Le débat sur les origines du hockey sur glace fait rage depuis longtemps. En 2008, la Fédération internationale de hockey sur glace (connue par son abréviation anglaise IIHF) a officiellement déclaré que le premier match organisé de hockey sur glace a été disputé à Montréal en 1875. Plusieurs considèrent aussi que les premières règles de hockey sur glace ont été publiées dans la Gazette (de Montréal) en 1877. Toutefois, des recherches ont révélé que des matchs organisés de hockey sur glace ou de bandy ont auparavant été disputés en Angleterre. Le Canada a apporté d’importantes contributions à ce sport à partir des années 1870. Au début du 20e siècle, les « règles canadiennes » ont transformé le sport.
Photo montage d’un match de hockey en 1893 à la patinoire Victoria de Montréal, où s’est déroulé le célèbre match de hockey disputé le 3 mars 1875, que l’IIHF reconnaît officiellement comme le premier match organisé de hockey sur glace.
Début des jeux de balle et bâton
Le « hockey » est un des nombreux « jeux de balle et bâton », dont les origines remontent peut-être aux débuts de l’histoire connue. On a trouvé des traces de l’existence de tels jeux en Égypte et en Grèce antiques, chez les peuples autochtones aux Amériques avant l’arrivée des colons européens, et en Europe durant le Moyen Âge. Par exemple, le Speculum Maius, une encyclopédie du 13e siècle compilée par le frère dominicain Vincent de Beauvais (France) comprend une illustration de quatre hommes jouant à la « choule [ou “soule”] à la crosse », un jeu où les participants utilisaient des bâtons recourbés pour envoyer une balle dans la direction d’une cible.
Toutefois, c’est à partir des jeux de balle et bâton pratiqués dans les îles Britanniques que le hockey s’est développé, particulièrement le hurling (Irlande), le shinty (Écosse) et le bandy (Angleterre). Ces jeux partagent une structure de base très similaire et sont documentés depuis le 14e siècle. Le hurling est un ancien jeu irlandais de balle et bâton originalement pratiqué sur le sol et qui ressemble au hockey sur gazon moderne (il a ensuite évolué vers le jeu aérien pratiqué aujourd’hui). En Écosse, un jeu semblable appelé shinty (aussi appelé shinny, schynnie ou chamiare) était populaire. En Angleterre, un autre jeu similaire, était appelé bandy ou bandie-ball. On croit que le nom provient du verbe to bandy (frapper en va-et-vient) ou de la forme pliée (bent, an anglais) du bâton. Le terme bandy était déjà en usage vers 1610 ou 1611, car William Strachey, le premier secrétaire de la colonie de Virginie, l’a utilisé pour décrire un jeu similaire pratiqué par la tribu autochtone des Powhatans.
Le saviez-vous?
Les bâtons courbés ou à angle utilisés pour le bandy sont similaires à ceux utilisés dans les premières versions du cricket et du golf. Cela a entraîné une certaine confusion et des débats chez les historiens du hockey. Plusieurs toiles peintes par des artistes néerlandais ou flamands pendant l’époque moderne montrent le jeu de « kolf » (une version ancienne du golf) pratiqué sur glace à l’aide de bâtons à angle. La plus célèbre est Chasseurs dans la neige (1565) de Pieter Brueghel. Certains ont cru que les jeux apparaissant dans ces peintures sont des versions anciennes du hockey sur glace, mais il est peu probable que l’activité représentée dans l’une ou l’autre de ces toiles corresponde à un sport d’équipe.
