.

Dans la bataille de l’Atlantique, la Marine canadienne installe sur terre des systèmes de contrôle efficace de la navigation, d’interception par radio et d’opérations de renseignement. Elle assure aussi la moitié des escortes sur les routes de convoi de l’Atlantique Nord, si bien que les Alliés décident d’établir un nouveau poste d’opération appelé le Commandement canadien de l’Atlantique du Nord-Ouest. En mai 1943, le contre-amiral Leonard Murray en devient le commandant en chef. Il s’agit du seul théâtre de guerre d’importance à avoir été commandé par un Canadien.

Les contre-torpilleurs canadiens participent également au voyage des convois dans le passage de Mourmansk, vers la Russie, au débarquement du jour J en Normandie, et à d’autres assauts sur les îles Aléoutiennes, en Sicile et en Italie et dans le sud de la France. Pendant la guerre, la MRC détruit plus de 70 navires et sous-marins ennemis. De son côté, elle perd 31 navires et 1 990 hommes. À la fin de la guerre, la MRC possède la quatrième plus grande flotte au monde.

L'apogée de la marine en temps de paix

De 1946 à 1989 : les changements de l’après-guerre et la guerre froide

Malgré sa contribution militaire extraordinaire durant la Deuxième Guerre mondiale, la Marine est vue par le premier ministre William Lyon Mackenzie King comme un instrument de l’Amirauté britannique. Néanmoins, son gouvernement permet en 1945 l’existence d’une petite force navale permanente de deux porte-avions, deux croiseurs et douze contre-torpilleurs. Des dizaines de milliers de marins quittent la Marine après la guerre et, parmi les quelque 6 500 qui restent, les relations sont tendues. En effet, les officiers et les troupes peinent à s’ajuster aux restrictions budgétaires qu’amène le retour à la paix. Après trois mutineries du personnel en 1949, le contre-amiral Edmond Rollo Mainguy préside une commission qui exhorte la Marine à moderniser ses coutumes, de façon à améliorer les relations entre les officiers et les marins.

Pendant la guerre de Corée, de 1950 à 1953, la MRC garde trois contre-torpilleurs dans les eaux coréennes. Après la Corée, les tensions sans cesse grandissantes de la guerre froide lui apportent un nouveau mandat assorti d’un budget de la défense augmenté. Vers la fin des années 1950, la majeure partie des effectifs de la MRC mène une lutte anti-sous-marine grandissante dans le cadre de son engagement envers l’ OTAN et la défense continentale. À cette époque, de nouveaux navires tels que les contre-torpilleurs d’escorte anti-sous-marins de classe St-Laurent font leur entrée, et en 1957, le porte-avions NCSM Magnificent est remplacé par le plus moderne NCSM Bonaventure. En 1964, la MRC dispose aussi de 22 contre-torpilleurs conçus et construits au Canada, de 17 escorteurs océaniques datant de la Deuxième Guerre mondiale, de 10 dragueurs de mines côtiers et de 21 500 hommes. (En 1970, à cause de réductions dans le budget de la défense, le Bonaventure est vendu pour la ferraille.) Au début des années 1960, la MRC commence également à utiliser des hélicoptères Sea King basés à même ses contre-torpilleurs.

La Marine joue aussi un rôle limité dans la crise des missiles cubains de 1962, lorsque le ministre de la Défense Douglas Harkness, sans l’approbation du premier ministre John Diefenbaker, ordonne aux contre-torpilleurs de la MRC de soutenir les navires de guerre états-uniens et de participer à l’embargo de Cuba.

