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Comédie musicale

Avant l'essor des théâtres régionaux, les comédies musicales canadiennes sont conçues sur le modèle américain qui tire ses origines de l'opérette de Vienne, des Savoy Operas de Gilbert et Sullivan, des opéras comiques d'Offenbach, des vaudevilles américains, de l'opéra bouffe et des minstrels.
Les Misérables
(Corel Professional Photos)

Comédie musicale

La comédie musicale canadienne, tout comme le cinéma canadien, a toujours souffert, aux yeux du public, de la comparaison avec son homologue américain. Les comédies musicales américaines, plus importantes et plus nombreuses, mettent l'accent sur les productions à grand déploiement et ont été la forme de théâtre commercial la plus en vogue au XXe siècle. Malgré une multitude d'imitateurs, ce n'est que ces dernières années que la suprématie américaine a été réellement menacée dans ce domaine. Durant la première moitié du siècle, les spectacles de tournée en provenance des États-Unis dominent le marché et laissent peu de place aux productions canadiennes. Les comédies musicales américaines sont souvent le seul modèle auquel le public canadien a accès, une situation qui n'est pas sans rappeler celle du cinéma canadien. Les rares comédies musicales canadiennes présentées sont de petites productions et disparaissent sans être reprises.

Avant l'essor des théâtres régionaux, les comédies musicales canadiennes sont conçues sur le modèle américain qui tire ses origines de l'opérette de Vienne, des Savoy Operas de Gilbert et Sullivan, des opéras comiques d'Offenbach, des vaudevilles américains, de l'opéra bouffe et des minstrels. La comédie musicale nécessite d'importants budgets en raison de ses distributions imposantes et de son faste, et elle est avant tout commerciale et populaire. Au Canada, l'accès limité aux marchés a entravé le développement d'une comédie musicale nationale.

L'ouverture de théâtres régionaux, dès 1958, avec la création du MANITOBA THEATRE CENTRE, suivie dans les années 70 des théâtres parallèles, procure des lieux de présentation pour les pièces canadiennes. Il devient possible de produire des comédies musicales canadiennes de façon professionnelle. La prolifération des théâtres régionaux prépare l'arrivée d'une génération de comédies musicales qui, plus modestes que les fastueuses productions de Broadway, reposent sur l'intimité et l'innovation plutôt que sur des mises en scène somptueuses et sur une formule. Les écrivains adaptent le genre à leur vision culturelle.

Les premières tentatives

La première pièce écrite et montée au Canada, Théâtre de Neptune (1606) de Marc LESCARBOT, qui intègre danse et chansons, pourrait être considérée comme la première comédie musicale présentée en Amérique du Nord. Toutefois, la plupart des historiens du théâtre situent les débuts de la comédie musicale moderne à la fin du XIXe siècle, aux États-Unis. Elle naît de la fusion du vaudeville, de l'oeuvre de Gilbert et Sullivan et de l'opérette viennoise, le tout s'étant transformé progressivement en un genre proprement américain. H. M. S. Parliament, un livret écrit par William Henry Fuller pour la musique de H. M. S Pinafore de Gilbert et Sullivan et présenté à l'École de musique de Montréal en 1880, tourne en dérision la POLITIQUE NATIONALE de sir John A. MACDONALD et constitue un des premiers exemples de ce qui deviendra une solide tradition au Canada : le lien entre la comédie musicale et la satire politique.

Au début du XXe siècle, la comédie musicale américaine comporte une série de chansons et de saynètes construites assez librement autour d'une intrigue légère. Les comédies musicales canadiennes se tournent davantage vers la revue et délaissent la notion d'intrigue au profit d'une satire plus mordante dans la tradition du music-hall. Elles assurent l'unité en faisant jouer plusieurs rôles par les mêmes comédiens. Par exemple, les DUMBELLS, qui étaient à l'origine une revue de soldats entièrement composée d'hommes, restent ensemble après la Première Guerre mondiale et obtiennent un grand succès en tournée. Ils se produisent à Broadway, en 1921, dans une revue intitulée Biff, Bing, Bang, nom sans doute choisi pour tirer parti du succès de la revue Biff, Bang, présentée en 1918 par la marine américaine.

