Conférence de Québec, 1864 | l'Encyclopédie Canadienne

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Conférence de Québec, 1864

Du 10 au 27 octobre 1864, des représentants des cinq colonies de l’Amérique du Nord britannique se sont réunis à Québec afin de poursuivre les discussions sur leur unification en un seul pays, entamées le mois précédent à la Conférence de Charlottetown. Les principales décisions qu’ils ont prises concernaient la structure du Parlement et le partage des pouvoirs entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Les grandes décisions des conférences de Charlottetown et de Québec ont pris la forme de 72 résolutions, connues sous le nom de Résolutions de Québec, et c’est sur elles que reposent la Confédération et la Constitution du Canada.

Réunion des délégués
À la conférence de Québec de 1864. Fusain et sanguine sur papier vélin, de Robert Harris, 1883.

Contexte : la Conférence de Charlottetown

La volonté d’unir les cinq colonies nord-américaines de la Grande-Bretagne ‒ la Province du Canada, le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve ‒ vient surtout du Canada-Ouest. L’assemblée législative qui gouverne le Canada-Ouest et le Canada-Est est instable et dans l’impasse depuis des années. Conservateurs et réformistes ne s’entendent pas sur de nombreuses questions. Les relations entre les Anglais du Canada-Ouest et les Français du Canada-Est sont tendues.

La crainte de l’expansionnisme américain, conjuguée à la réticence croissante de la Grande-Bretagne à défendre ses colonies, nourrit le désir de s’unir pour être plus fort. En 1864, conservateurs et réformistes forment ce qu’on appelle la Grande Coalition. Ils ont enfin trouvé des solutions à l’impasse politique qui paralyse les deux Canada. Un de leurs objectifs est l’union avec les autres colonies de l’Amérique du Nord britannique.

L’idée de la Confédération est dans l’air depuis des années. C’est en septembre 1864 qu’on en discute officiellement pour la première fois à la Conférence de Charlottetown. Convoquée par les trois colonies des Maritimes pour discuter de leur propre union politique, cette réunion sera transformée par une délégation de la Province du Canada, venue plaider pour la Confédération. L’idée plaît et elle reçoit l’adhésion de tous les participants.

Conférence de Québec

Bon nombre des délégués qui se sont rencontrés à Charlottetown (les Pères de la Confédération) se réunissent le mois suivant à Québec, dans un grand édifice qui surplombe le fleuve Saint-Laurent, là où se dresse aujourd’hui le Château Frontenac. Ils discutent, débattent et socialisent du 10 au 27 octobre.

Chacun des 33 délégués sait qui est qui parce que chacun a reçu un jeu de cartes, de la taille de cartes à jouer, sur lesquelles figurent le nom et le portrait de tous les participants.

Délégués à la conférence de Charlottetown
Congrès international, à Québec, des délégués des assemblées législatives du Canada, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, de l'Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve, 27 octobre 1864.

Délégués

La délégation du Canada-Est comprend George-Étienne Cartier, Thomas D’Arcy McGee et Étienne-Paschal Taché, le premier ministre de la Province du Canada, qui préside la conférence. George Brown et John A. Macdonald représentent le Canada-Ouest. John Hamilton Gray et Samuel Leonard Tilley sont du Nouveau-Brunswick. Adams George Archibald et Charles Tupper viennent de la Nouvelle-Écosse. George Coles et William Henry Pope représentent l’Île-du-Prince-Édouard. Terre-Neuve a envoyé deux observateurs, Frederic Carter et Ambrose Shea.

Partage des pouvoirs

Une des principales questions débattues tant à Charlottetown qu’à Québec est le partage des pouvoirs. Le nouveau pays doit‑il avoir un gouvernement central fort, ou même un seul gouvernement? Ou bien doit-il avoir un système fédéral coopératif, avec des pouvoirs répartis entre un gouvernement national et des gouvernements provinciaux? John A. Macdonald plaide pour un gouvernement central dominant, en servant comme mise en garde l’échec du système fédéral qui a entraîné les États-Unis dans la guerre de Sécession. Dans l’autre camp, George-Étienne Cartier, inquiet des intérêts francophones du Québec, et les dirigeants des Maritimes, qui redoutent la domination du Canada central, plus populeux, veulent un système fédéral avec des gouvernements provinciaux forts.

