Musique africaine au Canada | l'Encyclopédie Canadienne

Article

Musique africaine au Canada

Musique noire. Le recensement de 2006 fait état de plus de 250 000 personnes d'origine africaine vivant au Canada.
Le recensement de 2006 fait état de plus de 250 000 personnes d'origine africaine vivant au Canada. Si la présence des Noirs est attestée dès les débuts de l'histoire canadienne, et ce, par l'esclavage et les courants migratoires en provenance, entre autres, des États-Unis, il faudra attendre la création du Commonwealth en 1931 puis le développement des relations diplomatiques par le ministère des Affaires extérieures, et plus tard l'Agence canadienne de développement international, pour voir apparaître des liens économiques et politiques entre le Canada et plusieurs pays d'Afrique. Bien que le frère Basile publie à Montréal dès 1949 un ouvrage sur la musique africaine intitulé Au rythme des tambours, ce n'est qu'au moment de la création du réseau de la Francophonie en 1968 que la promotion des échanges culturels se concrétise par la formation de l'Agence de coopération culturelle et technique. Elle organise en août 1974, à Québec, la Superfrancofête, où les Canadiens et surtout les Québécois découvrent, dans cet immense espace francophone regroupant 25 pays, la puissance de la musique et de la culture africaines. Tambourineurs du Rwanda, griots du Sénégal (qui transmettent l'histoire orale et sont considérés comme la mémoire collective de l'Afrique), danseurs du Burundi, tous se mêlent aux rythmes des gigues et des refrains des chanteurs populaires.

Tendances musicales
La présence de la culture musicale africaine, riche et variée, provenant de tous les pays et de toutes les cultures du continent noir, occupe une tribune importante au Canada, surtout dans les grands centres urbains, notamment Montréal et Toronto. Les musiciens africains qui ont immigré au Canada y ont souvent choisi de promouvoir une tradition musicale africaine. C'est le cas de Yaya Diallo, installé au Québec depuis 1967, qui s'est donné comme mission de faire connaître et de diffuser la musique traditionnelle malienne par le biais du xylophone africain, le balafon ou bala, un instrument à percussion accordé de l'ouest de l'Afrique. Les prestations de Diallo au Québec et son enseignement à Montréal ont fait connaître les traditions musicales du Mali aux Canadiens. De son côté, le musicien sénégalais Boubakar Diabaté, par sa kora, sorte de harpe-luth africaine, fait connaître non seulement la musique traditionnelle de son pays, mais aussi l'univers fabuleux des griots. La musique, les instruments et les prestations transmettent une tradition musicale complexe.

Parallèlement à ces fervents de la tradition musicale ancestrale en terre canadienne, se trouvent les tenants de la musique du monde. Ainsi que le nom l'indique, cette nouvelle musique prône les contacts et les échanges entre les peuples, et l'on verra naître au Canada, à l'instar d'autres pays qui ont accueilli une immigration africaine, une musique noire afro-antillaise, afro-latine ou encore inter-africaine. Le courant « afro-beat » des années 1970 met de l'avant une démarche musicale panafricaine. Pensons notamment à Ricardo Pellegrin El Kady (avec son album Osmosis), ainsi qu'à Mahlathini et aux Mahotella Queens dont le style musical mbaqanga, signifiant soupe, relève de la fusion culturelle. Et la présence récente à Montréal de certains groupes africains qui participent à ce mouvement témoigne de sa vigueur. Dans cette foulée s'inscrivent d'autres groupes néocanadiens, notamment les Lofimbo Stars que dirige le guitariste zaïrois Koffi Agbéti, de même que la chanteuse sud-africaine Lorraine Klaasen que des critiques canadiens ont qualifiée de « voix africaine de l'exil ». Le festival annuel montréalais Rythme du monde joue à ce titre un rôle considérable, plus spécifiquement au niveau de la promotion de la musique du monde africaine.

