Littérature de langue anglaise | l'Encyclopédie Canadienne

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Littérature de langue anglaise

Les écrivains ont décrit le Canada de multiples façons. On y a vu une colonie française ou anglaise, un « cinquante et unième » État américain, un pays côtier du Pacifique, un géant de l'Arctique, un territoire accueillant ou une contrée sauvage inhabitable.
Laurence, Margaret
Le personnage et le discours de Hagar Shipley sont appréciés à leur juste valeur comme les créations les plus profondes de Laurence (avec la permission de McClelland & Stewart).
Thomas Chandler Haliburton, auteur, juge et homme politique
Thomas Chandler Haliburton sur une lithographie de E.U. Eddis (avec la permission des Bibliothèque et Archives Canada/C-6086).
Timothy Findley
Les écrits de Timothy Findley présentent une grande diversité de sujets, toujours traités avec imagination (photo de Sussi).
Mordecai Richler, écrivain
(photo de Martha Kaplan)

Littérature de langue anglaise

L'expression « littérature canadienne de langue anglaise » désigne la littérature écrite à l'intérieur du territoire canadien actuel ou par des Canadiens à l'étranger.

Les écrivains ont décrit le Canada de multiples façons. On y a vu une colonie française ou anglaise, un « cinquante et unième » État américain, un pays côtier du Pacifique, un géant de l'Arctique, un territoire accueillant ou une contrée sauvage inhabitable. La littérature canadienne a suscité des attitudes tout aussi diverses, ce qui s'explique non seulement par le fait que nombre d'écrivains canadiens, nés à l'étranger, aient conservé leurs espoirs à l'extérieur du pays, mais aussi par l'enracinement des stéréotypes dans l'esprit populaire. Trois stéréotypes dominent l'idée que l'on se fait du Canada. On y voit une terre déserte, un pays sans culture et un territoire en friche riche en possibilités d'investissement. Ces distorsions ont conquis un public friand de stéréotypes, que des écrivains canadiens ont parfois renforcés par des récits romanesques se déroulant dans les étendues glacées du Nord, où règne une vie sauvage ou hostile contrastant avec la « civilisation » apportée de l'extérieur. Mais avec le temps, la référence à cette imagerie inspirée de l'étranger a cédé la place à la description d'un vécu local et au recours à la littérature comme moyen de lutter contre les préjugés provenant d'autres cultures.

Langage et genre littéraire

Les auteurs canadiens ont voulu nommer correctement les réalités locales comme la flore, la faune, les noms topographiques et les événements et pouvoir utiliser le vocabulaire local sans avoir à s'en excuser (voir LANGUE ANGLAISE). Ainsi, des mots comme moose (« orignal ») et Medicine Hat (« chapeau de médecin »), comiques parce qu'ils transgressent les conventions de la grammaire anglaise, sont devenus suffisamment acceptables pour être utilisés en littérature. Des mots autochtones (igloo, muskeg), des emprunts du français (tuque, gopher), des adaptations de l'anglais (separate schools [« écoles séparées »], sky pilote [« pilote de l'air »]), des régionalismes (slough [« marécage »], lakehead [« tête des Grand Lacs »], Bluenose (puritains) et des rythmes vernaculaires sont devenus acceptables au cours du XIXe siècle. Le vocabulaire de base demeure toutefois celui de l' « anglais international ». L'écart n'est ni suffisamment régionalisé pour gêner la communication ni assez important pour obliger les lecteurs étrangers à la culture à s'adapter.

Au XXe siècle, l'ironie indirecte - un mode littéraire dominant - invite le lecteur à ne pas s'en tenir au premier degré du récit, mais plutôt à chercher des résonances plus subtiles. Le récit documentaire (une structure littéraire commune), par exemple, prétend à l'origine transmettre la « vérité ». Mais le genre comporte plusieurs sous-catégories, allant du récit historique et de l'esquisse au drame et au long poème, et le résultat est plus subjectif que ne le laisse entendre le mot « documentaire ». En effet, les aperçus historiques que de telles oeuvres présentent sont des amalgames de préjugés culturels et de points de vue tendancieux. L'« histoire » sur laquelle repose ces récits documentaires est une structure fictive, un processus de perception des hiérarchies de valeurs et de fabrication de légendes qui vise à véhiculer ces valeurs.

Parmi les premiers longs poèmes, nombreux sont ceux qui empruntent une forme narrative et qui font de l' « Histoire » une histoire. Plus récemment, les longs poèmes, tout comme une autre forme répandue, la nouvelle et comme certains romans et certaines pièces, se présentent de manière discontinue. Souvent « métatextuelles » ou autoréférentielles, ces oeuvres sont centrées sur la langue littéraire et sur les processus de l'entendement de même que sur l'expérience empirique. Écrivain et lecteur deviennent donc tous deux participants actifs, entrant en relation avec les personnages et le texte. Toutefois, la discontinuité fait ressortir le caractère fragmentaire et la partialité de l'entendement et indique souvent l'existence d'un sujet sous-jacent (sous-texte) ou d'une solution de remplacement aux valeurs traditionnelles reçues ou aux conventions.

Un grand nombre de techniques ont été utilisées pour suggérer la validité de diverses histoires « marginales » ou solutions de remplacement régionales, ethniques et sexuelles aux normes établies. En plus des séries discontinues figurent parmi celles-ci l'allégorie, le conte populaire, le récit à la structure fragmentée, la parodie et le récit ironique dans le récit. L'humour en littérature canadienne apparaît plus souvent dans des apartés ou dans la litote que dans le comique grossier, et la LITTÉRATURE HUMORISTIQUE porte souvent sur des sujets sérieux.