Dans les années 1970, la Marine continue sa lutte contre les sous-marins, bien que son effectif diminue et qu’elle souffre de coûts grandissants relatifs à l’entretien et au ravitaillement de ses navires vieillissants. À son cinquantième anniversaire, en 1960, la MRC compte environ 50 navires et un équipage de 21 500 marins. Une décennie plus tard, en 1970, la Marine ne dispose, à part ses contre-torpilleurs St-Laurent vieillissants, que d’un seul navire de soutien opérationnel et de trois sous-marins d’entraînement de classe Oberon achetés au milieu des années 1960. Elle attend aussi quatre nouveaux contre-torpilleurs porte-hélicoptères à turbine à gaz (de classe Iroquois) et deux autres navires de soutien opérationnel (de classe Protecteur) pour ses marins, qui se chiffrent à moins de 10 000. Cette flotte réduite constitue l’ensemble des forces navales du Canada pendant les vingt dernières années de la guerre froide.

Alors que les incursions soviétiques et américaines dans les eaux de l’archipel Arctique soulèvent des inquiétudes en ce qui a trait à la souveraineté canadienne, la Marine propose de créer une flotte sous-marine nucléaire pour mieux faire valoir son autorité dans le Nord. Le projet provoque toutefois les protestations de la part du public dans les années 1980 et est anéanti.

Guerre du golfe Persique

Les années 1990 : de nouveaux navires et le golfe Persique

La fin de la guerre froide en 1989 coïncide avec le renouvellement de la flotte canadienne, qui comprend douze frégates de classe Halifax à différentes phases de construction, la mise à niveau de quatre contre-torpilleurs de classe Iroquois à mi-vie et douze nouveaux navires de défense côtière destinés à relancer les activités de déminage de la Réserve navale.

La fin des tensions de la guerre froide change toutefois les priorités de la Marine, qui délaisse la guerre anti-sous-marine au profit de tâches nationales et internationales. En août 1990, l’Irak envahit le Koweït. En réponse, le premier ministre Brian Mulroney envoie trois contre-torpilleurs dans la région, en soutien à une mission des États-Unis pour libérer le Koweït de l’occupation irakienne (voir aussi Guerre du golfe Persique). Dans le cadre de leur premier engagement naval sérieux depuis 1953, les navires et leur équipage de 1 000 hommes sont préparés rapidement.

À cette époque, la Marine s’engage également dans deux autres missions d’application des lois nationales. De 1995 à 1997, elle effectue des patrouilles d’application contre des navires espagnols accusés de surpêche sur les Grands Bancs, au large de Terre-Neuve. En juillet 2000, le navire de charge américain GTS Katie est utilisé pour ramener le personnel et le matériel militaires canadiens des Balkans dans la foulée de la victoire de l’OTAN contre la Serbie, qui avait envahi la province largement albanaise du Kosovo au printemps 1999 (Opération Allied Force). Lorsque le GTS Katie s’éloigne du parcours convenu, la Marine lance une mission visant à protéger les intérêts canadiens : l’opération Megaphone.

La Marine participe également à des efforts de secours humanitaires dans le Timor oriental, à des missions d’escorte visant à acheminer de l’aide en Somalie, à des opérations de maintien de la paix à Haïti ainsi qu’à des missions de l’ONU imposant des sanctions à l’Irak et à la Serbie.

De 2001 à 2016 : lutte au terrorisme et aide internationale

Les attaques terroristes du11 septembre 2001 contre les É.-U. intensifient les opérations de la Marine canadienne sur la scène internationale. Dans le cadre de l’opération Apollo, d’octobre 2001 à décembre 2003, près de 4 000 marins sont envoyés dans la région du golfe Persique et ailleurs pour effectuer des activités d’arraisonnement et d’inspection des navires et offrir de l’aide en matière de logistique, de soutien et de reconnaissance en prévision de l’imminente guerre en Afghanistan. À son apogée, le Groupe opérationnel naval du Canada contribue à hauteur de 1 500 hommes et six contre-torpilleurs à l’opération Apollo. À la fin de l’opération, 18 de 20 navires canadiens sont déployés, et l’équipe canadienne effectue plus de 260 arraisonnements, soit près de 60 % des arraisonnements faits par la flotte de coalition.

