Mois de l’histoire des Noirs au Canada | l'Encyclopédie Canadienne

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Mois de l’histoire des Noirs au Canada

Se déroulant en février, le Mois de l’histoire des Noirs au Canada est un mois consacré à l’échange et à l’éducation sur les personnes noires. Il vise à reconnaître la culture et les arts des Noirs, en plus de s’attacher à faire découvrir leur histoire, particulièrement au niveau local. Ce mois vise à mettre en valeur les contributions historiques des personnes noires à la société.

Voir L’histoire des Noirs au Canada jusqu’en 1900; L’histoire des Noirs au Canada : de 1900 à 1960; L’histoire des Noirs au Canada : de 1960 à aujourd’hui.

Origines américaines

Le Mois de l’histoire des Noirs prend sa source en 1926, où l’on observe alors la Semaine de l’histoire des Noirs (Negro History Week) durant la deuxième semaine du mois de février. Cet événement vise à ce que chacun en apprenne davantage sur l’histoire des Noirs. La Semaine de l’histoire des Noirs est mise sur pied par le Dr Carter G. Woodson, historien formé à l’Université Harvard qui consacre ses travaux aux Noirs américains. Le Dr Woodson choisit le mois de février parce qu’il s’agit du mois de naissance d’Abraham Lincoln et de Frederick Douglass. (Voir aussi Esclavage des Noirs au Canada.)

La Semaine de l’histoire des Noirs gagne en popularité au sein des communautés noires des États-Unis. (Voir aussi Communautés noires au Canada.) Les politiciens, particulièrement ceux qui représentent les électeurs noirs, proclament progressivement, de façon officielle, la Semaine de l’histoire des Noirs. En 1976, cette semaine s’allonge pour devenir le Mois de l’histoire des Noirs. L’année suivante, le Congrès instaure la commémoration du Mois de l’histoire des Noirs à l’échelle nationale.

Premières célébrations au Canada

Les commémorations annuelles de l’histoire des Noirs s’étendent bientôt à l’Amérique latine, aux Caraïbes, à l’Afrique et au Canada. Beaucoup attribuent aux Noirs porteurs de wagons-lits l’arrivée de ces commémorations au Canada. Les porteurs qui franchissent la frontière canado-américaine découvrent rapidement l’importance de la Semaine de l’histoire des Noirs aux États-Unis.

La Semaine de l’histoire des Noirs continue d’être célébrée en dépit de la crise des années 1930 et de ses conséquences dévastatrices sur les communautés noires. En février 1937, l’école du dimanche de la mission Bethel AME, à Winnipeg, élabore et organise un programme en l’honneur de la « Semaine d’histoire et d’éducation sur les Noirs ». Elle prévoit des conférences sur les origines de la « race noire », la biographie de personnalités illustres et la lecture d’un poème de Paul Laurence Dunbar. L’année suivante, la publication Negro History Bulletin rapporte que le Women’s Progressive Club, à Edmonton, souhaite que « des groupes interraciaux célèbrent la Semaine de l’histoire des Noirs. » Cette même année, le Harriet Tubman Club, à Niagara Falls, parraine un conférencier en l’honneur de la Semaine de l’histoire des Noirs. En février 1939, la Negro Historical Society, de la Home Service Association, commémore la Semaine de l’histoire des Noirs en tenant une série de présentations à l’église First Baptist de Toronto. (Voir Baptistes au Canada.)

Kay Livingstone

Au terme de la Deuxième Guerre mondiale, les célébrations entourant la Semaine de l’histoire des Noirs se poursuivent. Stanley G. Grizzle organise la Semaine de l’histoire des Noirs en un symposium de huit jours. Il a lieu à la Christ Church de Toronto le 13 février 1950. Le 15 mars 1958, Kay Livingstone, ancienne présidente du Canadian Negro Women’s Club, organise son premier banquet annuel à Toronto. Cet événement cherche à élargir la prise de conscience à l’égard des personnes noires au Canada.