Jouer sur la glace
La plus ancienne référence à un jeu de balle et bâton pratiqué sur la glace est une partie de « chamiare » (shinty) qui aurait été jouée sur la glace, dans l’estuaire du fleuve écossais Forth, en 1608, durant ce qui devint connu comme le « grand hiver ». Il est improbable, toutefois, que des patins aient été utilisés par les joueurs, car les patins à lame de fer ne furent introduits dans les îles Britanniques que vers 1660. Cette année-là, la famille royale britannique revient d’un exil aux Pays-Bas avec une nouvelle passion pour le patin. Cette activité devient rapidement un passe-temps populaire à Londres, le mémorialiste Samuel Pepys notant en 1662 qu’il observait « les gens glissant avec leurs patins » sur le canal du St James’s Park, « ce qui est un art très joli. » Vers la même époque, il est probable que les travailleurs néerlandais embauchés pour drainer les marécages de la région du Fens (une plaine côtière dans l’est de l’Angleterre) y aient introduit les patins à lame métallique, car le vaste réseau de canaux offrait beaucoup d’occasions de patiner.
Il faut bien peu de temps pour que le bandy soit adapté aux patins à glace. D’après l’historien Charles Goodman Tebbutt, les gens des Fens pratiquaient probablement le bandy sur glace dès le milieu du 18e siècle. « En même temps que les courses de patinage, des matchs de bandy se tiennent depuis longtemps dans les Fens », écrit Charles Tebbutt en 1892. « Il est certain que durant le dernier [18e] siècle, ce jeu était pratiqué et des matchs ont même eu lieu à Bury Fen, et la légende locale selon laquelle les Bury Fenners (une équipe constituée de joueurs des villages jumeaux de Bluntisham et Earith) n’ont pas subi de défaite pendant un siècle n’est peut-être pas une vantardise sans fondement. Mais ce n’est pas avant les grands froids de 1813-1814 que la légende cède la place à des certitudes. » Une des sources de Charles Tebbutt était William Leeland, l’ancien capitaine des Bury Fenners, qui a confirmé que du bandy avait été pratiqué sur glace en 1813. Charles Tebbutt a aussi parlé à Richard Brown, qui avait été l’arbitre d’un match entre Willingham et Bluntisham-cum-Earith en 1827.
Le bandy était aussi pratiqué sur la glace dans d’autres régions de l’Angleterre à l’époque. En février 1816, par exemple, le Chester Chronicle de Chester, Angleterre, a rapporté qu’on avait joué au bandy sur le fleuve Dee, alors gelé.
Origine du mot hockey
Qu’en est-il du hockey lui-même? Contrairement à bandy, hurling et shinty, le mot hockey est relativement récent. Sa plus ancienne utilisation connue se trouve dans le livre de 1773 Juvenile Sports and Pastimes (Sports et passe-temps pour les jeunes), écrit par Richard Johnson. Le chapitre XI du livre s’intitule « New Improvements on the Game of Hockey » (Nouvelles améliorations au jeu de hockey), ce qui porte à croire que le nom était en usage depuis déjà quelques années. Le chapitre décrit l’activité en plus de 800 mots, utilisant le terme hockey pour désigner non pas le bâton, mais plutôt l’objet faisant office de balle : une bonde en liège, ou bouchon de baril. Ceci semble contredire l’étymologie la plus couramment admise du mot hockey, qui proviendrait du mot français hoquet (la crosse d’un berger) à cause de la forme du bâton.
Qu’ils soient disputés sur le sol ou la glace, les jeux de hurling, shinny et bandy sont généralement pratiqués avec une balle en bois dur, qui entraîne de fréquentes blessures aux tibias. Toutefois, vers le milieu du 18e siècle, au moins en Angleterre, on commence à remplacer les balles par des bondes de liège (des bouchons de barils). Une gravure imprimée par Joseph Le Petit à Londres en 1797 montre une telle bonde utilisée pour le hockey sur glace. Le fait que le mot hockey soit apparu peu après ce changement, et que ce mot ait été au départ utilisé pour désigner la bonde, et non pas le bâton, a conduit les historiens du hockey Carl Gidén, Patrick Houda et Jean-Patrice Martel à émettre l’hypothèse que le mot proviendrait de hock ale. Il s’agit d’une bière brassée pour les festivals de la Hocktide (un festival se déroulant les deuxièmes lundi et mardi après Pâques), bière qui était livrée en barils fermés par des bouchons qui étaient peut-être particulièrement bien adaptés pour être utilisés pour jouer à ce sport. À l’époque, le mot hockey (parfois écrit hocky) était utilisé non seulement en référence à la bière elle-même, mais aussi comme synonyme du mot ivre.
