Grève du chocolat | l'Encyclopédie Canadienne

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Grève du chocolat

La grève du chocolat, connue en anglais sous le nom de Candy Bar Protest ou 5 cent Candy War a été une série de manifestations ayant eu lieu au printemps 1947. Dans de nombreuses villes canadiennes, des enfants ont organisé des manifestations publiques ou des boycotts contre la hausse des prix des barres de chocolat (voir Industrie de la confiserie). Ces manifestations ont été généralement bien accueillies par le public canadien, mais ont fini par s’éteindre totalement, à la suite d’allégations non fondées, selon lesquelles cette initiative était soutenue par les communistes. (Voir aussi Parti communiste du Canada.)

Boycott des barres de chocolat à Montréal

Causes

Le 24 avril 1947, le prix des barres de chocolat passe de cinq cents à huit cents. Les fabricants font valoir que cette augmentation des prix est la conséquence d’une hausse des coûts de production. Ils expliquent également qu’ils ont perdu des contrats pendant la guerre et que la suppression du contrôle des prix, en vigueur tout au long de la Deuxième Guerre mondiale, a également entraîné une envolée des prix. (Voir aussi : Commission des prix et du commerce en temps de guerre ; Industrie de la confiserie.)

Le 25 avril 1947, à Ladysmith, en Colombie‑Britannique, un groupe d’enfants se dirige vers le Wigwam Café, une confiserie et un casse‑croûte très populaire localement. Dans le magasin, les enfants s’aperçoivent que le prix des barres de chocolat a bondi de 60 %, du jour au lendemain, sans aucun avertissement préalable. Les enfants et les adolescents de Ladysmith sont les premiers jeunes au Canada à organiser des manifestations contre l’augmentation du prix des barres de chocolat. Cette augmentation est loin d’être négligeable pour eux, lorsque les enfants de l’époque ne reçoivent que rarement plus d’un dollar d’argent de poche. (Voir aussi Contrôle des salaires et des prix.)

Propagation des manifestations

En quelques jours, la grève s’étend à d’autres villes canadiennes. À Victoria, en Colombie‑Britannique, le 29 avril 1947, environ 200 enfants marchent en direction de l’édifice du Parlement provincial. Le même jour, à Edmonton, approximativement 300 enfants organisent une « grève des acheteurs » (un boycott) visant à décourager les gens d’acheter les barres de chocolat les plus chères. À Ottawa, un groupe de dix clairons marchent en tête d’une soixantaine d’enfants en direction de la colline du Parlement, alors qu’à Toronto, 500 adolescents de plusieurs écoles secondaires défilent dans la rue Bloor et convergent vers le parc Christie Pits. D’autres manifestations ont lieu à Burnaby, à Winnipeg, à Montréal, à Calgary, à Québec et dans différentes villes des Maritimes (voir Provinces maritimes). Dans certains cas, la police intervient pour disperser les manifestations.

Dans certaines régions, les enfants en grève obtiennent le soutien des conseils étudiants et des syndicats de plusieurs écoles. Partout au Canada, les parents appuient généralement les jeunes en grève. Des groupes communautaires aident les enfants en grève en imprimant leurs pancartes, en manifestant leur solidarité et en leur apportant des collations. Les augmentations rapides des prix d’une grande variété de biens de consommation constituent un choc majeur pour la population canadienne dans la période qui suit immédiatement la Seconde Guerre mondiale (voir  : Deuxième Guerre mondiale ; Contrôle des salaires et des prix). Une très grande partie de la population s’inquiète des tarifs exorbitants des biens de consommation. Quelque 3 000 cartes de mobilisation « anticonfiserie à huit cents » sont distribuées à la jeunesse canadienne, afin qu’elle puisse montrer son soutien au boycott total des barres de chocolat, jusqu’à ce qu’elles soient de nouveau vendues à cinq cents. On estime que la chute des ventes de barres de chocolat a pu atteindre jusqu’à 80 % pendant la grève.

Résistance et hystérie de la Guerre froide

Les grèves suscitent une attention considérable partout au pays. La Fédération nationale des jeunes travailleurs) s’intéresse à cette cause et contribue à l’organisation d’un rassemblement, le 2 mai 1947, à Toronto. Pendant ce temps, les fabricants de chocolats et de confiseries tentent de faire valoir leur point de vue sur cette affaire, en diffusant des publicités pleine page dans les journaux de Toronto. Ils expliquent que les augmentations de prix sont le résultat de plusieurs facteurs, notamment de nouvelles taxes fédérales, une augmentation des coûts de main‑d’œuvre et un accroissement des prix du cacao et du sucre. (Voir aussi  : Imposition au Canada ; Contrôle des salaires et des prix.)

Le saviez‑vous?
La Ligue de la jeunesse communiste du Canada est devenue la Fédération nationale des jeunes travailleurs, lorsqu’elle a été interdite par le gouvernement en 1940. (Voir aussi Parti communiste du Canada.)


Le mouvement de protestation subit un coup d’arrêt après la publication, le 3 mai 1947, d’un article à sensation dans le Toronto Telegram qui, citant une source anonyme, explique que les communistes se sont appropriés la grève. Sans fournir de preuves concrètes, l’article suggère, avec insistance, que les communistes se servent de la grève pour semer le chaos dans la société canadienne et pour endoctriner la jeunesse canadienne dans le marxisme. Le Financial Post publie un article similaire, avec, en première page, gros titre : « Les communistes organisent une grève des confiseries et recrutent de jeunes enfants pour un défilé ».

Dans une interview de 2012 accordée au Globe and Mail, Parker Williams, l’un des chefs de file de la manifestation initiale à Ladysmith en Colombie‑Britannique, précise que la manifestation de Ladysmith était une initiative spontanée, uniquement motivée par la prise de conscience de jeunes ayant réalisé qu’ils n’étaient pas obligés d’accepter, sans rien dire, l’augmentation du prix des barres de chocolat et qu’ils avaient le pouvoir de protester.

Malgré l’absence de preuves d’infiltration communiste, dans le contexte des débuts de la Guerre froide, cette allégation s’avère suffisante pour que le mouvement de protestation s’essouffle au début du mois de mai 1947. À la suite des manifestations, le prix des barres chocolatées baisse à sept cents, mais les augmentations de prix ultérieures n’entraînent aucun mouvement de protestation similaire.

Postérité

Alors que la grève du chocolat n’est plus qu’un souvenir, la capacité d’organisation des enfants dans l’espace public fait l’objet de projets cinématographiques et artistiques. Les manifestations sont le sujet du documentaire The Five Cent War. Une peinture murale, commémorant la protestation des enfants, est installée à Chemainus, en Colombie‑Britannique, en 2017 (voir North Cowichan). Ces événements sont également décrits dans deux livres pour enfants : Maggie and the Chocolate War (2007; trad. Maggie et la guerre du chocolat, 2009) et Candy Bar War (2021).

Lecture supplémentaire

Liens externes