En 2008, le Canada augmente ses activités navales dans le cadre de la lutte contre la piraterie de l’OTAN effectuée en Somalie et dans la Corne de l’Afrique. La Marine continue aussi de participer aux efforts d’aide humanitaire, notamment en Nouvelle-Orléans après l’ouragan Katrina en 2005 et à Haïti après le tremblement de terre de 2010.

Billy Bishop

Force aérienne

L’aviation durant la Première Guerre mondiale

Avant 1914, l’aviation militaire n’existe pas au Canada. Après le début de la Première Guerre mondiale, toutefois, l’aviation militaire et navale connaît un essor extraordinaire, et le gouvernement canadien demeure longtemps réticent devant l’idée de créer une force aérienne distincte pendant la guerre. Plus de 20 000 Canadiens servent comme pilotes, observateurs et agents de soutien au sol dans le Royal Flying Corps britannique, le Royal Naval Air Service et, après le 1er avril 1918, dans la Royal Air Force (RAF).

La publicité entourant la participation canadienne à la guerre aérienne et, en particulier, les exploits des pilotes de talent William « Billy » Bishop, William « Billy » Barker, Raymond Collishaw et Donald MacLaren, accroît la pression populaire pour l’établissement d’une force canadienne distincte. La menace que représentent les sous-marins à longue portée allemands pour le transport maritime sur la côte est du Canada contribue également à la création, par le gouvernement du premier ministre Robert Borden, de deux petites forces: le Service aéronaval de la Marine royale canadienne pour la défense côtière et l’Aviation canadienne, devant soutenir le Corps expéditionnaire canadien sur le front occidental. Les deux organisations disparaissent toutefois rapidement, la première en décembre 1918 et la deuxième au milieu de 1919.

De 1920 à 1939 : fondation de l’ARC

Avant le démantèlement de l’Aviation canadienne naissante, des initiatives pour la création d’une politique nationale de l’aviation sont mises sur pied. En juin 1919, une Commission de l’air est fondée, avec pour mission de conseiller le gouvernement sur une future politique de l’aviation. La commission jette les bases du développement et du contrôle de l’aviation civile et, sous l’hypothèse que la force de l’aviation militaire dépend de celle du secteur commercial, envisage la formation d’une petite force aérienne temporaire. Ainsi, en avril 1920, l’Aviation canadienne est fondée, même s’il devient rapidement clair qu’une force permanente est nécessaire.

En vertu de la Loi sur la Défense nationale de 1922, la Commission de l’aviation est intégrée au nouveau ministère de la Défense nationale. L’aéronautique civile et militaire devient la responsabilité du directeur de l’Aviation canadienne, qui relève du chef d’état-major général. L’Aviation canadienne est désormais une force permanente. En 1923, elle prend le sobriquet « royale ». Le 1er avril 1924, l’Aviation royale canadienne (ARC) entre en fonction, adoptant par le fait même l’insigne, la devise, les uniformes et la structure de grades de la RAF.

Malgré ses nouvelles couleurs coloniales, l’ARC est un service canadien. Jusqu’au début des années 1930, près de la moitié de ses effectifs accomplit des opérations d’aviation civile. Ses tâches consistent, en grande majorité, à la patrouille et à l’arrosage des forêts en cas d’incendies, à la surveillance frontalière et des activités de pêche, à des vols de sauvetage et à la photographie aérienne (qui contribue grandement à la cartographie et à l’étude géologique des régions isolées). L’Aviation utilise des appareils comme l’hydravion à coque Vickers Vedette pour de telles missions.

En 1928, l’ARC achète quelques chasseurs Siskin et des avions Atlas de coopération à la Grande-Bretagne afin de remplacer ses appareils militaires depuis longtemps hors service. Il s’agit de la seule transaction d’importance faite durant la crise des années1930. Ainsi, durant la première moitié de l’entre-deux-guerres, le Canada ne possède une force aérienne que sur papier. Il s’assure toutefois un certain professionnalisme et la possibilité de se familiariser avec les doctrines des forces aériennes en tirant profit, par le biais d’échanges, d’un personnel de liaison et de stages pour ses officiers dans les écoles militaires britanniques, de ses connexions avec la RAF.

