Racisme environnemental au Canada | l'Encyclopédie Canadienne

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Racisme environnemental au Canada

Le racisme environnemental fait référence à la proximité disproportionnée et l’exposition accrue des communautés autochtones, noires et autres minorités raciales aux industries polluantes et aux activités dangereuses pour l’environnement. Au Canada, les communautés autochtones et d’origine africaine de Nouvelle-Écosse ont été les plus touchées par ce type de racisme. Quelques exemples de racisme environnemental en Nouvelle-Écosse : une décharge à ciel ouvert à Africville, des sites d’enfouissement à Shelburne et Lincolnville, une usine de pâtes et papiers dans la Première Nation de Pictou Landing et un pipeline qui traverse le territoire de la Première Nation Sipekne’katik. Un pipeline traverse également la Première Nation Wet’suwet’en en Colombie-Britannique, tandis qu’en Ontario, la Première Nation de Grassy Narrows est contaminée au mercure et plus de 60 installations pétrochimiques entourent la Première Nation Aamjiwnaang.

Dans cette carte du projet ENRICH (en anglais seulement), les « W » représentent des installations d’élimination des déchets, les « T » représentent des centrales thermiques et les « O » représentent d’autres industries toxiques. Les points verts représentent les communautés des Premières Nations, tandis que les points bleus représentent les communautés afro-néo-écossaises. Les anneaux rose-violet autour de chaque point représentent la distance (voir la légende pour l’échelle). Les polygones brun-beige représentent la difficulté matérielle (voir la légende pour l’échelle et les « détails » pour une définition de « difficulté matérielle »).

Qu’est-ce que le racisme environnemental?

À travers l’histoire, le racisme environnemental au Canada a eu un impact disproportionné sur les communautés autochtones et d’origine africaine de Nouvelle-Écosse. Le racisme environnemental englobe les problèmes suivants :

  • La proximité disproportionnée et l’exposition accrue des communautés autochtones, noires et autres minorités raciales aux industries polluantes et aux activités dangereuses pour l’environnement;
  • Le manque de pouvoir politique de ces communautés pour lutter contre l’installation de ces industries chez elles;
  • L’adoption de politiques qui autorisent la mise en œuvre de projets nuisibles dans ces communautés;
  • La lenteur du processus d’élimination des contaminants et des polluants au sein des communautés raciales minoritaires;
  • Le manque de représentation des communautés autochtones, noires et autres minorités raciales dans les principaux groupes environnementaux et dans les conseils, commissions et organismes de réglementation décisionnels.

Exemples de racisme environnemental au Canada

Shelburne, Nouvelle-Écosse

Le site d’enfouissement de Morvan Road est situé à Shelburne, une communauté afro-néo-écossaise, depuis les années 1940. Début 2016, les membres de la communauté font front commun et mettent sur pied la South End Environmental Injustice Society (SEED). SEED est un organisme sans but lucratif dont la mission est centrée sur les effets sociaux et sanitaires du site. On fermera le site fin 2016 grâce aux efforts déployés par la communauté.

Africville, Nouvelle-Écosse


Africville, une ancienne communauté afro-néo-écossaise, en est venue à incarner les effets néfastes de l’embourgeoisement et du racisme environnemental. En 1965, la ville d’Halifax se lance dans une campagne de revitalisation urbaine. On détruit alors les maisons et on réinstalle les membres de la communauté d’Africville ailleurs. Bientôt, la zone présente de nombreux risques environnementaux et sociaux. On y retrouve notamment une usine d’engrais, un abattoir, une usine de goudron, une usine de concassage de pierres et de charbon, une usine de coton, une prison, trois systèmes de voies ferrées et une décharge à ciel ouvert. Les descendants d’Africville luttent pendant de nombreuses années pour retrouver leur communauté. Tout récemment, en novembre 2016, environ 300 anciens résidents et leurs descendants présentent par voie de recours collectif une demande à la Cour suprême de Nouvelle-Écosse : ils souhaitent retrouver leur terre, perdue injustement aux mains d’Halifax. En 2018, un juge rejette la demande, statuant que le demandeur n’a pas « satisfait aux exigences » de certification du recours collectif, ce qui met un terme à l’affaire.