Cette gravure, publiée par Joseph Le Petit fils en 1797, est la plus ancienne illustration connue représentant une activité sur patins ressemblant au hockey sur glace.
Ce nouveau mot, hockey, fait-il référence à un nouveau jeu? Pendant la plus grande partie du 19e siècle, hockey et bandy sont considérés comme des synonymes. Toutefois, hockey semble devenir plus populaire, notamment dans la région de Londres. La dernière allusion à une partie de bandy dans un journal londonien remonte à 1749, et il s’agit d’un match disputé sur le gazon.
Les origines du hockey en Angleterre
Dans les années 1790 et au début des années 1800, le hockey sur gazon est pratiqué dans les principales écoles de la région de Londres, notamment Eton et Harrow (la première série de règles de hockey sur gazon a sans doute été écrite à Harrow en 1852). Le hockey est donc devenu une activité populaire, sur gazon et occasionnellement sur glace, et sa popularité s’est propagée à partir de Londres. Il est fait allusion plusieurs fois au hockey sur glace en Angleterre au 19e siècle. Certaines parties incluaient aussi bien « des patineurs que des glisseurs » (c’est-à-dire des joueurs avec ou sans patins), mais lorsque l’activité était pratiquée par des adultes, elle se déroulait habituellement en patins. En 1853, le naturaliste Charles Darwin mentionne le hockey dans une lettre à son fils, William Erasmus, qui fréquente alors la même école que son père. « As-tu un assez bon étang pour patiner? », demande-t-il à son fils. « J’aimais beaucoup jouer au Hocky sur la glace avec des patins. »
Le hockey est aussi populaire au sein de la famille royale. L’époux de la reine Victoria, Albert, joue au hockey sur glace dans les années 1840. Leur fils Albert Édouard, prince de Galles et futur roi Édouard VII, participe à un match de hockey particulièrement bien documenté, disputé sur glace et avec des patins, le 8 janvier 1864. Les joueurs de l’équipe du prince sont « distingués par un ruban blanc au bras gauche », précurseur des uniformes d’équipe. L’événement est rapporté dans de nombreux journaux et une illustration est publiée dans le Penny Illustrated Paper de Londres, montrant clairement les rubans, patins et bâtons. Le talent du prince au patinage et au jeu est souligné dans le Times. Le soir même, la princesse de Galles donne prématurément naissance au prince Albert Victor, « Eddy », qui deviendra lui-même un fervent joueur de hockey. Il est possible que la passion de la famille royale pour le hockey (en versions sur gazon et sur glace) ait contribué à la popularité du terme hockey au détriment de celui de bandy.
Organisation et règles du bandy/hockey
Alors que le hockey gagne en popularité en Angleterre, au cours du 19e siècle, il devient aussi de plus en plus organisé. Le climat anglais, avec ses hivers relativement cléments, n’aurait pas permis d’organiser des matchs de bandy ou hockey sur glace à des dates prédéterminées, encore moins d’établir une ligue. Néanmoins, la plupart des hivers comportent quelques journées où il est possible de jouer au hockey ou bandy sur glace. Cette activité est très populaire par endroits, et les journaux rapportent des résultats de matchs dès 1831. Le samedi 5 février 1831, le Huntingdon Bedford and Peterborough Gazette mentionne un match de bandy disputé entre Colne et Bluntisham, remporté par la première.
Le 3 février 1857, des équipes de Swavesey et Over se rencontrent sur le Mare Fen pour une partie de bandy (et quelques courses de patinage). Le pointage exact n’est pas connu, mais le journal local rapporte que Swavesey l’a emporté et donne la liste des joueurs, onze de chaque côté. D’autres matchs sont rapportés dans des journaux locaux, notamment au début des années 1870, et plusieurs comptes-rendus mentionnent les noms des joueurs, le pointage ou le résultat (victoire/match nul), les marqueurs et la durée du match ou de l’intermission. Cela indique un haut degré de formalisme dans l’organisation des matchs en Angleterre au moins à partir du début des années 1870.