L’ARC durant la Deuxième Guerre mondiale

Lorsque la Deuxième Guerre mondiale éclate en 1939, l’ARC ne possède ni avion de première classe ni matériel, à l’exception de quelques chasseurs Hawker Hurricane. Les commandements aériens de l’Est et de l’Ouest sont toutefois responsables de la défense côtière, et le Commandement de l’instruction est situé à Trenton, en Ontario. Huit escadrons de l’Aviation active permanente et 12 escadrons auxiliaires sont organisés.

L’élément essentiel du développement en temps de guerre est le Programme d’entraînement aérien du Commonwealth britannique (PEACB), qui assure la formation au Canada de 131 000 membres d’équipage, dont près de 73 000 sont canadiens. Malgré le fait que le gouvernement canadien s’engage à former des équipages du Commonwealth, il n’accorde pas à l’ARC un statut autonome comparable à celui de l’Armée canadienne durant la guerre. Bien que l’accord de PEACB contienne une disposition selon laquelle les équipages du Commonwealth seront « identifiés selon leurs dominions respectifs  », le gouvernement canadien ne fournit pas aux équipes au sol les moyens financiers nécessaires pour soutenir les équipages outre-mer. Il n’accorde pas non plus le plein financement des équipages et des escadrons affectés outre-mer. Conséquemment, les pilotes, navigateurs, canonniers et autres membres d’équipage canadiens sont dispersés dans les unités de la RAF, plutôt que de former des unités de l’ARC.

Sur les 250 000 hommes et femmes mobilisés durant la guerre dans l’ARC, 94 000 servent à l’étranger. La plupart des aviateurs canadiens volent avec la RAF, mais 48 escadrons canadiens distincts participent aussi à des opérations partout sur la planète, de l’escadron no 1 (plus tard appelé 401) engagé dans la bataille d’Angleterre aux escadrons de transport 435 et 436 partis en mission en Inde et en Birmanie pendant les derniers jours de la guerre contre le Japon. L’escadron 417 combat également en Afrique du Nord avec l’escadre 331, avant de poursuivre ses activités en Italie. Les escadrons canadiens jouent un rôle dans tous les commandements opérationnels de la RAF, et des aviateurs comme Clifford « Black Mike » McEwen, G.E. Brookes et George « Buzz » Beurling perpétuent la tradition commencée par William « Billy » Bishop, William « Billy » Barker, Raymond Collishaw et Donald MacLaren.

L’ARC s’engage à fond dans la bataille de l’Atlantique, et ses escadrons basés sur la côte est escortent des convois et font des barrages anti-sous-marins. Des escadrons participent aussi, avec l’Aviation états-unienne, à la défense de l’Alaska contre les incursions japonaises, en plus d’accomplir des patrouilles anti-sous-marines en Extrême-Orient.

Le Bomber Command est le plus grand commandement opérationnel de la RAF. Il compte des milliers de Canadiens formés par le PEACB qui participent à la campagne de bombardement massive. Le commandant d’escadre J. E. Fauquier est le principal pilote de bombardier canadien. La Deuxième Guerre mondiale cause de lourdes pertes pour le Canada et, sur plus de 16 000 membres de l’ARC tués durant la guerre, près de 10 000 servaient dans le Bomber Command.

CF-18 de combat survolant l'Allemagne

De 1946 à 1960 : l’âge d’or de l’ARC

À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, l’ARC est la quatrième force aérienne en importance parmi les puissances alliées, avec 215 000 membres en uniforme. Vers la fin de 1946, ses effectifs chutent à 13 000, et la force permanente reprend ses tâches de transport, de recherche et sauvetage et de patrouille. Il faut attendre à 1948 avant que les avions à réaction n’entrent en service, avec l’achat de Vampires britanniques. Pendant la guerre de Corée, la contribution de l’Aviation canadienne se résume aux missions de transport de l’escadron 426, bien que certains pilotes de chasse de l’ARC volent avec la US Air Force.

