Missionnaires au XVIIe sicle | l'Encyclopédie Canadienne

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Missionnaires au XVIIe sicle

Missionnaires au XVIIe siècle. La présence de prêtres, frères convers et religieuses catholiques romains parmi les premiers immigrants en Nouvelle-France fut un important facteur dans le développement de la colonie.

La présence de prêtres, frères convers et religieuses catholiques romains parmi les premiers immigrants en Nouvelle-France fut un important facteur dans le développement de la colonie. Leur principal objectif était de convertir les indigènes; cependant, les missionnaires s'occupaient également des besoins spirituels des colons. Les premiers missionnaires qui arrivèrent à Québec en 1615 appartenaient à l'ordre des Récollets. En 1625, ils reçurent le renfort des Jésuites qui, après une courte période de domination britannique (1629-32, durant laquelle la plupart des prêtres retournèrent en France), devinrent l'ordre prédominant. Leur travail fut soutenu à Québec par les religieuses ursulines, actives principalement comme professeurs et infirmières après 1640. À Montréal, les prêtres sulpiciens s'établirent en 1657.

La formation des prêtres français incluait les rudiments de la musique, et les missionnaires s'en servaient fréquemment dans leur oeuvre auprès des Amérindiens. Les paragraphes suivants représentent un échantillonnage de l'information donnée sur la musique dans les Relations des Jésuites (couvrant les années 1632-73 et constituant des documents de première importance sur les débuts de l'histoire de la musique au Canada, voir BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE) et dans d'autres ouvrages du temps. Les extraits sont regroupés sous trois titres :

1. Descriptions de la musique amérindienne

2. Usages de la musique dans le travail missionnaire

3. Musique religieuse dans les paroisses

1. Descriptions de la musique amérindienne. Même si Jacques Cartier s'était rendu compte de l'activité musicale des Amérindiens et que Marc Lescarbot avait noté les registres de quelques chansons des Souriquois (Micmacs) à Port-Royal (Nouvelle-Écosse), dans la première décennie du XVIIe siècle, ce fut un historien récollet, le père Gabriel Sagard-Théodat (fl. 1614-36) qui, le premier, consacra un chapitre entier à la musique et à la danse, « Des danses, chansons et autres cérémonies ridicules de nos Hurons », dans son Histoire du Canada (Paris 1636, réédition, Paris 1866). Pour la première fois, la musique amérindienne canadienne paraissait en notation. Comme le souligne cependant Amtmann (La Musique au Québec), la musique est basée sur les observations antérieures de Lescarbot et ne constitue pas de la musique huronne, mais la musique d'origine souriquoise et amérindienne brésilienne, dont l'arrangement est européen. Il revint au père Jacques Marquette ou à Louis Jolliet d'avoir noté au cours de leur voyage de 1673, et pour la première fois dans une forme raisonnablement précise, une chanson amérindienne - la première, en tout cas, à avoir survécu, dans Histoire de l'Amérique septentrionale de Bacqueville de la Potherie (Paris 1722).

Des impressions caractéristiques sur la musique amérindienne se trouvent dans le journal du père Paul Le Jeune (1591-1664) qui fut supérieur des missions canadiennes (1632-39). En 1632, il racontait que les Iroquois « se mirent tous à chanter, pour montrer qu'ils ne craignoie~nt point la mort, quoy que tres-cruelle; leur chant me semble fort desagreable, la cadence finissoit toujours par ces aspirations reïterées oh! oh! oh! ah! ah! ah! hem! hem! hem! etc. Apres qu'ils eurent bien chanté, on les fit dancer les uns apres les autres » (Relations des Jésuites, vol. V, p. 26; 1632-33).

En 1634, Le Jeune fournit une description de l'utilisation de la musique dans la guérison d'un malade : « Ils se servent de ces chants, de ce tambour, & de ces bruits, ou tintamarres en leurs maladies... j'ay veu tant faire de sottises, de niaiseries, de badineries, de bruits, de tintamarres à ce malheureux sorcier pour se pouvoir guerir, que je me lasserois d'escrire & ennuierois vostre reverence, si je luy voulois faire lire la dixiesme partie de ce qui m'a souvent lassé, quasi jusques au dernier poinct. Parfois cest homme entroit comme furie, chantant, criant hurlant, faisant bruire son tambour de toutes ses forces : cependant les autres hurloient comme luy & faisoient un tintamarre horrible avec leurs bastõs, frappans sur ce qui estoit devant eux : ils faisoient danser des jeunes enfans, puis des filles, puis des femmes; il baissoit la teste, souffloit sur son tambour : puis vers le feu, il siffle comme un serpent, il ramenoit son tambour soubs son menton, l'agitant & le tournoyant : il en frappoit la terre de toutes ses forces, puis le tournoyoit sur son estomach : il se fermoit la bouche avec une main renversée & de l'autre, vous eussiez dit qu'il vouloit mettre en pieces ce tambour, tant il en frappoit rudement la terre : il s'agitoit, il se tournoit de part & d'autre, faisoit quelques tours à l'entour du feu, sortoit hors la cabane, toujours hurlant & bruyant : il se mettoit en mille postures; & tout cela pour se guerir. Voila comme ils traictent les malades » (ibid., vol. VI, p. 186, 188).