Durant l'entre-deux-guerres, le théâtre professionnel canadien dépend beaucoup de New York et de Londres, et le théâtre itinérant compose l'essentiel des saisons théâtrales dans la plupart des centres. Les tentatives pour créer un théâtre proprement canadien s'inspirent des théâtres nationaux européens, surtout de l'Abbey, qui ne mettent pas l'accent sur l'intégration de la musique et de l'action dramatique. Ainsi, tandis que les Américains se lancent dans la grande aventure des théâtres flottants et des spectacles des frères Gershwin, la comédie musicale canadienne demeure essentiellement sous la forme de revue.

Dans les années 30, des organismes comme l'Arts and Letters Club présentent des revues canadiennes à Toronto. L'immense popularité du Workers' Theatre Movement favorise l'apparition de revues à contenu politique. We Beg to Differ, à Montréal, Beer and Skits, à Winnipeg, et une série de spectacles de cabaret à Toronto utilisent de nouvelles créations musicales afin de faire valoir des points de vue politiques. Pendant la guerre, la revue Fridolinons! de Gratien GÉLINAS propose un commentaire politique et social au Québec.

Le succès des Dumbells durant la Première Guerre mondiale est peut-être à l'origine des nombreuses revues destinées à remonter le moral des troupes au cours de la Deuxième Guerre mondiale, notamment The Navy Show, qui présente le philosophique You'll Get Used to It, The Army Show et les Blackouts de l'Aviation royale du Canada. Des artistes, qui sont devenus par la suite des vedettes canadiennes, ont fait leurs débuts professionnels dans ces spectacles. Tel est le cas de Johnny Wayne et Frank Shuster (voir WAYNE AND SHUSTER), ainsi que d'Alan LUND et sa femme, Blanche.

La plus grande réussite parmi les revues canadiennes demeure Spring Thaw, qui, à partir de 1948, présente chaque année un nouveau spectacle et ce, pendant 24 ans. Sous la direction de son premier directeur, Mavor Moore, la revue introduit un nouveau concept alliant satire, chanson et danse. Les thèmes s'inspirent de la société et de la politique canadiennes de l'époque. Parmi les artistes canadiens qui ont commencé leur carrière dans Sping Thaw figurent Don HARRON, Barbara Hamilton, Dave Broadfoot, Jack Duffy, Jane Mallet et Robert GOULET.

Durant les années 40 et au début des années 50, des compagnies de répertoire professionnelles et semi-professionnelles s'installent dans certains grands centres canadiens et montent des comédies musicales inspirées de Broadway. Parmi les plus connues, citons le Theatre Under the Stars de Vancouver (fondé en 1940), le Melody Fair de Toronto (qui a connu une brève existence au début des années 50) et le RAINBOW STAGE de Winnipeg (qui continue de produire des comédies musicales de Broadway). La contribution de ces troupes à l'écriture de comédies musicales canadiennes est négligeable, bien que le Theatre Under the Stars ait produit la version originale de la comédie musicale Timber!, au début des années 50. Toutefois, ces compagnies familiarisent leur public à des comédies musicales avec livret ( la musique y est intimement liée à l'action dramatique), ce qui éveille un intérêt pour un genre qui se perpétuera avec l'apparition des théâtres régionaux. Les plus grandes réussites parmi les comédies musicales écrites au Canada dans les années 50 sont sans doute Sunshine Town (1955), produite par la New Play Society, et My Fur Lady (1957), un spectacle monté par des étudiants de McGill qui présente des chansons de Galt McDermot. Ce dernier, composera plus tard la musique du grand succès de Broadway, Hair. Les deux spectacles parcourent le pays en tournée.

Le rôle des théâtres régionaux

Au cours des 10 années qui suivent la création du CONSEIL DES ARTS DU CANADA, en 1958, un grand nombre de théâtres régionaux professionnels font leur apparition au Canada. Ces théâtres ouvrent la voie aux dramaturges canadiens, dont plusieurs font leur entrée dans la comédie musicale par le biais des compagnies de répertoire. La comédie musicale canadienne acquiert son caractère propre dans les premiers théâtres régionaux et dans les théâtres parallèles qui prospèrent au cours des années 70.

L'apparition d'une comédie musicale typiquement canadienne commence avec un certain nombre de spectacles originaux et puissants qui mélangent la revue satirique, la comédie musicale avec livret et d'autres formes dramatiques. Parmi les spectacles canadiens originaux les plus réussis de cette période, citons Klondyke de Gabriel CHARPENTIER (THÉÂTRE DU NOUVEAU MONDE, 1965), une approche brechtienne de la ruée vers l'or; Grass and Wild Strawberries de George RYGA (VANCOUVER PLAYHOUSE THEATRE, 1969), un spectacle rock somptueux; Gravediggers of 1942 (Toronto Free Theatre, 1973), où Tom HENDRY et Steven Jacks font ressortir avec ironie le contraste entre les airs optimistes du temps de la guerre et les horreurs de Dieppe; enfin, Satyricon (FESTIVAL DE STRATFORD, 1969), une fastueuse adaptation par Stanley Silverman de la satire de Petrone, sur une musique rock. L'éclectisme des approches est frappant.