À ce moment, au moins deux livres d’instructions pour jouer au bandy ou hockey (les deux mots sont encore interchangeables à l’époque) ont déjà été publiés, et ils indiquent que le jeu peut être pratiqué sur glace avec des patins. L’édition de 1849 du Boy’s Own Book comprend un nouvel article sur le hockey, qui explique rapidement le déroulement d’une partie, sur le gazon, et ajoute : « Ceci est certainement un des sports les plus populaires parmi la jeunesse anglaise. […] Avec un groupe de bons patineurs, ce jeu devient un très beau sport, mais il ne peut évidemment être disputé que sur une surface de glace de grande envergure. » The Boy’s Handy Book of Sports, Pastimes, Games and Amusement, publié en 1863 à Londres, contient aussi des instructions pour jouer au hockey et note que « le hockey est un jeu d’hiver incontournable, parfois pratiqué sur la glace, et même par des patineurs ». (Toutefois, les auteurs ne recommandent pas de jouer au hockey sur glace, pour des raisons de sécurité, « car les chutes sur glace sont particulièrement dures, surtout quand quelques coups de bâton au hasard viennent accroître le confort de la position du champion qui est tombé ».)
Cinq ans plus tard, le Boy’s Own Book annonce que son édition de 1868 a été « entièrement révisée et considérablement augmentée ». Le nouvel article mis à jour sur le hockey fournit une liste de six règles. Comme dans l’édition précédente, le hockey est promu avec enthousiasme comme un sport qui se pratique l’hiver avec des patins à glace. Puisque ces livres sont antérieurs à la publication de règlements dans la Gazette de Montréal en 1877, ils représentent la première publication de règles de hockey sur glace. De plus, les règles montréalaises sont basées sur celles adoptées par l’Association de hockey (HA) anglaise, créée en 1875. L’HA supervise la pratique du hockey sur gazon, mais ses règles sont également utilisés en Angleterre pour le hockey sur glace jusqu’en 1883, quand la National Skating Association (Association nationale de patinage) publie ses propres règlements.
Bref, en 1875, des gens jouent au hockey sur glace en Angleterre et ont publié des règles pour régir l’activité. Cela fait partie d’un long développement du sport dans les îles Britanniques, qui inclut des matchs de shinty disputés sur la glace dès 1608.
Premières traces de hockey sur glace au Canada
Ainsi, les recherches des historiens du hockey Carl Gidén, Patrick Houda et Jean-Patrice Martel montrent que le hockey sur glace n’est pas une invention canadienne, contrairement à nombre d’affirmations contradictoires selon lesquelles diverses villes canadiennes seraient le vrai « lieu de naissance » du jeu. Il est toutefois indéniable que d’importants développements modernes du sport sont d’origine canadienne, et les règles canadiennes ont fini par dominer le monde international du hockey sur glace.
Il existe des preuves incontestables que le jeu était pratiqué au Canada au 19e siècle, même avant le célèbre match du 3 mars 1875 disputé à Montréal. Ceci n’a rien d’étonnant, car il est naturel que les colons de Grande-Bretagne ou d’Irlande aient amené avec eux leurs jeux traditionnels, comme le faisaient les membres de l’armée et de la marine britannique qui étaient basés au Canada.