Dans les années 1970, le terme « Negro » (« Nègre ») tombe en désuétude. Ce qui est à l’origine, de façon littérale, la « Semaine de l’histoire des Nègres » (Negro History Week) devient la Semaine de l’histoire des Noirs, désormais la norme. Cette pratique s’étend pour devenir un événement attendu chaque année.

En Ontario

En 1979, deux fondateurs de l’Ontario Black History Society (OBHS), le Dr Daniel G. Hill et Wilson O. Brooks, demandent à la Ville de Toronto de reconnaître le mois de février comme le Mois de l’histoire des Noirs. Cette même année, sous la gouverne de son maire, John Sewell, Toronto devient la première municipalité à désigner le mois de février comme le Mois de l’histoire des Noirs. Le maire de North York, Mel Lastman, lui emboîte le pas en 1981. Ces reconnaissances informelles ne font toutefois pas l’objet d’une commémoration municipale officielle. Les militants doivent fréquemment exercer des pressions auprès des maires pour que ceux-ci reconnaissent le Mois de l’histoire des Noirs. Au début des années 1990, la nouvelle présidente de l’OBHS, Rosemary Sadlier, fait circuler une pétition visant à institutionnaliser le Mois de l’histoire des Noirs en tant qu’événement officiel de Toronto. En dépit d’efforts soutenus, Toronto ne s’en est toujours pas acquittée.

Les efforts de Rosemary Sadlier au niveau provincial produisent de meilleurs résultats. L’Ontario proclame le Mois de l’histoire des Noirs pour la première fois en 1993, et chaque année par la suite. En 2009, la province présente le projet de loi 207 : An Act to name February in each year Black History Month (une loi pour nommer le mois de février de chaque année le Mois de l’histoire des Noirs). Ce projet de loi, qui vise à institutionnaliser le Mois de l’histoire des Noirs comme une pratique courante en Ontario, s’enlise toutefois au niveau du comité. À la place, des proclamations annuelles s’ensuivent, durant des années. Enfin, le 29 janvier 2016, la province annonce qu’elle cherche à « reconnaître officiellement » le mois de février comme le Mois de l’histoire des Noirs. Le 16 février 2016, le projet de loi 159 : An Act to proclaim the month of February as Black History Month (une loi pour proclamer le mois de février le Mois de l’histoire des Noirs) reçoit la sanction royale. L’Ontario devient ainsi la troisième province canadienne à adopter une loi sur le Mois de l’histoire des Noirs.

Au Québec

Des années 1960 jusqu’aux années 1980, le Negro Community Centre (NCC) organise pour ses membres des événements dans le cadre de la Semaine de l’histoire des Noirs. À la fin des années 1980, les événements se déroulent tout au long du mois de février. Durant les années 1980, des groupes d’étudiants noirs de l’Université McGill et de l’Université Concordia parrainent des programmes d’un mois. Ils cherchent à sensibiliser la population quant à l’importance du Mois de l’histoire des Noirs, souligné en février.

Ces premières célébrations se limitent, dans une large mesure, aux communautés anglophones. (Voir Anglophone.) En 1990, une coalition de minorités ethniques et de groupes de la communauté noire (voir aussi Minorité visible) exerce des pressions sur la Commission des droits de la personne du Québec pour que celle-ci appuie le Mois de l’histoire des Noirs. Cette Commission est également la première à financer le Mois de l’histoire des Noirs au Québec. Cette coalition exerce également des pressions sur la Ville de Montréal. En février 1991, le maire de Montréal, Jean Doré, s’engage à ce que la Ville proclame février Mois de l’histoire des Noirs. Presque un an plus tard, soit le 28 janvier 1992, le conseil municipal proclame le mois de février Mois de l’histoire des Noirs à Montréal. Cette même année, la Table ronde du Mois de l’histoire des Noirs est établie en vue d’organiser et de coordonner les activités de février à Montréal.