Bon nombre d'auteurs ont pris conscience que ce n'est pas l'histoire qu'ils racontent qui les distingue, eux et leur communauté, mais bien leur façon de la raconter. En se documentant sur l'histoire locale et en écrivant dans la langue du pays, ils favorisent la culture régionale et nationale. Des auteurs terre-neuviens comme E.J. PRATT se sont inspirés d'une tradition d'histoires à dormir debout, des auteurs des Prairies, tels que Robert KROETSCH, d'une tradition de récits anecdotiques et les écrivains ontariens, tels que Margaret ATWOOD et Robertson DAVIES, de l'interaction laconique entre humour et ordre moral. La vigueur de leur style tient à leur maîtrise dans la description des particularités régionales, qui est aussi importante que le sens littéral, puisqu'elle révèle les mobiles profonds des personnages et le contexte social.

La technique narrative est souvent indirecte dans les écrits canadiens (l'utilisation de la parabole et de l'allégorie sont courantes). Les narrateurs dissimulent souvent leurs vrais sentiments ou parfois ont une compréhension restreinte des événements qui les entourent et les significations indirectes ou implicites sont plus complexes et fertiles de renseignements que celles qui paraissent évidentes.

Motifs et structures

Certains commentateurs ont interprété politiquement et psychologiquement l'aspect métaphorique de la littérature, y découvrant un signe d'insécurité nationale et un sentiment collectif d'infériorité. D'autres soutiennent que ce caractère métaphorique est une saine démonstration de la facilité d'adaptation d'une culture qui se sert de la langue dont elle a hérité pour arriver à ses fins. Bien que le caractère national ne soit pas toujours le sujet des textes littéraires, les attitudes et les valeurs sociales de la culture transparaissent dans le langage et dans son utilisation.

On retrouve différents types de structures narratives dans les écrits canadiens : une collectivité s'isole de la vie sauvage en s'emmurant (la « mentalité d'assiégé »); quelqu'un quitte sa terre natale, qui lui apparaît étrangère après son adaptation au nouveau monde; une personne née au Canada se sent « étrangère » en permanence dans son propre pays; de nouveaux arrivants découvrent qu'ils sont exclus du pouvoir; une personne s'efforce de récupérer du passé le secret ou la vie opprimée d'une génération qui l'a précédée; une femme lutte pour vivre avec sa créativité et les inhibitions de son éducation (luttes souvent présentées comme un conflit entre la colonie et l'empire); un observateur en apparence passif, entouré de farceurs et de conteurs bien articulés, finit par être en mesure de raconter leur histoire et la sienne, souvent avec ironie; un aventurier transforme l'échec en une sorte de grâce; en grandissant, un enfant hérite d'un monde d'espérance, ou d'un monde désespéré, ou habituellement les deux à la fois; un historien subjectif médite sur le lieu et le souvenir; un personnage glorifie l'environnement et la vie sauvage, le plus souvent après avoir lutté pour apprendre à accepter que la nature ne procure de thérapie spirituelle que selon ses propres conditions.

Pour raconter la nature de leur société, bien des auteurs ont dépeint des personnages historiques comme Samuel HEARNE, Louis RIEL, Susanna Moodie, sir John A. MACDONALD, Emily CARR et William Lyon MACKENZIE. Tous ces personnages ont leur vision du monde, mais chacun, loin d'être un héros, demeure avant tout un être humain.

Le cadre du récit a souvent une dimension symbolique. Ainsi, le Québec catholique est fréquemment perçu comme une terre mystérieuse, attirante mais ensorcelante, et moralement dangereuse. L'Ontario est un mélange énigmatique de rectitude et de laxisme moral; les provinces de l'Atlantique, une région aux valeurs anciennes le Grand Nord, une terre d'espoir; les Prairies, un territoire à conquérir; et la côte ouest, représentant un futur auquel les gens croient à tort. L'Europe apparaît souvent comme le foyer du raffinement et de la discrimination, les États-Unis, un pays de réussite grossière et de matérialisme, et l'Afrique, l'incarnation de tout ce qui est étranger au rationalisme protestant. La terre elle-même est souvent associée au pouvoir, soit comme propriété, région, force hostile, lieu de communication, don divin, territoire contesté de revendications culturelles en concurrence, frontière ou milieu écologique où la vie humaine s'intègre à toutes les autres formes de vie de la Nature.

Même si la plupart des Canadiens vivent dans les villes, les écrivains ont, jusqu'à récemment, situé leurs récits plutôt en milieu rural ou dans de petites villes qu'en milieu urbain. Ils ont également souvent passé sous silence les problèmes de classe, de race et de pauvreté. Pourtant, dès les débuts, des femmes de lettres comme Frances BROOKE, Susanna MOODIE, Sara Jeannette DUNCAN et Nellie MCCLUNG ont fait d'importantes analyses de la vie politique canadienne. Souvent, elles dénoncent avec vigueur les divisions sociales du Canada que les auteurs masculins semblent ignorer ou minimisent.

La littérature « régionale » a également favorisé des positions politiques car, en rejetant une définition d'un « Canada » uni, elle soutient la thèse d'un pays à caractère pluraliste (voir RÉGIONALISME DANS LA LITTÉRATURE). Par ailleurs, de plus en plus, des écrivains autochtones et des écrivains d'origines ethniques autres que celles de l'Europe occidentale ont examiné les limites sociales et les possibilités politiques du pluralisme canadien. Parmi ceux-ci figurent Beatrice Culleton, Tomson HIGHWAY, Rohinton MISTRY, Neil BISSOONDATH, Smaro Kamboureli, Joy KOGAWA et Paul Yee (voir ETHNIES, LITTÉRATURE DES).