On trouve un équilibre. En répartissant les pouvoirs entre un parlement central et des assemblées législatives provinciales, on aura une union fédérale où il sera possible de défendre les intérêts des régions et des populations minoritaires. Les provinces seront responsables de l’éducation, de la langue et des municipalités, entre autres. Le gouvernement fédéral se chargera notamment de la monnaie, du commerce international et du droit criminel. Certains domaines, comme l’immigration, relèveront des deux paliers de gouvernement, qui pourront tous deux percevoir des impôts. (Voir aussiPartage des pouvoirs.)

Sir George-Étienne Cartier

Égalité régionale

Les délégués décident que le Parlement lui-même comprendra deux chambres. La chambre basse, ou Chambre des communes, sera formée par des députés élus, qui représenteront leur province respective selon sa population (voir aussiReprésentation selon la population.) Il y aura 82 sièges pour l’Ontario, 65 pour le Québec, 19 pour la Nouvelle-Écosse et 15 pour le Nouveau-Brunswick. (L’Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve ne se joindront à la Confédération qu’en 1873 et en 1949, respectivement. Voir aussi : L’Île-du-Prince-Édouard et la Confédération; Terre-Neuve-et-Labrador et la Confédération.)

La chambre haute, ou Conseil législatif (aujourd’hui le Sénat), sera formée par des membres nommés. Dans le but de sauvegarder les intérêts de chacune, on attribue aux trois régions ‒ l’Ontario, le Québec et les trois provinces maritimes ‒ un nombre égal de sièges, soit 24, quelle que soit leur population.

Il est décidé qu’Ottawa sera la capitale. Une disposition prévoit que d’autres régions dont Terre-Neuve, la Colombie-Britannique et le « territoire du Nord-Ouest » (appelé alors la Terre de Rupert) pourront se joindre à la Confédération plus tard, dans des conditions équitables. On décide aussi que la Couronne, ou le « souverain du Royaume-Uni », restera chef du gouvernement et gardienne de l’« autorité exécutive ». (Voir aussiSouveraineté.)

Les arrangements financiers proposés par Alexander Galt suscitent aussi beaucoup de discussions, l’enjeu principal étant le partage des dettes encourues par les différentes colonies. Les délégués conviennent que le nouveau gouvernement fédéral aidera à financer et à terminer la construction du chemin de fer Intercolonial reliant Québec et les Maritimes, une condition essentielle de l’entrée des Maritimes dans la Confédération.

Résolutions de la Conférence de Québec (1864) avec griffonnages attribués à Sir John A. Macdonald.

Soixante-douze résolutions

La conférence prend fin le 27 octobre. Les décisions des délégués sont consignées dans 72 résolutions, dont 50 sous la plume de John A. Macdonald, un des rares à avoir une formation juridique et constitutionnelle. « Je ne peux compter sur aucune aide, dira‑t‑il à sir James Gowan. Aucun homme à la conférence (excepté Galt en matière financière) n’a la moindre idée de ce que c’est qu’établir une constitution. Tout ce qu’il peut y avoir de bon ou de mauvais dans la Constitution m’appartient. »

Débattues dans différentes assemblées législatives au cours des années suivantes, les 72 Résolutions, ou Résolutions de Québec, en viendront à former la base de la Constitution du Canada. En 1866 et 1867, les délégués à la Conférence de Londres, dernière étape du processus de la Confédération, leur donnent force de loi dans l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, qui crée le Dominion du Canada. La loi est adoptée par le Parlement britannique et entre en vigueur le 1er juillet 1867. (Voir aussiFête du Canada.)

Voir aussi : Résolutions de Québec; Confédération : chronologie; Confédération : collection; Pères de la Confédération; Pères de la Confédération : tableau; Pères de la Confédération : collection; Mères de la Confédération.