Verre | l'Encyclopédie Canadienne

Article

Verre

La première fabrique de verre ou verrerie connue, la Mallorytown Glass Works (Haut-Canada), créée en 1839, ferme ses portes en 1840. La fabrication du verre exige de gros investissements en terme de matières premières, d'équipement et de salaires.

Verre

La première fabrique de verre ou verrerie connue, la Mallorytown Glass Works (Haut-Canada), créée en 1839, ferme ses portes en 1840. La fabrication du verre exige de gros investissements en terme de matières premières, d'équipement et de salaires. Les plus petites verreries comptent de 15 à 20 employés qui fabriquent le verre à partir d'un four à cinq creusets. Elles emploient aussi d'autres ouvriers pour les fonctions secondaires (couper le bois pour le four, déballer la matière première, emballer le produit fini). Ainsi, il n'est pas surprenant que les débuts de la fabrication du verre au Canada (1839-1880) entraînent un grand nombre d'ouvertures et de fermetures d'entreprises.

Au cours du XIXe siècle, le verre importé donne le ton et détermine les standards concurrentiels. Entre 1840 et 1860, cinq verreries fabriquent les produits de verre les plus courants : vitres et bouteilles en verre de couleur verte.

Verre fabriqué et verre moulé

La Canada Glass Works (1845-1851) de Saint-Jean, au Canada-Est (maintenant le Québec) et la Ottawa Glass Works (1847-1857) de Como sont des fabriques de verre à vitre situées le long des voies maritimes conduisant à Montréal. À partir de ce centre de distribution, la promotion peut se faire aussi loin qu'à Hamilton. On fabrique le verre pour les vitres en soufflant un tube creux et allongé dont on coupe ensuite les deux extrémités. Une incision pratiquée sur toute la longueur du tube permet de l'ouvrir et d'obtenir une feuille plate qui est ensuite coupée en carreaux de différentes grandeurs. Le plus grand carreau de vitre alors disponible mesure environ 76 cm sur 102 cm.

Les bouteilles, elles aussi, peuvent être fabriquées par soufflage libre mais, le plus souvent, elles sont soufflées et moulées en utilisant des moules en fonte. Après 1851, la production de la verrerie de Como et de la Foster Brothers Glass Works de Saint-Jean (vers 1855-1858) comprend divers modèles de bouteilles : les fioles aigue-marine pour médicaments, les bouteilles à eau minérale ou soda, les flasques à whisky, les bouteilles à vin et à bière, les petites bouteilles carrées servant de flacons de voyage et les grosses dames-jeannes en verre noir (en fait un vert très foncé) pour conserver les liquides.

Entre 1860 et 1880, les quatre plus importantes verreries fabriquent des articles de consommation courante : bouteilles, bocaux et des verres de lampe. Elles sont toutes situées à proximité de services de transport ou près d'une des lignes de chemin de fer construites dans les années 1850. La Canada Glass Works (1864-1872) de Hudson, au Québec, et la Hamilton Glass Co. (1865-1896) de Hamilton, en Ontario, fabriquent du verre "vert", utilisé pour les carreaux de fenêtres et les bouteilles dont la couleur varie de l'aigue-marine au vert, et du vert olive à l'ambre. La couleur provient des impuretés de fer contenues dans le sable, élément qui constitue la principale matière première employée en verrerie.

La St. Lawrence Glass Co. de Montréal (1867-1873) et la Burlington Glass Co. de Hamilton en Ontario (1874-1898) fabriquent du verre au plomb. Ce verre incolore est utilisé pour les verres de lampes et les articles de table plus raffinés. On le fabrique en ajoutant un agent décolorant qui masque la couleur verte originale. Après 1864, on modifie les proportions de silex et de lime et on obtient une formule améliorée qui donne un verre sans couleur, de bonne qualité, et qui réduit du tiers les coûts de matières premières par rapport au verre au plomb habituel. Ce progrès permet de récupérer le marché des bouteilles pour médicaments et d'accroître considérablement et à moindre coût le marché du verre à lampes sans couleur et celui des articles de table.