Parmi les productions où la musique joue un rôle important dans l'action dramatique, citons Ecstasy of Rita Joe de Ryga (Vancouver Playhouse, 1967), avec une musique à consonance folk, signée Ann Mortifee, qui évoque la relation à la terre à laquelle le personnage titre a été arraché, et Jubaley (Manitoba Theatre Centre, 1974) de Pat Rose, Merv Campone et Richard Ouzounian, qui s'appuie essentiellement sur la formule propre à la revue et propose une vision kaléidoscopique du monde à travers les yeux d'un enfant innocent. Une version considérablement modifiée de ce spectacle sera présentée en tournée et acclamée à New York sous le titre A Bistro Car on the CNR.

La comédie musicale traditionnelle est également florissante dans le Canada des années 60 et des années 70, surtout grâce aux oeuvres présentées par le FESTIVAL D'ÉTÉ DE CHARLOTTETOWN. D'abord sous la direction artistique de Mavor Moore, puis sous celle d'Alan Lund, qui lui succède en 1968, le Festival de Charlottetown monte essentiellement des comédies musicales canadiennes. Le plus grand succès du festival et sans doute la comédie musicale canadienne la plus connue est Anne of Green Gables (1965; v.f. Anne, la maison au pignon vert) de Don Harron et de Norman CAMPBELL, une oeuvre admirablement réalisée qui illustre bien comment on peut adapter le modèle américain à un contenu canadien. Parmi les autres spectacles remarquables présentés dans le cadre du festival, citons Johnny Belinda (Mavor Moore et John Fenwick, 1968), Fauntleroy (Mavor Moore et Johnny Burke, 1980), Windsor (David Warrack, 1978), enfin, les comédies de Cliff Jones, Babies (1986), Alexandra : the Last Empress (1988), The Rowdyman (1976) et, surtout, Kronborg : 1582 (1974), qui a failli être joué à Broadway sous le titre de Rockabye Hamlet. Parmi les oeuvres créées pour les petites scènes du festival de Charlottetown, citons Eight to the Bar (1978) de Joey Miller et Steven Witkin, qui a fait l'objet de nombreuses mises en scène partout au Canada. La grande contribution du Charlottetown Festival aura été son engagement à monter des comédies musicales canadiennes originales et professionnelles de haut niveau, permettant ainsi à des dramaturges de talent de développer et de raffiner leur technique.

Tout au long des années 80, les théâtres parallèles offrent des lieux de présentation adaptés aux petites comédies musicales. À cette époque, à Toronto, le Young People's Theatre monte des comédies musicales qui vont de Life on the Line (1983, Steven Bush et Allen Booth), une oeuvre simple et froide, à A Gift to Last (1986, Grahame Woods et Joey Miller), plus chaleureuse. Morris Panych et Ken MacDonald écrivent et présentent le « spectacle de cabaret postnucléaire »Last Call (1982) au Tamahnous Theatre de Vancouver. Parmi les dramaturges qui ont fait connaître leurs oeuvres grâce aux petits théâtres figurent le duo Paul Ledoux et David Young (Magnus Theatre) et John Roby (BLYTH FESTIVAL). Ledoux et Roby ont tous deux participé à des cafés-concerts dans l'Est du Canada, où un genre particulier de revues musicales a vu le jour grâce à des compagnies comme le Rising Tide Theatre (Terre-Neuve) et The Steel City Players (Sydney) dont le spectacle Rise and Follies of Cape Breton Island (première version en 1977) continue d'être présenté chaque année.