Historique

Le développement de la littérature canadienne de langue anglaise a été influencé par de nombreux facteurs, tels que la densité de la population et les diverses influences littéraires des écrivains étrangers.

1620-1867

Au cours de ces deux siècles, les techniques des auteurs de littérature canadienne de langue anglaise suivent les modes littéraires de l'Angleterre. Il y a eu la poésie anglaise du début du XVIIIe siècle à Terre-Neuve, les romans épistolaires des occupants de la garnison anglaise de Québec à la fin du même siècle, la satire politique du groupe des LOYALISTES des Maritimes et du Haut-Canada et les chansons populaires, les mythes et le romantisme dans la poésie et la littérature d'imagination, au début du XIXe siècle. Des romanciers, comme John RICHARDSON et Rosanna LEPROHON, réaffirment leurs liens avec l'Europe, autant par leur style que par les thèmes qu'ils traitent. Malgré leur enthousiasme pour la vie sauvage, ils perpétuent les conventions sociales et littéraires de l'Europe. Les contes adaptés de la tradition autochtone et québécoise sont destinés à des lecteurs qui idéalisent les valeurs autochtones et agraires.

Les premiers poètes, tels que Oliver GOLDSMITH et Charles SANGSTER, définissent le paysage canadien comme « sublime » ou « pittoresque », se servant ainsi d'une convention littéraire britannique. Les premières traditions folkloriques des provinces de l'Atlantique viennent du folklore écossais et irlandais, mais sont également influencées par la littérature celtique, florissante dans le Nouveau Monde; elles s'adaptent aux coutumes et à la langue locales. Des écrivains continuent à utiliser des genres inspirés de la MUSIQUE FOLKLORIQUE et de la LITTÉRATURE ORALE jusqu'au XXe siècle, comme le démontre The Killigrews' Soiree (1904) de Johnny BURKE, les contes de Pauline JOHNSON et les vers populaires de Robert SERVICE. (Les formulations littéraires des cultures orales apparaissent aussi dans l'oeuvre d'écrivains autochtones des années 90, dont le poète Harry Robinson, le dramaturge Tomson Highway et le conteur Basil JOHNSTON.)

L'essai politique et les ÉCRITS À CARACTÈRE INTIME s'avèrent les genres littéraires les plus durables de cette époque. Les critiques sociales et morales de Joseph HOWE, Thomas MCCULLOCH et Thomas Chandler HALIBURTON mettent en lumière les conventions rhétoriques et les positions politiques d'alors. Dans ses histoires humoristiques de Sam Slick dans THE CLOCKMAKER (1836), Haliburton utilise des phrases maintenant familières.

Les journaux intimes des explorateurs, des voyageurs et des colons, principalement ceux de Samuel Hearne, d'Alexander MACKENZIE, de David THOMPSON, d'Alexander HENRY, de William « Tiger » DUNLOP, de Catharine Parr TRAILL, de Susanna Moodie et d'Anna JAMESON, ont aussi leur importance (voir LITTÉRATURE DE LANGUE ANGLAISE SUR LES EXPLORATlONS ET LES VOYAGES).

Les récits de voyage et de colonisation sont tantôt des histoires romantiques de captivité et d'aventure (par exemple, le récit de John JEWITT), tantôt des comptes rendus précis des choses observées. Dans ROUGHING IT IN THE BUSH (1852), Moodie fait état de son manque de préparation pour s'adapter au Canada et conseille aux Britanniques de la classe moyenne de ne pas émigrer, mais les éditions ultérieures révèlent qu'elle se fait progressivement à son nouveau pays. Les récits de colonisation dont l'action se déroule dans l'Ouest canadien, tels que ceux de Susan Allison et de Georgina Binnie-Clark, sont écrits plus tard au cours du XIXe siècle et au début du XXe siècle.

Comme les premières tentatives de publication locales sont faites dans les Maritimes, à Montréal et dans le Haut-Canada, souvent en relation avec les JOURNAUX et les REVUES LITTÉRAIRES comme l'Acadian Recorder de Howe et le Literary Garland de John Lovell, elles encouragent les auteurs à mettre leur créativité au service de la scène locale. De ce fait, vers 1867, des histoires imaginaires situées en Europe et en Orient envahissent les périodiques à côté d'esquisses réalistes du Canada et de commentaires politiques et moraux.

1867-1914

La Confédération fait naître un vif intérêt en faveur du développement d'une culture nationale. Cet intérêt se manifeste par les louanges à l'histoire canadienne et par la recherche de la destinée politique du nouveau pays, avec des auteurs comme William KIRBY, James DE MILLE et Gilbert PARKER. La vie politique est racontée dans de nouvelles revues comme Rose-Belford's Canadian Monthly, Canadian Magazine et QUEEN'S QUARTERLY. Fredericton et Montréal deviennent des centres de création importants. La SOCIÉTÉ ROYALE DU CANADA est fondée en 1882. À Toronto, le Globe étend son influence politique et culturelle. Les auteurs canadiens sont également publiés dans la presse étrangère et dans des revues britanniques et américaines. Les oeuvres canadiennes sont touchées par l'expansion continentale, freinées par des pressions économiques et restreintes par des modifications de la LOI SUR LE DROIT D'AUTEUR.

Malgré leurs sentiments patriotiques, de nombreux auteurs s'établissent dans d'autres pays, pour des raisons financières ou personnelles. Ainsi, Charles G.D. ROBERTS et Bliss CARMAN partent pour les États-Unis, S.J. Duncan prend le chemin de l'Inde. Duncan, qui est politiquement attiré par la cause de la fédération impériale (voir IMPÉRIALISME), note les répercussions des idées et des goûts américains sur la culture canadienne. Le poète Charles MAIR devient un membre actif du mouvement CANADA FIRST. Les causes politiques attirent aussi Goldwin SMlTH, William Dawson LESUEUR et John WATSON (voir PHILOSOPHIE).