Au milieu des années 1990, des organismes communautaires noirs organisent leurs propres activités, qui ont lieu dans la ville de Québec à l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs. En 2000, une exposition est inaugurée à la Bibliothèque Gabrielle-Roy en l’honneur du Mois de l’histoire des Noirs. L’année suivante, le maire de Québec, Jean-Paul L’Allier, s’engage à fournir du soutien et des ressources pour les événements du Mois de l’histoire des noirs célébrés dans la ville.

En 2005, Yolande James, première femme noire membre de l’Assemblée nationale, est chargée de produire un rapport sur le racisme au Québec. La version définitive de son rapport, intitulé Rapport du Groupe de travail sur la pleine participation à la société québécoise des communautés noires, recommande à l’Assemblée nationale de reconnaître le mois de février comme le Mois de l’histoire des Noirs.

Le 23 novembre 2006, l’Assemblée nationale adopte le projet de loi 39. Cette loi, qui entre en vigueur le 1er février 2007, fait de février le Mois de l’histoire des Noirs afin de « souligner la contribution des communautés noires à la société québécoise. »

En Nouvelle-Écosse

L’intérêt à l’égard de la Semaine de l’histoire des Noirs s’accroît au terme de la Deuxième Guerre mondiale. Le 28 février 1947, The Clarion, le journal de Carrie Best, publie un article sur les événements tenus dans le cadre de la Semaine de l’histoire des Noirs à Boston, aux États-Unis. On peut y lire : « Negro History Week Observed in United States Canada Next? » (La Semaine de l’histoire des Noirs célébrée aux États-Unis. Bientôt au Canada?)

Au début des années 1980, le comité du Mois de l’histoire des Noirs, une coalition de groupes informelle, commence à organiser les activités du mois de février au sein des communautés locales. Ces groupes finissent par conjuguer leurs efforts dans la région de Halifax-Dartmouth. En 1985, le premier Mois de l’histoire des Noirs officiel est inauguré par une exposition et des activités qui se déroulent à la North Branch Library d’Halifax. Le comité compte de plus en plus de membres et finit par être rebaptisé le February Black History Month Organizing Committee (comité organisateur du Mois de l’histoire des Noirs en février). Il continue de sensibiliser la population à l’échelle de la province. Il accroît également la popularité du Black History Month Celebrity Quiz (jeu-questionnaire des célébrités dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs), qui oppose les maires d’Halifax et de Dartmouth. En 1991, Rosemary Brown contribue à souligner ce mois grâce à un rassemblement tenu à Halifax. À peu près à la même époque, la Black History Month Association (Association du Mois de l’histoire des Noirs ou BHMA) est mise sur pied. Elle préconise notamment une reconnaissance institutionnelle du Mois de l’histoire des Noirs. Enfin, le 26 janvier 1996, le premier ministre provincial John Savage déclare le mois de février Mois du patrimoine africain afin de promouvoir l’histoire, la culture et les réalisations des Africains du monde entier. Grâce à un financement accru, la BHMA s’inscrit désormais au sein du African Heritage Month Information Network (Réseau d’information du Mois du patrimoine africain ou AHMIN). Cette organisation est responsable du thème de février et de sa promotion dans l’ensemble de la Nouvelle-Écosse.

Au Manitoba

Dès 1937, la mission Bethel AME, à Winnipeg, élabore et organise un programme en l’honneur de la « Semaine d’histoire et d’éducation sur les Noirs ». Ailleurs, les petites communautés de partout au Manitoba célèbrent la Semaine de l’histoire des Noirs à l’échelon local. Elles le font sans reconnaissance officielle, et sans effectuer quelque planification centrale que ce soit. En 1981, le Black History Manitoba Celebration Committee (Comité des célébrations de l’histoire des Noirs du Manitoba ou BHMCC) organise les événements inauguraux du Mois de l’histoire des Noirs de Winnipeg, qui prévoient un service religieux à la Pilgrim Baptist Church et un banquet de remise de prix. (Voir Baptistes au Canada.) En 1983, le BHMCC devient la première organisation établie chargée des activités du Mois de l’histoire des Noirs. Elle s’attache aujourd’hui à sensibiliser la population à l’égard de l’histoire des Noirs à travers la province.