Parmi les auteurs de comédies musicales issus du théâtre régional ou du théâtre parallèle, John GRAY est celui qui a le mieux réussi. Né et élevé en Nouvelle-Écosse, Gray a longtemps habité à Vancouver. En 1978, il crée Billy Bishop Goes to War, pour le Vancouver East Cultural Centre. Ce sera son spectacle le plus acclamé et qui tiendra l'affiche le plus longtemps. Applaudi tant par le public que par la critique, Billy Bishop est présenté en tournée et joué à New York en 1980. On continue de la présenter régulièrement dans les théâtres régionaux au Canada et à l'étranger. Eighteen Wheels, spectacle que Gray avait créé quelques années auparavant sur les chauffeurs de camion (1977, Tamahnous Theatre), a été présenté dans de nombreux théâtres régionaux canadiens. Rock and Roll (1982, Vancouver East Cultural Centre) s'inspire de son expérience personnelle au sein d'un orchestre de rock-and-roll dans les petites villes de Nouvelle-Écosse. Son succès donne lieu à une tournée nationale et à une adaptation télévisée portant un nouveau titre, King of Saturday Night. Don Messer's Jubilee (1985, Neptune Theatre), montée comme une soirée de danse campagnarde, raconte l'histoire du célèbre artiste de télévision Don Messer (voir DON MESSER AND HIS ISLANDERS). Tout comme King of Saturday Night, ce spectacle parcourt le pays et fait par la suite l'objet de plusieurs mises en scène. Bien que Gray délaisse la comédie musicale dans les années 90 pour se consacrer à l'écriture d'essais et d'oeuvres de fiction, il a marqué à tout jamais la comédie musicale au Canada.

Le mégaspectacle et davantage

Depuis les années 60, les théâtres canadiens ont servi à lancer des comédies musicales écrites aux États-Unis et destinées à Broadway, mais ce n'est qu'au cours des dernières années que cette stratégie a porté fruit. En 1962, le Palace Grand Theatre de Dawson City inaugure sa saison avec la première mondiale de Foxy, une comédie musicale dont l'action se déroule au Klondike. Adapté par Robert Emmet Dolan, d'après Volpone de Ben Jonson, et destiné à Broadway ce spectacle met en vedette deux artistes connus de Broadway, Bert Lahr et Larry Blyden. Dans les années 80, le CITADEL THEATRE d'Edmonton, avec Joe SHOCTOR comme producteur, devient un lieu d'essai pour une série de spectacles destinés à Broadway. Citons, entre autres, Flowers for Algernon (1978, Charles Strouse et David Rodgers), tiré du célèbre film Charly; Duddy (1984, Leiber et Stroller), d'après L'APPRENTISSAGE DE DUDDY KRAVITZ de Mordecai RICHLER; et Pieces of Eight (1985, Jule Styne et Susan Birkenhead), d'après Treasure Island (trad. L'île au trésor) de R. L. Stevenson. Foxy est présenté quelque temps à Londres et à New York, et les autres se révèlent des échecs financiers. Cependant, les producteurs canadiens continuent de croire qu'il est possible de monter des comédies musicales de style américain au Canada pour les présenter ensuite à Broadway.

À la fin des années 80, les reprises à Toronto de mégaspectacles de Broadway annoncés comme des premières canadiennes deviennent réalisables sur le plan financier, ce qui s'explique en partie par le fait qu'il est possible de présenter à Toronto, devenu l'un des plus grands marchés au monde pour le théâtre de langue anglaise, des pièces qui restent longtemps à l'affiche. Ed MIRVISH et son fils David ont accueilli des spectacles américains au ROYAL ALEXANDRA THEATRE pendant de nombreuses années. Les misérables (1988), une réplique du spectacle de New York, connaît un succès de longue durée avec des comédiens pour la plupart canadiens. Garth DRABINSKY obtient, dans les locaux restaurés du Pantages Theatre, un succès comparable avec Phantom of the Opera (1990; v.f. Le fantôme de l'opéra). Il s'agit d'une autre production « franchisée » dont les comédiens sont majoritairement canadiens, dirigée par Hal Prince, qui avait mis en scène la version new-yorkaise. Le succès de ces spectacles, à Toronto et en tournée, fait renaître l'intérêt pour la possibilité de mettre en scène des comédies musicales canadiennes à grand déploiement. Les Mirvish construisent le Princess of Wales Theatre où il montent Miss Saigon, et Drabinsky construit le North York Centre où il présente ses spectacles destinés à Broadway sous les auspices de sa compagnie de production, Livent.

Sous la direction de Drabinsky, Livent entreprend un bon nombre de démarches audacieuses qui semblent révolutionner la production et la commercialisation des comédies musicales à grand déploiement. Grâce à Livent, Drabinsky a mis au point un système de production à intégration verticale inspiré du modèle des studios de cinéma hollywoodiens des années 30 et 40. Les spectacles musicaux sont conçus dans le cadre d'une compagnie parapluie : ils sont produits par la compagnie et présentés dans les salles de spectacles dont la compagnie est propriétaire. Pendant les beaux jours de Livent, en 1996 et en 1997, Drabinsky envisage de devenir propriétaire d'une kyrielle de centres des arts d'interprétation partout au Canada et aux États-Unis, lesquels serviraient de vitrines aux productions de Livent. Le Ford Centre de Drabinsky, à New York (terminé en 1997), devait être le théâtre vedette de Livent.