On a soutenu que le lieu de naissance du hockey sur glace se trouve à Windsor, en Nouvelle-Écosse. Cette affirmation s’appuie principalement sur un passage de huit mots du livre The Attaché, or, Sam Slick in England (deuxième tome, 1844), qui mentionne du « hurley sur le long étang sur la glace ». Bien qu’il s’agisse d’une œuvre de fiction, certains croient que l’auteur, Thomas Chandler Haliburton, fait référence aux années qu’il a passées au King’s Collegiate School à Windsor, où il a obtenu son diplôme en 1810. Le passage fournit toutefois peu de détails sur la manière dont le jeu était pratiqué, et ne mentionne pas si des patins étaient utilisés. Par ailleurs, une lettre anonyme à l’éditeur, publiée dans le Windsor Mail en 1876, décrit les années que l’auteur a passées à la même école (1816-1818), incluant une référence au « hurley » ainsi qu’au patinage. Néanmoins, le débat fait toujours rage autour de ces documents, car il est loin d’être prouvé qu’un jeu ressemblant au hockey sur glace a été pratiqué sur le « long étang » à cette époque. Toutefois, même si cela était confirmé, il n’en resterait pas moins que l’activité aurait eu lieu bien après la partie de shinty disputée en Écosse sur le fleuve de Forth en 1608, et probablement aussi plusieurs décennies après les premiers matchs de bandy disputés sur patins sur les canaux des Fens en Angleterre, sans oublier la représentation de hockey sur glace que l’on voit sur la gravure de Joseph Le Petit de 1797.
Plusieurs des premiers documents qui décrivent la pratique de hockey sur glace au Canada proviennent d’officiers britanniques qui ont amené le sport avec eux. En 2002, par exemple, des chercheurs ont découvert deux lettres écrites par sir John Franklin en 1825, lors d’une de ses expéditions à la recherche du passage du Nord-Ouest. Les deux lettres évoquent le hockey disputé sur glace, mais ne mentionnent pas l’utilisation de patins (bien que le journal de bord tenu par Franklin durant l’expédition indique que l’équipage en avait apporté). Cela a amené certaines personnes à soutenir que Deline, dans les Territoires du Nord-Ouest, serait le lieu de naissance du hockey au Canada. Toutefois, Franklin étant un officier de la Marine royale, il va de soi qu’il aurait appris le hockey, sur gazon ou sur glace, dans son pays natal. Il est donc peu probable que ces parties aient été les premiers matchs de hockey sur glace de l’histoire.
Des sources, découvertes seulement en 2008, montrent aussi qu’en 1839, des matchs de hockey sont disputés par des soldats britanniques sur la rivière Chippewa, dans la région de Niagara. Sir Richard George Augustus Levinge, un lieutenant de l’infanterie légère basé dans la région, écrit dans ses mémoires : « Des groupes nombreux ont disputé des parties de hockey sur glace, avec quelque quarante ou cinquante joueurs alignés de chaque côté. » Il mentionne aussi explicitement l’utilisation de patins durant ces parties.
On joue aussi au hockey à Kingston, en Ontario, en 1843. Sir Arthur Freeling, alors premier-lieutenant basé à Kingston, organise des matchs pour ses hommes, ce qu’il mentionne dans son journal. Comme Franklin et Levinge, Arthur Freeling est un officier britannique, qui aurait appris le hockey dans son pays natal. Il est rappelé en Angleterre en 1844, et il faudra plusieurs décennies avant que le hockey sur glace soit à nouveau pratiqué à Kingston. Néanmoins, Kingston a longtemps été considérée comme le lieu de naissance du hockey sur glace, en grande partie grâce aux efforts du capitaine James T. Sutherland. En 1943, celui-ci a réussi à convaincre la Ligue nationale de hockey de choisir Kingston pour établir le Temple de la renommée du hockey en s’appuyant sur ces affirmations. La décision a été annulée par la suite et le Temple a ouvert ses portes à Toronto.
Bien qu’il existe peu de détails sur des matchs spécifiques, il n’y a aucun doute que le hockey sur glace est pratiqué sur une base régulière avant 1875 à Halifax et à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse. Plusieurs sources écrites mentionnent l’activité, bien que la plupart désignent le sport sous le nom de « ricket ». Plusieurs de ces documents sont suffisamment détaillés pour ne laisser aucun doute sur le fait que ces matchs sont très similaires au hockey sur glace. Il est donc bien établi que des jeux ressemblant au hockey sur glace sont pratiqués au Canada au 19e siècle, probablement amenés au pays par des colons ou du personnel militaire des îles Britanniques.