Une troisième citation du père Le Jeune apparaît comme une généralisation : « Les Sauvages sont grands chanteurs, ils chantent comme la plupart des nations de la terre par recreation, & par devotion; c'est à dire en eux par superstition : Les airs qu'ils chantent par plaisir sont ordinairement graves & pesants, il me semble qu'ils ont par fois quelque chose de gay, notamment les filles : mais pour la pluspart, leurs chansons sont massives, pour ainsi dire, sombres & malplaisantes : ils ne sçavent que c'est d'assembler des accorts pour composer une douce harmonie. Ils proferent peu de paroles en chantant, variants les tons, & non la lettre... Ils disent que nous imitons les gazoüillis des oyseaux en nos airs, ce qu'ils n'improuvent pas, prenans plaisir quasi tous tant qu'ils sont à chanter, ou à ouïr chanter, & quoy que je leur die que je n'y entendois rien, ils m'invitoient souvent à entonner quelque air, ou quelque priere » (ibid., vol. VI, p. 182, 184; 1634).

2. Usages de la musique dans le travail missionnaire. Le plus ancien récit d'une utilisation fructueuse de la musique pour la conversion des Amérindiens est peut-être celui du prêtre séculier Jessé Fléché, antérieur à l'arrivée des Récollets et des Jésuites. À Port-Royal, où il était arrivé en 1610, Fléché enseigna aux Micmacs les rudiments de la liturgie. En moins d'un an, il fut capable de baptiser le chef Membertou et sa tribu. Au cours de la cérémonie qui s'ensuivit, les convertis se joignirent au chant du Te Deum (Relations des Jésuites, vol. II, p. 136).

Vers 1623, le père Gabriel Sagard-Théodat entreprit de remonter en canot la rivière des Outaouais pour visiter les Hurons. Son récit renferme le passage suivant : « Il se faut aussi estudier à la douceur & monstrer une face joyeuse & modestement constante, & chanter par fois des Hymnes, & Cantiques spirituels, tant pour sa propre consolation, le soulagement de ses peines, que pour le contentement & édification de ces Sauvages, qui prennent un singulier plaisir d'ouyr chanter les loüanges de nostre Dieu plustost que des chansons profanes, contre lesquelles je leur ay veu quelquesfois monstrer de la repugnance. O bon Jesus, qui condamne les mauvais Chrestiens chanteurs de chansons dissuluës & mondaines » (Histoire du Canada, édition de 1866, p. 173-174).

Le supérieur des missions en Nouvelle-France, le père Le Jeune, loue à plusieurs reprises les Amérindiens pour leur acceptation de la musique de l'Église : « Nous finissons par le Pater noster que j'ay composé, quasi en rimes en leur langue, que je leur fais chanter... C'est un plaisir de les entendre chanter dans les bois ce qu'ils ont appris : les femmes mesme le chantent, & me viennent par fois escouter par la fenestre de ma classe... » (Relations des Jésuites, vol. V, p. 188; 1933). « ... les Religieuses chantants l' Exaudiat, ravirent nos Sauvages & rejouïrent fort nos François, voyãt que deux Choeurs de Vierges chantoient les Grandeurs de Dieu en ce nouveau monde » (ibid., vol. XV, p. 228; 1639). « Nous avons de deux sortes de Chrestiens en ces contrées; les uns ont esté baptisez en extremité de maladie avec une instruction assez legere, mais suffisante pour recevoir ce Sacreme~t en cét estat, les autres ont esté baptisez en pleine santé après avoir esté bien instruits és principaux & plus necessaires articles de nostre creance : les uns & les autres montent jusques au nombre de quatre cent cinquante ou environ, comprenant les Hurons qui font bien la plus grãde partie... c'est une benediction bien sensible de les voir assister aux prieres & aux instructions qu'on leur fait; se trouver à la Messe les Festes, & les Dimanches, & quelques-uns les jours ouvriers; venir à Vespres quand on les chante en nostre Chappelle de Sillery, en la residence de Sainct Joseph, chanter le Pater, & le Credo, les Commandemens de Dieu, & quelques Hymnes composés en leur Langue... » (ibid., vol. XVI, p. 58, 60; 1639). « [Mme de La Peltrie] les visite souvent [les ] en d'autres saisons, accompagnée de quelques jeunes Amérindiennes du séminaire des Ursulines, qui ont appris à chanter de façon ravissante, tant dans leur propre langue qu'en français » (ibid., préface du vol. XVIII, p. 5; 1640; trad. EMC).

Le père jésuite François-Joseph Le Mercier (1604-1690) exprimait en ces termes sa satisfaction envers le chant des Hurons convertis : « La beauté de leur voix est rare par excellence, particulierement des filles. On leur a composé des Cantiques Hurons, sur l'air des Hymnes de l'Eglise, elles les chantent à ravir. C'est une sainte consolation, qui n'a rien de la barbare, que d'entendre les champs & les bois resonner si melodieusement des loüanges de Dieu, au milieu d'un pays, qu'il n'y a pas long-temps qu'on appeloit barbare » (ibid., vol. XLI, p. 140; 1653-54).