Le succès de Drabinsky, comme celui des grands producteurs de cinéma d'Hollywood, repose en grande partie sur sa capacité à engager des talents reconnus pour ses productions. Sa collaboration avec Hal Prince dans Kiss of the Spider Woman (1992, Kander, Ebb et McNally; v.f. Le baiser de la femme araignée) et dans le classique Showboat (1994) de Kern et Hammerstein a entraîné des spectacles dont la valeur artistique est remarquable. Le premier spectacle de Drabinsky entièrement conçu à l'interne est Ragtime (1996, Flaherty, Ahrens et McNally), monté par l'Américain Frank Galati. Tiré du livre de E. L. Doctorow, cette production souhaite avoir la même qualité épique que Showboat, et elle obtient à New York tant le succès financier que des critiques élogieuses. La revue musicale suivante, Fosse (1999), est également saluée par la critique, mais la comédie musicale tirée d'un livre intitulé Parade (1998, J. R. Brown), qui à l'instar de Ragtime est basée sur des événements tirés de l'histoire américaine, a nettement moins de succès. Cela s'explique en partie par le ton plus sombre des matériaux et en partie parce que les finances de Livent jettent une ombre sur son développement et sa présentation.

Les difficultés financières de Livent éclatent au grand jour précisément en raison du fait que la société est cotée en bourse depuis 1993. Bien que les parts de la société semblent être très lucratives, certaines des méthodes comptables de Livent sont remises en question en 1998, lors d'un scandale qui conduit la compagnie à demander la protection de la loi de la faillite. Drabinsky et son partenaire de longue date, Myron Gottlieb, sont forcés de démissionner et l'avenir à long terme de la compagnie est menacé.

En dépit du succès de Livent sur le marché new-yorkais, les comédies musicales écrites au Canada n'ont pas encore remporté de grands succès aux États-Unis. Bien que Drabinsky ait cherché de nouvelles comédies musicales rédigées par des Canadiens (il prend une option sur The Return of Martin Guerre (v.f. Le retour de Martin Guerre), qu'il ne produira pas), Livent n'a pas produit de mégaspectacles musicaux canadiens à ce jour. D'autres écrivains canadiens ont tenté leur chance dans ce domaine. Parmi ces spectacles, celui qui a le plus retenu l'attention des médias est sans doute Napoleon de Marlene Smith (1994, Andrew Sabiston et Timothy Williams), dont les profits n'ont pas suffi à recouvrer l'investissement initial de 4,5 millions de dollars. L'ampleur de l'échec financier et le battage médiatique que cela a engendré semblent avoir dissuadé les écrivains qui n'ont pas déjà fait leur marque dans ce domaine de produire des comédies musicales à grand déploiement.

Les orientations

L'avenir de la comédie musicale au sein du théâtre canadien recouvre plusieurs possibilités. De jeunes écrivains, encouragés par le succès des grosses comédies musicales de Broadway, et appâtés par le gain, ont commencé à s'intéresser à ce marché. Leurs oeuvres vont de l'adaptation populaire par Grec Robic des Nuées d'Aristophane (Poor Alex Theatre, Toronto, 1997) à l'adaptation obscure de The Consolation of Philosophy de Boèce, par Alan Williams (Great Canadian Stage Company, Toronto, 1996). Des compagnies de théâtre populaire comme les Hummers et la Company of Sirens, une troupe féministe, adoptent la forme de la comédie musicale pour faire connaître un théâtre orienté politiquement et socialement. Partout au Canada, des comédies musicales d'avant-garde, destinées à un public plus restreint, ont vu le jour dans des festivals. Les progrès technologiques dans le domaine de la musique ont favorisé toutes ces initiatives. Les petites comédies musicales ne sont plus limitées aux anciennes orchestrations de l'après-guerre confinée au piano, à la contrebasse et à la batterie et peuvent rivaliser avec les spectacles avec orchestre. Cela fait de ces comédies une forme de théâtre parallèle plus intéressante. Le secteur du théâtre musical au Canada est aujourd'hui plus vivant et varié que jamais.

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