Le hockey organisé à Montréal
D’après la Fédération internationale de hockey sur glace (IIHF), le premier match organisé de hockey sur glace est disputé le 3 mars 1875 à Montréal. Ce jour-là, la Gazette(Montréal) fait l’annonce suivante :
PATINOIRE VICTORIA—Un match de hockey sera joué à la patinoire Victoria ce soir, entre deux groupes de neuf joueurs choisis parmi les membres. On peut s’attendre à du bon plaisir, car certains des joueurs sont réputés comme étant extrêmement experts à ce jeu. Des craintes ont été exprimées de la part d’éventuels spectateurs que des accidents se produisent à cause de la balle qui pourrait rebondir de tout côté d’une façon trop vive, représentant un danger pour les observateurs, mais on nous a dit que la partie serait jouée avec un morceau de bois plat et de forme circulaire, prévenant ainsi tout danger qu’il quitte la surface de la glace. Les abonnés seront admis sur présentation de leurs billets.
La partie se termine par une victoire de 2 à 1 pour l’équipe du capitaine James George Aylwin Creighton (natif de Nouvelle-Écosse) aux dépens de l’équipe du capitaine Charles Edward Torrance.
James George Aylwin Creighton (12 juin 1850 – 27 juin 1930) était un avocat, ingénieur, journaliste et athlète canadien. Il a organisé le premier match intérieur connu de hockey sur glace à Montréal, au Québec, en 1875. Il a contribué à populariser le sport à Montréal et plus tard à Ottawa après s’y être installé en 1882, pour travailler pendant 48 ans en tant que légiste pour le Sénat canadien. Photo datée de mars 1902 à Ottawa, en Ontario.
En 2008, l’IIHF reconnaît ce match comme la première partie organisée de hockey sur glace. Lors de la même cérémonie, la Commission des lieux et monuments historiques du Canada, sur la recommandation de l’IIHF, désigne James George Aylwin Creighton, l’initiateur et l’organisateur de ce match, « personnalité d’importance historique nationale ».
S’agit-il vraiment du premier match organisé de hockey sur glace? Les bâtons pour le match proviennent de Halifax, tout comme les règlements. Il est probable que les règles elles-mêmes proviennent de membres de la garnison britannique locale, et par conséquent d’Angleterre. L’utilisation d’un « morceau de bois plat et de forme circulaire » pour réduire le risque de blessures parmi les spectateurs est généralement considérée comme « l’invention » de la rondelle (le terme « puck » est utilisé pour la première fois au Canada en 1876). Cela ne prend toutefois pas en compte l’utilisation de bondes en Angleterre, dès le milieu du 18e siècle.
Les comptes rendus des journaux donnent la liste des joueurs, mais pas l’identité des marqueurs, ni la durée du match, et n’indiquent pas s’il y avait des arbitres, des juges, ou même des gardiens. On sait aussi que les joueurs ne portaient pas d’uniforme. Par contraste, il existe, dans les journaux anglais du début des années 1870, quelques comptes rendus de matchs de hockey sur glace (ou bandy) qui mentionnent le nom des marqueurs et, dans au moins un cas, le temps de chacun des buts. Évidemment, il s’agit là de matchs bien organisés.
Il ne semble donc pas que la partie de Montréal ait été le premier match organisé de hockey sur glace, bien que cela dépende de la définition que l’on donne au mot organisé. Toutefois, le sport se développe rapidement à Montréal après le match du 3 mars 1875. Un autre match d’exhibition est disputé deux semaines plus tard, cette fois avec des uniformes. L’identité des équipes est aussi plus spécifique, le Montreal Football Club (portant son uniforme habituel) faisant face à une équipe formée de membres du Victoria Skating Club.