Musiciens africains au Canada

Un bon nombre de musiciens néocanadiens d'origine africaine sont actifs au Canada. Mentionnons, du Sénégal, Boubakar Diabaté, professeur de kora, et Amadou N'Gom, le griot mandingue, ainsi que Ndiouga Sarr; ces derniers forment le groupe Diori Sîn qui enregistre Dadjé en 1985. De la Guinée-Bissau, Ricardo Pellegrin El Kady, installé au Québec depuis l974, et Lilison Miniamba qui enregistre à Lisbonne (1976) et à Moscou (1985); sa longue recherche artistique conduit ce dernier à la fusion entre les musiques traditionnelle et moderne. De l'Afrique du Sud, et chantant en plusieurs langues africaines, est arrivée Lorraine Klaasen, influencée par sa mère Thandi Klaasen, chanteuse très connue dans les années 1960. Du Cameroun, Jean-Yves Oloko et Mike Kounou; ce dernier est au Canada depuis 1979 et il enregistre en 1990 à Montréal The Suffering, sous étiquette Bikutsi. Du Zaïre, Daniel Sadi et Taki, qui forment le groupe Kilimanjaro. Du Mali, Yaya Diallo, joueur de tambour, également pédagogue et écrivain, un musicien très connu au Québec et aux États-Unis; il a enseigné la musique africaine à l'Université Carleton, a joué de la musique africaine traditionnelle au New England Conservatory et a présenté des conférences au Smithsonian Institute, au New York Metropolitan Museum of Art, au Musée canadien des civilisations et au Musée de la civilisation de Québec. Il publie Profil culturel africain (Montréal 1985) ainsi qu'une autobiographie intitulée Healing Drum en collaboration avec Mitchell Hall (Rochester, N.Y. 1989). Du Ghana, Pat Thomas, installé à Toronto au début de 1987, apprend les tambours auprès de son oncle Onyinah, célèbre musicien « highlife »; Thomas dirige au Ghana le groupe Sweet Beans Band de 1971 à 1977; il enregistre Pat Thomas '80 et Mbrepa sous étiquette torontoise Highlife World en 1986.

Native du Québec, la percussionniste Francine Martel parcourt durant quelques années le Sénégal, le Mali et la Côte d'Ivoire; elle fonde le groupe Takadja avec trois autres percussionnistes et deux danseurs et demeure l'une des rares interprètes féminines de percussions africaines. (Kathy Armstrong de la Baobab Tree Drum Dance Community d'Ottawa en est une autre.) Sylvain Panneton, ethnomusicologue et spécialiste du balafon mandingue, travaille pendant plusieurs années en Guinée-Bissau. Daniel Prénoveau, compositeur et percussionniste qui prend son inspiration dans la musique traditionnelle africaine, voyage à travers l'Afrique et particulièrement au Sénégal, en Guinée-Bissau, au Mali et au Burkina-Faso; il possède une collection d'instruments africains, en plus d'en fabriquer, et compose pour ces instruments. Michel Séguin, père et fils, ont quant à eux sillonné l'Afrique de l'Ouest, plus spécialement le Sénégal. Leur musique aujourd'hui s'inspire de ces rythmes. John Wyre, animateur du World Drum Festival à Expo 86 à Vancouver et le groupe de percussions Nexus consacrent une partie importante de leur répertoire à la musique africaine.

Événements et collections d'instruments

Des collections d'instruments de musique africains ont été données par des missionnaires et d'autres personnes à des établissements tels que le Musée royal de l'Ontario et le Musée des beaux-arts de Montréal. Suivant l'initiative de Monique Desroches, l'Université de Montréal établit également une collection d'instruments de musique en 1991, dont le quart est composé d'instruments africains.

Diffusion de la musique africaine

Pendant les années 1980, des villes canadiennes commencent à tenir des événements faisant la promotion de la musique africaine. La saison débute en mai avec Vues d'Afrique, qui se consacre aux relations interculturelles par le biais de l'image. Créé à Montréal en 1983, l'événement annuel présente des musiciens africains et créoles. Par ailleurs, Vues d'Afrique permet d'affirmer la présence africaine dans le domaine musical au Canada : dans le cadre des documents visuels présentés, signalons le film Yiri kanou la voix du bois (Burkina-Faso) qui traite de l'art du balafon, et les émissions télévisées « Unuvugangoma, l'arbre qui a la voix du Togo », de « Ballet Djoliba » de Guinée, et « Musique des esprits » du Zimbabwe, produites et réalisées par le Canadien Ron Hallis.

Plusieurs festivals de jazz au Canada, surtout ceux d'Ottawa et de Vancouver ainsi que le Festival international de jazz de Montréal (FIJM), contribuent largement à faire connaître les grands musiciens d'Afrique dont Youssou N'Dour, Touré Kunda, Salif Keita, Ray Lema, Manu Dibango, Fela Kuti et Mory Kanté.