Les bouteilles pour médicaments sont moulées à partir de verre vert, ambre ou incolore et sont proposées dans une gamme allant de doses individuelles de une ou deux onces (28 ou 56 ml) à des flacons de 16 onces (environ 450 ml). Vers le milieu des années 1870, tous les fabricants de bouteilles de pharmacies en Amérique du Nord, produisent des formes moulées rondes, ovales, carrées et rectangulaires. On peut, sur demande, inscrire dans le moule le nom du médicament breveté ou du pharmacien. Une méthode moins coûteuse utilise une plaque en relief portant l'inscription désirée que l'on insère dans le moule standard.

Les premières bouteilles d'eau gazéifiée sont ovales, forme utilisée en Angleterre dès 1814. En 1870, une version modifiée à fond plat est brevetée et, à partir du début des années 1870, on fabrique aussi une bouteille cylindrique avec épaules et bases arrondies ou à base plate permettant à la bouteille de tenir debout. À la fin du XIXe siècle, un nombre grandissant d'entreprises d'embouteillage de BOISSONS GAZEUSES ou de boissons au gingembre utilisent ces bouteilles. On fabrique aussi des flasques à whisky et des bouteilles pour les distilleries. Les BRASSERIES ont besoin de bouteilles cylindriques ambrées ou noires, moulées et soufflées, pour l'ale, la bière et le porter. Bien que l'on fabrique des moules spéciaux portant le nom de certaines brasseries canadiennes, ces dernières utilisent généralement les bouteilles courantes sur lesquelles on appose une étiquette illustrant la marque de commerce et le nom de la brasserie.

En 1858, aux États-Unis, John Mason fait breveter le premier bocal à conserves en verre moulé et soufflé. L'ouverture est large et un manchon spiralé, soufflé à même le verre, permet de visser le couvercle de métal et d'assurer une fermeture hermétique. C'est une nette amélioration par rapport aux bocaux en poterie. De plus, le fait de voir le contenu du bocal encourage la mise en conserve domestique. Les deux verreries de Hamilton et celle de Hudson (au Québec) produisent une ou deux formes de bocaux. Les bocaux provenant de l'usine de Hamilton sont identifiés par le nom de la verrerie soufflé à même le verre.

Tout comme l'usine d'Hudson, les deux usines de verre au plomb (St. Lawrence Glass Co. et Burlington Glass Co.) fabriquent des lampes et des verres de lampes. La fragilité des verres de lampe, qui doivent être nettoyés quotidiennement, entraîne un gros volume de ventes. La St. Lawrence Co. fabrique aussi des articles de table en verre pressé. Le bouillon de verre est pressé dans le moule à l'aide d'un piston qui pousse le verre fondu dans toutes les parties du moule. Ce procédé permet de produire des pièces identiques très rapidement et à bas prix. Vers les années 1860, les lourds dessins géométriques imitant le cristal taillé sont très populaires. Parmi les articles de table, on trouve des bols et des compotiers à couvercle, des coupes à dessert, des sucriers et des pots à crème, des porte-cuillers, des verres sans pied, des gobelets, des pichets, des salières de table et des saupoudroirs.

Au cours des années 1880-1900, plusieurs usines continuent de produire les bouteilles, les bocaux et les verres de lampes qui sont toujours des produits de grande consommation. Il s'agit notamment des usines de verre vert et de verre au plomb de Hamilton, de quelques entreprises plus petites fondées dans les années 1890, ainsi que de trois nouvelles usines d'importance : la North American Glass Co. (1880 jusqu'à aujourd'hui) de Montréal (qui deviendra successivement la Diamond, la Diamond Flint, la Dominion, et la Domglas); la Nova Scotia Glass Co. (1881-1892) de New Glasgow (en Nouvelle-Écosse); et la Sydenham Glass Co. (1894-1913) de Wallaceburg (en Ontario).

Des modèles canadiens de bouteilles de pharmacie sont probablement inventés vers les années 1890. Celles-ci sont identifiées par le nom de la ville où est située l'usine ou la compagnie qui les fabrique. En outre, les bocaux portent le nom de la verrerie ou un mot qui symbolise la qualité, comme « Crown » ou « Best ».