En 1905, la fébrilité littéraire atteint les Prairies et un centre culturel est en plein essor à Victoria, comme en témoigne l'oeuvre de Martin Allerdale Grainger. Les auteures de littérature enfantine Margaret Marshall SAUNDERS et L.M. MONTGOMERY, originaires des Maritimes, écrivent respectivement Beautiful Joe (1894) et ANNE OF GREEN GABLES (1908; trad. Anne... La maison aux pignons verts, 1986), qui jouissent d'un succès international. Au début du siècle, Stephen LEACOCK se fait également une réputation internationale comme auteur comique et conférencier à la manière de Dickens. Il fait une satire de la vie mondaine et des manies politiques et littéraires, comme les comédies factices, mélodrames, intrigues historiques et aventures viriles, rendus populaires par des auteurs comme Parker, Ralph Connor (C.W. GORDON) et Robert BARR, et par les premiers dramaturges tels que Charles HEAVYSEGE et John Hunter-Duvar.

À la fin du XIXe siècle, les figures dominantes de la littérature sont les poètes et auteurs de NOUVELLES Duncan Campbell SCOTT et Charles G.D. Roberts, ainsi que deux poètes avec qui ils sont associés, Archibald LAMPMAN et Bliss Carman. Connus sous le nom de « poètes de la Confédération », ces auteurs (avec W.W. CAMPBELL et I.V. CRAWFORD) remodèlent la POÉSIE canadienne. Influencés par les plus récents poètes romantiques anglais et par les transcendantalistes américains, ils fuient l'ornementation verbale de Sangster, rejettent la notion de « sublimité », recherchent des façons plus simples de traduire la beauté et la réalité du paysage canadien et utilisent l'imagerie naturelle comme un langage de quête spirituelle.

L'oeuvre de Scott esquisse avec sympathie les habitudes de vie au Québec et parmi les Amérindiens et inaugure le réalisme psychologique dans le récit. Les descriptions anthropomorphiques d'animaux de Roberts et d'Ernest Thompson SETON révèlent une observation attentive de la nature et adaptent de façon imaginative les méthodes scientifiques de Darwin. Malgré le fait que Roberts et Scott continuent à écrire longtemps après la fin de la Première Guerre mondiale, leur oeuvre principale appartient aux 20 années qui l'ont précédée.

1914-1941

La Première Guerre mondiale a un impact culturel et politique profond. Bon nombre de créateurs y sont tués, dont John MCCRAE, auteur du rondeau ln Flanders Fields. Puis, les attitudes envers l'empire et la nationalité canadienne se modifient, à mesure que le Canada acquiert l'égalité à l'intérieur du COMMONWEALTH; la présence culturelle du Québec dans le pays progresse et la tension monte; les politiques d'immigration changent après la guerre et les influences politiques des différentes régions du pays connaissent un changement. Les échanges culturels de la région du Pacifique avec l'Australie, la Chine, le Japon et l'Inde diminuent, malgré l'augmentation des immigrants en provenance de l'Asie.

La littérature imprégnée de RACISME augmente elle aussi. L'immigration d'Allemands et d'Européens de l'Est dans les Prairies a une influence littéraire significative; les sagas familiales de Martha OSTENSO, de Laura Goodman SALVERSON et surtout celles de Frederick Philip GROVE en font foi. Ce dernier se distingue en tant qu'écrivain, grâce à ses portraits spectaculaires de la vie des immigrants et à son analyse de la structure des rapports économiques entre les classes sociales. En Ontario, les chroniques familiales de Mazo DE LA ROCHE, qui donnent naissance à la série JALNA (1927-1960), continuent de préconiser les liens avec l'Empire.

En 1921, D.C. Scott prétend que la violence du nouvel âge exige des poètes qu'ils expriment les valeurs de l'époque de façon plus crue, rebelle et critique. Cette réflexion s'applique également à la littérature de fiction. L'oeuvre étonnamment réaliste de Charles Yale Harrison (Generals Die in Bed, 1930; trad. Les généraux meurent dans leur lit, 1931) fait partie des romans du début de la guerre. La Première Guerre mondiale préoccupe les auteurs pendant 50 ans, de Philip CHILD, Robert STEAD, Edward Meade et Colin McDougall, à Douglas Le Pan, Alden NOWLAN, Timothy FINDLEY, David Gurr, George Payerle et John GRAY.

Les conflits sociaux de Vancouver pendant la CRISE DES ANNÉES 30 sont le sujet du livre d'Irene Baird intitulé Waste Heritage (1939), tandis que J.G. Sime, Madge Macbeth et (plus tard) Joyce Marshall démontrent que la vie des femmes, surtout en milieu urbain, est souvent freinée par les conventions sociales et institutionnelles. Les romans de Morley CALLAGHAN peignent un tableau du crime et des privations qu'on connaît à Toronto et à Montréal, mais font appel à la force de la foi catholique comme solution au problème. Le style franc de Callaghan donne un nouveau souffle à la prose canadienne. Les talentueux récits autobiographiques de Callaghan et de John GLASSCO sur leurs séjours à Paris dans les années 20 datent de cette époque, bien qu'ils aient été publiés (sous forme révisée) longtemps après. L'artiste peintre Emily CARR écrit sur le caractère et la culture des Indiens de la côte ouest, sur l'évolution des goûts et des coutumes artistiques, sur son propre engagement envers la vie sauvage.