Le Festival International Nuits d'Afrique de Montréal (1987) a lieu chaque année en juillet et, depuis ses premières manifestations au Club Balattou, il s'étend à plusieurs endroits de Montréal. Il met en avant la musique africaine et antillaise, à la fois traditionnelle et moderne, interprétée par des artistes africains et afro-canadiens représentant les cultures de l'Afrique du Sud, du Cameroun, du Congo, du Gabon, du Ghana, de la Guinée, de la Guinée-Bissau, du Mali, du Sénégal et du Zaïre.

Le festival international Rythmes du monde est créé en 1986 par Korkor Amartéifio. Des centaines d'artistes (musiciens, chanteurs, danseurs) s'y produisent annuellement dans divers lieux de Montréal; la musique du monde africaine éclate dans une atmosphère de carnaval. On y présente des musiciens aussi populaires que Thomas Mapfumo du Zimbabwe, Lucky Dube de l'Afrique du Sud, Sunugal et Baaba Maal, tous deux du Sénégal, et Nakupenda du Ghana. À cette brochette variée se joignent des formations mixtes de Montréal et de Toronto, notamment les groupes Lofimbo Stars et Takadja de Montréal, sans oublier la poétesse du « dub », la torontoise Lillian Allen. Mais durant toute l'année, des clubs de Montréal comme le Rising Sun, le Balattou, le Kilimanjaro, le Kili, le Coconut Bar et le Keur Samba présentent de la musique africaine. À Toronto, Afrofest se déroule annuellement depuis 1989. Fondée par Highlife World, Afrofest s'est d'abord tenue au BamBoo Club avant de se répandre à Queen's Park en 1990 puis à d'autres sites tels que El Mocambo et Harbourfront. Le festival y a présenté, entre autres, Aster Aweke, Sam Mangwana et Okyerema Asante.

Radio et télévision

Plusieurs radios communautaires diffusent aussi des émissions de musique africaine. Norman (Otis) Richmond et Emmanuel Mankumah du Development Education Centre ont produit une série d'émissions sur « la musique africaine comme moyen d'éducation en vue du développement ». Enfin, la SRC a déjà inclus dans sa programmation des éléments musicaux africains, notamment dans les émissions de radio « Des musiques en mémoire », « Ménage à quatre », « Multi-pistes », « African Guitar Summit » et « Concerts on Demand: Salsa Africa ». À la télévision, l'émission « Bon dimanche » du réseau TVA a accueilli des groupes comme Touré Kounda.

Recherche et échanges culturels

Un long chemin a été parcouru depuis cette Superfrancofête de 1974 où la musique africaine faisait ses premiers pas sur le territoire canadien. Les échanges culturels et l'intérêt que porte le Canada à certains projets africains ne peuvent que renforcer les liens entre les cultures. La musique africaine fait maintenant partie de la mosaïque multiculturelle des arts au Canada et, outre les concerts et prestations, la recherche en ethnomusicologie dans beaucoup d'universités canadiennes met en évidence la musique africaine. Plusieurs cours et programmes universitaires sont axés sur la culture et la musique de l'Afrique et du monde. Des programmes tels que Musique, danse, langue et culture de l'Afrique de l'Ouest à l'Université de l'Alberta et les cours de musique à l'Université de Waterloo comprennent un volet éducatif qui inclut un voyage en Afrique. Dans le programme d'Études africaines de l'Université Carleton, divers cours sont offerts sur l'histoire, les instruments et la théorie de la musique africaine. Par ailleurs, l'Université de l'Alberta, en collaboration avec Smithsonian Folkways Recordings, accueille folkwaysAlive!, un centre qui offre des occasions de collaboration entre universitaires, musiciens et artistes de partout au monde.

Voir aussi Musique et musiciens africains; Harbourfront; Reggae; Calypso; « Tears are not Enough ».

Bibliographie

Robert VILLEFRANCHE et Yves BERNARD, Monique DESROCHES dir., « Petite histoire des musiques afro-montréalaises », Canadian Folk Music Journal, vol. 17 (1989)

« Les Origines du highlife au Canada » (interview de Pat Thomas accordée à Thaddeus ULZEN), CompCan, 246 (déc. 1989)

Hélène de BILLY, « Black Montréal », L'Actualité (1er août 1990)

Marie-Thérèse Lefebvre, « À la rencontre de l'Afrique noire à Montréal », Partenaires (sept. 1990)

Journal canadien des études africaines/Canadian Journal of African Studies (divers numéros)

Lecture supplémentaire

Liens externes