En 1670, le père Louis André (1631-1715) rapporta que dans un poste missionnaire sur l'île Manitoulin (lac Huron), il avait écrit quelques cantiques : « ... que je n'eus pas si-tost chanté dans la Chapelle, avec une fleute douce... qu'ils venoient tous en foule & grands & petits, de sorte que pour éviter la confusion, je ne laissois entrer dans la Chapelle que les filles, & les autres demeuroient dehors; & en cét estat nous chantions à deux choeurs, ceux de dehors répondant à celles qui estoient dedans... » (ibid., vol. LV, p. 146; 1670).

Deux ans plus tard, un rapport de la mission de Notre-Dame de Foye, près de Québec, confirme une fois de plus le succès de la musique comme outil du travail missionnaire : « L'exemple des Escoliers françois qui tous Les soirs en sortant de Classe vont Chanter au salut dans la Chapelle de nostre Dame de foy a operé ce bien que les petits sauvages pour Les imiter ont appris a chanter en Leur Langue de beaux Cantiques mais méme dans Leurs maisons dans Les rues dans Les Champs et par tout ou ils se trouvent de sorte que ces petites creatures Ignorants toutes les Chansons profanes de leurs Ancestres n'ont en bouche que les motets spirituels que le Pere leur enseigne, ce qui fait qu'en peu de temps ils apprennent avec plaisir les mysteres de notre foy et toutes Leurs Prieres qu'on Leur fait Chanter sur divers airs Changeant La Lettre et Les Tons selon qu'on fait dans l'Eglise au retours des festes annuelles » (ibid., vol. LVII, p. 60, 62; 1672 ou 1673).

En 1676, le père Jean Enjalran fit les remarques suivantes sur les Amérindiens du séminaire huron à l'ouest de Québec : « On est ravi d'entendre les divers choeurs que font les hommes et les femmes pour chanter pendant la messe et a vespres. Les religieuses de France ne chantent pas plus agreablement que quelques femmes sauvages qu'il y a et universellement tous les sauvages ont beaucoup d'aptitude et d'inclination a chanter les cantiques de l'Eglise qu'on a mis en leur langue » (ibid., vol. LX, p. 144; 1676).

Le père François Vachon de Belmont (1645-1732), un sulpicien de Montréal, traduisit les textes latins de la musique rituelle en iroquois. Il enseigna aux indigènes comment les chanter, accompagnant les chants sur son luth. (Voir DBC, vol. II, et La Musique au Québec).

3. Musique religieuse dans les paroisses. Les Relations des Jésuites et d'autres documents du XVIIe siècle contiennent de nombreuses références au chant des prêtres du Te Deum, du Salve Regina ou du Stabat Mater et à leur célébration de la Messe. Parmi ces hommes figure Jean Le Sueur (aussi connu sous le nom de l'abbé Saint-Sauveur, v. 1598-1668) qui était arrivé à Québec en 1634 et fut le premier prêtre séculier sur les rives du Saint-Laurent. Comme il avait « une belle voix de baryton et sachant parfaitement le plain-chant, il se prêtait volontiers au rehaussement des cérémonies de la ville; ce à quoi on l'invitait fréquemment » (J.B.A. Allaire, Dictionnaire biographique du clergé canadien-français, vol. VI, Montréal 1934). Pour citer un témoignage de l'époque : « M. de St.Sauveur entretint fort bien le chan; Aux reposoirs on tascha de faire chanter a deux Enfans quelques articles des litanies du nom de Jesus 5. ou 6. mais il fallut que M. le prieur les aydast... » (Relations des Jésuites, vol. XXVIII, p. 196; 1645 ou 1646). Le père Jean de Quen (1603-1659), fondateur des missions du Saguenay et professeur à Québec, Sillery et Tadoussac, fut un autre chanteur réputé.

Les premières personnes nées au Canada à recevoir l'ordination sacerdotale, Germain Morin et Charles-Amador Martin participèrent tous deux aux offices du culte comme musiciens. René Chartier (au Canada de 1643 à 1647) et Claude Dablon (1618 ou 1619-1697) sont deux autres prêtres dont l'activité vocale est rapportée dans les Relations des Jésuites. D'autres prêtres occupèrent le poste de grand chantre à Québec, supervisant les aspects liturgiques et musicaux du service divin.

Il est difficile d'identifier avec certitude ceux de ces prêtres qui composèrent de la musique puisque le mot « composé », tel qu'on le trouve dans les documents de l'époque, peut également s'appliquer au choix de la musique (c'est-à-dire, à la composition des programmes de musique devant être utilisés). Les prêtres qui peuvent être considérés dans ce contexte regroupent René Ménard (1605-1661), Charles-Amador Martin, Louis André (1631-1715) et Jean de Brébeuf (1593-1649) qui a été associé par tradition à l'origine du noël huron « Jesous Ahatonhia ».

Voir aussi Ethnomusicologie, Musique religieuse catholique romaine au Québec, Plain-chant, Saguenay-Lac-Saint-Jean 1, Théorie - Manuels.

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