Premières innovations canadiennes
En 1876, la Gazette de Montréal annonce que les matchs seront désormais disputés selon les règles définies par l’association de hockey (HA) d’Angleterre. Plusieurs des règles d’origine du hockey sur gazon sont des adaptations des règles du football (soccer) anglais. La règle du hors-jeu, par exemple, est exactement la même, et n’est pas inspirée du rugby comme on l’a souvent affirmé. D’autres règles proviennent aussi du football, comme celles qui interdisent le transport du ballon (ou de la balle) ou qui précisent comment la remise au jeu doit être effectuée lorsque le ballon (ou la balle) a quitté les limites du terrain. (La règle diffère selon que la balle a quitté le jeu sur le côté ou derrière la ligne de but.)
En 1877, la Gazette publie les règles anglaises, avec de légères modifications, notamment le remplacement d’une des deux utilisations du mot sol par le mot glace. Les principaux changements sont liés aux difficultés logistiques découlant du fait de jouer sur une surface glacée délimitée plutôt que dans un champ ouvert. De plus, les règles de l’HA stipulent que les « charges » sont interdites, mais dans la version montréalaise, cette restriction est limitée aux « charges par derrière », ce qui signifie peut-être que les mises en échec sont autorisées à partir de ce point. La version montréalaise omet également plusieurs règles de l’HA, notamment celles qui décrivent le bâton ou précisent la manière de compter les buts, la taille du terrain et le nombre de joueurs par équipe.
Les Canadiens reviennent aussi au disque plat qui a été adopté au milieu du 18e siècle, au moment même où le mot hockey a fait son apparition. En Europe, les bondes de liège ont généralement été abandonnées dans les années 1870, et le hockey (ou bandy) se joue avec des balles en caoutchouc vulcanisé. (Les balles en caoutchouc mou durent plus longtemps que les bondes en liège et sont moins dommageables pour les tibias et les chevilles que le bois, le matériel traditionnellement utilisé pour les balles de bandy.) Le mot anglais puck, pour désigner la rondelle, est une autre invention canadienne, bien que le mot soit d’origine irlandaise, tout comme la décision de réaliser ces rondelles en caoutchouc dur.
Les Canadiens apportent d’autres changements significatifs aux règles quelques années plus tard. En 1880, par exemple, le nombre de joueurs (sur la glace) par équipe est réduit de neuf à sept. De nouvelles techniques et de nouveaux styles de jeu apparaissent également de façon naturelle avec la croissance du jeu et la prolifération des ligues organisées. Par exemple, la procédure autorisant le gardien à se mettre à genoux pour arrêter la rondelle et celle qui pourrait être vue comme une forme précoce de lancer frappé sont utilisées dans la Coloured Hockey League des Maritimes (1895-1911) avant qu’elles ne soient appliquées lors des matchs de hockey des ligues professionnelles.
Premiers tournois de hockey à Montréal
Les premières parties de hockey réellement compétitives sont disputées les 26 et 27 janvier 1883, quand trois équipes s’affrontent à l’occasion de la première édition du tournoi de hockey du carnaval d’hiver de Montréal. L’équipe de l’Université McGill, les Victorias de Montréal et le Quebec Hockey Club participent à un tournoi à la ronde de trois matchs, à l’issue duquel l’équipe de McGill est déclarée championne. Au cours des six années suivantes, quatre autres tournois de hockey ont lieu dans le cadre du carnaval d’hiver.
En 1886, le carnaval est annulé à cause d’une épidémie de variole (aussi appelée à l’époque « petite vérole »). Un tournoi de remplacement se tient à Burlington, au Vermont, mettant aux prises deux équipes montréalaises et une équipe locale, ce qui en fait le premier tournoi international de hockey sur glace. Le même hiver, quatre équipes de la région de Montréal organisent dans la ville un tournoi s’échelonnant sur toute la saison. Cette compétition est considérée par certains comme la première ligue de hockey, bien qu’elle n’ait pas de nom et que son format d’élimination directe n’inclue pas de classement, seulement une équipe championne et une équipe finaliste. À cette occasion, les règles sont révisées et améliorées pour la première fois depuis leur publication. Ces changements incluent des règles sur le format et le matériel de fabrication de la rondelle, stipulant qu’elles doivent être constituées de « caoutchouc vulcanisé ».