Dans les années 1880, les services de vaisselle comprennent un nombre de morceaux de plus en plus grand, notamment des assiettes de différentes grandeurs, l'assiette à pain, l'assiette à gâteau sur pied ou le plateau, le beurrier, le gobelet, le vase à céleri, le plat à condiments et des pichets d'un quart ou d'un demi gallon. Les nouveaux motifs de l'époque sont constitués de fleurs délicatement moulées, d'oiseaux, de fruits sauvages, de feuilles, d'emblèmes, de motifs en C, d'événements commémoratifs ainsi que de fins dessins géométriques pressés en surface et fabriqués dans les verreries.

Vers les années 1890, les motifs sont pressés plus en profondeur. Ils imitent ceux du verre taillé ou présentent des dessins nets de feuilles ou de fruits, tandis que les motifs encadrés restent également populaires. Après le milieu des années 1890, le verre pressé vert émeraude et le verre pressé blanc et bleu opale (turquoise pâle) sont très en demande. En 1900, les usines canadiennes fournissent bouteilles, lampes et services de vaisselle à 5,5 millions de personnes, soit la moitié du marché canadien.

De 1900 à 1932, les motifs en forme de roue, d'étoile et les dessins floraux du verre pressé continuent d'imiter ceux du cristal taillé. Ils sont fabriqués par la Diamond Flint/Dominion Glass Co. de Montréal et, de 1913 à 1925, par son usine de Toronto, la Jefferson Glass Co., qui fabrique des articles de table et d'éclairage. Vers le milieu des années 20, les motifs imitant ceux du cristal taillé passent de mode et sont remplacés par de délicats motifs de fleurs moulés dans du verre rose pâle, vert, jaune et bleu.

Vers 1932, la Dominion Glass Co. cesse graduellement la production de la plupart de ses articles de table et se concentre sur la vaisselle destinée à une clientèle hôtelière et sur quelques motifs géométriques simples taillés dans les nouvelles couleurs pastels. Tout comme au XIXe siècle, les bouteilles et les bocaux restent des produits de première nécessité qui, après 1932, constituent la principale ligne de production de la Dominion Glass Co. (avec des usines à Montréal, au Québec; à Toronto, Hamilton et Wallaceburg, en Ontario; à Winnipeg au Manitoba; à Redcliff en Alberta; et à Burnaby en Colombie-Britannique) et de la Consumers Glass Co. de Toronto (fondée à Montréal en 1917 et devenue la Consumers Packaging, Inc., avec des verreries à Ville Saint-Pierre et CANDIAC au Québec; Toronto et Milton en Ontario; et à Lavington en Colombie-Britannique). Après 1907, l'adoption de nouvelles machines soufflant le verre automatiquement permettent de répondre à une demande croissante.

Verre taillé

Entre 1867 et 1900, les cinq usines canadiennes de verre au plomb se concentrent sur la fabrication de bouteilles, de verres de lampes et de services de table pressés dans un verre de moindre qualité et moins coûteux. Elles emploient toutes des tailleurs pour orner les pièces. Des pièces, toujours intactes, révèlent que ce premier verre taillé est gravé. Le graveur utilise de petites molettes de cuivre et un abrasif pour faire de minuscules lignes peu profondes dans le verre. En général, le produit final n'est pas poli et les motifs ont l'aspect blanc grisâtre du verre dépoli.

Cette technique est utilisée pour ajouter un monogramme aux gobelets et aux pichets qui servent à des présentations spéciales, ou pour décorer des services de vaisselle, des verres de lampe ou des lampes d'extérieur. Les motifs décoratifs les plus utilisés sont des feuilles de fougère, des couronnes de feuilles et, quelquefois, des plants de vigne et des fleurs, représentés de façon simple et stylisée.