Lincolnville, Nouvelle-Écosse

Les Néo-Écossais d’origine africaine de Lincolnville vivent non loin d’un site d’enfouissement de première génération depuis 1974 et de deuxième génération depuis 2006. Là-bas, on s’inquiète depuis longtemps des traces de substances cancérigènes (dont du cadmium, du phénol et du toluène) qui dépassent les limites acceptables dans les eaux de surface et les eaux souterraines de la communauté, dont les habitants s’abreuvent. Par l’intermédiaire de l’organisation Concerned Citizens of Lincolnville (rebaptisée plus tard Lincolnville Reserve Land Voice Council), la communauté exprime ses inquiétudes quant aux méthodes dangereuses pour l’environnement utilisées pour traiter les déchets dans le site de première génération. Elle met sur pied la campagne Save Lincolnville, une initiative communautaire en faveur de l’élimination du site d’enfouissement qui jouit de l’appui d’une large coalition de groupes communautaires et d’individus.

Première Nation de Pictou Landing

À partir de 1967, l’usine de pâtes et papiers Northern Pulp commence à déverser des effluents dans Boat Harbour, en Nouvelle-Écosse. Or, trois des réserves de la Première Nation de Pictou Landing jouxtent le port. La communauté entame une action contre le gouvernement fédéral en 1986, mais celui-ci ignore le problème. Le 11 juin 2014, la chef Andrea Paul et le gouvernement de sa Première Nation ordonnent le blocage de la route qui mène au site de la fuite d’effluents. Andrea Paul prend cette mesure après que le gouvernement provincial et Northern Pulp aient ignoré ses demandes de renseignements sur les plans de nettoyage du déversement. Après la signature d’un accord pour fermer l’usine en 2020 entre Andrea Paul et l’ancien ministre de l’Environnement Randy Delorey, la Première Nation démantèle le barrage. En 2019, le premier ministre Stephen McNeil annonce son intention de fermer l’usine pour de bon. L’usine Northern Pulp ferme ses portes à la fin du mois de janvier 2020.

Première Nation Sipekne’katik

En 2014, des membres de la Première Nation Sipekne’katik et d’autres protecteurs de l’eau des Micmacs manifestent leur opposition à un projet de développement d’Alton Natural Gas Storage. Il s’agit d’un pipeline de rejet de saumure sur un terrain non cédé près de la rivière Shubenacadie en Nouvelle-Écosse. Le projet est censé permettre le stockage de gaz naturel dans des cavernes de sel souterraines près de la rivière Shubenacadie. La Première Nation Sipekne’katik soutient qu’elle n’a pas été suffisamment consultée et n’a jamais donné son aval pour le projet. Depuis 2016, elle fait appel de la décision de la province d’accorder une autorisation industrielle au projet. Par deux fois, en 2017 et en 2020, la Première Nation Sipekne’katik porte son appel devant la plus haute instance de Nouvelle-Écosse. En mars 2020, elle obtient gain de cause en faisant annuler par le tribunal l’approbation industrielle du projet. Le juge ordonne à la province de reprendre les consultations avec la Première Nation Sipekne’katik pendant 120 jours ou sur une période convenue entre la province et la Première Nation.

Première Nation de Grassy Narrows

Asubpeeschoseewagong Netum Anishinabek (également connue sous le nom de Première Nation de Grassy Narrows) est une Première Nation ojibwée et une réserve située au nord de Kenora, en Ontario. Entre 1962 et 1970, Dryden Chemicals Ltd. déverse du mercure dans le réseau fluvial English-Wabigoon. Dryden est situé en amont de Grassy Narrows. Le mercure ainsi déversé empoisonne les poissons du réseau fluvial, une source primaire de nourriture et de revenus pour la communauté. Le gouvernement provincial de l’Ontario recommande ensuite à la communauté de cesser de manger du poisson et, en 1970, ferme son entreprise de pêche commerciale. Il s’ensuit un véritable désastre économique. Un an après cette fermeture, le taux de chômage de Grassy Narrows passe de 5 % à 95 %. Dryden Chemicals Ltd. ferme ses portes en 1976, ce qui ne diminue pourtant en rien les inquiétudes entourant les effets de la contamination au mercure sur la santé. En avril 2020, le gouvernement fédéral s’engage à financer entièrement un centre de soins à Grassy Narrows pour les victimes d’empoisonnement au mercure. Le gouvernement accepte également de fournir à la communauté un financement à long terme pour l’exploitation et l’entretien du centre.