À l’automne 1886, les règles sont révisées encore une fois. Le changement le plus significatif concerne la dimension des buts, qui est fixée à six pieds de largeur par quatre pieds de hauteur (leur taille actuelle). Notons que ces dimensions avaient déjà été recommandées par deux auteurs britanniques dans les années 1860. Toujours en 1886, l’Association de hockey amateur du Canada (connue par son abréviation anglaise AHAC) est formée; il s’agit de la première, ou peut-être la deuxième ligue organisée. Elle subsiste pendant douze saisons, et son équipe championne de 1893, le Montreal Hockey Club (l’équipe de hockey sur glace associée à la Montreal Amateur Athletic Association) est la première à remporter la coupe Stanley, ayant fini en tête du classement de la ligue avec une fiche de sept victoires et une défaite.
Influence des « règles canadiennes »
Les règles canadiennes de hockey sur glace sont graduellement adoptées outremer. En 1908, la Ligue Internationale de Hockey sur Glace (LIHG) est fondée à Paris par quatre nations : la Belgique, la France, la Grande-Bretagne et la Suisse (la Bohème, une région de l’actuelle République tchèque, a assisté à la réunion de fondation et s’est jointe à la ligue plus tard dans l’année). Le premier ensemble de règles est fortement inspiré par celui du hockey canadien et, fait significatif, rend obligatoire l’utilisation d’une rondelle de caoutchouc dur, mettant fin à l’utilisation de balles au hockey en Angleterre et dans le reste de l’Europe au fur et à mesure que les différentes fédérations se joignent à la LIHG. Le bandy continue d’être pratiqué dans plusieurs pays (toujours avec une balle), mais sa popularité décline considérablement, particulièrement si on compare avec celle du hockey.
En 1911, l’Association nationale de hockey (précurseur de la Ligue nationale de hockey) réduit le nombre de joueurs sur la glace à six en abandonnant le « rover » (parfois appelé « maraudeur » en français), et les autres ligues et juridictions emboîtent le pas au cours de la décennie suivante. La règle du hors-jeu devient de plus en plus permissive et les mises en échec, au départ tolérées, sont désormais encouragées. Une différence qui persiste au fil des années est la dimension de la surface glacée : en Amérique du Nord, elle est plus étroite de quatre mètres approximativement, mais à peu près de la même longueur qu’en Europe et dans l’ensemble des autres pays qui jouent selon les règlements de l’IIHF.
Domination canadienne
En 1920, le Canada est la puissance dominante au hockey sur glace. Cette année-là, le premier championnat mondial de hockey sur glace se tient pendant les Jeux olympiques d’Anvers, en Belgique. Il est remporté par les Falcons de Winnipeg, représentant le Canada, qui dominent leurs adversaires lors de trois matchs par un pointage cumulé de 29 à 1. Les équipes canadiennes dominent la compétition olympique pendant plus de 30 ans, remportant six des sept tournois entre 1920 et 1952 (elles doivent se contenter de l’argent en 1936, quand la Grande-Bretagne remporta la médaille d’or avec une équipe principalement constituée de joueurs ayant grandi au Canada). Le Canada ne remporte pas d’autre médaille d’or au hockey sur glace olympique avant 2002, principalement à cause principalement des règles touchant l’amateurisme (ou « shamateurisme »), qui permettaient aux pays du Bloc de l’est d’envoyer leurs meilleurs athlètes, tout en interdisant aux professionnels canadiens de participer. Toutefois, le Canada continue à être une puissance mondiale en compétition internationale et remporte la majorité des douze tournois « meilleurs contre meilleurs » tenus entre 1976 et 2014. Sans être le lieu de naissance du sport, le Canada a été le principal contributeur de l’évolution du hockey sur glace pour en faire le sport rapide et spectaculaire qu’il est aujourd’hui.