Tout comme la prose, le ton donné à la poésie et au THÉÂTRE D'EXPRESSION ANGLAISE pendant l'entre-deux-guerres est crucial. Au théâtre, les sketches satiriques de Merrill DENISON questionnent un nationalisme vide de sens et la grandiloquence des premières pièces de théâtre d'expression anglaise. Herman VOADEN adapte les techniques de l'expressionnisme allemand au théâtre et Oscar Ryan utilise le théâtre comme un moyen de contestation sociale de gauche (voir LITTÉRATURE ET POLITIQUE). En poésie, le Groupe de McGill (F.R. SCOTT, A.J.M. SMITH, Abraham KLEIN) fait son entrée à Montréal dans les années 20 pour faire l'éloge de la révolution du GROUPE DES SEPT en peinture, répondre à l'influence littéraire internationale de T.S. Eliot, W.H. Auden et James Joyce et pour mettre en doute le formalisme victorien des poètes de la Confédération.

Le poète terre-neuvien E.J. Pratt, fasciné par la science moderne, rédige des vers lyriques en hommage à l'action héroïque et au pouvoir de décision personnelle et collective. Raymond KNISTER et W.W.E. Ross sont eux aussi des figures marquantes. Dorothy LIVESAY et Earle BIRNEY, d'autres auteurs apparus à cette époque, poussent plus loin l'expérimentation formelle. Leur oeuvre, tour à tour dramatique, lyrique, documentaire, méditative, ironique et autobiographique, juxtapose l'expérience personnelle et les causes sociales. Entre 1950 et 1980, ils abordent le maccarthysme américain, l'indépendance américaine, le féminisme, la pauvreté et l'appauvrissement culturel du Canada.

1941-1959

Le roman Barometer Rising (trad. Le temps tournera au beau, 1966) de Hugh MACLENNAN, paru en anglais en 1941, inaugure le début d'une période de réévaluation libérale de la culture canadienne, d'une époque où le Canada s'affranchit de ses contraintes, se donne un rôle sur la scène internationale et devient un sujet d'intérêt en littérature. C'est aussi une époque où l'on croit au progrès. Ces thèmes, mis en valeur par des auteurs francophones aux positions humanistes et anticléricales comme Ringuet (Philippe PANNETON), Gabrielle ROY, Roger LEMELIN et Germaine GUÈVREMONT (voir LITTÉRATURE DE LANGUE FRANÇAISE), sont aussi ceux de Pierre BERTON, de Roderick HAIG-BROWN et de Farley MOWAT. Le roman de MacLennan, The Watch that Ends the Night (1959) (trad. Le matin d'une longue nuit, 1967), couronne cette période. L'auteur y réaffirme sa foi dans le pays, mais admet dès lors un sentiment de désillusion dans les causes politiques.

Des stylistes de la prose des années 40 et 50 présentent l'envers de la médaille, en s'attardant sur les valeurs morales de l'individualisme. Malcolm LOWRY, avec Under the Volcano, 1947 (trad. Au-dessous du volcan, 1976), et Ethel WILSON , avec SWAMP ANGEL (1954), explorent respectivement les problèmes psychologiques causés par l'alcoolisme et les perspectives sociales limitées des femmes. Avec les Prairies de l'Ouest comme toile de fond, Sinclair ROSS, dans AS FOR ME AND MY HOUSE, 1941 (trad. Au service du Seigneur, 1981), et W.O. MITCHELL , dans WHO HAS SEEN THE WIND (1947; trad. Qui a vu le vent?, 1974), cherchent à découvrir les barrières psychologiques qui, souvent, empêchent les individus de prendre contact avec leur milieu. Thomas RADDALL et Ernest BUCKLER se penchent sur des problèmes similaires mais dans les Maritimes, tout comme Henry KREISEL sur fond de guerre européenne et de déplacement culturel.

En 1959, la satire acerbe de Mordecai RICHLER, THE APPRENTICESHIP OF DUDDY KRAVITZ (trad. L'apprentissage de Duddy Kravitz, 1974) et le modernisme elliptique de Sheila WATSON avec THE DOUBLE HOOK (trad. Sous l'oeil de Coyote, 1976) amènent un nouveau type d'attitude et de technique littéraire, plus satirique. Au Québec, dans les années 60, la RÉVOLUTION TRANQUILLE inspire une littérature séparatiste séculaire et politiquement rebelle.

De nouveaux mouvements poétiques apparaissent également pendant la Deuxième Guerre mondiale. À Montréal, les poètes « cosmopolites » de Preview (Patrick ANDERSON, P.K. PAGE) se joignent brièvement aux poètes « prolétaires » de First Statement (Louis DUDEK, Irving LAYTON) pour publier dans le magazine de John SUTHERLAND, NORTERN REVIEW. Les revues déjà existantes (surtout CANADIAN FORUM) et de nouvelles parutions (FIDDLEHEAD à Fredericton, CIV/n et Delta à Montréal, TAMARACK REVIEW et Here and Now à Toronto, CONTEMPORARY VERSE d'Allen Crawley à Vancouver et, après 1960, Alphabet de James REANEY à London) donnent aux poètes de nouvelles occasions de publier. Parmi les collaborateurs les plus marquants, on retrouve Anne WILKINSON, Wilfred WATSON, Robert FINCH, A.G. BAILEY, Elizabeth BREWSTER, Fred COGSWELL, Miriam WADDINGTON et Roy DANIELLS. Initialement liés aux poètes socialement engagés, Dudek, Layton et Raymond SOUSTER contribuent à explorer les différentes facettes du genre poétique et de l'engagement sur le plan politique.