Première Nation Aamjiwnaang

Vallée de la chimie

Le plus grand complexe pétrochimique du Canada, connu sous le nom de « vallée de la chimie », se trouve non loin de Sarnia, en Ontario, et de la Première Nation Aamjiwnaang.

(« Chemical Valley » par Sharon Drummond sous licence CC BY-NC-SA 2.0.)

La Première Nation Aamjiwnaang est située non loin de Sarnia, « vallée de la chimie » de l’Ontario. La Première Nation est depuis longtemps confrontée à la pollution atmosphérique provenant des installations industrielles de la région, dont des raffineries de pétrole, des centrales électriques et des sites d’enfouissement. La vallée de la chimie est le plus grand complexe pétrochimique du Canada, regroupant plus de 60 installations pétrochimiques dans une zone de 25 km2. Des taux élevés de cancer, de maladies respiratoires et de problèmes de santé reproductive sont associés à ces installations. Dans la communauté, nombreux sont ceux qui dépendent du poisson de la rivière St. Clair, qui traverse la vallée de la chimie. Le fleuve est le théâtre de 32 déversements majeurs et 300 déversements d’importance moindre entre 1974 et 1986. Ces déversements contribuent à la présence d’environ 10 tonnes de polluants dans la rivière St. Clair. La communauté, en plus d’exercer des pressions pour l’amélioration de la qualité de l’air dans la région, travaille à l’amélioration du rendement environnemental de l’industrie. Des relations sont également nouées entre la communauté, le ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et des Parcs de l’Ontario et l’industrie pétrolière, ce qui permet d’améliorer la protection de l’environnement.

Première Nation Wet’suwet’en

En Colombie-Britannique, les chefs héréditaires de la Première Nation Wet’suwet’en s’opposent au pipeline Coastal GasLink, conçu pour transporter du gaz naturel liquéfié du nord-est de la province jusqu’à un terminal situé près de la ville de Kitimat. En décembre 2018, des membres des clans Unist’ot’en et Gidimt’en érigent des barrages près de Smithers, en Colombie-Britannique, pour empêcher l’accès au site de construction du pipeline. Dans les années qui suivent, les alliés de la Première Nation Wet’suwet’en prennent part à de grandes manifestations, à des occupations et à des barrages pour soutenir les dirigeants de la nation autochtone qui n’avaient jamais donné leur assentiment pour que le projet aille de l’avant.

Lois concernant le racisme environnemental

Début 2015, Lenore Zann, membre du Nouveau parti démocratique à l’Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse, et la Dre Ingrid Waldron, professeure à l’Université Dalhousie, collaborent à l’élaboration du premier projet de loi d’initiative parlementaire sur le racisme environnemental au Canada, la Environmental Racism Prevention Act (projet de loi 111). Le projet de loi, présenté à l’Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse le 29 avril 2015, ne sera jamais adopté en tant que loi. Début 2020, Lenore Zann, désormais députée du Parti libéral fédéral, et la Dre Waldron révisent le projet de loi 111. Lenore Zann le présente à la Chambre des communes le 26 février 2020 en tant que projet de loi fédéral intitulé Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale visant à remédier au racisme environnemental (projet de loi C-230). Le 24 mars 2021, ce projet passe l’étape de la deuxième lecture et est renvoyé à un comité permanent de l’environnement pour une étude plus approfondie. Avant de devenir loi, le projet doit franchir plusieurs autres étapes, dont une troisième lecture (voir aussi Loi (acte législatif).