Mékaisto (Corbeau Rouge) et traité no. 7 | l'Encyclopédie Canadienne

Éditorial

Mékaisto (Corbeau Rouge) et traité no. 7

L'article suivant est un éditorial rédigé par le personnel de l'Encyclopédie canadienne. Ces articles ne sont pas généralement mis à jour.

En 1886, le premier ministre John A. Macdonald décide d'inviter dans l'est du pays les « chefs loyaux » - ceux qui ont refusé de participer à la Rébellion du Nord-Ouest. Le trajet en train passe par Regina, Winnipeg, Ottawa, pour finalement se terminer à Brantford, en Ontario, où les invités assistent au dévoilement de la statue du grand chef mohawk Joseph Brant.

La foule et les médias s'intéressent surtout à Crowfoot, qui incarne l'idée que l'homme blanc se fait des nobles Indiens des Plaines. Pourtant, ironiquement, Crowfoot a beaucoup tergiversé avant de prendre la décision de garder les Pieds-Noirs à l'écart du conflit. Quant à Corbeau Rouge, chef des Kainahs (Gens-du-Sang), il n'a jamais hésité. Ce chef rempli de fierté ne considère pas son peuple comme inférieur aux Blancs et n'a donc pas voulu participer à une guerre contre eux. Cette dignité s'avérera précieuse pour son peuple pendant les jours difficiles qui suivront.

Corbeau Rouge (Provincial Archives of Alberta).

Corbeau Rouge voit le jour en 1830 près du confluent des rivières Oldman et St. Mary, au cœur du territoire de chasse des Kainahs. Son nom d'adulte, Mekaisto, ou Corbeau Rouge, lui est attribué quand, adolescent, il va à la guerre pour une première fois. Pendant les années 1840 et 1850, les Pieds-Noirs - de jeunes hommes toujours prêts à risquer leur vie pour la gloire et la richesse - s'en prennent constamment aux Crows, Cris, Shoshonis, Gros Ventres et Nez Percés. À la fin des années 1860, Corbeau Rouge est un guerrier respecté, toujours le premier à défendre le campement et à demander vengeance. En 1869-1870, quand la variole emporte de nombreux chefs, il n'est pas tenu pour acquis que Corbeau Rouge doit nécessairement devenir le prochain chef. Les gens le choisissent de la manière traditionnelle, en le suivant lorsqu'il lève le camp.

Corbeau Rouge est un chef toujours prêt à défendre le territoire des Blood. En octobre 1871, il dirige 60 guerriers dans l'attaque d'un campement crow sur la rivière Milk, faisant au moins 60 morts chez l'adversaire. Cependant, au campement, la vie se fait de plus en plus démoralisante. Les Kainahs sont décimés par les ravages de la variole et de l'alcool qui touchent d'ailleurs Corbeau Rouge autant que les autres. En effet, il en arrive à tuer son propre frère, Kit Fox, dans une bagarre engagée à l'occasion d'une beuverie. C'est à cette époque que Corbeau Rouge décide de changer. Il en a « assez de la guerre et des problèmes. »

En 1874, la Police à cheval du Nord-Ouest arrive à la rivière Belly et met un terme au commerce du whisky américain. En grande partie à cause de son amitié avec le légendaire James Macleod, Corbeau Rouge amène les Kainahs à signer le Traité no 7 à Blackfoot Crossing, en septembre 1877. Pour les Canadiens, ce traité signifie la cession de vastes territoires de chasse des Pieds-Noirs à la colonie. Cependant, comme les autres chefs, Corbeau Rouge n'accorde que peu d'importance au traité. Les Kainahs ne connaissent pas le concept de la « réserve ». Pendant des millénaires, ils se sont déplacés au hasard de leur poursuite du bison, jusqu'au pied des Rocheuses, cette « colonne vertébrale du monde ». Selon eux, la terre et les animaux n'appartiennent pas aux peuples; ils ont été créés par Napi au commencement du monde et ne peuvent donc être « cédés » à personne.

Les doutes au sujet de l'utilité du traité apparaissent peu de temps après sa signature. Rien de ce qui a été promis n'est fait pour arrêter le massacre aveugle des bisons par les chasseurs américains. Toutefois, alors que les troupeaux de bisons disparaissent, Corbeau Rouge entrevoit la portée du traité pour l'avenir. Il peut être fier, voire arrogant, mais il accepte la réalité. Il n'y a plus de bisons. Pendant que les autres chefs se cramponnent désespérément au passé, Corbeau Rouge se tourne résolument vers l'avenir. Il parvient à persuader le Commissionnaire de déplacer la réserve au sud de la rivière Belly, qu'il voit comme un refuge contre l'envahissement du monde, un endroit où il pourra encourager son peuple à se consacrer à l'agriculture et à l'élevage du bétail.

En mars 1885, c'est le chaos dans les Prairies, alors que les Métis, les Cris et les Assiniboines prennent les armes. Corbeau Rouge ne doute jamais de sa décision de ne pas faire intervenir son peuple dans la rébellion. Il n'éprouve pas de haine pour l'homme blanc. Par contre, ses sentiments à l'égard des Cris - des ennemis de longue date - sont tout autres.

Cependant, il lui reste encore de nombreux combats politiques à livrer contre les bureaucrates canadiens au sujet des vivres, des frontières, de l'empiétement de territoire et des promesses non tenues. Dans les années 1890, un agent autocratique aux nobles idéaux du nom de James Wilson fait campagne pour faire disparaître la Danse du Soleil et les danses de calumet sacré. Corbeau Rouge use de diplomatie et de patience et, après avoir subi des persécutions pendant dix ans, il parvient à réinstaurer la Danse du Soleil. Il s'agit pour lui d'une fin de carrière qui convient parfaitement à la mission qu'il s'est donnée : protéger de la destruction les principes fondamentaux de la religion des siens.

Corbeau Rouge traverse la rivière Belly pour une dernière fois le 28 août 1900. Ne le voyant pas revenir, sa femme, Sitting Before, part à sa recherche et le trouve étendu sur le gravier de la rive. Il a remporté la plupart des batailles de sa vie, malgré la tragédie qui a touché son peuple. De son vivant, les Kainahs ont été les seigneurs des plaines, puis ont tout perdu. Sous son commandement avisé, ils ont préservé leur conception du bien-être. Il les a amenés à croire qu'ils étaient « la crème de la création ».