À cette époque, le théâtre est influencé par la montée de la radio, la progression des troupes de théâtre et le MOUVEMENT DU THÉÂTRE AMATEUR. Mavor MOORE et Fletcher Markle sont parmi les dramaturges les plus remarquables de la radio, tandis que Gwen Pharis RINGWOOD, James Reaney et Robertson Davies font avancer l'art dramatique sur scène. Les feuilletons radiophoniques (Jake and the Kid de W.O. Mitchell, les lectures de John DRAINIE, CBC Wednesday Night avec Robert WEAVER ) popularisent la nouvelle; des auteurs d'émissions de radio comme Mary Grannan, font connaître la LITTÉRATURE ENFANTINE au Canada (voir RADIO, THÉÂTRE DE LANGUE ANGLAISE À LA).

Cette période se termine avec l'émergence d'une nouvelle vague de nationalisme et d'énergie créatrice. On publie diverses anthologies et études critiques, la société profite de la prospérité d'après-guerre. Le rapport de la COMMISSION ROYALE D'ENQUÊTE SUR L'AVANCEMENT DES ARTS, LETTRES ET SCIENCES (Massey-Lévesque), qui aboutit à la création du CONSEIL DES ARTS DU CANADA en 1957, encourage efficacement l'aide à la culture canadienne.

1959-1985

Au cours des décennies suivantes, les périodes de prospérité, puis de récession économique ont un effet considérable sur la littérature canadienne. Les publications augmentent sensiblement au cours des années 60, favorisées en partie par le Conseil des Arts et par la création de programmes gouvernementaux visant à promouvoir les arts. Grâce aux lois limitant la mainmise étrangère sur la production et la distribution des oeuvres canadiennes, de PETITES MAISONS D'ÉDITION font leur apparition (dont HOUSE OF ANANSI et Oberon) qui défendent pendant plusieurs années l'idée d'un nationalisme culturel fort. De nouveaux PÉRIODIQUES LITTÉRAIRES voient le jour, comme CANADIAN LITERATURE, Prism, ECW, Journal of Canadian Studies, CANADIAN FICTION MAGAZINE et Canadian Children's Literature.

L'augmentation du nombre de textes disponibles et de livres de poche (MCCLELLAND & STEWART'S New Canadian Library), la création d'associations professionnelles (l'Association des auteurs canadiens et québécois, LEAGUE OF CANADIAN POETS, WRITER'S UNION OF CANADA), la tenue de festivals populaires et l'intérêt grandissant des universitaires pour la littérature du pays contribuent également à élargir le public des lettres canadiennes. Les auteurs influents du Québec et de l'Acadie sont traduits, ainsi que de nombreux écrivains qui écrivent dans des langues « non officielles », comme Josef SKVORECKY.

L'essor technologique a un effet sur la forme et le fond de la publication; la différence est grande entre le papier polycopié de revues comme Tish, en 1961 (dirigée par George BOWERING et Frank DAVEY) et le graphisme élaboré, l'impression par ordinateur de maisons d'édition telles que Coach House dans les années 80. L'expression poétique se diversifie; certains écrivent de la poésie « concrète » (bp NICHOL), d'autres font de la poésie « sonore » (Bill BISSETT) ou encore attendent de la « trouver » (J.R. COLOMBO). On écrit des chansons populaires (Leonard COHEN) ou on expérimente d'autres formes de littérature et de représentation visuelle (Joe ROSENBLATT). Les longs poèmes méditatifs connaissent un essor considérable (Michael ONDAATJE, Kroetsch, John NEWLOVE, Christopher DEWDNEY). La technologie devient dès lors un paradoxe pour les créateurs : comme thème littéraire, elle est souvent perçue comme une aliénation abrutissante dérivée de la mécanisation mais, comme aide à la production littéraire, elle offre une plus grande liberté.

Les auteurs latino-américains Jorge Luis Borges et Gabriel García Márquez ont particulièrement influencé Ondaatje et Kroetsch. Les théories du mythe de Northrop FRYE inspirent d'autres auteurs (Jay MACPHERSON, James Reaney, D.G. JONES); d'autres encore sont touchés par le CHRISTIANISME et les poètes des Montagnes noires (Margaret AVISON, M.T. Lane), par les différentes formes d'art traditionnel, y compris celle des bardes, par la prise de conscience des injustices sociales (Patrick LANE, Milton ACORN, Tom WAYMAN, Daryl Hine, David MCFADDEN, George Bowering, Ralph GUSTAFSON, Francis SPARSHOTT, George JOHNSTON, Richard Outram, Kristjana GUNNARS), par la phénoménologie (Daphne MARLATT, Fred WAH, Eli MANDEL), par des modèles culturels asiatiques et autochtones (Robert Bringhurst, David Day, Gary GEDDES), par la théorie féministe et linguistique (Claire Harris, Lola Lemire TOSTEVIN, Betsy Warland), par le rythme des dialectes (Al PURDY, Paulette JILES, Alden Nowlan, Marilyn BOWERING) et par la philosophie loyaliste conservatrice de George GRANT (Margaret Atwood, Dennis LEE). Les points de vue des historiens et des spécialistes des communications H.A. INNIS, Donald CREIGHTON, W.L. MORTON et Marshall MCLUHAN ont une influence plus générale, tout comme ceux des sociologues internationaux : O. Mannoni, Frantz Fanon, Ruth Benedict, Robert Ornstein et Jean Piaget.

