Ethnocentrisme | l'Encyclopédie Canadienne

Article

Ethnocentrisme

L’ethnocentrisme est un préjugé, conscient ou inconscient, qui déforme notre vision de la réalité. La perspective de notre groupe devient alors notre point de référence de façon démesurée. Ce préjugé entraîne souvent une interprétation erronée des réalités qui sont différentes de celles de notre groupe d’appartenance. Une pensée ethnocentrique peut nous donner une opinion plutôt négative des groupes qui nous sont étrangers et un sentiment de supériorité quant au nôtre.

Canadian Illustrated News, 26 avril 1879

Définition de l’ethnocentrisme

La logique de l’ethnocentrisme divise les humains en plusieurs groupes, mais surtout en deux catégories : ceux qui appartiennent à notre groupe (le « nous ») et ceux qui lui sont extérieurs (les « autres »). L’ethnocentrisme accentue les différences entre les deux. On en vient donc à penser que les circonstances de notre groupe d’appartenance sont la norme pour tous. L’ethnocentrisme peut même nous encourager à croire que les perspectives de notre groupe sont supérieures à celles des autres groupes. Les réalités des « autres » sont ainsi vues comme étranges, inférieures ou même menaçantes.

L’ethnocentrisme repose sur un recours disproportionné à notre point de vue, dont on se sert comme point de référence pour évaluer les réalités différentes des nôtres. Quand on se fie uniquement à notre propre expérience limitée, il est possible qu’on se fasse des idées non fondées sur les réalités des autres groupes.

L’ethnocentrisme est un concept associé au racisme. Ce dernier découle d’une logique ethnocentrique utilisée pour discriminer les « autres » en raison de leur appartenance ethnique et de leur race.

L’ethnocentrisme au Canada

Historiquement, l’ethnocentrisme se cache souvent derrière les actions des groupes, typiquement dominants, qui souhaitent en forcer d’autres à adopter leurs manières de faire ou leurs préférences. Au Canada, les relations entre les peuples autochtones et les colons français ou anglais sont un excellent exemple de cette dynamique. En effet, ces derniers cherchent à imposer leurs façons de faire tout en éradiquant les cultures autochtones. D’ailleurs, après la formation de la Confédération en 1867, le gouvernement fédéral met en place des mesures ethnocentriques et racistes contre les Autochtones, notamment la Loi sur les Indiens et les pensionnats indiens. L’objectif de ces mesures est de les forcer à remplacer leurs traditions par des normes et coutumes occidentales. Cette attitude à l’égard des communautés autochtones se perpétue et mène notamment à la rafle des années soixante. (Voir aussi  : Commission de vérité et réconciliation du Canada; Ségrégation raciale des Autochtones au Canada). La crise d’Oka de 1990 est également attribuable à une mentalité ethnocentrique qui néglige de prendre en considération l’importance, pour la nation kanyen’kehà:ka , de ses territoires traditionnels.

Pensionnat indien

L’ethnocentrisme a des conséquences importantes pour les minorités ethniques et culturelles au Canada. En effet, elles font face à des obstacles en raison des préjugés ethnocentriques de la population majoritaire. La société canadienne exclut souvent les minorités en raison de leurs différences ethniques ou raciales. Les attitudes ethnocentriques se manifestent sous la forme de préjugés et de discrimination, mais aussi de politiques d’exclusion. On peut penser notamment à la Loi de l’immigration chinoise de 1923, à l’hostilité envers les migrants indiens arrivés par le SS Komagata Maru en 1914 et à l’internement des Canadiens d’origine japonaise durant la Deuxième Guerre mondiale. (Voir aussi Ségrégation raciale des Canadiens d’origine asiatique; Racisme anti-asiatique au Canada.) La société canadienne pratique aussi la ségrégation des personnes noires à cause d’une croyance blanche selon laquelle il est essentiel de séparer des personnes de races différentes. (Voir aussi Ségrégation raciale des Noirs au Canada.) La ségrégation se voit particulièrement dans les écoles, où les élèves et étudiants noirs sont séparés des Blancs. (Voir aussi Ségrégation scolaire des élèves noirs au Canada.)

Par ailleurs, l’ethnocentrisme contribue à la définition des relations entre anglophones et francophones au Canada. En effet, la Proclamation royale de 1763, qui survient au lendemain de la Conquête de la Nouvelle-France, vise l’assimilation des Canadiens français. Elle impose le droit et les coutumes britanniques à la société canadienne-française. (Voir aussi Acte de Québec.) À la fin des 19e et 20e siècles, certaines provinces majoritairement anglophones tentent de limiter l’accès à l’éducation catholique et en français. (Voir aussi Question des écoles du Nouveau-Brunswick; Question des écoles du Manitoba; Question des écoles du Nord-Ouest; Question des écoles de l’Ontario.)

Camp d’internement des Canadiens japonais

L’ethnocentrisme au 21e siècle

L’ethnocentrisme et ses conséquences sont toujours présents dans la société d’aujourd’hui. Il crée des obstacles importants pour les groupes en dehors de la majorité dominante. Les minorités racisées (appartenant à des groupes non blancs) sont, par exemple, rapportent beaucoup plus fréquemment être victimes de discrimination en raison de leur race que les personnes blanches. (Voir aussi Minorité visible.)

La religion est aussi un autre vecteur d’ethnocentrisme et de discrimination. L’hostilité envers les Canadiens de confession musulmane à la suite des attaques du 11 septembre 2001 est particulièrement marquée. En effet, les Canadiens musulmans ( voir Islam) ainsi que les Canadiens juifs forment les deux minorités religieuses les plus à risque d’être ciblées par des crimes haineux à caractère religieux. (Voir aussi Fusillade à la mosquée de Québec; Antisémitisme au Canada.)

Certaines minorités religieuses sont ciblées par des politiques ethnocentriques comme le projet de Charte des valeurs québécoises et la Loi sur la laïcité de l’État (loi 21). Celles-ci cherchent spécifiquement à limiter le port de symboles religieux dans la fonction publique dans une logique de préservation de la laïcité de l’État ― un principe important pour la majorité de la population québécoise. En mai 2020, près de deux Québécois sur trois (64 %) se disent en faveur de la loi 21. Cependant, ces positions bouleversent certaines minorités religieuses, telles que les juifs, les musulmans et les sikhs. En effet, certains militants avancent ces mesures sont discriminatoires envers les minorités et renforcent le racisme systémique. La logique étant que ces politiques imposent une vision de la laïcité appartenant à la population majoritaire sans égard aux réalités des minorités religieuses en ce qui a trait aux symboles religieux.