La menace de la guerre froide renverse la tendance à la réduction de l’ARC. En effet, en 1951, le gouvernement canadien envoie une division de 12 escadrons de chasseurs de première ligne en Europe dans le cadre de son engagement envers l’OTAN. En 1958, le Canada et les États-Unis s’unissent et forment le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord, dont le commandant adjoint est un Canadien. En vertu de cet accord, l’ARC crée de nombreux escadrons d’interception et dirige des sites de radar de détection lointaine de part et d’autre du Canada. L’âge d’or de l’ARC dans les années 1950 est symbolisé par ses chasseurs F-86 Sabre et CF-100 Canuck, construits au Canada.

De 1960 à 2000 : période difficile et nouveaux engagements

Au début des années 1960, l’ARC introduit les armes nucléaires. Contrôlées par les États-Unis, elles doivent armer les escadrons de CF-104 Starfighter basés en Europe, ainsi que les escadrons CF-101 Voodoo et les deux sites de missiles Bomarc au Canada. Ces armes causent cependant la controverse, si bien qu’en 1983, elles sont retirées.

Les années 1960 marquent également le début de plusieurs décennies de restrictions financières pour l’Aviation canadienne ; des programmes aériens canadiens comme le projet Avro Arrow sont annulés, et de nombreuses bases aériennes canadiennes au pays et en Europe sont fermées pendant les prochaines décennies. Dans les années 1990, la fin de la guerre froide et la demande pour des dividendes de la paix suscitent davantage de réductions budgétaires. Au cours de la décennie 1990, les effectifs réguliers de la force aérienne passent d’un peu plus de 20 000 membres à moins de 14 000.

Malgré ces coupures, la force aérienne fait face à un niveau sans précédent d’engagement à l’étranger dans les années1990. Les Forces canadiennes, faisant partie d’une coalition d’alliées pendant la guerre du golfe Persique de 1990 à 1991, se retrouvent en situation de combat pour la première fois depuis la guerre de Corée. Plus tard, en 1999, la force aérienne canadienne appuie les opérations de l’OTAN au Kosovo. Elle continue également à aider l’ONU dans ses missions de transport en Afrique et en Asie, en plus d’offrir un soutien à domicile, lors d’inondations et de tempêtes et dans le cadre de missions de recherche et de sauvetage habituelles.

L’ARC et la guerre au terrorisme au 21e siècle

Après les attaques terroristes du 11 septembre 2001, le Canada devient un refuge d’urgence pour les avions civils déroutés en Amérique du Nord, et les CF-18 de l’ARC se mettent à patrouiller au-dessus du Canada. En 2002, les aéronefs canadiens maritimes et de transport appuient les opérations antiterroristes internationales dans le golfe Persique et en Afghanistan. De 2008 à 2011, l’ARC utilise ses hélicoptères et ses aéronefs à voiture fixe afin d’assurer un transport aérien continu à Kandahar, en Afghanistan.

En 2011, l’ARC (qui retrouve cette année-là son statut « royal » après l’avoir perdu en 1968) soutient les opérations de l’OTAN en Libye. En 2014, elle s’engage dans des missions de combat comme membre d’une coalition internationale qui lutte contre les extrémistes islamiques en Irak. Au Canada, l’Aviation continue à assurer la sécurité maritime et la surveillance des pêches, ainsi que des services de recherche et de sauvetage partout sur le territoire, y compris dans le Grand Nord.