Dennis Lee et Robert Heidbreder (poésie), Dennis Foon et John et Joa Lazarus (théâtre) et Mordecai Richler, Gordon Korman, Brian DOYLE, Jean LITTLE, Monica HUGHES, Kevin MAJOR et Christie HARRIS (roman) deviennent les auteurs de la littérature enfantine les plus importants. Margaret Atwood (poésie, roman et critique) domine cette période, autant par son habileté à manier les vers que par ses commentaires nationalistes et féministes. D'autres prosateurs importants abordent des sujets féministes, c'est le cas de Margaret LAURENCE, d'Audrey THOMAS, de Jane RULE, de Marian ENGEL et d'Alice MUNRO , chacune avec un style personnel très mordant.

Dans ces oeuvres ainsi que dans celles de Timothy Findley, de Dave GODFREY, d'Adele WISEMAN, Hugh HOOD, Richard WRIGHT, Juan Butler, George WOODCOCK, Joy Kogawa et David Adams RICHARDS, la justice demeure le souci majeur, tout comme l'origine et la nature de la violence. Des auteurs autochtones, comme George CLUTESI et Markoosie, utilisent l'anglais pour décrire le vécu traditionnel et l'espoir d'une continuité morale. D'autres auteurs, notamment Jack HODGINS et Rudy WIEBE, choisissent la littérature comme sujet, explorant l'imaginaire dans le récit et soutenant les valeurs morales de l'art.

Parmi les réussites romanesques importantes de cette époque figurent les enquêtes épiques de Wiebe dans le langage de différentes cultures (surtout mennonite et cris), les représentations de Findley de la perte de l'innocence au XXe siècle, la mythologie sociale de la femme occidentale de Laurence et la lecture jungienne que Robertson Davies fait de l'ambition et des aspirations de l'Ontario loyaliste. L'immigration d'auteurs d'expression anglaise en provenance des États-Unis (Leon ROOKE, Audrey Thomas, Jane Rule) et des pays du Commonwealth (Michael Ondaatje, John METCALF, Brian Moore, Robin SKELTON, Daphne MARLATT, Austin CLARKE, Bharati MUKHERJEE, Seán Virgo) ajoute une nouvelle dimension de sensibilité ethnique, de polyvalence stylistique et humoristique à l'écriture littéraire canadienne.

C'est à cette époque que, en partie influencée par le théâtre québécois politiquement engagé, apparaissent des dramaturges de talent, tels que Sharon POLLOCK, George Walker, Rick SALUTIN, David FENNARIO, Cam Hubert (Anne Cameron), George RYGA et Michael COOK.

1985-1997

Les dernières années du XXe siècle sont marquées par la montée du conservatisme social et économique, une augmentation importante de l'immigration en provenance de l'Asie orientale et de l'Asie du Sud (surtout dans les centres urbains et en Colombie-Britannique), une tendance à s'en tenir à des publications moins risquées (peut-être un effet de l'accord sur le LIBRE-ÉCHANGE avec les États-Unis), une plus grande dépendance à l'égard de la technologie informatique (magazines électroniques, courriel et communications par Internet) et un intérêt accru pour les questions écologiques et l'écologie critique.

Les restrictions financières provoquent, entre autres effets, la fermeture de plusieurs théâtres, festivals et maisons d'édition, dont Coach House Press, Deneau, Williams-Wallace et Lester and Orpen Dennys. La fusion de plusieurs sociétés entraîne une diminution de la publication de livres scolaires. Au cours des années 90, les pressions internationales toujours plus fortes poussent le gouvernement à abroger les lois protégeant la production et la distribution de culture canadienne. Les gouvernements fédéraux qui se succèdent ferment plusieurs consulats à l'étranger, ainsi que les programmes que ces bureaux soutenaient.

C'est dans ce contexte qu'un certain nombre d'écrivains protestent contre la tendance au désengagement de l'État : Margaret Atwood dans The Handmaid's Tale (trad. La servante écarlate, 1987), Timothy Findley dans Headhunter (1993; trad. Chasseurs de têtes, 1996) et des auteurs d'essais polémiques comme Rick Salutin et John Ralston SAUL. D'autres examinent les conséquences de la pauvreté, de la maladie et de l'effondrement social, certains dans les villes (Evelyn LAU et Richard WRIGHT), d'autres en milieu rural (Leslie Hall Pinder).

La littérature populaire continue de toucher les masses. Parmi les oeuvres à succès figurent les romans de Joy Fielding et les histoires sentimentales publiées chez HARLEQUIN, les romans illustrés de Nick Bantock (en particulier les séries Griffin et Sabine), les comédies désabusées de la génération X de Douglas COUPLAND, les romans à énigmes (les ouvrages de Gail BOWEN, de L.R. WRIGHT et de C.C. Benison) et, de plus en plus, les oeuvres de fantaisie et de science-fiction (de Sean Stewart, Guy Gavriel KAY, William GIBSON, et le magazine Tesseracts, par exemple). En marge de ces genres, on trouve les oeuvres d'imagination de Steve Weiner, de Douglas Cooper, d'Eric McCormack, de Brian Fawcett et de Susan Swan qui mettent l'accent sur l'expérimentation, la sociopolitique et la psychologie.

Les auteurs autochtones comptent parmi les nombreux représentants de minorités qui ont conquis un vaste public au cours de cette période. Le plus souvent, ils revendiquent vigoureusement des changements à ce qu'ils considèrent comme le statu quo. Dans ses récits, l'écrivain haisla Eden Robinson cherche à mesurer les conséquences de la violence chez les adolescents. Jeanette Armstrong (Okanagan) conteste le système d'éducation. Thomas KING (Cherokee) fait la satire des conventions littéraires et autres qui passent trop aisément pour la « vraie » histoire. Tomson Highway (Cri) fait son entrée comme dramaturge important en adaptant les légendes nanabushs à la réserve actuelle et à la salle de bingo. Parmi les poètes dignes de mention figurent Wayne Keon (Ojibwé), Rita Joe (Micmac), Daniel MOSES (Delaware), Marilyn Dumont (Métisse) et Alootook Ipellie (Inuit).