En Saskatchewan

Après 1995, les modestes activités locales tenues en l’honneur du Mois de l’histoire des Noirs en Saskatchewan poursuivent sur leur lancée. En 2001, les pressions exercées finissent par mener à la fondation du Saskatchewan African Canadian Heritage Museum (Musée du patrimoine afro-canadien de la Saskatchewan ou SACHM). Ce musée cherche à mettre en lumière l’histoire des Noirs de la province. À partir de 2006, le SACHM prend la direction de la coordination des thèmes et des événements du Mois de l’histoire des Noirs. En 2021, la Saskatchewan proclame le mois de février Mois de l’histoire des Noirs/Afro-Canadiens en reconnaissance et en hommage à « l’héritage des personnes d’origine africaine de toute la nation. » (Voir Communautés noires au Canada.)

En Alberta

En 1987, la section d’Edmonton de la Ligue nationale des Noirs du Canada commence à organiser les premiers événements du Mois de l’histoire des Noirs à l’échelle de la province. David Shepherd, député à l’Assemblée législative, mène la bataille législative. Le 31 janvier 2017, la première ministre provinciale, Rachel Notley, annonce que l’Alberta reconnaît officiellement, pour la première fois, le mois de février comme le Mois de l’histoire des Noirs. Les villes de l’Alberta lui emboîtent le pas. Le 1er février 2021, le maire d’Edmonton, Don Iveson, et Cathy Heron, maire de St. Albert, proclament que leurs villes respectives reconnaissent formellement le Mois de l’histoire des Noirs. Cette même année, l’organisme Ubuntu - Mobilizing Central Alberta coordonne, pour la première fois, les événements du Mois de l’histoire des Noirs.

En Colombie-Britannique

Au début des années 1990, la Victoria Black Peoples Society (Société des Noirs de Victoria ou VBPS) organise les événements du Mois de l’histoire des Noirs. La VBPS est remplacée lorsque, en juin 1993, des dizaines de Canadiens noirs répondent à la demande de soutien du Royal British Columbia Museum (voir Musées et galeries d’art) pour organiser les événements du Mois de l’histoire des Noirs de février 1994. La réussite du Black History Special Event Advisory Committee (Comité consultatif pour les événements spéciaux de l’histoire des Noirs) constitue l’élan à l’origine de l’établissement d’un organisme permanent. Le 18 mars 1994, la Black History Awareness Society (Société pour la sensibilisation à l’histoire des Noirs) de la Colombie-Britannique est fondée à Victoria.

En 1985, à Vancouver, la Ligue nationale des Noirs du Canada commence à organiser des activités à l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs. Ces activités se transforment en un événement annuel populaire. Plus de deux décennies plus tard, le 15 février 2011, le conseil municipal de Vancouver adopte une motion qui désigne le Mois de l’histoire des Noirs comme l’une des célébrations officielles de la ville.

Au niveau du gouvernement fédéral

Jean Augustine

Rosemary Sadlier encourage vivement le gouvernement fédéral à reconnaître le Mois de l’histoire des Noirs. La députée Jean Augustine présente à la Chambre des communes, le 14 décembre 1995, une motion qui vise à constater « la diversité de la communauté noire du Canada et son importance dans l’histoire de ce pays, et à reconnaître le mois de février comme le Mois de l’histoire des Noirs. » La Chambre des communes adopte à l’unanimité cette motion, qui entre en vigueur le 1er février 1996. Pour la première fois, le Mois de l’histoire des Noirs est reconnu officiellement à l’échelle du pays.

Durant plus de dix ans, la Chambre attend l’approbation du Sénat. Le 13 février 2008, Donald Oliver, sénateur de la Nouvelle-Écosse, présente une motion visant à ce que le Sénat déclare officiellement le mois de février comme le Mois de l’histoire des Noirs. Cette motion est approuvée à l’unanimité le 4 mars 2008. Le Mois de l’histoire des Noirs jouit désormais d’une reconnaissance permanente au Canada.