Unification et réorganisation

En février 1968, l’Armée canadienne, la Marine royale canadienne et l’Aviation royale canadienne sont abolies et réorganisées en un service unique disposant d’effectifs réguliers et de réserve : les Forces armées canadiennes. Cette unification est une initiative unique au Canada et n’a été imitée par aucune autre nation.

L’intégration est une politique récurrente depuis l’établissement d’un seul Quartier général de la Défense nationale (QGDN) en 1922. Sous la gouverne de Brooke Claxton, ministre de la Défense nationale de 1946 à 1954, les collèges militaires canadiens et les institutions juridiques militaires sont regroupés, tout comme d’autres éléments de l’administration militaire. Le gouvernement conservateur du premier ministre John Diefenbaker, en règne de 1957 à 1963, unifie également les services médicaux, juridiques et d’aumônerie.

Les Forces armées s’attendent à des changements d’importance lorsque les Libéraux reviennent au pouvoir en 1963. Cette année-là, la Commission royale d’enquête sur l’organisation du gouvernement critique sévèrement l’inefficacité de la triple administration militaire. L’homme d’affaires torontois Paul Hellyer, qui était le critique de l’opposition en matière de défense, devient ministre de la Défense et entreprend la révision politique promise. Paul Hellyer ne prévoit pas l’unification, jusqu’à ce qu’il essaie de traiter avec les trois chefs de service, qui luttent tous entre eux pour faire valoir leurs intérêts.

Le 7 juin 1965, les commandements de la MRC, de l’armée et de l’ARC cèdent la place à six commandements fonctionnels qui ont pour la plupart des responsabilités régionales. Le Commandement maritime reprend les navires de la MRC et des escadrons anti-sous-marins de l’ARC sur les deux côtes. La Force mobile de Saint-Hubert, au Québec, prend en charge des groupes de brigade et de la milice de l’armée ainsi que des escadrons d’appui au sol de l’ARC. Le Commandement de l’instruction et le Commandement du matériel intègrent les fonctions pertinentes aux trois services, tandis que le Commandement de la défense arienne et le Commandement du transport aérien demeurent tels quels, mais sont séparés de l’ARC. Le Commandement des communications s’ajoute plus tard. Les forces terrestres et aériennes stationnées en Europe se rapportent directement è Ottawa. Le 1er mai 1966, les camps, les stations et les « navires » en cale sèche des forces navales se regroupent en 39 bases des Forces canadiennes.

Paul Hellyer voit presque les protestations des officiers supérieurs comme un défi lancé contre la suprématie des civils sur les militaires, et les politiciens, journalistes et caricaturistes tournent souvent en dérision les objections des officiers. On rappelle également au public que les nombreux officiers démissionnaires profitent de pensions généreuses. Paul Hellyer nomme le général Jean-Victor Allard chef d’état-major de la défense, sachant très bien qu’il s’agit d’un inconditionnel partisan de l’unification et de l’élimination de nombreux aspects hérités des forces britanniques, comme la structure des grades, l’uniforme et l’insigne. En moins d’un an, les membres des Forces canadiennes apparaissent dans leurs nouveaux uniformes verts à l’image de ceux de la US Air Force, avec des insignes de grade reconnaissables aussi bien par le personnel américain que canadien.

L’unification n’est pas populaire auprès des membres des Forces armées. En 1984, le gouvernement du premier ministre Brian Mulroney fait réapparaître l’identité distincte des trois forces (l’Armée, la Marine et l’Aviation) dans leurs uniformes, mais conserve néanmoins les mêmes badges et insignes de grade communs. Dix ans plus tard, le gouvernement du premier ministre Jean Chrétien restaure trois quartiers généraux distincts pour les Forces armées, qu’il installe à Ottawa. À partir de 2011, le gouvernement du premier ministre Stephen Harper réinstaure les désignations « royales » des forces de l’Aviation et de la Marine, et fait revenir les grades et insignes traditionnels britanniques dans l’Armée et la Marine. En 2014, beaucoup des changements faits dans le cadre de l’unification ont été annulés.