D'autres écrivains abordent les intérêts politiques, les engagements et les aspirations des sociétés d'immigrants et s'en prennent aux stéréotypes raciaux et culturels. On compte parmi ceux-ci plusieurs lauréats de prix nationaux ou internationaux, tels que Nino RICCI, Moyez G. VASSANJI, Michael Ondaatje et Rohinton Mistry (ce dernier surtout pour A Fine Balance, 1952). Denise Chong, Sky Lee et Hiromo Goto explorent le côté opprimant (matrilinéaire) de leurs traditions chinoise et japonaise respectives. Enfin, des écrivains comme Robert Majzels et Anne Michaels se penchent sur les tensions continues qu'ils subissent en tant que Juifs vivant dans un monde ayant survécu à l'holocauste.

Parmi les écrivains traitant de l'expérience gaie ou lesbienne, citons Daphne Marlatt, Dionne BRAND, Suniti Namjoshi, Bryden MacDonald, Brad FRASER et Ian Iqbal Rashid.

Bon nombre d'écrivains établis continuent tout au long de la décennie de produire des oeuvres talentueuses et imaginatives. C'est le cas de Jack Hodgins, Guy VANDERHAEGHE, Audrey Thomas, Phyllis WEBB, Timothy Findley, Robert Kroetsch, Rudy Wiebe, Al Purdy, Marvis GALLANT, Alice Munro et Margaret Atwood. Michael Ondaatje, quant à lui, a vu son public s'élargir considérablement à la sortie, en 1996, de la version cinématographique de son roman

The English Patient

(trad. Le patient anglais : l'homme flambé, 1997). Plusieurs écrivains (dont certains écrivent cependant depuis longtemps) commencent à retenir l'attention. Au nombre des poètes importants des années 90 figurent Robert Bringhurst, David Bromige, Dale ZIEROTH, Harold Rhenisch, Joan Crate, Ted BLODGETT, Don Mckay, Steve MCCAFFERY, Lola Lemire Tostevin et Claire Harris.

Parmi les romanciers, on trouve Rohinton Mistry, Carol SHIELDS, Nancy Huston, Aritha VAN HERK, Sharon Riis, Thomas King, Thomas Wharton, John Steffler, David Adams Richards et Gail Anderson-Dargatz. Chez les dramaturges, citons David FRENCH, Ann-Marie MacDonald, Judith THOMPSON, John MURRELL, Margaret HOLLINGSWORTH, Morris Panych, Bryden MacDonald, Tomson Highway et Brad Fraser.

À certains égards, les écrivains les plus en vue sont les nouvellistes. Alice Munro et Mavis Gallant, qui comptent, comme Alistair MACLEOD, un nombre considérable de lecteurs à l'étranger, continuent de dominer le genre. Parmi les auteurs talentueux qui se sont fait connaître au cours des dernières années figurent Linda Svendsen, Keath Fraser, Steven HEIGHTON et Caroline Adderson (Fraser, Heighton et Adderson publient chez Porcupine's Quill, qui s'est fait une place comme éditeur de poésie et de prose innovatrices et élégantes).

Plusieurs de ces écrivains (par exemple Joan Crate, Claire Harris, Ann-Marie Macdonald, Judith Thompson, Carol Shields, Nancy Huston, Aritha Van Herk et Sharon Riis) se préoccupent surtout de la vie des femmes d'aujourd'hui. D'autres auteurs, dont Rohinton Mistry, Thomas Wharton, John Steffler et l'auteure de livres pour enfants Julie Lawson (voir LITTÉRATURE ENFANTINE DE LANGUE ANGLAISE), se tournent vers les genres et les cadres historiques pour explorer le présent. Ils cherchent en particulier à isoler, dans la fiction, les origines de l'incertitude. Leurs recherches ont abouti à la conclusion que, malgré le conservatisme de la décennie, les « solutions » s'avèrent illusoires pour la plupart des gens. Autrement dit, la « condition naturelle » s'avère le plus souvent faite d'incertitude (plutôt que de vérités immuables), de multiplicité (plutôt que d'uniformité) et de changements.

Contextes critiques

Les critiques ont consigné l'histoire de la littérature canadienne en anglais, observé ses liens avec d'autres littératures, analysé son évolution et ses techniques et relevé ses structures, jugé sa valeur comme tradition culturelle et élaboré des théories sur sa fonction (en s'inspirant surtout de théoriciens français, américains et russes, qui se sont penchés sur la politique, le rapport entre hommes et femmes et le langage, tels que Edward Said, Frederic Jameson, Hélène Cixous, Mikhail Bakhtin et Michel Foucault). Au cours des années 70, alors que la littérature canadienne fait l'objet d'une attention grandissante à l'étranger, des associations d'études canadiennes voient le jour en Europe, aux États-Unis, au Japon, dans le Pacifique Sud et ailleurs. Vers la fin des années 80, plusieurs critiques canadiens délaissent l'étude des thèmes pour une approche axée sur les techniques et la théorie, d'autres rédigent des BIOGRAPHIES littéraires et s'efforcent d'établir des textes précis et savants sur l'oeuvre de grands écrivains, en abordant le livre comme un artefact technique et en faisant des expériences sur la communicabilité de textes électroniques. Pendant la deuxième moitié du XXe siècle, les traditions de la littérature canadienne sont manifestes, mais diversifiées.

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