Jean C. Lapierre, avocat, politicien, cofondateur du Bloc Québécois et chroniqueur (né le 7 mai 1956 et mort le 29 mars 2016 aux Îles-de-la-Madeleine, Québec). Survolant en expert les hautes sphères de la politique canadienne et des médias qui la couvrent, Jean Lapierre est le commentateur politique du Québec le plus marquant de son époque. Ses capsules quotidiennes à la télévision et à la radio sont assidûment suivies par tous ceux qui veulent comprendre ce qui motive, ce qui frustre et ce qui passionne sa province natale.
Éducation et débuts professionnels
Aîné des cinq enfants de Raymond Lapierre et de Lucie Cormier, Jean Lapierre quitte ses lointaines Îles-de-la-Madeleine pour la partie continentale du Québec après l’école secondaire. Il fréquente le cégep, le système préuniversitaire du Québec, à environ 90 km de Montréal, à Granby. Élu président de la branche locale des Jeunes libéraux, il organise un rassemblement politique au profit du parti qui attire l’attention du ministre libéral André Ouellet. « On pensait qu’il y aurait 50 personnes. Il y en avait 500 », déclare à l’antenne de TVA André Ouellet en 2016. « J’ai immédiatement demandé, “Mais qui a organisé ce meeting?” Et c’était le jeune Lapierre. »
Jean Lapierre travaille au bureau d’André Ouellet tout en poursuivant ses études de droit à l’Université d’Ottawa. Admis au Barreau en 1979, il préfère se consacrer à la politique et se fait élire la même année au Québec dans le canton de Shefford. En 1984, le premier ministre John Turner le nomme ministre d’État à la Jeunesse et au Sport amateur. À 28 ans, Jean Lapierre devient le plus jeune membre du cabinet de l’histoire du pays.
Bloc Québécois
Sa loyauté envers le parti (et certains disent le pays) connaît des limites. Après moins de trois mois au pouvoir, John Turner perd les élections de 1984 au profit du Parti progressiste-conservateur de Brian Mulroney. Enlisés dans l’opposition, les libéraux se livrent à une guerre fratricide, qui dresse John Turner, puis Paul Martin, contre le faire-valoir de longue date du parti, Jean Chrétien. En 1990, Jean Chrétien est élu chef du parti. Jean Lapierre quitte le caucus libéral, furieux de l’opposition de Jean Chrétien à l’accord du lac Meech, qui aurait accordé au Québec des pouvoirs constitutionnels particuliers. Siégeant à la Chambre des communes en tant que député indépendant, il cofonde bientôt le Bloc Québécois avec Lucien Bouchard, un parti souverainiste dont l’objectif est d’obtenir la séparation du Québec du reste du pays.
Commentateur dans les médias
Jean Lapierre quitte Ottawa pour Montréal en 1992 et devient chroniqueur politique à la station de radio de Montréal CKAC, puis à la chaîne de télévision TQS. La nature de Jean Lapierre, un mélange séduisant de commentaires politiques et d’opinion débridée, n’a d’égale que son charisme, à mi-chemin entre affabilité et indignation. Il est à l’aise en français et en anglais, sur les ondes et par écrit. Entre deux succès médiatiques, il discute avec des membres de la classe politique et du monde des affaires, y compris des souverainistes, des fédéralistes, des façonneurs d’opinion et des capitaines d’industrie. C’est un populiste, dont l’accent est trop prononcé et le vocabulaire trop coloré pour les ondes raffinées de Radio-Canada.
Il entame, en mettant à profit ses connaissances politiques et son expérience des médias, une carrière lucrative de conseiller auprès de sociétés désireuses de se frayer un chemin au travers de l’économie et de la société francophone du Québec. Il n’a aucun scrupule à passer du journalisme à la défense des intérêts économiques. « Je ne suis pas un journaliste et je ne le serai jamais », déclare-t-il au magazine L’actualité en 2002.
Retour aux libéraux
En 2004, le premier ministre Paul Martin rappelle son vieil ami Lapierre en politique. Paul Martin a repris les rênes du Parti libéral après le départ de Jean Chrétien. Il choisit pour Jean Lapierre la circonscription d’Outremont à Montréal, où il a de bonnes chances de l’emporter, lui offre le poste de ministre des Transports et la mission de protéger l’image de marque des libéraux au Québec. Il est éclaboussé par le scandale des commandites qui révèle que le gouvernement conclut avec des sociétés favorables aux libéraux des contrats souvent exagérément élevés pour des programmes de promotion du fédéralisme au Québec. Les libéraux perdent les élections de 2006, en partie à cause des piètres résultats du Québec. Jean Lapierre démissionne après moins d’un an dans l’opposition, revient au Québec et retrouve la notoriété médiatique en 2007.
Radio et télévision
Les politiciens et les médias sont à l’écoute des commentaires de Jean Lapierre, présentés à l’émission matinale de Paul Arcand sur les ondes de la station radio FM 98,5, et les sujets qu’il choisit se retrouvent souvent au cœur des préoccupations du gouvernement du Québec. Il coanime également avec Paul Larocque une émission de débat politique sur TVA, la station de télévision la plus populaire de la province. Grâce à ses nombreux « Lapierrismes » (L’intégrité, c’est comme la virginité, c’est ben dur d’en ravoir!), il réussit à passer sur Radio-Canada, sous forme satirique, dans l’émission d’animation Et Dieu créa… Laflaque.
En 2014, il participe à la rédaction de Confessions post-référendaires :Les acteurs politiques de 1995 et le scénario d'un oui avec l’analyste politique Chantal Hébert. Le duo part d’une hypothèse simple : que se serait-il passé si les Québécois avaient choisi de quitter le pays lors du référendum de 1995? Au travers d’entrevues avec près de deux douzaines de personnages politiques de premier plan, Chantal Hébert et Jean Lapierre montrent le manque de préparation presque complet des souverainistes du Québec, aussi bien que des fédéralistes du Canada, car aucun des deux côtés n’imagine réellement que le oui puisse l’emporter. Le livre remporte de nombreux prix et se retrouve finaliste du prix Shaughnessy Cohen de l’œuvre politique.
Décès
Le 28 mars 2016, Jean Lapierre annonce sur Twitter le décès de son père, victime de la maladie de Parkinson, à l’âge de 83 ans. Le jour suivant, il part de l’aéroport St-Hubert près de Montréal, en compagnie de plusieurs membres de sa famille, afin de se rendre aux obsèques de son père aux Îles-de-la-Madeleine. Le petit avion dans lequel il prend place s’écrase en approchant de la piste de l’aéroport et tous les passagers à bord sont tués, y compris Jean Lapierre, sa conjointe Nicole Beaulieu, sa sœur Martine et deux de ses frères, Marc et Louis. Les pilotes Pascal Gosselin et Fabrice Labourel trouvent également la mort dans l’accident.
Les personnes présentes aux funérailles de Jean Lapierre sont à l’image de sa carrière, des personnalités des médias, des ministres, des chefs de gouvernement anciens ou actuels, des hommes d’affaires et des politiciens de tous les horizons.