Au Canada, la fabrication d'articles de table en verre taillé plus en profondeur et, par conséquent, plus coûteux commence vers 1895. Entre 1900 et 1930, quatre usines importantes produisent du verre taillé : George Phillips (1904-1971) de Montréal; Gowans, Kent and Co. (vers 1900-1918) de Toronto; Gundy-Clapperton (1905-1920), plus tard Clapperton (1920-1972); et Roden Bros (vers 1907-1954) de Toronto. L'usine de Gundy-Clapperton, une des plus grandes, emploie 50 tailleurs en 1912.

En outre, pendant cette période, quelque 15 autres usines fabriquent aussi le verre taillé. Elles se concentrent à Montréal et à Toronto, dans les grandes villes de l'Ontario (Ottawa, Lakefield, Wallaceburg, Waterford) et à Winnipeg, Calgary et Vancouver. Certaines ne sont que des ateliers de un ou deux tailleurs. La plupart des tailleurs hautement spécialisés viennent des États-Unis comme c'est le cas pour George Phillips et Harry Clapperton.

Les pièces de cristal brut de haute qualité, des pièces non décorées destinées à être taillées, sont importées de l'usine de Val-Saint-Lambert en Belgique, de la firme Baccarat en France, de la Libbey Glass Co. de Toledo en Ohio, de O. C. Dorflinger and Sons de White Mills en Pennsylvanie et de la Mt. Washington Glass Co. de New Bedford au Massachusetts.

Dans les plus grands ateliers, le verre taillé est généralement produit par une équipe de tailleurs, dont chacun a sa propre spécialité. Celui qui fait le « travail de gros oeuvre » utilise une meule à dégrossir et un abrasif fin. Il suit le tracé laissé par le dessinateur autour du motif et fait les premières incisions profondes dans le verre. À cette étape il y a toujours danger de tailler trop profondément la pièce et de la perdre. La pièce passe ensuite à celui qui fait le « travail de finition », celui-ci utilise aussi une meule pour adoucir la première taille et ajouter les lignes de surface du motif. Le fait de tailler la surface la rend mate et opaque.

À cette époque, le polissage final ne se fait plus à la molette de bois ni à la pierre ponce. Le verre est plutôt immergé dans un bassin d'acide sulfurique et fluorhydrique qui redonne un fini clair et brillant aux parties taillées. Le procédé, inventé dans les années 1890, entraîne la baisse des coûts de production. Dans les plus petits ateliers, le processus de taille complet est accompli par un seul homme.

Les motifs utilisés par les usines canadiennes comprennent les étoiles en cabochon, les motifs en forme de roue et d'étoile, popularisés aux États-Unis à la fin des années 1880 et 1890, ainsi que les motifs plus récents de fleurs et de feuilles stylisées. Elles créent aussi plusieurs motifs superbes portant des noms comme Primrose, Oak, et Tulip (Gundy-Clapperton); Cornflower, Poppy, et Sunflower (Roden Bros); Maple Leaf (Gowans, Kent); ainsi que de nombreux motifs géométriques.

Les usines de Toronto gravent leur marque de commerce à l'acide sur plusieurs de leurs pièces : Gundy-Clapperton grave « GCCO » dans les feuilles d'un trèfle; Clapperton grave un « C » dans une feuille de trèfle; Roden Bros grave un « R » de style gothique, accompagné de deux lions; et Gowans, Kent grave le mot « ELITE » dans une feuille d'érable encerclée.

Vers 1930, il n'existe plus de petits ateliers de verre taillé au Canada. La vive concurrence des grandes usines, combinée à la faible demande de verre taillé surchargé de motifs a pour résultat de les faire disparaître. Un nouveau style de verre soufflé plus léger, avec de délicats motifs de fleurs et de feuilles en relief, obtient la faveur du public.

De 1930 à 1972, les usines comme Phillips et Clapperton adoptent des dessins géométriques encore plus simples. L'une d'elles, la W. J. Hughes de Toronto se spécialise dans un seul motif, le « Cornflower », créé en 1914 et toujours en production. De nouvelles verreries comme la Mayfair Glass Co. de Montréal, la Crystal Glass Co. et la Monogram Glass Co. de Toronto, taillent des pièces délicates dans des motifs tels que « Carnation », « Laurel and Grapes », « Marguerite » et « Comet ».