La montée de la Fédération du commonwealth coopératif | l'Encyclopédie Canadienne

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La montée de la Fédération du commonwealth coopératif

L'article suivant est un éditorial rédigé par le personnel de l'Encyclopédie canadienne. Ces articles ne sont pas généralement mis à jour.

Le 15 juin 1944, sous la direction du dynamique Tommy Douglas, la Fédération du commonwealth coopératif (CCF) remporte les élections en Saskatchewan et y forme le premier gouvernement socialiste de l'Amérique du Nord. D'abord un mouvement pour le bien-être social, le parti change l'allure générale du gouvernement canadien.

L'histoire du CCF commence pendant la Crise de 1929. Le krach boursier et une période prolongée de sécheresse dévastent l'économie. Ni le premier ministre Mackenzie King et ses libéraux ni R.B. Bennett et l'opposition conservatrice ne sont disposés à faire quoi que ce soit. À leur avis, la crise économique ne nécessite pas de mesures exceptionnelles. Les deux partis suggèrent de changer le marché canadien avec des tarifs et de laisser les provinces gérer les problèmes sociaux découlant de l'effondrement économique.

La victoire conservatrice de Bennett en 1930 crée toute une surprise. Il conserve son attitude d'autodidacte face à la détresse sociale? il vaut mieux s'aider soi-même qu'avoir recours à l'assistance publique? et devient bientôt la cible du mécontentement des Canadiens qui ont besoin d'aide concrète et non de sermons pour surmonter leurs difficultés.

Puisque le gouvernement Bennett ne parvient pas à restaurer la prospérité de la nation et que la crise s'installe, le mécontentement gagne tout le pays. Un des effets du gouvernement conservateur qui se désagrège est « l'émergence de mouvements politiques peu orthodoxes ». Un de ces mouvements, le CCF, voit le jour à Calgary en 1932, issu d'une coalition d'agriculteurs, d'universitaires et de députés d'Ottawa associés à des organisations syndicales et agricoles. En 1933, le CCF rédige le Manifeste de Regina, réclamant la création d'un véhicule politique qui sortirait le Canada de la dépression.

Le manifeste promet l'assurance-chômage et l'assurance-maladie, des logements sociaux, le soutien des prix agricoles, des lois pour protéger les agriculteurs de leurs créditeurs et l'étatisation des principales industries et institutions financières. Son premier chef, J.S. Woodsworth, homme sensible et chrétien dévoué, croit fermement qu'il faut aider les moins fortunés.

Il conteste l'écart entre les riches et les pauvres, remet en question la politique d'immigration du Canada et s'en prend à ceux qui tolèrent qu'on traite les immigrants comme des marchandises ou de la main-d'œuvre bon marché. Son intérêt marqué pour les problèmes sociaux l'amène à intervenir dans des cas individuels. En 1909, il écrit une lettre au Manitoba Free Press au sujet d'une « petite fille étrangère » qu'il a vue dans un taudis crasseux du nord de Winnipeg, demandant qui pourrait lui venir en aide. La fillette vit dans des conditions épouvantables. Sa famille partage un seul lit, qui fait également office de table et de chaises, dans lequel elle se languit couverte d'horribles plaies ouvertes. Woodsworth attribue la responsabilité des conditions de vie dans ces quartiers aux hommes d'affaires et aux politiciens qui ont créé Winnipeg Nord et à « l'élite, les bons chrétiens » qui « empochent, dans certains cas, le double du loyer justifiable » pour leurs logements.

Tommy Douglas, sous un panneau d'affichage de la Co-operative Commonwealth Federation peu de temps après son élection, en compagnie de C.M. Fines et de Clarence Gillis (avec la permission de la Saskatchewan Archives Board).

Le CCF se taille vite une place dans la vie politique canadienne, faisant élire ses membres aux assemblées provinciales et au Parlement. La Deuxième Guerre mondiale oblige les partis à délaisser le bien-être social pour l'action politique. Au début du conflit, le CCF est divisé entre les partisans de Woodsworth, qui croient que la guerre ne résoudra rien et qu'elle ne fera que distraire les gens des grands problèmes sociaux, et ceux qui pensent que le Canada devrait y prendre part.

Le successeur Woodsworth, M.J. Coldwell est quant à lui favorable à la participation du Canada au conflit. Sous sa direction, le parti prospère. En 1942, le CCF remporte l'élection partielle dans York-Sud. En 1943, il détient suffisamment de sièges pour constituer l'opposition en Ontario. L'année suivante en Saskatchewan, le parti forme le premier gouvernement socialiste de l'Amérique du Nord.

King et son parti ripostent à cette avancée du CCF en adoptant certaines de ses politiques les plus populaires. Ils court-circuitent ainsi «la menace de la gauche» et lancent la participation du gouvernement fédéral dans les affaires sociales et économiques. Les Libéraux espèrent éviter la dépression d'après-guerre et, du coup, devenir les bâtisseurs de l'État providence. Au régime de pensions de vieillesse, ils ajoutent un régime d'assurance-chômage (1940) et un système d'allocations familiales (1944). Ils font aussi la promotion de politiques soutenant la construction résidentielle, l'emploi pour les soldats démobilisés et l'accroissement de l'aide aux provinces pour les soins de santé.

Après la guerre, le CCF, accusé d'accointances avec le communisme, perd de sa popularité. En période de guerre froide, ce genre d'accusation ne pardonne pas. En 1956, le parti remplace en vain le Manifeste de Regina par la Déclaration de Winnipeg. En 1958, le CCF essuie une défaite catastrophique.

Même si le CCF n'a jamais détenu le pouvoir national, l'adoption de beaucoup de ses politiques a stimulé l'évolution du Canada vers une social-démocratie dotée de programmes sociaux universels, de solides mouvements syndicaux et d'un État engagé dans la création d'emplois et l'élimination des disparités régionales. En 1961, le CCF deviendra le NPD.

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