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Muzak

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Muzak

Muzak. Nom d'une compagnie formée pour enregistrer et diffuser un produit musical spécialement préparé, portant le même nom que la compagnie, surtout dans des endroits publics où il vise à stimuler psychologiquement et de manière spécifique ses auditeurs, sans attirer indûment l'attention ou exiger une écoute trop consciente.

Au Canada et dans une vingtaine d'autres pays, ce type américain de musique d'ambiance, appelée aussi musique fonctionnelle ou d'environnement, se retrouve partout. Le nom de sa marque a connu un tel succès qu'il est devenu un terme générique, tout comme Xerox, Coke et Kleenex. Ses inventeurs et détenteurs de franchise rappellent que toute la musique d'ambiance n'est pas de la Muzak : il y a plusieurs compagnies concurrentes. Muzak Inc. fut créée à New York en 1934 et son produit fut encouragé par le mouvement « musique en travaillant » durant la Deuxième Guerre mondiale. La montée internationale de Muzak débuta dans la période qui suivit immédiatement la guerre. Ses premières franchises canadiennes furent accordées en 1946.

Ce qui distingue Muzak de certains de ses rivaux (stations de radio au son apaisant, entreprises de location de bandes) est la sélection des pièces musicales et leur arrangement, de même que son attitude au sujet de la programmation. Le choix est fait à partir d'un vaste répertoire de chansons populaires et d'airs de comédies musicales. Les pièces de musique ethnique, religieuse (y compris le gospel), country et hawaïenne sont exclues, de même que les chansons trop émotives ou engagées et celles dont l'attrait rythmique pourrait provoquer des réactions physiques, comme le battement des mains. La plupart des mélodies utilisées sont des chansons mais les arrangements réalisés pour Muzak ont longtemps été strictement instrumentaux. Cette politique commença à changer vers le milieu des années 1980, lorsque des chansons originales, dans des arrangements incluant la voix, mais toujours avec le même son tranquille, ont été insérées dans le choix musical afin de plaire au marché « contemporain adulte ». Cette option est surtout retenue pour des endroits comme les restaurants. En même temps, quelques pièces de musique régionale commencèrent à être utilisées pour répondre aux goûts locaux. Musisélect a créé, en 1984, un mélange de musique québécoise et internationale pour la région montréalaise. Auparavant, la compagnie Omnison, fondée par Stéphane Venne en 1978, avait produit de la musique d'atmosphère basée entièrement sur le répertoire québécois. Cette initiative eut pour sous-produit un album de six disques subventionné par le ministère des Communications du Québec et distribué par Kébec-Disc (6-KDM-967-972), qui contient des versions instrumentales douces de 108 airs composés par 58 chansonniers québécois. L'album a été distribué à l'étranger par RCI.

Les arrangements de Muzak adoptent un même tempo soutenu, une alternance régulière des solos et tutti, une mélodie ininterrompue favorisée par des enchaînements discrets entre les séquences, l'absence de sommets dramatiques ou de silences soudains et une nette délimitation du début et de la fin de chaque pièce (plutôt que les « fondus » expressifs ou impressionnistes des enregistrements commerciaux). Dans sa publicité, Muzak définit son produit comme « une musique dont on a retiré l'aspect divertissement », un son musical vaguement plaisant qui « n'exige pas d'écoute consciente ».

Muzak se considère par ailleurs comme « une technique d'administration contemporaine », non comme une forme d'art ou de divertissement. Sa programmation établit trois secteurs qu'elle dessert par contrat : les bureaux, les usines et les endroits publics (qu'on pourrait aussi désigner comme les secteurs col blanc, col bleu et « tout usage »). Le produit destiné aux bureaux et aux usines présente des chansons en séquences de 15 minutes (séparées par des pauses de 15 minutes), chaque séquence évoluant d'un rythme lent à un rythme rapide. L'intensité et le tempo des séquences elles-mêmes augmentent et diminuent aussi selon le cycle d'une journée de travail, correspondant aux hauts et aux bas de l'humeur des travailleurs ou d'autres facteurs environnementaux ou psychologiques prédéterminés par le « département de génie humain » aux bureaux de Muzak à New York. Pour ce qui est du produit même, des enquêtes ont démontré que l'utilisation de Muzak aide à lutter contre la fatigue et la monotonie, entraîne une baisse des taux d'erreurs et des changements de personnel et permet une augmentation de la productivité (en particulier, comme le dit un dépliant publicitaire, chez « ceux dont le niveau d'instruction est faible ») - et, par conséquent, des profits.

Le produit « tout usage » offre un répertoire similaire mais une continuité plus marquée, car en plus de son action sur l'humeur, il est conçu pour « masquer » les bruits ambiants (conversation, tintement de la vaisselle, chariots à provisions, caisses enregistreuses). Les endroits publics infiltrés par Muzak comprennent les restaurants, supermarchés, banques, salles de vente d'automobiles, ascenseurs d'ensemble résidentiels, corridors d'écoles et salons funéraires. Son produit est entendu dans de nombreux bureaux de médecins et de dentistes et il est également utilisé comme aide à l'anesthésie dans les salles d'opération de certains hôpitaux. Les appels téléphoniques en attente aux bureaux de Muzak sont aussi agrémentés de Muzak. Un service spécial de rubans mobiles dessert les avions et les trains.

Comme elle détient un permis pour acheminer son produit au Canada par radio sans fil et lignes téléphoniques, Muzak Inc. a été soumise aux règlements du CRTC en matière de teneur canadienne. Ainsi, depuis le début des années 1970, une certaine partie de ses enregistrements ont été réalisés dans des studios canadiens par des interprètes canadiens. Son répertoire est encore majoritairement d'origine américaine et tous ses arrangements le sont. Elle verse des droits d'exécution aux organismes canadiens chargés de gérer ces droits.

Le compositeur et écrivain canadien R. Murray Schafer a mis en doute la validité de la prétention de Muzak de « masquer » des sons moins attrayants comme ceux de la machinerie des usines ou le brouhaha des supermarchés. Il considère l'ubiquité croissante de cette musique qu'il appelle ironiquement « Moo-zak » comme une invasion de l'intimité et une négation de la liberté de choix. Il voit également en Muzak le germe d'une atrophie générale de la sensibilité esthétique par l'inévitable exposition à un semblant de musique qui pourrait rendre les sujets non prévenus de moins en moins réceptifs aux expériences d'écoute consciente, non seulement de la vraie musique et de celle qui divertit, mais aussi de l'environnement naturel.

Voir aussi Nouvel Âge.

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